CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 21 mars 2024, n° 20/18631
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Bioveba (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Ranoux-Julien, Mme Prigent
Avocats :
Me Tixier-Vignancour, Me Darreau
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 30 juin 2015, la société Bioveba, société spécialisée dans la fabrication et la distribution de produits d'entretien, a signé avec M. [E] un contrat d'agent commercial d'une durée d'un an renouvelable.
Par lettre datée du 5 janvier 2018, la société Bioveba a notifié à M. [E] la résiliation de son contrat en raison de manquements graves.
M. [E] a, par lettres de ses conseils en date des 29 janvier et 20 avril 2018, contesté ces manquements puis mis en demeure la société Bioveba de lui régler différentes indemnités, sa demande étant restée vaine.
Par acte d'huissier de justice du 18 juillet 2018, M. [E] a assigné la société Bioveba devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement des indemnités.
Par jugement du 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
- Débouté M. [E] de sa demande d'indemnité de rupture et de sa demande d'indemnité de préavis ;
- Condamné la société Bioveba à payer à M. [E] les sommes suivantes :
* 3 204,07 euros au titre des sommes retenues sur ses commissions en application de la clause "du croire",
* 3 000 euros au titre de dommages et intérêts au titre de la violation de la clause d'exclusivité.
- Débouté la société Bioveba de sa demande en paiement de la somme de 1 768,87 euros au titre de la clause "du croire" ;
- Condamné la société Bioveba à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Bioveba aux dépens ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l'exposé du litige.
Par déclaration du 18 décembre 2020, M. [E] a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité de rupture et de sa demande d'indemnité de préavis et a condamné la société Bioveba à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de la clause d'exclusivité.
Par ses dernières conclusions notifiées le 13 avril 2023, M. [E] demande, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, et des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, de :
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Bioveba à payer à M. [E] les sommes de :
* 3 024,70 euros au titre des retenues indues pratiquées sur ses droits à commission au prétexte de la clause de "du croire" insérée au contrat d'agent commercial,
* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le réformant pour le surplus :
- Condamner la société Bioveba à payer à M. [E] :
* 47 880,85 euros à titre d'indemnité pour la rupture de son contrat d'agent commercial ;
* 7 441,49 euros au titre du préavis légal ;
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la violation de l'exclusivité territoriale prévue au contrat ;
* 5 000 euros en réparation du préjudice causé à M. [E] par le comportement déloyal de la société Bioveba dans l'exécution de leurs relations commerciales.
Y ajoutant,
- Condamner la société Bioveba à payer à M. [E] la somme de
5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner en tous les dépens de l'instance.
Par ses dernières conclusions notifiées le 8 juin 2023, la société Bioveba demande, au visa des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, de :
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* débouté M. [E] de sa demande d'indemnité de rupture et de sa demande de préavis,
- A titre incident, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* débouté la société Bioveba de sa demande reconventionnelle au titre de la clause ducroire,
* condamné la société Bioveba à payer à M. [E] les sommes suivantes :
° 3 204,07 euros au titre des sommes retenues sur ses commissions en application de la clause "du croire",
° 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la violation d'une clause d'exclusivité,
° 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et, statuant de nouveau :
- Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Le condamner à verser à la société Bioveba la somme de 1 768,87 euros sur le fondement de la clause "du croire" du contrat du 30 juin 2015 ;
- Le condamner à verser à la société Bioveba la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Le condamner aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 novembre 2023.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'indemnité de rupture,
Sur le principe de l'indemnité,
L'article L. 134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties (alinéa 1) ; que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information (alinéa 2) ; que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat (alinéa 3).
L'article L. 134-12 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.
L'article L. 134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial"
Il est admis que la faute grave, privative d'indemnité de rupture, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel ; elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.
Le tribunal judiciaire a exposé dans le jugement les obligations contractuelles de M. [E] ainsi que les différents échanges ayant précédé la résiliation du contrat.
Après avoir demandé à M. [E] de transmettre ses objectifs le 3 juillet et le 21 août 2017, n'ayant reçu aucune réponse à une demande verbale similaire du mois de janvier 2017, la société Bioveba lui a adressé un courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 1er septembre 2017 puis en date du 19 octobre 2017.
M. [E] répondait à ce courrier par lettre de son conseil en date du 7 novembre 2017 en indiquant que ses objectifs étaient fixés contractuellement et avaient été atteints, évoquait un relâchement des liens et la résiliation du contrat.
