Livv
Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 19 mars 2024, n° 22/02525

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BGD CONSEILS (S.A.R.L.)

Défendeur :

DOMAINE DE LA VIGNAGUE (S.A.R.L.), AXA FRANCE IARD (S.A.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. FRANCO

Conseiller :

Mme GOUMILLOUX

Avocats :

SELARL MAÎTRE ANNE-SOPHIE VERDIER, SELARL DGD AVOCATS, SELARL RACINE BORDEAUX

TC BORDEAUX, du 29 mars 2022

29 mars 2022

Exposé du litige


EXPOSE DU LITIGE:



La SARL Société d'exploitation du domaine de la Vignague (ci-après dénommée la société de la Vignague) exploite en mode conventionnel un fonds rural à vocation viticole, en [Adresse 3], composé de deux propriétés distinctes dans les communes de [Localité 7] et [Localité 4] (Gironde).



Selon son extrait d'immatriculation au RCS de Bordeaux, au 9 novembre 2020, la SARL BGD Conseils a une activité de négoce et de conseils dans le domaine viticole.



Le 1er aout 2017, la société BGD Conseils a souscrit auprès de la société AXA France IARD un contrat d'assurance garantissant les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile.



En avril 2018, la société de la Vignague a acheté à la société BGD Conseils des produits phytosanitaires pour traiter ses vignes et les protéger des maladies et parasites.



Le 15 juin 2018, elle a fait constater par huissier des attaques de mildiou sur les feuilles de vigne et les raisins.



Par ordonnance rendue le 21 février 2019, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a enjoint à la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague de payer à la société BGD Conseils la somme de 11 238,95 euros au titre de factures impayées.



Le 09 avril 2019, la société dela Vignague a formé opposition à cette ordonnance, en invoquant devant la tribunal un manquement de la société BGD Conseils à son obligation d'information et de conseil. Cette affaire a été enrôlée sous le numéro RG 2019F00423.



Dans le cadre d'une procédure de référé d'heure à heure devant le président du tribunal de commerce de Bordeaux, la société la Vignague a obtenu la désignation d'un expert, en la personne de [H], par ordonnance du 28 aout 2018.



Celui-ci a déposé son rapport définitif le 05 février 2020.



Par acte en date du 15 septembre 2020, la société BGD Conseils a fait assigner en garantie son assureur, la SA Axa France IARD. Cette affaire a été enrôlée sous le numéro RG 2020F00891.



La société de la Vignague a formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 145870 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait du manquement par la société BGD Conseils à son obligation d'information et de conseil.



Par jugement du 29 mars 2022, le tribunal a statué comme suit :

- ordonne la jonction des affaires enregistrées sous les références RG n°2019F00423 et 2020F00891,

- dit recevable en la forme l'opposition à l'ordonnance portant injonction de payer,

Au fond,

- condamne la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague à payer à la société BGD Conseils la somme de 11 238,95 euros,

- condamne la société BGD Conseils à payer à la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonne la compensation des sommes dues entre les sociétés BGD Conseils et société d'Exploitation du Domaine de la Vignague au titre du présent jugement,

- déboute la société BGD Conseils de sa demande de condamnation de la société Axa France IARD à la garantir et relever indemne de toute condamnation, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, au titre du présent jugement,

- condamne la société BGD Conseils à payer à chacune des sociétés d'Exploitation du Domaine de la Vignague et Axa France IARD la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société BGD Conseils aux entiers dépens, en ce compris les frais relatifs à la procédure d'injonction de payer.



Par déclaration du 25 mai 2022, la société BGD Conseils a relevé appel de cette décision, en ses chefs expressément critiqués.



La société de la Vignade a formé appel incident en ce qui concerne le montant de l'indemnisation allouée par le tribunal.



