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CA Lyon, 1re ch. civ. b, 26 mars 2024, n° 22/02248

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 22/02248

26 mars 2024

N° RG 22/02248 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OGKY

Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 10 février 2022

RG : 17/05234

ch n°10 cab 10 J

[J]

[U] EPOUSE [J]

C/

S.D.C. [Adresse 9]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 26 Mars 2024

APPELANTS :

M. [I] [X] [J]

né le 04 Décembre 1969 à [Localité 5] (69)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Mme [W] [U] épouse [J]

née le 05 Août 1969 à [Localité 8] (14)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Brice LACOSTE de la SELARL LACOSTE CHEBROUX BUREAU D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1207

INTIMEE :

Le syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 9] sis [Adresse 1] - [Adresse 3] représenté par son syndic en exercice la SAS NEXITY LAMY, dont le siège social est [Adresse 2] à [Localité 6], prise en son établissement de [Localité 10]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Marion MOINECOURT de la SELARL CONSTRUCTIV'AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1274

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 16 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Janvier 2024

Date de mise à disposition : 26 Mars 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [I] [J] et Mme [W] [U] épouse [J] (les époux [J]) sont propriétaires d'un appartement situé au dernier étage du bâtiment C de l'ensemble immobilier « [Adresse 9] », situé [Adresse 1] - [Adresse 3] à [Localité 4] et soumis au statut de la copropriété.

Ils ont fait installer sur la toiture de l'immeuble trois unités extérieures de climatisation et ont fait passer des câbles dans les gaines techniques de l'immeuble afin de relier les unités intérieures et extérieures de leur climatisation.

Par un courrier du 16 octobre 2015, le syndic de l'immeuble leur a demandé de faire procéder à l'enlèvement des trois unités extérieures et à la remise en état des lieux, puis, par un nouveau courrier du 15 février 2016, il les a mis en demeure de procéder à cet enlèvement sans délai.

Une assemblée générale des copropriétaires du 26 mai 2016 a décidé de ne pas statuer sur la demande des époux [J] d'« approbation de la possibilité pour les occupants de faire installer des blocs de climatisation sur les parties communes extérieures attenantes à leur logement (balcons, terrasses, loggias, toitures), à condition que lesdites installations ne modifient pas l'aspect extérieur de l'immeuble » et de « régularisation des installations déjà en place qui n'ont pas fait l'objet d'une autorisation en assemblée générale », au motif notamment que les autorisations de travaux se votent au cas par cas et ne peuvent faire l'objet d'une autorisation de principe.

Une assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 16 février 2017 a autorisé, par plusieurs résolutions, la pose sur des balcons de climatiseurs non encore installés, a ratifié a posteriori des travaux d'installation de climatiseurs sur des balcons, mais a en revanche rejeté la résolution n° 21 tendant à la ratification a posteriori des travaux d'installation du système de climatisation des époux [J].

Le 12 mai 2017, ces derniers ont assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [Adresse 9] » (le syndicat des copropriétaires) devant le tribunal de grande instance de Lyon, devenu le tribunal judiciaire de Lyon, aux fins notamment d'annulation de cette assemblée générale extraordinaire.

Par jugement du 10 février 2022, le tribunal :

- les a déboutés de leur demande en annulation du refus d'adoption de la résolution n° 21 par l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 16 février 2017,

- les a condamnés à supprimer leurs unités de climatisation installées sur la toiture terrasse, ainsi que leurs câbles et branchements traversant les gaines techniques, dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement,

- a dit que faute pour eux de procéder aux suppressions ordonnées, ils seront redevables, passé ce délai, d'une astreinte provisoire pendant quatre mois dont le montant est fixé à 50 euros par jour de retard,

- les a condamnés à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance,

- a admis l'avocat qui en a fait la demande et qui peut y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- a ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration du 22 mars 2022, les époux [J] ont relevé appel du jugement.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 1er février 2023, ils demandent à la cour de :

