CA Douai, ch., 24 juin 2022, n° 19/02033
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
GSA Healthcare (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hunter-Falck
Conseillers :
Mme Le Bellec, M. Gutierrez
Avocats :
Me Laforce, Me Cassereau, Me Prud'homme, Me Riegel
La SAS GSA HEALTHCARE a pour activité la promotion de produits pharmaceutiques, médicaux et paramédicaux, emploie habituellement plus de 10 salariés et applique la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, a embauché M. [F] [G] par contrat à durée déterminée du 15/07/2015, en qualité de directeur régional sur les secteurs Ouest et France Nord. La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un renouvellement du contrat à durée déterminée, puis pour une durée indéterminée à compter du 01/08/2016. En dernier lieu, M. [G] relevait de la qualification du groupe 6, niveau B pour une rémunération mensuelle de 4.179,05 €.
Le 17/07/2018, M. [F] [G] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 16/08/2018, assorti d'une mise à pied conservatoire.
Suivant lettre du 10/09/2018, M. [F] [G] a été licencié pour faute grave aux motifs suivant :
«[...] A l'occasion d'un contrôle de votre activité effectué le 16 juillet 2018, nous avons constaté un certain nombre d'anomalies.
Vous n'êtes pas sans savoir que les relations entre les professionnels et acteurs de santé sont réglementées et particulièrement depuis la loi du 26 janvier 2016 s'agissant de la transparence des liens industriels et le contrôle des avantages consentis aux professionnels de santé. Vos feuilles de route de cycle y font toujours référence.
Pour mémoire, ces dispositions légales interdisent pour les entreprises qui produisent ou commercialisent des produits de santé de consentir des avantages illégaux.
Ces interdictions sont sanctionnées pénalement.
Ainsi, les entreprises doivent publier leurs liens avec les différents acteurs de santé avec lesquelles elles travaillent sur un site unique géré par les pouvoirs publics. Doivent notamment être publiées les informations relatives aux avantages (repas, hospitalités, dont à des associations,' etc.) : leur date, nature et montant financier et ce à partir de 10 euros.
Compte tenu de la nature de vos fonctions de Directeur Régional, il vous appartient à cet égard d'avoir un comportement irréprochable et de respecter ces contraintes réglementaires, tout comme les équipes de commerciaux que vous dirigez.
Or, sur la période allant du 9 mars au 29 juin 2018, nous constatons que vous avez régulièrement invité à déjeuner des professionnels de santé (pharmaciens ou grossistes) sans informer votre hiérarchie au préalable.
Ces invitations s'élèvent à un montant total de 615,40 euros selon le détail suivant :
1. Monsieur [U], Pharmacien situé à [Localité 7] (dpt 62) : invité 4 fois en 6 semaines pour un montant de 235,10 € :
-Vendredi 25 mai 2018 à 13h44 pour un montant de 47,70 € : restaurant le JFK situé sur [Localité 13] (dpt 62)
-Lundi 4 juin 2018 à 13h51 pour un montant de 69,50 € : Restaurant Le Chatillon situé sur [Localité 7] (dpt 62)
-Vendredi 8 juin 2018 à 14h11 pour un montant de 64,30 € : Restaurant Cap Nord situé sur [Localité 13] (dpt 62)
-Vendredi 29 juin 2018 à 14h37 pour un montant de 53,60 € : Restaurant Free Style situé sur [Localité 5] (dpt 62)
2. Monsieur [P], Pharmacien situé à [Localité 9] (dpt 59) : invité 2 fois en 10 semaines pour un montant de 153,50 € :
-Mardi 24 avril 2018 à 14h50 pour un montant de 70,40 € : Restaurant A l'Opale des Caps situé sur [Localité 5] (dpt 62)
-Mardi 25 juin 2018 à 14h36 pour un montant de 83,10 € : Restaurant Cap Nord situé sur [Localité 13] (dpt 62)
3. Monsieur [K], Pharmacien (liste rouge) situé à [Localité 11] (dpt 59) pour un montant de 47,00 € :
- Vendredi 15 juin 2018 à 14h30 : Restaurant Free Style situé à [Localité 5] (dpt 62)
4. Monsieur [H], Pharmacien non ciblé situé sur [Localité 5] (dpt 62) pour un montant de 47,00 € :
-Vendredi 18 mai 2018 à 13h28 : Restaurant Free Style situé à [Localité 5] (dpt 62)
5. Invité illisible, situé à [Localité 5] (dpt 62) pour un montant de 54,10 € :
-Vendredi 9 mars 2018 : Restaurant Free Style situé à [Localité 5] (dpt 62)
6.Monsieur[R], Grossiste (donc hors cible) situé à [Localité 12] (dpt 95) pourun montant de 78,70 € :
-Vendredi 25 mai 2018 : Restaurant au Vieux Port situé sur [Localité 8] (dpt 62)
Lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu avoir invité ces pharmaciens et grossistes, selon vous, pour savoir « ce qui se passe dans le milieu de la pharmacie » ajoutant « l'intérêt c'est comment on fait pour faire du CA ».
