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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 14 mars 2024, n° 23/10204

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ALMAREDIS (S.A.S.)

Défendeur :

GBG (S.A.S.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseiller :

Mme Soudry

Avocats :

SCP BLUMBERG & JANET ASSOCIES, SARL BAFFERT MALY, Me Saffar

TC Paris, du 6 juin 2023

6 juin 2023

EXPOSE DU LITIGE

La société Almarédis exploite un magasin à l'enseigne Carrefour à [Localité 4].

La société GBG Express Distribution (ci-après "société GBG") est une société de commerce de gros intervenant dans le secteur du textile et du bazar.

Se prévalant d'une commande passée le 20 septembre 2022, la société GBG a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 octobre 2022, sommé la société Almarédis de fixer une date de livraison dans un délai de 5 jours.

Le 15 novembre 2022, la société GBG a expédié la commande que la société Almarédis a refusé de réceptionner.

Par acte du 28 décembre 2022, la société GBG a assigné la société Almarédis en référé devant le président du tribunal de commerce de Paris en vue de voir enjoindre à la société Almarédis de recevoir la livraison des marchandises et payer la facture d'un montant de 17.617, 92 euros.

L'affaire a été renvoyée au fond.

Par jugement du 6 juin 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

- Dit recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Almarédis ;

- Déclaré sa compétence et renvoyé les parties en vue de l'audience publique du 11 septembre 2023 14h pour dépôt de conclusions et solution ;

- Dit n'y avoir lieu, à ce stade de la procédure, à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Réservé les dépens.

Par déclaration du 19 juin 2023, la société Almarédis a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Dit recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Almarédis ;

- Déclaré sa compétence et renvoyé les parties en vue de l'audience publique du 11 septembre 2023 14h pour dépôt de conclusions et solution ;

- Dit n'y avoir lieu, à ce stade de la procédure, à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Réservé les dépens.

Parallèlement, le 20 juin 2023, la société Almarédis a déposé une requête en vue d'être autorisée à assigner à jour fixe.

Par ordonnance du 22 juin 2023, il a été fait droit à cette requête.

Par acte du 10 juillet 2023, la société Almarédis a assigné la société GBG à l'audience du 11 janvier 2024.

Par ses dernières conclusions notifiées le 19 juin 2023, la société Almarédis demande de :

Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce en date du 6 juin 2023 en ce qu'il :

- s'est déclaré compétent et a renvoyé les parties en vue de l'audience publique du 11 septembre 202314h pour dépôt de conclusions et solution ;

- a dit n'y avoir lieu à ce stade de la procédure à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- a réservé les dépens.

Et, statuant à nouveau,

Déclarer incompétent territorialement le tribunal de commerce de Paris pour connaître des demandes de la société GBG à l'encontre de la société Almarédis au profit du tribunal de commerce de Rennes ;

Par conséquent,

Renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Rennes ;

Débouter la société GBG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la société CBG au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions notifiées le 31 octobre 2023, la société GBG demande, au visa des articles 48 code de procédure civile, 1103, 1104 et 1583 du code civil, de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 juin 2023,

- Débouter la société Almarédis de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-Recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de la société GBG,

- Confirmer la compétence juridictionnelle du tribunal de commerce de Paris,

- Condamner la société Almarédis au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Almarédis aux entiers dépens.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Motivation

MOTIFS


Sur la compétence

La société Almarédis prétend que le tribunal de commerce de Rennes est compétent pour connaître du litige en application de l'article 46 du code de procédure civile en faisant valoir que son siège social est à [Localité 4]. Elle se prévaut à titre principal de la nullité du bon de commande et des conditions générales de vente. Elle invoque l'absence de pouvoir de signature de Mme [F], les man'uvres utilisées par la société GBG. A titre subsidiaire, elle affirme que la clause attributive de compétence prévue aux conditions générales de vente est invalide et ne lui est pas opposable dès lors qu'elle n'est pas mise en évidence, ne se distingue par du reste des clauses et qu'elle n'apparaît pas en gras ou soulignée.

La société GBG réplique que le tribunal de commerce de Paris est compétent en vertu de la clause attributive de compétence figurant à la fois sur ses conditions générales de vente signées ainsi que sur les bons de commande également signés par l'appelante. Elle affirme que cette clause est lisible et est donc opposable à la société Almarédis. Elle invoque l'autonomie de la clause attributive de compétence par rapport à la convention dans laquelle elle est insérée.

