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Décisions

Cass. com., 27 mars 2024, n° 22-21.016

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Boutié

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi

Paris, du 16 juin 2022, n° 21/12233

16 juin 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Paris, 16 juin 2022, RG n° 21/12233), un jugement du 16 juin 2020 publié le 2 juillet 2020, a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société FR Bedding, les sociétés [F] Charpentier et 2M & associés étant désignées en qualité d'administrateur judiciaire.

2. Après avoir remis la liste établie en application de l'article L. 622-6 du code de commerce sans mentionner la créance de la société But international, le 29 juillet 2020, la société FR Bedding a transmis aux organes de la procédure, une liste complémentaire comportant l'indication d'une créance de cette société.

3. Soutenant que le montant qui y était mentionné était inférieur à sa créance réelle, la société But international a présenté au juge-commissaire de la procédure collective de la société FR Bedding une requête en relevé de forclusion en vue de déclarer la créance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société FR Bedding, les sociétés [F] Charpentier et 2M & associés, en leur qualité de commissaire à l'exécution du plan, font grief à l'arrêt infirmatif de relever la société But international de la forclusion encourue et d'autoriser cette dernière à procéder à une déclaration de sa créance entre les mains des mandataires judiciaires dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt conformément à l'article L. 622-24 alinéa 1 du code de commerce et de rejeter leurs demandes, alors « que le relevé de forclusion suppose l'absence de toute déclaration dans le délai légalement requis des deux mois suivant la publication du jugement d'ouverture au Bodacc ; que la cour d'appel a constaté que la société débitrice avait adressé aux mandataires judiciaires, le 29 juillet 2020, une liste mentionnant la créance de la société But international pour un montant de 742 846,47 euros à titre chirographaire et que le créancier avait déposé une requête en forclusion au motif que cette créance déclarée par le débiteur pour le compte du créancier aurait été inférieure à la créance réelle et qu'elle n'avait été que partiellement admise ; qu'il résultait de ces constatations qu'une déclaration de créance avait bien été effectuée dans le délai légalement requis ; qu'en relevant cependant de forclusion la société But international, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce, ensemble les articles R. 622-5 et R. 622-24 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-6, alinéa 2, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013, L. 622-24, L. 622-26, alinéa 1, R. 622-5 et R. 622-24, alinéa 1, du code de commerce :

5. Aux termes de l'alinéa 3 du deuxième de ces textes, lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa du même texte.

6. Selon les troisième et dernier textes susvisés, à défaut de déclaration de créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au premier texte visé.

7. Il en résulte que lorsque le débiteur n'a pas mentionné une créance sur la liste qu'il a remise au mandataire judiciaire dans le délai prévu à l'article R. 622-5, mais l'a portée à sa connaissance ultérieurement dans le délai de déclaration de créance, le débiteur est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé sa déclaration de créance.

8. Dans cette hypothèse, le créancier, s'il estime que la créance portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur l'a été pour un montant inférieur à la créance qu'il soutient détenir, peut demander à être relevé de la forclusion pour déclarer le montant supplémentaire qu'il prétend lui être dû, à la condition d'établir que sa défaillance n'est pas due à son fait.

9. Pour relever la société But international de la forclusion, l'arrêt, après avoir constaté que la société débitrice ne l'a pas mentionnée sur la liste transmise aux organes de la procédure dans le délai de 8 jours, mais qu'elle figurait dans une liste complémentaire transmise le 29 juillet 2020 à l'administrateur et au mandataire judiciaire, retient que cette seconde liste a été transmise plus de deux mois après le jugement d'ouverture et que l'omission de la créance de la liste initiale ouvre droit à un relevé de forclusion automatique.

10. En statuant ainsi, après avoir constaté que le jugement d'ouverture avait été prononcé le 16 juin 2020, ledit jugement ayant été publié au Bodacc le 2 juillet suivant, tandis que la seconde liste avait été transmise aux organes de la procédure le 29 juillet suivant quand le délai de déclaration n'était pas expiré, la cour d'appel, qui ne pouvait déduire, dans ces circonstances, que le seul fait de ne pas avoir fait figurer la créance de la société But international sur la liste initiale suffisait à emporter le relevé « automatique » de la forclusion du créancier, alors qu'il lui appartenait de déterminer si le créancier souhaitant déclarer sa créance pour un montant complémentaire rapportait la preuve que la forclusion n'était pas due à son fait, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.