Vous avez également reconnu ne pas avoir informé votre hiérarchie.
A aucun moment, il semble que vous ne vous soyez interrogé sur le caractère non réglementaire de ces invitations et leurs conséquences.
Ces invitations, en dehors du respect des procédures réglementaires, place la société GSA Healthcare dans une situation très délicate puisqu'elle a été dans l'impossibilité d'effectuer les déclarations sur le site public, ce qui l'expose à des sanctions (article L4163-2).
En outre ce comportement n'est pas non plus conforme à la politique anticorruption adoptée par GSA Healthcare et à laquelle vous avez d'ailleurs souscrit.
Ces dysfonctionnements ne sont pas isolés.
Ainsi, vous produisez régulièrement des notes de frais, non pas de repas, mais de boissons alcoolisées dont la prise en charge est exclue par l'entreprise :
-Mercredi 30 mai 2018 : le Jet Lag situé au [Localité 1] pourun montant de 59€,
-Mardi 19 juin 2018 : Le Barbusse situé sur [Localité 6] pour un montant de 20 €,
-Jeudi 21 juin 2018 : Le Barbusse situé sur [Localité 6] pour un montant de 20 €.
Aussi, vous avez pris l'initiative d'effectuer deux déplacements à [Localité 10] (le 17 mai 2018 et les 7 et 8 février 2018) qui ont généré des frais à hauteur de 484,20 € en prétextant d'une part, la rencontre d'un groupement de pharmaciens qui n'est pourtant pas référencé sur le réseau Idim Spe dont vous relevez et d'autre part, l'accompagnement d'une salariée qui n'est pas placée sous votre responsabilité.
Ce faisant, vous vous êtes arrogé des responsabilités qui ne sont pas les vôtres et avez donc engagé des frais non justifiés au plan professionnel.
Lors de l'entretien, vous avez reconnu les faits mais là encore vous n'avez apporté aucune explication recevable ni sur les raisons qui vous ont amené à faire supporter à l'entreprise des notes de dépenses d'alcool ni sur le lien entre ces déplacements à [Localité 10] et votre périmètre de responsabilités.
L'ensemble de ces faits -non-respect de la réglementation et de nos procédures internes-sont préjudiciables aux intérêts de l'entreprise et sont constitutifs de fautes graves qui ne nous permettent pas d'envisager la poursuite de votre contrat de travail[...] ».
Estimant le licenciement infondé M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne sur Mer par requête du 17/10/2018 de diverses demandes indemnitaires en lien avec la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 24/09/2019, le conseil de prud'hommes a :
-déclaré M. [F] [G] recevable et bien fondé en ses demandes,
-dit que le licenciement de M. [F] [G] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
-dit que le licenciement de M. [F] [G] ne repose pas sur une faute grave,
-condamné la société GSA HEALTHCARE à payer à M. [F] [G] les sommes de :
-16.000 euros au titre de l'indemnité compensatrice sur le préavis, et 1.600 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
-9.598.68 euros au titre de rappel de salaire sur mise a pied,
-7 .800 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
-12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-pris acte de ce que M. [F] [G] abandonne sa demande de remboursement au titre des frais professionnels,
-condamné la société GSA HEALTHCARE à payer à M. [F] [G] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire,
-débouté la société GSA HEALTHCARE au paiement de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société GSA HEALTHCARE aux entiers dépens de l'instance.
Suivant déclaration reçue le 16/10/2019, la SAS GSA HEALTHCARE a interjeté appel de ce jugement.
A la suite d'une demande radiation de l'instance par M. [G] le 14/04/2020 en application de l'article 526 du code de procédure civile, la cour de céans a été saisie le 29/06/2020 d'une demande de rectification d'erreur matérielle du jugement par la société GSA HEALTHCARE.