La mesure de médiation judiciaire a échoué

 

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par RPVA le 04 août 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société BGD Conseils, demande à la cour de :

Vu les articles 1103 du code civil, 1104 du code civil, 1153 du code civil, 1193 du code civil, 1194 du code civil et article 1217 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- la recevoir en ses demandes fins, et conclusions,

Sur la demande principale,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du 29 mars 2022 en ce qu'il a condamné la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague à lui payer la somme de 11 373,02 euros outre les intérêts de droit à compter de l'ordonnance d'injonction de payer en date du 11 mars 2019, cette somme se décomposant comme suit :

- 1 229,25 euros en règlement de la facture FCT-M02/2017-315,

- 2 855,18 euros en règlement de la facture FCT-M02/2017-409,

- 3 539,26 euros en règlement de la facture FCT-M02/2017-536,

- 1 079,66 euros en règlement de la facture FCT-M02/2017-575,

- 2 535,60 euros en règlement de la facture FCT-M02/2017-615,

- 47,38 euros au titre des intérêts à compter du 18/02/2019, comme à parfaire au jour du jugement à intervenir,

- 35,21 euros au titre des frais de greffe,

- 51,48 euros au titre du cout de l'ordonnance d'injonction de payer,

Sur la demande reconventionnelle formulée par la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague,

- réformer le jugement rendu le 29 mars 2022 par le tribunal de commerce de Bordeaux,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- débouter la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre,

A titre subsidiaire,

- réduire à de plus justes proportions le quantum des dommages et intérêts alloués à la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague à l'euro symbolique eu égard aux manquements imputables à cette dernière dans la survenance et le développement des désordres,

- condamner la société Axa France IARD à la garantir et la relever indemne de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au titre au titre de la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle par la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague,

En toute hypothèse,

- condamner la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague au paiement des entiers dépens en ceux compris les dépens de première instance, les dépens afférents à la procédure d'injonction de payer et d'appel.

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 30 novembre 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague, demande à la cour de :

Vu les articles 1194, 1217, 1231-1 et 1347 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu le jugement entrepris et les pièces versées au débat,

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilite de la société BGD Conseils et en ce qu'il l'a condamnée à réparer le préjudice subi par elle,

- réformer le jugement entreprise en ce qu'il a retenu le montant de 30 000 euros en réparation du préjudice subi par elle, soit la condamnation suivante :

- condamne la société BGD Conseils à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

En conséquence, et statuant à nouveau,

- débouter la société BGD Conseils et la société Axa France IARD de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions contraires,

- condamner la société BGD Conseils au versement de la somme de 145 870 euros en réparation du préjudice subi par elle,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris dans son intégralité,

En conséquence,

- débouter la société BGD Conseils et la société Axa France IARD de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions contraires,

En tout état de cause,

- condamner toute partie succombante à lui verser la somme de 3 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 25 octobre 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Axa France IARD, demande à la cour de :

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances,

Vu les articles 1153 et 1194 du code civil,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux du 29 mars 2022 en ce qu'il a :

- débouté la société BGD Conseils de sa demande de condamnation de la société Axa France IARD à la garantir et relever indemne de toute condamnation, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, au titre du présent jugement,

- condamné la société BGD Conseils à payer à chacune des sociétés d'Exploitation du Domaine de la Vignague et Axa France IARD la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la société BGD Conseils à payer la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonné la compensation des sommes dues entre les sociétés BGD Conseils et la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague au titre du présent jugement,

Statuant à nouveau,

- débouter la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague et la société BGD Conseils de toutes demandes formées à son encontre,

- débouter la société d'Exploitation du Domaine de la Vignague de sa demande d'indemnisation à hauteur de 145 870 euros formée au titre de son appel incident,

En tout état de cause,

- condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Annie Berland, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

-------

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2024.

Par conclusions postérieures à la clôture notifiées par message électronique du 5 février 2024, reprenant les mêmes prétentions et moyens, la société BGD Conseils a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture, afin que puisse être versé aux débats l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux le 18 janvier 2024.

