CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 7 septembre 2023, n° 20/03148
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
FLEXI DISTRI (SARL)
Défendeur :
BAMONT (S.A.S.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
Conseiller :
Mme Soudry
Avocats :
Me SAFFAR, AARPI NORMAN AVOCATS, Me NEGRONI
La société Flexi Distri est spécialisée dans l'activité de commerce de gros d'habillement et de chaussure.
La société Bamont exploite un magasin de grande distribution sous l'enseigne Intermarché à Montaren (30).
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 mai 2017, la société Flexi Distri, se prévalant de deux bons de commande datés du 1er novembre 2016, a mis en demeure la société Bamont, sous huitaine, de prendre livraison de la marchandise et de lui payer une somme de 4.981,69 euros TTC au titre d'une facture n°FA/FD2155 ainsi qu'une somme de 5.137,57 euros TTC au titre d'une facture n°FA/FD2165.
Par acte du 15 mars 2019, la société Flexi Distri a assigné la société Bamont devant le tribunal de commerce de Paris en paiement des factures.
Par jugement du 22 janvier 2020 le tribunal de commerce de Paris a :
- Débouté la société Flexi Distri de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Débouté la société Flexi Distri de sa demande de dommage et intérêts pour résistance abusive,
- Condamné la société Flexi Distri à payer à la société Bamont la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,
- Condamné la société Flexi Distri aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.
Par déclaration du 11 février 2020, la société Flexi Distri a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- Débouté la société Flexi Distri de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Débouté la société Flexi Distri de sa demande de dommage et intérêts pour résistance abusive,
- Condamné la société Flexi Distri à payer à la société Bamont la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,
- Condamné la société Flexi Distri aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 30 avril 2020, la société Flexi Distri demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1217, 1231, 1231-1 et 1583 du code civil, de :
Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
- Débouté la société Flexi Distri de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Débouté la société Flexi Distri de sa demande de dommages et intérêts,
- Condamné la société Flexi Distri à la somme de 3000 au titre de l'article 700 du CPC,
- Condamné la société Flexi Distri aux dépens,
En conséquence,
- Enjoindre la Société Bamont de prendre livraison, à ses frais, des marchandises relatives aux bons de commande en date du 1er novembre 2016, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- Condamner la Société Bamont à régler à la société Flexi Distri les sommes de 4.961,69 euros TTC et de 5.137,57 euros TTC, correspondant respectivement aux factures n° CD/FD2155 et n° CD/FD2165 ;
- Condamner la Société Bamont à payer la somme 3.000 euros au profit de la Société Flexi Distri au titre de la résistance abusive et des préjudices subis ;
En tout état de cause,
- Condamner la Société Bamont au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Société Bamont aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 juillet 2020, la société Bamont demande à la cour, au visa des articles 1583 et 1156 du code civil de :
- Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel formé par la société Flexi Distri,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Paris.
Au principal :
- Dire et juger que faute d'accord sur la chose vendue, le prix et les conditions de la vente, il n'existe aucun contrat de vente entre les sociétés Bamont et Flexi Distri.
Subsidiairement :
- Dire et juger que la SAS Bamont n'a pu être valablement engagée par les bons de commande régularisés par sa salariée, Mme [X].
En tout état de cause :
- Débouter la société Flexi Distri de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme injustes et infondées.
- Condamner la société Flexi Distri à régler à la société Bamont la somme supplémentaire de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
- La condamner aux entiers dépens.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2023.
Motivation
MOTIFS
Sur la demande en paiement
Sur la conclusion des contrats de vente
La société Flexi Distri considère que la formation de la vente est parfaite dès lors qu'il y a eu accord sur la chose et sur le prix. Elle précise qu'un commercial de sa société s'est présenté sur rendez-vous le 1er novembre 2016 au sein du magasin exploité par la société Bamont et a été reçu par Mme [X], qui s'est présentée comme chef de secteur du rayon textile, qu'il a montré à cette dernière des échantillons de marchandises et que celle-ci a choisi les articles qu'elle souhaitait commander et que deux bons de commande listant les références et le descriptif des articles commandés, leur quantité et leur prix ont été signés et tamponnés par Mme [X]. Elle ajoute que les conditions de livraison ont été précisées sur les bons de commande, bien que l'un comporte une erreur matérielle quant à l'année de livraison, et que les conditions générales figurant au verso des bons de commande ont été portées à la connaissance de Mme [X].
La société Bamont réplique qu'aucune vente n'a pu se former en l'absence de détermination avec précision des articles commandés, de leur prix ainsi que des modalités de livraison et de paiement. Elle dénie que les conditions générales de vente aient été portées à la connaissance de son employée.
En vertu de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
Il résulte de ces dispositions que l'accord sur les modalités de livraison ou de paiement du prix sont indifférentes à la formation du contrat de vente.