A titre liminaire

- juger recevable en cause d'appel leur demande visant à être autorisés à procéder à la pose d'unités de climatisation sur le toit terrasse de l'immeuble,

A titre principal

- constater les irrégularités de forme de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires,

- constater l'abus de majorité des copropriétaires à leur encontre,

En conséquence,

- réformer le jugement,

- déclarer nulle la résolution n° 21 adoptée par l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires le 16 février 2017,

A titre subsidiaire, la pose des climatiseurs constituant une amélioration au sens de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965,

- les autoriser à procéder à la pose d'unités de climatisation sur le toit terrasse de l'immeuble, dans les conditions prévues aux termes du dossier technique remis lors de l'assemblée générale extraordinaire du 16 février 2017,

En tout état de cause

- réformer le jugement rendu,

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et notamment de sa demande de suppression sous astreinte de la climatisation installée par eux,

- si par extraordinaire la cour d'appel venait à faire droit à la demande de suppression de la climatisation sous astreinte, juger que le point de départ de cette astreinte sera fixé à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sur cette question,

- condamner le syndicat des copropriétaires à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 8 février 2023, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :

- déclarer irrecevable car nouvelle en cause d'appel la demande des époux [J] visant à être autorisés à procéder à la pose d'unités de climatisation sur le toit terrasse de l'immeuble,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [J] de leur demande d'annulation de la résolution n° 21 de l'assemblée générale des copropriétaires du 16 février 2017,

En conséquence,

- débouter les époux [J] de leur demande d'annulation de ladite résolution,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [J] à supprimer sous astreinte passé un délai de deux mois suivant la signification du jugement les unités de climatisation installées sur le toit terrasse de l'immeuble, ainsi que leurs câbles et branchements traversant les gaines techniques de l'immeuble, sauf en ce qu'il a fixé à 50 euros par jour de retard le montant de l'astreinte,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant
- fixer à 1 000 euros par jour de retard pendant quatre mois le montant de l'astreinte provisoire due par les époux [J] passé le délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner sous le même délai et la même astreinte les époux [J] à remettre les lieux en état à leurs frais exclusifs,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où leur demande de ce chef serait déclarée recevable,

- débouter les époux [J] de leur demande d'autorisation judiciaire de procéder à la pose d'unités de climatisation sur le toit terrasse de l'immeuble,

- débouter les époux [J] leurs demandes au titre de l'article 700 et des dépens,

- condamner in solidum les époux [J] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Marion Moinnecourt, avocat, sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 février 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande d'annulation de la résolution n° 21

A l'appui de leur demande d'annulation de la résolution n° 21 de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 16 février 2017, les époux [J] soutiennent essentiellement que :

- l'assemblée générale encourt la nullité pour être entachée de vices de forme et être en contrariété avec le règlement de la copropriété, tant sur sa convocation que sur son déroulement ; en effet, ils n'ont pas été valablement convoqués à l'assemblée générale par courrier recommandé et n'ont pas disposé des documents nécessaires à la préparation de celle-ci ; en outre, l'assemblée générale a été convoquée sans respect du formalisme prévu à l'article 55-II-2 du règlement de copropriété ; enfin, la feuille de présence est datée du 8 février 2017 alors que l'assemblée a eu lieu le 16 février 2017, elle n'est pas certifiée exacte par le président de l'assemblée et n'a pas été signée par le scrutateur ;

- l'assemblée générale encourt encore la nullité pour abus de majorité ; en effet, l'ensemble des résolutions permettant la régularisation de la pose des climatiseurs ont été adoptées, à l'exception de celle les concernant, alors qu'elle comportait toutes les pièces demandées, contrairement à d'autres résolutions acceptées ; le traitement différent réservé à leur situation, sans justification, caractérise une discrimination ;

- les motifs invoqués par l'assemblée générale pour justifier son refus de régularisation de leur installation sont totalement infondés, en l'absence d'atteinte aux parties communes, alors que la pose d'une antenne sur le toit, dix ans auparavant, n'avait posé aucune difficulté et faute de bien-fondé des arguments soulevés par le syndicat des copropriétaires touchant à la sécurité, à l'absence d'étanchéité, à la prétendue emprise au sol des climatiseurs et au contenu du dossier présenté par eux.

