Cass. 2e civ., 16 décembre 2021, n° 20-13.748
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
M. Pradel
Avocats :
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 septembre 2019), le 14 mars 2014, un juge des référés a ordonné à la société Belle époque et à M. [Y] de mettre à disposition de Mme [O] tous documents établis par la société ou reçus par elle, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la première présentation de Mme [S] au siège de la société. Par jugement du 13 avril 2015, un juge de l'exécution a liquidé l'astreinte à une certaine somme et une cour d'appel, par décision du 18 novembre 2016, a infirmé le jugement, mais seulement en ce qui concerne le montant qui avait été retenu au titre de l'astreinte.
2. Mme [O] a saisi le juge de l'exécution d'une nouvelle demande de liquidation de l'astreinte pour la période du 13 avril 2015 au 4 septembre 2017.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. M. [Y] fait grief à l'arrêt de liquider l'astreinte ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice du 13 avril 2015 (en réalité du 14 mars 2014) à la somme de 50 000 euros pour la période du 14 avril 2015 au 4 septembre 2017 et de condamner in solidum la société Belle époque et M. [Y] à verser à Mme [O] la somme de 50 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte, après avoir déclaré Mme [O] recevable à solliciter la liquidation de l'astreinte sur la période du 13 avril 2015 au 4 septembre 2017, alors :
« 1°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce, le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 18 novembre 2016, après avoir infirme le jugement de ce chef, énonçait « liquide l'astreinte fixée par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Nice en date du 14 mars 2013 à la somme de 50 000 euros » et condamnait la SCI Belle époque et M. [Y] à payer cette somme à Mme [O] ; qu'en considérant, pour déclarer Mme [O] recevable a solliciter la liquidation de l'astreinte sur la période du 13 avril 2015 au 4 septembre 2017, que les juges d'appel avaient liquide l'astreinte pour la seule période du 27 juin 2014 au 4 avril 2015, la cour d'appel a modifié le dispositif clair et précis de l'arrêt du 18 novembre 2016 qui ne limitait nullement la période de liquidation de l'astreinte et ainsi méconnu l'autorité de la chose jugée attachée a l'arrêt du 18 novembre 2016, en violation des articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
2°/ que le dispositif d'une décision de justice doit être interprété a la lumière de ses seuls motifs ; qu'en l'espèce, le dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence du 18 novembre 2016, après avoir infirmé le jugement de ce chef, avait « liquidé l'astreinte fixée par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Nice en date du 14 mars 2013 a la somme de 50 000 euros » et condamné la SCI Belle époque et M. [Y] à payer à Mme [O] le montant de l'astreinte liquidée ; qu'en considérant que les juges d'appel avaient liquidé l'astreinte pour la seule période du 27 juin 2014 au 4 avril 2015 aux motifs que le juge de l'exécution avait liquidé l'astreinte sur cette période et que Mme [O] n'avait pas réactualisé la période de l'astreinte devant la cour d'appel, sans préciser les motifs de l'arrêt sur lesquels elle fondait cette interprétation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regarde des articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. C'est par une interprétation nécessaire du dispositif de l'arrêt du 18 novembre 2016 à la lumière de ses motifs, dès lors que ce dispositif ne précisait pas la période au titre de laquelle l'astreinte était liquidée, et sans méconnaître l'autorité de la chose jugée par cet arrêt, que la cour d'appel a décidé que Mme [O] était recevable à solliciter la liquidation de l'astreinte sur la période du 13 avril 2015 au 4 septembre 2017.
5. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
6. M. [Y] fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ; qu'en l'espèce, l'exercice comptable de la SCI Belle époque se clôturait au 31 décembre ; qu'en retenant, pour liquider l'astreinte pour la période du 14 avril 2015 au 4 septembre 2017, que la SCI Belle époque et M. [Y] ne démontraient pas que les documents mis a disposition de Mme [O] comportaient les documents comptables pour l'année 2017 sans rechercher si cette circonstance ne résultait pas du fait que le 4 septembre 2017, l'exercice comptable de l'année 2017 n'ayant pas été clôturé, les documents comptables de l'année 2017 n'étaient pas encore disponibles de sorte que la SCI Belle époque et M. [Y] ne pouvaient les avoir transmis pour cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base legale au regard de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution :
7. Selon ce texte, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
8. L'arrêt relève que la société Belle époque et M. [Y] ne justifient pas que les documents mis à disposition de Mme [O] comportaient les documents comptables de 2016 et 2017. Il en déduit que la société Belle époque et M. [Y] ont partiellement satisfait à leur obligation sans rapporter la preuve d'une difficulté les empêchant de mettre à disposition de Mme [O] les documents visés par le juge des référés.
9. En statuant ainsi, alors que les documents comptables dont la communication était ordonnée concernaient l'année 2017 et qu'à la date du 4 septembre 2017, correspondant à la fin de la période de liquidation de l'astreinte, l'exercice comptable de l'année 2017 n'était pas clôturé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations mettant en évidence l'existence d'une impossibilité partielle d'exécution a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.