Par lettre adressée le 8 décembre 2017 au conseil de M. [E], la société Bioveba reprochait à celui-ci de ne pas avoir donné suite en janvier 2017 à une demande de communication d'objectifs de chiffre d'affaires, à une demande verbale de réunion, à un courrier du 3 juillet 2017, un courrier électronique du 21 août 2017, de ne pas avoir participé à la réunion commerciale de rentrée du mois de septembre 2017, de ne pas avoir répondu à la lettre recommandée adressée le 1er septembre 2017, ni à celle du 12 septembre 2017, ni à celle du 19 octobre 2017.
Il lui était reproché d'avoir perdu plusieurs clients, de n'avoir apporté que huit nouveaux clients alors qu'il était exigé un minimum de 10 nouveaux clients par mois, de n'avoir pas rendu compte de son activité sur l'année, d'avoir laissé s'accumuler sur l'année 2017 un nombre beaucoup trop important d'impayés.
La société Bioveba, aux termes de ce courrier, mettait en demeure M. [E] de justifier sous quinzaine, sous peine de mettre fin à la relation contractuelle, de ses objectifs commerciaux et des diligences accomplies aux fins de développement de la clientèle, de justifier des diligences réalisées pour s'assurer de la solvabilité des clients, de lui transmettre toute information utile sur l'état du marché et son évolution.
Par courrier recommandé du 5 janvier 2018 avec demande d'avis de réception, la société Bioveba a envoyé à M [E] le courrier de résiliation du contrat suivant :
"Par courrier en date du 8 décembre 2017, notre conseil a adressé à votre avocat, Maître Lucie Lacassagne Pena, une mise en demeure de satisfaire à vos obligations d'agent commercial, incluant, sans que cela ne soit exhaustif, votre obligation de prospection, votre obligation d'exécution du mandat en bon professionnel et votre obligation de nous fournir toutes informations nécessaires à la bonne exécution du mandat, et ce sous un délai de 15 jours
- De même que pour nos précédentes demandes et notamment pour nos courriers recommandés avec avis de réception des 1er septembre, 12 septembre et 09 octobre 2017, ce nouveau courrier de rappel de vos obligations et de demande de justificatifs de vos diligences est resté sans réponse de votre part."
- De notre côté, nous continuons à subir des impayés non négligeables de la part des clients avec lesquels vous avez contractés. Nous continuons également à avoir des retours inquiétants de la clientèle qui vous a été confiée.
Nous sommes contraints de constater l'existence d'un grave manquement de votre part à vos obligations d'agent commercial et, en conséquence, de mettre un terme immédiat à nos relations contractuelles."
M. [E] a répondu par l'intermédiaire de son conseil par courrier du 29 janvier 2018. Cependant, la société Bioveba avait résilié le contrat par courrier du 5 janvier 2018.
Il ne peut être reproché à la société Bioveba d'avoir adressé le courrier du 8 décembre 2017 au conseil de M. [E] plutôt qu'à celui-ci directement alors même que le mandant répondait à un courrier de l'avocat de M. [E].
Il y a lieu de vérifier si les fautes énoncées par la société Bioveba était suffisamment graves pour justifier une résiliation du contrat sans le paiement d'une indemnité de résiliation.
Sur l'absence de prospection,
Le contrat stipule que :
- "3.5 Durant la période allant du 01/07/2015 au 31/12/2015 [W] [E] s'engage à respecter un objectif de chiffre d'affaires mensuel de 3.000 €.
Pour les années suivantes, [W] [E] s'engage à respecter un chiffre d'affaires HT suivants :
Année 2016 CA HT 48.000 €,
Année 2017 CA HT 60.000 €",
Le tribunal a jugé, à juste titre qu' "il convient de relever que le contrat d'agent commercial, dont les termes sont clairs et dépourvus d'ambiguïté, prévoit un objectif de chiffre d'affaires pour les années 2016 et 2017 sans aucune référence à la distinction invoquée par la société BIOVEBA entre objectif contractuel et objectif commercial. Aucune autre de ses dispositions n'y fait référence, pas plus qu'à un nombre de nouveaux clients à atteindre chaque mois et la société BIOVEBA ne produit aucune pièce susceptible d'établir que l'objectif de dix nouveaux clients par mois qui figurerait dans sa "bible" serait entré dans le champ contractuel. Elle ne peut par conséquent pas reprocher à Monsieur [E] de ne pas avoir atteint cet objectif."