Le syndicat des copropriétaires réplique que :
- sur les prétendus vices de forme : la convocation de l'assemblée générale par le syndic, qui dispose d'un monopole de principe en cette matière, plutôt que par le conseil syndical, ne contrevient pas aux dispositions de l'article 55-II-2 du règlement de copropriété ; les époux [J] ont été dûment convoqués par lettre recommandé avec accusé de réception et ont reçu tous les documents nécessaires à la préparation de l'assemblée générale ; l'article 14 du décret du 17 mars 1967 ne vise pas, au nombre des mentions obligatoires de la feuille de présence, la date de l'assemblée, et de simples erreurs matérielles sont sans incidence sur la validité de l'assemblée si elles peuvent être aisément rétablies, ce qui est le cas en l'espèce ;
- sur l'abus de majorité : le syndicat des copropriétaires peut, sans abus de droit, refuser de ratifier des travaux affectant les parties communes réalisés sans son accord ; or, les trois unités de climatisation ont été installées sans son autorisation sur la toiture terrasse de l'immeuble, partie commune non accessible aux copropriétaires, et ont été raccordées à l'appartement des époux [J] par des câbles passant à travers les gaines techniques de l'immeuble, également parties communes ; ces travaux ne sont pas de même nature que ceux autorisés a posteriori pour d'autres copropriétaires, s'agissant de climatiseurs installés sur des balcons, parties communes à jouissance privative ; la toiture-terrasse de l'immeuble n'a pas vocation à devenir un espace privatif affecté à l'usage d'un copropriétaire, ce d'autant que l'installation des blocs de climatisation à des incidences en termes d'emprise au sol, d'accès à la toiture terrasse et d'étanchéité de celle-ci ; enfin, contrairement à ce qu'ils prétendent, leur demande de ratification n'était pas assortie des éléments d'information permettant de connaître les modalités exactes des travaux effectués sur les parties communes et, notamment, des raccordements effectués.

Réponse de la cour

Ainsi que l'a justement retenu le premier juge, qui a utilement rappelé les dispositions de l'article 8 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et cité celles de l'article 55-II-2) du règlement de copropriété relatif aux « autres possibilités de convocation » des assemblées générales, si la demande du conseil syndical tendant à la réunion d'une assemblée générale extraordinaire n'a pas été faite par lettre recommandée avec accusé de réception, le syndic a néanmoins convoqué cette assemblée générale extraordinaire, de sorte que le moyen des époux [J] tiré du non-respect du formalisme prévu à l'article 55-II-2 du règlement de copropriété doit être écarté. En effet, si l'article 55-II-2) fait obligation au syndic de convoquer l'assemblée générale chaque fois que la demande lui en est faite par le conseil syndical par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, il ne lui fait, à l'inverse, aucune interdiction de convoquer l'assemblée générale si la demande qui lui est faite par le conseil syndical ne revêt pas la forme d'une lettre recommandée, et le seul fait que la demande de convocation du conseil syndical n'ait pas été faite sous cette forme est sans incidence sur la validité de l'assemblée générale.

C'est encore par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que le tribunal a retenu, pour écarter les moyens de nullité de forme soulevés par les époux [J], d'une part, que l'erreur de date affectant la feuille de présence est une simple erreur de plume sans incidence sur la validité de l'assemblée générale, d'autre part, qu'il ne ressort pas des dispositions de l'article 14 du décret du 17 mars 1967 que la feuille de présence doit être signée par le scrutateur, enfin, qu'il ressort de la feuille de présence qu'au-dessus de la signature du président de séance apparaît la mention suivante : « La feuille de présence est déclarée sincère et véritable par les signataires ci-dessous ».