Par arrêt du 23/10/2020, rectifié par arrêt du 29/01/2021, la cour d'appel de Douai a :
-rectifié le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de [Localité 7] le 24.09.2019 RG F 18/00171 dans la procédure opposant M. [F] [G] à la SAS GSA Healthcare ;
-en conséquence dit que dans le dispositif de ce jugement rendu sera insérée la mention suivante :
« Ordonne l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 3° du code du travail » au lieu et place de « Ordonne l'exécution provisoire » ;
le reste sans changement ;
-dit que mention du présent arrêt sera portée en marge du jugement rectifié et sur les expéditions de la décision rendue ;
-mis les dépens du présent arrêt à la charge du Trésor.
Selon ses dernières conclusions reçues le 21/05/2021, la SAS GSA HEALTHCARE demande à la cour de :
-infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [F] [G] ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse de licenciement,
Par conséquent,
-dire et juger que le licenciement de M. [F] [G] repose sur une faute grave,
-débouter M. [F] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-ordonner à M. [F] [G] de procéder à la restitution de la somme de 21.869,73 euros qu'il a perçu au titre de l'exécution provisoire de plein droit,
-dire et juger que cette somme portera intérêt au taux légal,
-condamner M. [F] [G] à lui payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [F] [G] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions reçues le 30/08/2021, M. [F] [G] demande à la cour de :
-déclarer la société GSA HEALTHCARE mal fondée en son appel,
-l'en débouter,
-confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Boulogne sur Mer le 24 septembre 2019,
-condamner la société GSA HEALTHCARE aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 13/04/2022.
Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère en vertu de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.
Au préalable, la cour n'est pas saisie par M. [G] d'une demande de radiation, qui ne figure pas au dispositif de ses dernières conclusions, ce dernier prenant acte de l'arrêt de la cour en rectification d'erreur matérielle du 23/10/2020. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette question.
Sur la prescription
Au préalable pour contester le licenciement, M. [G] invoque la prescription des faits fautifs s'agissant des frais engagés avant le 17/05/2018, l'employeur ayant eu connaissance des frais, qu'il a remboursés, que le courriel de M. [A] ne prouve pas que l'employeur n'a eu connaissance des faits que deux mois avant l'engagement des poursuites
En réplique, la société GSA HEALTHCARE fait valoir que la hiérarchie de M. [G] a eu connaissance des faits le 16 juillet 2018, la procédure de licenciement ayant été mise en 'uvre le lendemain, en l'état d'un courriel de M. [A] accompagné d'un listing, qui fait notamment apparaître les billets de train litigieux comme les anomalies révélées lors du contrôle, que le règlement des frais ne permet pas d'écarter le comportement fautif du salarié, dans la mesure où elle ne peut effectuer un contrôle a posteriori qu'en cas d'anomalies.
Sur ce, l'article L. 1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Lorsque les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites.
En l'espèce, la procédure disciplinaire a été engagée le 17/07/2018. L'appelante produit un courriel du lundi 16/07/2018 de M. [F] [A], directeur des ventes adressé à M. [X] [Z] (directeur général) et à Mme [M] [V] (directrice des ressources humaines), indiquant « j'ai observé, ce jour, des dépenses anormales de frais d'[F] [G], Directeur régional sur le réseau Idem spé. J'ai donc procédé à des contrôles plus poussés que je vous transmets ».
Le courriel est accompagné d'un tableau des frais considérés comme anormaux.
Le remboursement des frais professionnels par l'appelante à la suite de leur déclaration par M. [G] ne peut signifier que l'employeur en a effectué un contrôle exhaustif, puisque les justificatifs sont ensuite adressés au siège de l'entreprise après leur déclaration. Il ne peut qu'être effectué un contrôle a posteriori compte-tenu du nombre de salariés dans l'entreprise (252). Le remboursement de frais par l'employeur ne peut donc présenter le caractère d'une ratification de ceux-ci. Les faits ne sont donc pas prescrits, y compris s'agissant des frais de déplacements à [Localité 10].