En l'espèce, les bons de commande produits aux débats désignent les marchandises par leurs références, leurs quantités et leurs prix unitaires et, contrairement à ce que prétend la société Bamont, lesdites mentions ne sont nullement illisibles. Il ressort en outre des débats que les commandes ont été passées par Mme [X] après l'examen d'échantillons produits par le commercial de la société Flexi Distri lors de sa visite. A cet égard, il apparaît peu vraisemblable que la préposée de la société Bamont ait commandé des produits dont aucun échantillon ni aucun catalogue ne lui aurait été présentés. Il sera en outre souligné que la société Bamont ne produit aucune attestation de son employée démentant les allégations de la société Flexi Distri quant à la présentation d'échantillons. Il sera encore observé que la mention des tailles et des couleurs n'est pas requise dès lors que les dénominations figurant aux bons de commande permettent de déterminer les articles objets de la vente et que les parties sont réputées s'en remettre aux usages loyaux du commerce, c'est-à-dire, en l'absence de prescriptions spéciales, à la fourniture d'un assortiment de couleurs et de taille en fonction des standards de vente. Il sera également relevé que la présentation d'un catalogue ou encore des conditions générales de vente ne constituent pas une condition de validité de la commande. Enfin l'absence d'indication du montant total de la commande, dès lors que le prix unitaire des produits commandés figurait sur les commandes, ne saurait caractériser une indétermination du prix.
Au regard de ces éléments, les indications figurant sur les bons de commande apparaissent suffisantes pour permettre la détermination de la chose et du prix entre professionnels du commerce.
Sur le défaut de pouvoir de représentation de la société Bamont par Mme [X]
La société Flexi Distri se prévaut de bons de commande correspondant aux factures émises et fait valoir que ces bons de commande portent le tampon de la société Bamont - Intermarché ainsi que la signature de Mme [X] s'étant présentée comme "chef de secteur" du rayon textile au sein du magasin. Elle considère que ces circonstances permettaient de penser que Mme [X] possédait un mandat pour engager la société Bamont.
La société Bamont soutient que Mme [X], qui était responsable du secteur textile et donc une simple salariée, n'avait aucun pouvoir de l'engager et qu'elle était inexpérimentée. Elle reproche à la société Flexi Distri de ne pas avoir vérifié l'habilitation de Mme [X] à passer les commandes litigieuses.
A l'appui de sa demande en paiement, la société Flexi Distri produit deux bons de commande, datés du 1er novembre 2016, signés par Mme [X] dont il est indiqué qu'elle est chef de secteur et revêtus du cachet de la SAS Bamont-Intermarché.
Dès lors que la société Flexi Distri affirme que Mme [X] a agi en qualité de représentant de la société Bamont, il lui appartient d'en rapporter la preuve, soit en démontrant qu'elle avait mandat de passer des commandes au nom de la société Bamont, soit en établissant l'existence d'un mandat apparent.
Si la preuve est libre en matière commerciale, le pouvoir de Mme [X] de contracter au nom de la société Bamont ne saurait résulter du simple fait que Mme [X] ait passé les commandes litigieuses et qu'elle disposait du cachet social. Il appartient donc à la société Flexi Distri, professionnel, de rapporter la preuve que les circonstances l'autorisaient à ne pas vérifier les pouvoirs du mandataire apparent et qu'elle a légitimement pu croire que Mme [X] agissait comme représentant de la société Bamont.
Il sera à cet égard relevé que les commandes ont été passées à l'issue d'une rencontre physique entre le représentant de la société Flexi Distri et Mme [X], qui s'est présentée comme "chef de secteur" au sein du rayon textile. Or le fait qu'une personne, munie du cachet de l'entreprise et se présentant comme chef du secteur textile, reçoive les fournisseurs dans les locaux du magasin et sélectionne, sur présentation d'échantillons, les articles à commander ainsi que leurs quantités, a pu autoriser la société Flexi Distri à ne pas vérifier les limites exactes de ses pouvoirs d'autant plus que le montant de la commande était peu élevé. Il sera encore observé qu'à la suite de la commande litigieuse, Mme [X] a adressé, le 4 novembre 2016, un courrier recommandé à la société Flexi Distri pour annuler les commandes dans lequel elle se présentait à nouveau comme "Responsable Secteur Textile" et, loin de contester le pouvoir de passer les commandes, elle indiquait que : "après réflexion, il s'avère que les quantités sont trop importantes pour une première commande".
En conséquence, les bons de commande litigieux ne sont pas entachés de nullité. Le jugement entrepris sera donc infirmé et il sera fait droit aux demandes en paiement de la société Flexi Distri ainsi qu'à sa demande tendant à voir enjoindre à la société Bamont de prendre livraison de la marchandise. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'astreinte.
Sur la résistance abusive
Le comportement de la société Bamont ne saurait être qualifié de résistance abusive. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Bamont succombe à l'instance et supportera les dépens d'appel et de première instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront infirmées. Il n'apparaît pas équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes des parties sur ce fondement seront rejetées.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Flexi Distri pour résistance abusive ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Bamont à régler à la société Flexi Distri les sommes de 4.961,69 euros TTC et de 5.137,57 euros TTC, correspondant respectivement aux factures n° CD/FD2155 et n° CD/FD2165 ;
Enjoint à la société Bamont de prendre livraison, à ses frais, des marchandises relatives aux bons de commande en date du 1er novembre 2016 ;
Y ajoutant,
Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Bamont aux dépens de première instance et d'appel.