Par message du 5 février 2024, la société DGD Conseils a sollicité le rejet de cette pièce nouvelle.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION:

Concernant la demande de révocation de l'ordonnance de clôture:

1- Selon les dispositions de l'article 803 du code de procédure civile applicables devant la cour d'appel en application des dispositions de l'article 907, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

2- Il ne peut être utilement soutenu que la publication dans une revue juridique (à une date au demeurant non précisée) de l'arrêt rendu le 18 janvier 2024 par la cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile (RG n°21-3262) dans un litige de même nature, constituerait une cause grave, justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture, et l'admission aux débats d'une pièce communiquée la veille de l'audience.

Cette demande sera donc rejetée.

Il convient de déclarer irrecevables les conclusions notifiées par la société DGB Conseils le 5 février 2024 et la pièce 28.

Concenant la responsabilité de la société BGD Conseils:

3- Sur le fondement des articles 1103, 1104, 1194, 1217 et 1231-1 du code civil, la société de la Vignague soutient que la société BGD Conseils professionnelle de la vente de produits phytosanitaires a manqué à son obligation d'information et de conseil dans le cadre du nouveau programme 'Méthode alternative', qui aurait dû empêcher le développement d'une éventuelle contamination par le mildiou.

Elle précise que la société BGD Conseils aurait dû l'informer et la conseiller sur les produits vendus, leur utilisation et les risques en cas de situation propice au développement des maladies, en particulier lors de la première année d'utilisation de la méthode dite 'alternative'.

Elle souligne qu'après l'alerte donnée par les bulletins de santé végétale, elle a rigoureusement suivi la séquence de traitement préconisée par la société BGD Conseils dans son programme, ce qui n'a pu empêcher le développement du mildiou, compte tenu des intervalles de traitement trop importants mentionnés dans le programme, en condition de pluviométrie importante.

Elle conteste toute faute commise dans la méthode de pulvérisation (à savoir l'application du produit tous les deux rangs), ainisi que l'existence d'un cas de force majeure au sens de l'article 1218 du code civil.

4- La société BGD Conseils conteste toute responsablité aux motifs que la preuve n'est pas rapportée d'un manquement de sa part à une obligation de conseil dans le cadre de la vente de produits, en l'absence de contrat conclu pour un suivi sanitaire des vignobles.

Elle ajoute qu'elle a vendu à la société de la Vignague du produit Zetanil, comme produit stoppant le mildiou, lorsque celle-ci l'a informée de l'apparition d'une attaque, mais que cette cliente a appliqué ce traitement trop tard, après de fortes infestations fin mai 2018, ce qui caractériserait une faute dans la surveillance du vignoble, avec par la suite une application tardive des produits curatifs outre une mise en oeuvre défectueuse des pulvérisations, à l'origine exclusive des désordres dénoncés.

5-La société AXA France IARD fait valoir que la société de la Vignade ne rapporte pas la preuve, qui lui incombait, du non-respect par la société BGD Conseils, de son obligation dans le cadre du contrat de vente de produit, aucun contrat de suivi de vignoble et d'accompagnement n'existant entre les parties.

Elle soutient qu'en réalité, le contrat avait pour seul objet une livraison régulière de produits phytosanitaires, sans prestation complémentaire de conseil

Elle ajoute que le calendrier de préconisation individuelle de morte saison ne constitue pas un engagement contractuel.

Il incombait selon elle à la société de la Vignague, en tant que viticulteur confirmé, titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle dit de 'certiphyto-décideur' de moduler des intervalles de traitement en fonction de la pression de la maladie, de sorte qu'elle serait responsable du préjudice qu'elle allègue, pour avoir omis de tenir compte des bulletins techniques émis par BGD Conseils et des bulletins de santé du végétal, faisant état d'attaques de mildiou exceptionnelles en 2018.

Sur ce:

6- Il convient en premier lieu de déterminer quelle était la nature et l'objet du contrat liant les parties, ainsi que les obligations en découlant pour elles.

7- Il sera relevé, en premier lieu, que la société de la Vignague n'avait pas conclu de contrat de suivi sanitaire de ses vignobles avec la société BGD Conseils de sorte que celle-ci n'encourt aucune responsabilité au titre d'une prestation de services qui aurait été convenue, distinctement des contrats de vente de produits phytosanitaires.