En cause d'appel, les époux [J] font valoir en outre qu'ils n'ont pas été valablement convoqués à l'assemblée générale par lettre recommandée et n'ont pas disposé des documents nécessaires à la préparation de celle-ci.

Sur ce point, il est exact que la pièce n° 17 du syndicat des copropriétaires, intitulée « bordereau de lettres recommandées avec accusé de réception envoyé le 20/01/2017 » et représentant un tableau établi par le syndic, ne permet pas d'établir que les époux [J] ont effectivement été régulièrement convoqués à l'assemblée générale et ont disposé des documents nécessaires à la préparation de celle-ci. En revanche, cette preuve résulte clairement de leur mail du 14 février 2017 adressé à Mme [E] [S], gestionnaire des copropriétés au sein de la société Nexity, syndic de la copropriété, dans lequel ils font référence à « la convocation qui nous a été remise et les dossiers qui l'accompagnaient » et aux « dossiers annexés [faisant] apparaître que sur les 19 demandes de régularisation, seules 6 ont un descriptif technique fourni et seules 7 ont des plans joints ».

Au vu de cette pièce, le moyen de nullité soulevé par les appelants et tiré de l'absence de convocation régulière à l'assemblée générale doit également être rejeté.

S'agissant du moyen de nullité tiré de l'abus de majorité, la cour rappelle qu'une décision d'assemblée générale ne peut être annulée pour abus de majorité que s'il est établi qu'elle est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou qu'elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires ou dans celui de nuire à certains copropriétaires.

En l'espèce, outre les motifs pertinents énoncés par le premier juge s'agissant de l'atteinte aux parties communes, que la cour adopte, la cour retient que la situation des époux [J] et celle des autres copropriétaires qui ont installé un système de climatisation sur le balcon de l'appartement dont ils sont propriétaires ne sont pas comparables, dès lors qu'ainsi que l'a justement retenu le tribunal, il existe une différence entre la toiture terrasse, qui est une partie commune, et les balcons, qui sont certes des parties communes, mais à usage privatif.

L'article 3 du règlement de copropriété stipule que les parties communes comportent notamment « les éléments qui assurent le clos, le couvert, et l'étanchéité (à l'exclusion des revêtements intérieurs, des fenêtres et des portes des parties privatives), les murs porteurs ou non, les couvertures, les terrasses (accessibles ou non), le tout alors même que l'un de ces éléments pourrait se trouver affecté à l'usage exclusif d'un seul copropriétaire ». Si le règlement de copropriété ne mentionne pas expressément quelles parties communes sont affectées ou non à l'usage exclusif d'un copropriétaire, il n'est pas contesté par les parties au litige que les balcons des appartements constituent des parties communes à usage exclusif. En revanche, en l'absence de mention expresse du règlement de copropriété en ce sens, il y a lieu de considérer que la terrasse sur laquelle les époux [J] ont installé les unités extérieures de leur climatisation, laquelle constitue la toiture de l'immeuble, ne constitue pas une partie commune affectée à leur usage exclusif. Or, il ressort de l'article 22 du règlement de copropriété que « nul ne pourra, même temporairement, encombrer les parties communes, ni y déposer quoi que ce soit, ni les utiliser pour son usage personnel ».

Compte tenu de la différence d'usage entre les balcons des appartements et la toiture terrasse de l'immeuble, le traitement différent réservé par l'assemblée générale des copropriétaires à la situation des époux [J] ne caractérise aucune discrimination ou rupture d'égalité, contrairement à ce qu'ils soutiennent. À l'inverse, les autoriser à maintenir leur installation de climatisation sur le toit terrasse serait de nature à entraîner une rupture d'égalité au détriment des autres copropriétaires qui, faute de disposer d'un accès facilité à la terrasse, sont contraints d'installer leur climatisation sur leur balcon et de supporter les inconvénients qui en découlent en termes d'encombrement et d'esthétique.