M. [E] ayant atteint l'objectif fixé dans le contrat, il ne peut lui être reproché la perte d'un ou deux clients dont il n'est pas démontré qu'elle lui est imputable ni qu'elle soit en lien avec une absence de prospection ou de négligence, ni qu'elle a engendré un ralentissement du chiffre d'affaires qui doit être évalué annuellement.
M. [E] justifie par la communication d'un courriel de l'assistante commerciale de la société Bioveda du 31 août 2017 qu'à compter du mois de septembre 2017, celle-ci a délégué à ses agents commerciaux la charge du recouvrement des impayés ce qui constituait une charge supplémentaire. La société Bioveda indique que le montant des impayés par les clients était important.
M. [E], justifie que l'encours de ses clients est passé de 21.865,49 € le 21 août 2017 à 7.788,43 € le 30 octobre 2017, puis à 2.821,57 € le 15 décembre 2017 démontrant qu'il suivait les préconisations de son mandant.
Sur la demande de transmission des objectifs et la présence à la réunion du 1er septembre 2017
Aux termes de l'article 3 du contrat : Exercice du mandat
"3.1 [W] [E] dans le cadre du mandat qu'il accepte de la société Bioveba exerce son activité professionnelle commercial de manière indépendante.
Il prospecte la clientèle et organise ses tournées comme il l'entend.
(...)
3.4 [W] [E] s'engage à informer la société BIOVEBA dans le respect du caractère d'indépendance lié au contrat commercial, par l'envoi de comptes-rendus mensuels."
L'accent est mis dans le contrat sur l'indépendance dont dispose l'agent commercial dans l'exercice de son activité comme le prévoient les dispositions de l'article L. 134-1 du code de commerce.
Si M. [E] n'a pas répondu aux demandes de la société Bioveba quant à ses objectifs commerciaux et aux moyens mis en œuvre pour y parvenir, il ne lui est pas reproché l'absence d'envoi des comptes-rendus mensuels.
La société Bioveba a demandé oralement à M. [E] au mois de janvier 2017 ses objectifs de chiffre d'affaires.
M. [E] justifie cependant avoir assisté aux réunions commerciales des 23 janvier et 10 avril 2017.
La société Bioveba expose que M. [E] lui a adressé :
- en juillet 2017 : 23 mails dont 18 commandes clients,
- en août 2017 : 28 mails dont 13 commandes clients,
- en septembre 2017 : 42 mails dont 25 commandes clients,
- en octobre 2017 : 46 mails dont 30 commandes clients,
- en novembre 2017 : 60 mails dont 32 commandes clients,
- en décembre 2017 : 34 mails dont 25 commandes clients,
- jusqu'au 12 janvier 2018 : 18 mails dont 7 commandes clients.
Ces échanges de courriels démontrent que M. [E] est resté en relation avec sa mandante durant l'exécution du contrat et jusqu'à l'issue de celui-ci.
Les relations se sont dégradées entre M. [E] et la société Bioveba à compter du mois de septembre 2017, M. [E] n'ayant pas assisté à la réunion organisée le 11 septembre 2017 alors qu'il s'y était engagé. Par courriel du 21 août 2017, la société Bioveba demandait à M. [E] ses disponibilités entre le 1er et le 17 septembre pour organiser une réunion commerciale. Par courriel du 15 septembre 2017, M. [E] répondait : "je viens de me rendre compte que la réunion commerciale était lundi 11 et j'étais persuadée que c'était le 18. Je veux bien le compte-rendu de celle-ci si toutefois elle a eu lieu."
Il résulte de ces courriels que M. [E] était informé de la date de la réunion du 11 septembre 2017 et n'y a pas assisté.
La principale activité de l'agent commercial est de prospecter la clientèle, transmettre les commandes et rendre compte de son activité.
M. [E] a rempli ses objectifs contractuels, est resté en contact avec sa mandante quant à la transmission des commandes. La société Bioveba était en conséquence régulièrement informée des commandes passées et donc de l'activité de M. [E].
L'absence de M. [E] à la réunion du 11 septembre 2017 ainsi que son absence de réponse aux demandes de son mandant quant à ses objectifs commerciaux alors même qu'il avait respecté ceux prévus contractuellement ne constituent pas des fautes graves justifiant la résiliation du contrat sans versement de l'indemnité compensatrice. En effet, il n'est pas établi une absence de prospection ayant conduit au non-respect des objectifs contractuels mais une absence de communication dont il n'est pas démontré une incidence sur les résultats dans le cadre de l'exécution d'un contrat qui stipule à l'article 3 "exercice du mandat" :
"[W] [E] dans le cadre du mandat qu'il accepte de la société Bioveba exerce son activité professionnelle commercial de manière indépendante.