Sur la contestation du licenciement
L'appelante expose que le comportement fautif du salarié est caractérisé par la violation de la réglementation et des directives de travail relatives à la transparence et à la lutte contre la corruption, que M. [G] a été informé de la charte de l'information par démarchage ou prospection visant à la promotion de médicaments du 15/10/2014, mentionnée à plusieurs reprises dans le contrat de travail, qu'il s'est engagé par écrit à respecter les dispositions du code de bonne conduite relatif à la transparence et de la charte, que l'article L. 4113-6 du code de la santé publique interdit de proposer des avantages en nature ou en espèces, que le décret 2013-414 du 21 mai 2013 relatif à la transparence des avantages accordés par les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire et cosmétique destinés à l'homme, dit « Sunshine Act », crée une obligation de publication des liens entre les entreprises de produits de santé et de cosmétiques et les professionnels de santé, que doivent être rendus publics les avantages dont le montant est égal ou supérieur à 10 €, toutes taxes comprises, que le salarié n'a jamais adressé de notes de frais détaillées, qu'il lui appartenait de l'informer des invitations de pharmaciens à déjeuner au-delà de dix euros, que son supérieur hiérarchique n'avait pas connaissance de ces invitations, que M. [C] n'est pas pharmacien, qu'en outre le salarié a sciemment dissimulé des invitations à déjeuner en se bornant à apposer la mention « invitation/RP », qu'il n'existe aucune tolérance concernant la prise en charge des consommations d'alcool, que la circonstance d'une consommation d'alcool autorisée à titre exceptionnel au cours des séminaires ne permet pas d'établir qu'elle était autorisée pendant les repas d'affaires, que le déplacement à [Localité 10] était en réalité lié à ses attaches en Alsace.
L'intimé explique que les notes de frais étaient remboursées tous les mois après un examen exhaustif, que la société GSA ne peut pas invoquer une faute portant sur des éléments qu'elle valide, ni lui imputer ses propres carences de fonctionnement, que l'article L. 4113-6 du code de la santé publique a été abrogé, que les dispositions de l'article L. 5311-1 du code la santé publique ne vise pas les compléments alimentaires commercialisés dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, que l'obligation de déclaration incombe à la société, qu'il a toujours produit ses notes de frais à l'employeur qui les lui a toujours intégralement remboursées sans opposer de contestation, qu'il n'avait pas pour mission de promouvoir des médicaments mais des compléments alimentaires, que la charte ne lui est pas opposable, que M. [A] a validé des déjeuners avec des professionnels de santé, que l'employeur n'a pas dispensé de formations sur l'éthique et la conformité, que les repas avaient un caractère professionnel, qu'il était d'usage de consommer de manière régulière de l'alcool au sein de la société GSA, qu'il s'est rendu à [Localité 10] dans le cadre de relations commerciales avec la société HEXAPHARM, un contrat ayant été signé le 17/04/2018, que le licenciement a été notifié tardivement, ce qui exclut toute faute grave.
Sur ce, la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l'entreprise.
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, les juges forment leur conviction au vu des éléments de preuve fournis par les parties.
Afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis ; lorsque qu'une faute grave n'est pas caractérisée, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l'employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Il ressort de la lettre de licenciement que la SAS GSA HEALTHCARE reproche à M. [G] d'avoir :
-sur la période du 9 mars au 29 juin 2018 invité à déjeuner à plusieurs reprises des professionnels de santé (pharmaciens ou grossistes) sans informer au préalable sa hiérarchie, pour des frais de 615,40 euros, ces invitations ayant été effectuées en dehors des procédures réglementaires, l'employeur ayant été dans l'impossibilité d'effectuer les déclarations sur le site public, et de ne pas avoir respecté la politique anti-corruption de l'entreprise ;
-fait prendre en charge des frais non de repas mais de boissons alcoolisées ;
-fait prendre en charge deux déplacements à [Localité 10] (le 17 mai 2018 et les 7 et 8 février 2018) qui ont généré des frais à hauteur de 484,20 €, non justifiés au plan professionnel.
Il convient de revenir sur chacun des griefs.
Pour preuve de la faute grave s'agissant du premier grief l'employeur produit :
-le contrat de travail du salarié, dont l'article 11 vise la charte de l'information par démarchage ou prospection visant la promotion du médicament, ainsi que la charte du 15/10/2014,
-les feuilles de route Cycle2/2016, cycle 1/2018 et cycle 2/2018, adressées par courriels des 01/04/2016, 01/01/2018 et 01/05/2018, rappelant pour la première et la dernière la « loi Sunshine » et précisant : « pas de budget alloué : aucune dépense à titre personnel qui risquerait d'engager la société ou nos partenaires ; budget alloué pour « opportunités » (par exemple, petit déjeuner, déjeuner...) ou organisation de relations publiques (par exemple : dîner de travail) : respect absolu des directives du laboratoires partenaire (budget maximum, programme, délai pour déclaration au conseil de l'ordre si besoin, émargement...) » ;
-le code de bonne conduite du 02/11/2016 exposant à la politique de « tolérance zéro » en matière de corruption, et rappelant que GSA interdit à ses collaborateurs d'offrir, de donner, de solliciter, d'accepter ou de recevoir un pot-de vin ; que les cadeaux, l'hospitalité et les divertissements ne doivent jamais être promis, proposés ou donnés dans l'intention d'amener le bénéficiaire à faire quelque chose en faveur de GSA, ou de récompenser un tel comportement ;
-les déclarations de frais de M. [G] et les justificatifs joints pour les mois de mars à juin 2018,
-le courriel du 17/11/2016 par lequel M. [G] atteste avoir reçu et pris connaissance du code de bonne conduite et la politique anti-corruption de GSA.