L'article 42 du code de procédure civile prévoit que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.

L'article 46 du même code dispose que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose.

Selon l'article 48 du code de procédure civile, "toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée."

En l'espèce, s'agissant d'un appel d'un jugement statuant sur la compétence, la question soumise à la cour est exclusivement celle de la compétence du tribunal de commerce de Paris pour connaître du litige.

Il convient dès lors uniquement d'examiner la validité de la clause attributive de compétence litigieuse.

Il est produit aux débats un bon de commande, daté du 20 septembre 2022, comportant en bas du document les nom et prénom : "[F] [P]" en caractères manuscrits juste après la mention dactylographiée "Je certifie avoir la capacité de signer le présent bon de commande au nom de l'entité renseignée. En cochant cette case, je reconnais avoir reçu et fait une copie du présent bon de commande et des CGV qui figurent au dos et déclare en accepter le contenu." suivie d'une signature manuscrite "[F]" et du cachet de la société Almaredis. Il est ensuite indiqué en caractères gras "Conditions Générales :

Nos marchandises voyagent aux risques du destinataire, même si l'expédition est faite en France. Toutes réclamations faites au-delà de 5 jours après la réception de la marchandise ne seront plus admises. Tout retour doit voyager franco après autorisation de la direction. Nous nous réservons la propriété de la marchandise jusqu'à paiement du prix.

Toutes les contestations seront de la compétence exclusive du tribunal de PARIS.

La signature de ce bon de commande impliquera l'acceptation des CGV qui figurent au dos."

La clause litigieuse est ainsi spécifiée de façon très apparente (caractères gras et soulignés) dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée au sens des dispositions de l'article 48 précité.

Par ailleurs, il résulte des pièces produites aux débats, notamment de courriels et de l'attestation rédigés par Mme [F] elle-même, que c'est bien sa signature qui figure sur le bon de commande. En outre, il est établi que Mme [F] occupait le poste de "Manager Bazar" ainsi que cette qualité figure en signature de ses courriels. Enfin elle a certifié, avant d'apposer sa signature sur le bon de commande, "avoir la capacité pour signer le présent bon de commande au nom de l'entité renseignée".

L'article 1156, alinéa 1 du code civil, dispose que "l'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté."

La société Almarédis fait valoir que Mme [F] n'avait pas le pouvoir de conclure des commandes et allègue que sa signature a été apposée sous la contrainte de l'employée commerciale de la société GBG, qui aurait usé de man'uvres déloyales, ce qui est contesté par cette dernière.

L'attestation de M. [K] qui n'était pas présent au moment des faits ne présente pas de caractère probant.

Les attestations de Mme [F] et de ses subordonnées, Mmes [L] et [W], qui relatent avoir été trompées par "la commerciale" de la société GBG en ce que cette dernière leur aurait affirmé que la signature du document n'engageait en rien et qu'elle était uniquement destinée à attester du passage en magasin, sont insuffisantes pour démontrer l'existence de manoeuvres déloyales et la connaissance par le représentant de la société GBG de l'absence de pouvoir de Mme [F].

Il n'est pas contesté que les bons de commande ont été établis lors d'une rencontre physique entre Mme [F] et un représentant de la société GBG après une prise de rendez-vous en vue de présenter des articles de "bazar" à la vente.

Mme [F], qui s'est présentée comme responsable bazar, en signant et en apposant le cachet de la société Almarédis qu'elle détenait nécessairement, a pu légitimement faire croire au représentant de la société GBG qu'elle avait le pouvoir d'engager la société Almarédis et autoriser ce dernier à ne pas vérifier ses pouvoirs de mandataire apparent.

La clause litigieuse convenue entre personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée est donc opposable à la société Almarédis et doit recevoir application.

Le jugement entrepris sera confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Almarédis qui succombe supportera les dépens d'appel. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées. La société Almarédis sera condamnée à payer à la société GBG une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la société Almarédis sur ce fondement sera rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne la société Almarédis à payer à la société GBG une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Almarédis sur ce fondement ;

Condamne la société Almarédis aux dépens d'appel.