Il prospecte la clientèle et organise ses tournées comme il l'entend."
Cette difficulté de communication au second semestre 2017 correspond à un accroissement de la charge de travail pour M. [E] qui a fait le choix de remplir ses obligations commerciales plutôt que de répondre aux exigences supplémentaires de communication de la société Bioveba.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu que la société Bioveba était fondée à résilier le contrat d'agent commercial la liant à M. [E] et ce, sans préavis.
La société Bioveba, ayant résilié le contrat sans justifier de l'existence d'une faute grave, doit verser à M. [E] une indemnité de rupture.
Sur le quantum de l'indemnité,
L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause.
En l'espèce, compte tenu de la durée de 30 mois de la mission d'agent commercial, du travail de prospection accompli au cours du mandat ayant permis d'atteindre les objectifs fixés par le contrat, de l'existence d'une clause de non-concurrence limitée au 9ème arrondissement en cas de résiliation du contrat, l'indemnité de rupture sera fixée à un an de commissions calculées sur les deux derniers exercices.
M. [E] sollicite que l'indemnité soit évaluée sur la base du montant des commissions perçues suivantes :
- Commissions 2016 payées : 24.380,74 €,
- Commissions 2017 payées : 20.476,04 €,
- Commissions dues impayées : 3.024,07 €,
- Moyenne annuelle : 23.940,43 €,
La société Bioveba ne conteste pas le montant des commissions perçues par M. [E].
L'indemnité compensatrice sera fixée à la somme de 23 940,43 euros correspondant à un an de commissions.
Sur l'indemnité de préavis,
Aux termes de l'article L. 134 -11 du code de commerce chaque partie peut mettre fin au contrat moyennant un préavis. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.
Le contrat ayant duré 30 mois, M. [E] devait bénéficier d'un délai de préavis de trois mois. Il lui sera donc alloué une indemnité correspondant à trois mois de commissions.
Le fait que la fin du délai de préavis doive coïncider avec la fin d'un mois civil ne permet pas d'accorder à M. [E] un délai de préavis supérieur à 3 mois.
En conséquence l'indemnité de préavis sera fixée à la somme de 23.940,43 euros/12 X3 = 5985,10 euros,
Sur la demande de dommages intérêts pour violation de la clause d'exclusivité territoriale,
L'article 2.2 "Secteur d'activité" stipule que : "le territoire sur lequel [W] [E] devra exercer son activité, à l'exclusion de tout autre, est ainsi défini : [Localité 3] sans exclusivité.
Pour toute autre démarche commerciale extérieure à ce secteur, un accord écrit devra être produit pour tracer cet acte"
- L'article 2.4 "Exclusivité" énonce que : "[W] [E] bénéficiera de l'exclusivité de la représentation de la société Bioveba auprès de la clientèle, pour les produits et sur le territoire ci-dessous défini.
Sont exclus les clients suivants, qui en vertu de relations commerciales restent la propriété de la société Bioveba, si cela sont déjà clients. Un écrit sera produit pour tous les cas, évitant les problèmes litigieux.
[W] [E] percevra une rémunération, dans les conditions déterminées ci-après, sur toutes les affaires conclues par lui dans le secteur pour lequel il ne bénéficie pas de cette exclusivité".
Il résulte clairement de l'article 2.2 que M. [E] exerce son mandat dans le seul 9ème arrondissement sans exclusivité ce qui s'explique par le fait que certaines sociétés ont des établissements dans différents arrondissements de la capitale.
Il a été prévu un article spécifique pour l'exclusivité d'une clientèle déterminée pour des produits et un territoire définis ainsi que l'exclusion de certains clients réservés à la société Bioveba. Il était prévu la rédaction d'un écrit qui n'est pas produit. Ne sont pas davantage précisés dans le contrat "les produits et le territoire définis" par l'exclusivité.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'interpréter la clause 2.4 "exclusivité" par rapport à la clause 2.2 "secteur d'activité" ce qui nécessiterait de remplacer le terme "dessous" par le terme "dessus" et de modifier les termes du contrat.