L'intimé ne peut valablement soutenir ne pas avoir connaissance de la charte de l'information par démarchage ou promotion visant à la promotion des médicaments du 15/10/2014, mentionnée à l'article du 11 du contrat de travail qu'il a signé, et dont il a paraphé chaque page.
Le contrat de travail de M. [G] prévoit notamment qu'en qualité de directeur régional il a pour fonction de veiller à l'application de la stratégie commerciale de la société afin de développer le chiffre d'affaires de sa région, qu'il a pour mission l'encadrement, l'animation, la gestion et l'évaluation des visiteurs médicaux et attachés à la promotion du médicament chargés d'assurer l'information du corps médical sur les produits pharmaceutiques et/ou autres produits des laboratoires clients de la société ou certains d'entre eux dans le cadre de la réglementation.
Il ne peut donc être soutenu par M. [G] que la charte lui est inopposable comme n'assurant que la promotion de compléments alimentaire, dans la mesure où le contrat de travail vise l'évaluation des visiteurs médicaux et attachés à la promotion du médicament, mais également les produits pharmaceutiques et les autres produits des laboratoires clients, ce qui peut concerner à l'évidence les compléments alimentaires.
A cet égard, il ressort de l'alinéa 2 de l'article 5111-1 du code de la santé publique dans sa version applicable que « sont notamment considérés comme des médicaments les produits diététiques qui renferment dans leur composition des substances chimiques ou biologiques ne constituant pas elles-mêmes des aliments, mais dont la présence confère à ces produits, soit des propriétés spéciales recherchées en thérapeutique diététique, soit des propriétés de repas d'épreuve ».
Si, par ailleurs, les compliments alimentaires ne figurent pas dans la liste visée par l'article L. 5311-1 du code de la santé publique, il n'en reste pas moins, ainsi que le souligne le salarié, que la société GSA HEALTHCARE figure aux entreprises visées par l'article L1453-1 du code précité. L'employeur est donc tenu à une obligation de déclaration, dont il justifie en produisant un extrait de sa « base transparence santé », qui comporte notamment des invitations à des repas pour le laboratoire Boiron qui commercialise des produits homéopathiques.
A cet égard, la charte prévoit (page 8, alinéa f) que les repas offerts par les personnes exerçant une activité d'information par démarchage ou prospection aux professionnels de santé sont susceptibles de constituer des avantages au sens de l'article L. 4113-6 du code de la santé publique, en vigueur durant l'exécution du contrat de travail et jusqu'au 01/07/2018, qu'ils doivent en tout état de cause pour ne pas donner lieu à convention conserver un caractère impromptu et être en lien avec la visite auprès du professionnel de santé. Ils font l'objet, le cas échéant, de la publication prévue par les dispositions du II de l'article L. 1453-1 et des articles D. 1453-1 et R. 1453-2 du Code du travail.
Il s'ensuit que la charte est opposable au salarié, qui est tenu d'informer l'employeur des invitations de repas des professionnels de santé, afin pour celui-ci de pouvoir apprécier l'opportunité, le cas échéant, de satisfaire à son obligation de déclaration.
Il ressort des déclarations de frais de M. [G] que ce dernier a effectivement déclaré des repas professionnels sous l'intitulé « invitation/RP ». Ces déclarations ne précisent pas qu'il s'agit de pharmaciens, et non de visiteurs médicaux de l'équipe commerciale.
Cependant, s'il peut être constaté que plusieurs notes manuscrites jointes aux justificatifs ne mentionnent pas la qualité de pharmaciens des personnes invitées, mais mentionnent le nom de la personne invitée, force est de reconnaître que celle-ci est mentionnée à quelques reprises en particulier en juin (à titre d'exemple : « pharmacie du centre Fichaux, pharmacie du bourg, pharma taken, pharm B.Fichaux » etc).
