CA Nancy, 5e ch., 20 mars 2024, n° 23/00323
NANCY
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beaudier
Conseillers :
M. Firon, Mme Hiribarren
Avocats :
Me Bernard, Me Crouvizier
FAITS ET PROCEDURE
Le 1er juillet 2020, la société L'Institut K a acquis auprès de M. [V] [C] un appareil d'épilation intense d'une valeur de 14 310 euros, garanti trois ans, pour l'utilisation duquel une formation a été dispensée par le vendeur en septembre 2020 à Mme [T] [W], sa gérante, ainsi qu'à Mme [Y] [X], salariée.
Après quelques semaines d'utilisation, la société L'Institut K s'est plainte auprès de M. [V] [C] de l'absence de résultats escomptés de l'appareil.
Le 2 septembre 2021, suite à un problème de surchauffe constaté par la société L'Institut K, l'appareil a été enlevé par M. [V] [C] pour être transporté à l' atelier en vue de sa réparation. Ce dernier a fourni à sa cliente un appareil de prêt, lequel a selon cette dernière également été affecté par des dysfonctionnements majeurs.
Par acte d'huissier en date du 2mars 2022, la société L'Institut K a fait assigner M. [V] [C] devant le tribunal de commerce de Nancy afin notamment que la résolution de la vente soit ordonnée.
Suivant jugement rendu contradictoirement en date du 16 janvier 2023, le tribunal de commerce de Nancy a :
- déclaré la société L'lnstitut K mal fondée en l'ensemble de ses demandes,
- l'en a débouté,
- déclaré M [V] [C] exerçant sous le nom commercial 'For infinity' mal fondé en sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- l'en a débouté,
- condamné la société L'Institut K aux dépens du présent jugement,
- condamné la société L'Institut K à payer à M [V] [C], exerçant sous le nom commercial 'For infinity' la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 10 février 2023, la société L'Institut K a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce le 16 janvier 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 10 octobre 2023, la société L'Institut K demande à la cour de :
A titre principal :
- infirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Nancy du 16 janvier 2023,
en conséquence,
- prononcer la résolution de la vente de l'appareil d'épilation intense type : 'E Pulse d'Epilation Durable Intense-Photo réjuvénation Technologie IPL/SHR IN MOTION' sur le fondement de l'article 1245 du code civil,
- condamner en conséquence M. [V] [C], agissant sous l'enseigne 'For infinit'y à régler à la société Institut K la somme de 14 310 euros,
- dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir,
- dire n'y avoir lieu à restitution du matériel objet de la vente résolue dans la mesure où ce matériel est déjà en possession de M. [V] [C],
- condamner en outre M. [V] [C], agissant sous l'enseigne 'For infinity' à verser à la société L'Institut K la somme de 5 000 euros, à titre de dommages intérêts pour résistance abusive, outre 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. [V] [C] de toutes ses demandes,
- condamner en outre Monsieur [V] [C] agissant sous l'enseigne For infinity aux entiers dépens.
Subsidiairement au les dispositions des articles 1604 et suivants du code civil :
-prononcer la résolution de la vente de l'appareil d'épilation intense type : 'E Pulse d'Epilation Durable Intense-Photo réjuvénation Technologie IPL/SHR IN MOTION' conclue entre M. [V] [C] agissant sous l'enseigne 'For infinity' et la société L'Institut K,
- condamner M. [V] [C] à verser à la société Institut K, agissant sous l'enseigne 'For infinity' la somme de 14 310 euros,
- dire n'y avoir lieu à restitution du matériel objet de la vente résolue dans la mesure où ce matériel est déjà en possession de M. [V] [C],
- condamner en outre M. [V] [C], agissant sous l'enseigne 'For infinity' à verser à la société L'Institut K la somme de 5 000 euros, à titre de dommages intérêts pour résistance abusive, outre 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner en outre M. [V] [C] agissant sous l'enseigne 'For infinity' aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 10 juillet 2023, M. [V] [C] demande à la cour de :
- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et infondées,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déboute la société L'institut K de l'intégralité de ses demandes,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [V] [C] de sa demande de dommages et intérêts.
En conséquence et statuant à nouveau,
- condamner la société L'institut K au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts à [V] [C],
- condamner la société L'institut K au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'institut K aux entiers dépens dont appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessous conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 décembre 2023 ;
Motivation
MOTIFS :
- Sur la demande de résolution du contrat :
Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte, soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Au soutien de sa demande de résolution de la vente conclue le 1er juillet 2020 , la société L'institut K invoque la responsabilité de la société For infinity, en sa qualité supposée de producteur de l'appareil d'épilation vendu, lequel présenterait selon elle des dysfonctionnements apparus seulement quelques semaines après son utilisation sur sa clientèle. Elle verse aux débats les témoignages de neuf de ses clientes attestant que les résultats escomptés ( à savoir une épilation définitive) ne sont pas au rendez-vous et que l'une d'entre elle a été brûlée suite à un phénomène de surchauffe de l'appareil.