8- La responsabilité de la société BGD Conseils ne peut donc être recherchée que sur le fondement de l'article 1615 du code civil, qui oblige le vendeur à délivrer les accessoires de la chose, ce qui inclut, notamment, l'obligation de se renseigner sur les besoins de l'acheteur, et de l'informer de l'adéquation des produits vendus à l'utilisation qui en est prévue.

9- A l'égard d'un acheteur professionnel, cette obligation d'information et de conseil existe dans la mesure où la compétence de ce dernier ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des produits qui lui sont livrés (en ce sens, notamment, Cour de cassation, chambre commerciale, 24 mars 2009, pourvoi n°08-11723).

10- En l'espèce, M.[L], gérant de la société de la Vignague, exploitant d'un domaine viticole, était titulaire de l'agrément Certiphyto n° CF 28-439 expirant en juillet 2021, ainisi que l'indique l'expert judiciaire en page 14 de son rapport.

11 - Il n'est pas contesté que ce certificat avait été donné à M. [L] pour l'activité 'utilisation à titre professionnel des produits phytophamaceutiques' dans la catégorie décideur en entreprise.

12- Il résulte de l'arrêté du 29 aout 2016, publié au JO du 10 septembre 2016, fixant les modalités d'obtention de ce certificat, que la formation préalable à ce certificat portait, notamment, sur l'utisation des produits phytosanitaires, l'évaluation comparative de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et techniques alternatives, l'adaptation des doses en fonction de l'état et de la distribution spatiales des bio-agresseurs, le choix des produits par rapport à leur efficacité et l'évaluation de la nécessité d'intervenir.

13- Au vu des bons de livraison et du calendrier de traitement, entre le 26 avril 2018 et le 30 mai 2018, la société de la Vignague a acheté à la société BGD Conseils, puis pulvérisé dans ses vignes de [Localité 7] et [Localité 4], les produits à usage professionnel suivants, dont il n'est pas contesté qu'ils comportaient l'étiquetage obligatoire, en ce compris un livret précisant le champ d'activité du produit et son objet:

- le produit Essen'ciel, à base d'huile essentielle d'orange douce, produit par la société Vivagro, bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché pour une fonction d'insecticide, fongicide et acaricide naturel. La fiche produit Essen'ciel vigne mentionne que pour une viticulture conventionnelle (ce qui était le cas de l'exploitation de la société de la Vignague), et dans une optique de lutte contre le mildiou, Essen'ciel devait être utilisé 'à 0.6 - 0.8% en association avec PPP pleine dose'; l'intervalle entre chaque application est précisé en page 4 et 5 (7 jours);

- le produit Azupec (ayant pour cible uniquement l'oidium);

- Action CU est un mélange d'oligo-éléments complexes (cuivre, zinc, manganèse) destiné à activer les systèmes de défense de la plante. Ce produit ne comporte dans sa notice aucune indication de prévention du mildiou.

- le produit Systemild Flo, utilisé seulement à compter du 30 mai 2018 (nom commercial de Mildicut, produit par la firme SAGA) bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché pour une fonction de fongicide, avec un usage contre le mildiou. La fiche technique précise la dose maximale d'emploi, le stade d'application et le délai avant récolte.

14 - Il ressort des productions, et en particulier du rapport d'expertise amiable du 10 aout 2018 et du rapport d'expertise judiciaire du 23 janvier 2020 que les trois premiers produits précités, achetés et mis en oeuvre par la société de la Vignague entre le 26 avril 2018 et le 17 mai 2018 jusqu'à la période de floraison n'étaient pas recommandés en utilisation seuls contre le mildiou de la vigne, en particulier dans le cas d'une forte pluviométrie et d'un risque de midiou renforcé, et ne pouvaient avoir d'action contre ce parasite qu'en les utilisant avec des produits fongicides.