Dans la mesure où ces professionnels figurent dans la base de données de l'employeur, et où M. [G] verse l'ensemble des relevés de frais depuis 2016, il apparaît qu'aucune observation ne lui a été adressée relativement à la déclaration des invitations de professionnels, à supposer celles-ci imprécises. Il ne peut donc être considéré que M. [G] a dissimulé des invitations à déjeuner. S'il n'a pas informé son employeur au préalable, celui-ci l'a été dans le cadre des justificatifs adressés a posteriori. Le grief n'est donc pas établi.
Compte-tenu de ces éléments, le grief n'est pas plus démontré concernant la politique anti-corruption, M. [G] n'ayant dissimulé aucune invitation de professionnels dans le cadre de repas professionnels.
S'agissant de la consommation d'alcool, il est établi par les relevés produits par l'employeur que trois notes de frais (30/05/2018, 19/06/2018 et 21/06/2018) sont afférentes à des consommations d'alcools. Le code de bonne conduite du 02/11/2016 prévoit l'interdiction à toute personne d'introduire, de distribuer, de consommer toutes boissons alcoolisées dans le cadre de son activité, et de laisser entrer ou séjourner dans l'entreprise des personnes en état d'ivresse apparent.
Cependant, les photographies produites par M. [G] démontrent l'existence de moments festifs, dans le cadre professionnel, avec consommation d'alcool. La cour constate, le salarié expliquant qu'il s'agit d'apéritifs liés à des réunions avec les autres directeurs régionaux, qu'il n'est pas justifié de suites disciplinaires concernant ces derniers, que les états de frais produits font état de ces dépenses, qu'au surplus aucune note de service n'est produite s'agissant des invitations professionnelles. Enfin, le règlement intérieur interdit toute consommation d'alcool dans l'entreprise, et non à l'extérieur dans le cadre de rencontres professionnelles, même informelles. Dans ces circonstances, la consommation d'alcool n'apparaît pas fautive, le caractère extraprofessionnel n'étant pas établi.
S'agissant des déplacements du salarié à [Localité 10] les 7 et 8 février 2018, et le 17 mai 2018, il apparaît que la région de [Localité 10] ne fait pas partie du secteur attribué à M. [G] et relève des attributions d'un autre salarié (M. [E]).
Il ressort de l'attestation de M. [S], examinée avec circonspection compte-tenu du lien de subordination, et qui bien que dactylographiée comporte la mention manuscrite prévue à l'article 202 du code de procédure civile, et une pièce d'identité permettant de vérifier la signature de son auteur qu'un contrat a été conclu avec le groupement Hexapharm, un partenariat ayant été conclu pour l'année 2018. Le contrat n'est cependant pas produit. Si les relations engagées avec le groupement Hexapharm peuvent expliquer un déplacement à [Localité 10] en février 2018, c'est-à-dire au début de la collaboration, tel n'est pas le cas pour le déplacement du 17/05/2018 en cours d'exécution. M. [G] n'apporte pour sa part aucune justification d'un rendez-vous avec Hexapharm à cette date. Le grief est établi.
Ainsi que le relève l'intimé le délai écoulé entre l'entretien préalable du 16/08/2018 et le licenciement du 10/09/2018, soit 23 jours après, ne peut permet pas de retenir la qualification de faute grave, l'employeur étant tenu de mettre fin au contrat dans un délai restreint. Au surplus, le grief ne rendait pas impossible la relation de travail y compris durant le temps du préavis.
Enfin, la sanction du licenciement apparaît disproportionnée au regard du manquement commis par le salarié, et de l'absence de tout antécédent disciplinaire.
Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé.
Sur les conséquences indemnitaires du licenciement
Le premier juge a fait une exacte appréciation, par une argumentation que la cour fait sienne, des indemnités allouées au titre de la rupture du contrat de travail. Le jugement est confirmé.
Il n'y a pas lieu compte-tenu de la confirmation du jugement d'ordonner le remboursement par M. [F] [G] des sommes versées au titre de l'exécution provisoire.
La SAS GSA HEALTHCARE sera déboutée de sa demande.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Partie perdante, la SAS GSA HEALTHCARE supporte les dépens d'appel.
Il est équitable d'allouer à M. [G] une indemnité de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions de première instance au titre des frais irrépétibles et des dépens étant confirmées.
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DEBOUTE la SAS GSA HEALTHCARE de sa demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,
CONDAMNE la SAS GSA HEALTHCARE aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. [F] [G] une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.