Les dispositions des articles 1245 et suivants du code civile instituent cependant un régime particulier de responsabilité du producteur en raison des dommages-intérêts causés aux personnes par un défaut du produit. L'article 1245-1 limite expressément la responsabilité du producteur à la réparation du seul dommage résultant d'une atteinte à la personne ou du dommage supérieur à un montant déterminé par décret qui résulterait d'un atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
Aux termes de ses conclusions d'appel, force est de constater en l'espèce que la société L'Institut K ne forme aucune demande d'indemnisation à l'encontre de la société For infinity sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus. Elle recherche en effet la résolution de la vente conclue avec ce dernier pour manquement à son obligation de délivrance.
Au surplus, l'indemnisation des dommages corporels allégués par la cliente de la société L'Institut K ne sont pas établies, aucun certificat médical venant en effet confirmé l'existence de ces derniers. L'appelante ne sollicite pas enfin l'indemnisation d'un dommage matériel d'un montant supérieur à celui déterminé par décret qui résulterait d'un atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même, au sens des dispositions précitées.
La société L'Institut K sollicite par ailleurs la résolution de la vente litigieuse, au motif que la société For infinity aurait gravement manqué à son obligation de délivrance, faisant valoir que appareil d'épilation qu'elle a acquis est impropre à son usage. Elle soutient à l'instar des salons d'esthétique 'Grain de Beauté' à [Localité 4] et 'Body Cryo' à [Localité 3] que celui-ci surchauffe, lorsqu'il est en fonctionnement, ce qui constitue selon elle un risque de brûlures pour ses utilisateurs. La société L'Institut K verse également aux débats plusieurs témoignages de ses clientes faisant par de leur insatisfaction quant aux résultats escomptés, l'équipement ne permettant pas une épilation définitive après plusieurs séances.
La société L'Institut K ne produit toutefois aucune expertise ou constat technique, confirmant que la réalité des dysfonctionnement allégués de l'appareil d'épilation, s'agissant notamment du phénomène de surchauffe constaté, lequel a pour origine selon la société For infinity un défaut d'entretien, celui-ci devant impérativement être vidangé tous les deux mois, comme le préconise son manuel d'utilisation. L'appelante à qui incombe la charge de la preuve ne démontre pas que l'appareil litigieux présenterait un défaut de conception, ainsi qu'un risque pour la sécurité des usagers. Les SMS échangés entre l'appelante et deux autres salons d'esthétique n'établissent pas en effet la preuve d'une défaillance technique de ce dernier.
De même, les attestations de quelques clientes insatisfaites de la société L'Institut K sont insusceptibles d'établir à elles seules, en l'absence notamment de constatations précises sur ses caractéristiques techniques, que l'appareil d'épilation vendu par la société For infinity serait impropre à l'usage auquel il est destiné. Les clientes concernées se bornent en effet de souligner dans les attestations produites l'absence d'efficacité de l'épilation par laser (dit 'lumière pulsée intense') sans pour autant incriminer les capacités de l'appareil utilisé durant les séances.
Enfin, conformément à la facture établie le 1er juillet 2020, il est constant que l'appareil d'épilation acquis par la société L'Institut K est garanti trois ans pièces et main-d'oeuvre. L'appelante ne démontre pas que la société For infinity aurait manqué à son obligation de garantie. Il est justifié en effet que le vendeur s'est déplacé en vue d'entreprendre les réparations éventuellement nécessaires au salon d'esthétique, à la demande de la société L'Institut K. Le 2 septembre 2021, celui-ci a dans le cadre de son obligation récupéré chez sa cliente l'appareil vendu et mis à sa disposition un appareil de remplacement.
Il n'est justifié dans ces conditions aucun manquement de la société For infinity à son obligation de garantie, étant observé que celui-ci conteste les désordres allégués par la société L'Institut K s'agissant notamment du problème de surchauffe qu'il impute à un défaut d'entretien de l'appareil vendu.
Au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la société L'Institut K de sa demande de résolution de la vente en date du 1er juillet 2020, après avoir relevé que celle-ci ne démontrait aucun manquement grave de la société For infinity à ses obligations de délivrance et de garantie.
- Sur la demande de dommages-intérêts formée par M. [V] [C] :
Sur la base de la seule attestation de Mme [B] [N], esthéticienne, la société For Infinity ne rapporte pas la preuve que la société L'Institut K aurait orchestré une 'politique de dénigrement' à son égard.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté M. [V] [C] de sa demande de dommages-intérêts formée en réparation d'un préjudice moral.
- Sur la demande de dommages-intérêts formée la société L'Institut K :
La société L'Institut K succombant dans son appel , sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée de M. [V] [C] ne peut prospérer.
- Sur les mesures accessoires :
La société L'Institut K succombant dans son appel est condamné aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel. Elle est déboutée de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés devant le tribunal et la cour.
Il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la société L'Institut K à payer à M. [V] [C] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société L'Institut K est condamnée à payer à M. [V] [C] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute la société L'Institut K de sa demande formée au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société L'Institut K à payer à M. [V] [C] la somme de 1 500 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société L'Institut K aux entiers frais et dépens d'appel.