Les experts ont tous deux conclu que les trois premiers traitements (les 26-27 avril, 5-6 mai 2018, 17-18 mai 2018) avec des produits au surplus lessivables, étaient inefficaces et avaient permis l'apparition du mildiou sur les grappes, entrainant des pertes de récoltes très importantes.

15 - Il apparaît toutefois que la société de la Vignague, en la personne de son dirigeant M. [L], était en mesure d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des produits qui lui étaient vendus, et qu'elle a mis en oeuvre lors des trois premiers traitements, compte tenu de sa qualité de professionnelle de la viticulture, ayant reçu une formation dans l'utilisation des produits phytosanitaire (sanctionnée par la délivrance d'un certificat en cours de validité), de son expérience préalable de produits conventionnels les trois années précédentes, et des informations données par les notices d'utilisation.

16 - L'acheteur était ainsi en capacité de déterminer que la préconisation individuelle de morte saison en méthode alternative, établi le 11 avril 2018 par la société BGD Conseil, au vu du bilan cultural de l'année précédente, sur laquelle figurait l'emploi des produits Essen'ciel, Azupec et Action CU jusqu'à la phase 'boutons floraux séparés' devait être adapté aux conditions climatiques du printemps 2018 marquée par une forte pluviométrie générant un risque accru de développement du mildiou.

17 - La société de la Vignague n'était donc pas créancière d'une obligation d'information et de conseil envers l'appelante.

17-Surabondamment, il sera relevé que la société BGD Conseils justifie avoir adressé par courriels plusieurs bulletins d'information à M. [L]:

- le 16 avril 2018, un bulletin n°1 faisant état d'un risque mildiou en hausse, et précisant que d'après les sources du BSV d'Aquitaine nord, les oeufs de mildiou étaient mûrs sur 3 sites sur 4, qu'il fallait être très vigilant pour le début de saison et ne pas tarder à réaliser les premiers traitements,

- le 22 mai 2018, un bulletin n°5 rappelant la météorologie de la semaine écoulée (beaucoup d'humidité) et faisant état d'un risque mildiou en forte hausse, avec des débuts de sporulations dans le nord Gironde, nécessitant de renouveler la protection si nécessaire, en gardant des cadences serrées,

- le 1er juin 2018 le bulletin n°7, faisant de nouveau état d'un risque mildiou en forte hausse, avec des symptômes de nouveau observés aussi bien sur feuilles que sur grappes, ce qui rendait nécessaire de renouveler la protection.

18- Par sa propre expérience professionnelle de viticulteur mais aussi grâce à ces informations adaptées, la société de la Vignague, qui ne justifie d'aucun dysfonctionnement de sa messagerie électronique à l'adresse [Courriel 5]@gmail.com, était en mesure de percevoir la nécessité de recourir rapidement à un traitement conventionnel à visée anti-fongique, compte tenu du risque accru de diffusion du mildiou dans ses vignes (la première atteinte se situant selon l'expert judiciaire vers le 20 mai, sans qu'un traitement adapté n'intervienne cependant avant le 30 mai).

19- En conséquence, la preuve n'est pas rapportée d'une faute de la société BGD, en lien de causalité avec le préjudice subi par la société de la Vignague par perte de récoltes liée au mildiou.

La responsabilité de la société BGD en qualité de vendeuse n'est pas établie.

20- Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de rejeter les demandes de la société de la Vignague en paiement de dommages-intérêts.

21- La demande formée par la société BGD Conseils tendant à obtenir la garantie de son assureur est sans objet.

Sur les demandes accessoires:

22- Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles.

Les demandes formées sur le fondement de l 'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Dispositif

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en derner ressort:

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Déclare irrecevables les conclusions notifiées par la société DGB Conseils le 5 février 2024 et la pièce 28,

Infirme le jugement, en ses dispositions contestées,

Statuant à nouveau,

Rejette les demandes formées par la société d'exploitation du Domaine de la Vignague à l'encontre de la société BGD Conseils,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société du domaine de la Vignague aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de la procédure d'injonction de payer.