La société Bioveba a produit le journal de l'intégralité de ses ventes dans le [Localité 3] qui laisse apparaître un chiffre d'affaires de 100 963, 36 euros pour la période du 11 juillet 2015 au 15 décembre 2017.
Il est également démontré que sur la même période M. [E] a perçu la somme de 49 717,94 euros au titre de commissions. La société Bioveba sans être contredite, indique que le taux des commissions sur ventes varie de 18 à 40 %.
En conséquence, outre que M. [E] ne justifie pas d'une exclusivité dans le [Localité 3], il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice subi dans la perception des commissions versées au regard du chiffre d'affaires réalisé par la société Bioveba dans cet arrondissement.
En conséquence le jugement sera infirmé et la demande de dommages et intérêts de 20 000 euros de M. [E] à ce titre sera rejetée.
Sur les demandes au titre de la clause de Ducroire,
La clause de Ducroire rend solidaire un intermédiaire des dettes de son client à l'occasion de la mission qu'il a à exécuter.
Il résulte de l'article 2.5 "Clause Du Croire" que "[W] [E] se porte garant vis-à-vis de la société BIOVEBA des engagements qu'il contracte en son nom quant à la solvabilité des clients avec lesquels il négocie ou conclue."
Compte tenu des conséquences engendrées par cette clause dans le contrat, elle doit être exprimée clairement et sans ambiguïté. En l'espèce est demandé à M. [E] de se porter garant de la solvabilité des clients avec lesquels il négocie.
A juste titre, M. [E] fait observer qu'il contracte des engagements au nom de la société Bioveba et non en son nom personnel. La solvabilité d'un client signifie sa capacité à s'acquitter des dettes dont il est redevable.
En l'espèce, la société Bioveba demande à l'agent commercial de régler les factures demeurées impayées par les clients sans rapporter la preuve de leur insolvabilité, le non-paiement d'une facture étant insuffisant pour qualifier un client d'insolvable.
En l'absence de précision sur ce point dans le contrat, la demande de la société Bioveba sera rejetée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Bioveba de sa demande en paiement de la somme de 1 768,87 euros au titre de la clause "du croire". M. [E] ne réclamant à ce titre que la somme de 3 024,70 euros, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Bioveba à payer à M. [E] la somme de 3 240,07 euros au titre des sommes retenues sur ses commissions en application de la clause "du croire". La société Bioveba sera condamnée à payer à M. [E] la somme de 3 024,70 euros.
Sur la demande de dommages-intérêts de M. [E] pour absence de loyauté du mandant,
Il résulte des éléments du dossier que la société Bioveba a réclamé à M. [E] ses objectifs commerciaux et ses disponibilités pour une réunion en septembre 2017. Le silence de M. [E] aux demandes de son mandant a entraîné la résiliation du contrat.
M. [E] ne justifie cependant pas du comportement déloyal de la société Bioveba au cours de l'exécution du mandat, l'unique attestation de Mme [N] étant insuffisante à le démontrer.
M. [E] ne peut davantage reprocher à son mandant une déduction frauduleuse de ses commissions, au titre d'impayés en vertu de la clause de "du croire", alors même que le versement d'une partie de celles-ci nécessitait une interprétation juridique du contrat.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts M. [E] à ce titre. Cette disposition sera ajoutée au dispositif du présent arrêt.
Sur les demandes accessoires,
Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
La société Bioveda qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et devra verser à M. [E] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en ce qu'il débouté M.[W] [E] de sa demande d'indemnité de rupture et de sa demande d'indemnité de préavis, condamné la société Bioveba à payer à M. [E] la somme de 3 204,07 euros au titre des sommes retenues sur ses commissions en application de la clause "du croire" ;
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Bioveba de sa demande en paiement de la somme de 1 768,87 euros au titre de la clause "du croire", sur les frais irrépétibles et les dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Bioveba à payer à M.[W] [E] :
- 23 940,43 euros au titre de l'indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial,
- 5985,10 euros au titre du préavis légal,
- la somme de 3 024,70 euros au titre des sommes retenues sur ses commissions en application de la clause "du croire" ;
Rejette la demande de M. [E] de dommages et intérêts de 20 000 euros au titre de la violation de l'exclusivité territoriale prévue au contrat et celle de 5 000 euros au titre du comportement déloyal de la société Bioveba dans l'exécution de leurs relations commerciales ;
Condamne la société Bioveba à payer à M. [E] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Bioveba aux dépens de l'appel.