La résolution n° 21 n'ayant pas été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires ou dans celui de nuire aux époux [J], et n'étant pas contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires, s'agissant d'une décision tendant au respect du règlement des copropriétaires, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [J] de leur demande d'annulation de la résolution n° 21 de l'assemblée générale extraordinaire du 7 février 2017.

2. Sur la demande d'autorisation de procéder à la pose d'unités de climatisation sur le toit terrasse de l'immeuble

2.1. Sur la recevabilité de la demande

Le syndicat des copropriétaires soulève l'irrecevabilité de cette demande, nouvelle en cause d'appel, faisant valoir qu'elle ne résulte pas de la survenance ou de la révélation d'un fait postérieur à la décision de première instance ou dont les appelants n'auraient pas eu connaissance à l'époque et qu'elle ne tend pas non plus aux mêmes fins puisqu'il est de jurisprudence constante que l'annulation d'une décision de refus d'autorisation ne vaut pas autorisation et ne valide pas les travaux autorisés.

Les époux [J] répliquent que cette demande n'est pas nouvelle car elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si son fondement juridique est différent ; que leur objectif est en effet d'obtenir l'annulation de la résolution adoptée en assemblée générale refusant l'installation de leur climatisation pour être autorisés, à terme, à entreprendre ces travaux.

Réponse de la cour

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Et selon l'article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges mêmes si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, la demande des époux [J] tendant à être autorisés à procéder à la pose d'unités de climatisation sur le toit terrasse de l'immeuble tend aux mêmes fins que celle formée en première instance tendant à voir déclarer nulle la résolution de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires rejetant leur demande.

La demande est donc recevable.

2.2. Sur le bien-fondé de la demande

Les époux [J] sollicitent l'autorisation judiciaire d'installer une climatisation faisant valoir que :

- les climatiseurs litigieux ont été installés en 2015, soit il y a plus de 7 ans, sans qu'ils ne dérangent aucun des copropriétaires, en quelque façon que ce soit ;
- il s'agit d'une amélioration au sens de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 qui permet aux juridictions de se substituer à l'assemblée générale pour donner l'autorisation sollicitée.

Le syndicat des copropriétaires réplique que cette autorisation ne peut pas être accordée dans la mesure où les travaux ont déjà été réalisés.

Réponse de la cour

Selon l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire use et jouit librement des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.

Et selon l'article 25 b de la même loi, sont adoptées à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.

Enfin, selon l'article 30, alinéa 4, lorsque l'assemblée générale refuse l'autorisation prévue à l'article 25 b, tout copropriétaire ou groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal judiciaire à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d'amélioration visés à l'alinéa 1er.

À la différence de l'assemblée générale, le juge ne peut, sur le fondement de l'article 30 précité, ratifier des travaux d'ores et déjà exécutés par le copropriétaire de sa propre autorité et sans autorisation préalable, aucun texte ne lui conférant un tel pouvoir (en ce sens, 3e Civ. 21 décembre 1987, pourvoi n° 86-11.186 et 3e Civ., 8 octobre 1991, pourvoi n° 90-16.622).

En conséquence, les époux [J] qui ont d'ores et déjà fait procéder à l'installation du système de climatisation sur le toit terrasse et au passage des câbles dans les gaines techniques de l'immeuble, ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes d'autorisation de travaux.

3. Sur la demande de suppression des équipements de climatisation sous astreinte

Le syndicat des copropriétaires sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné sous astreinte les époux [J] à supprimer les unités extérieures installées par leurs soins sur la toiture de l'immeuble, ainsi que les câbles et branchements passant dans les gaines techniques. Il demande en outre que l'astreinte mise à la charge des époux [J] soit portée à 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir et que les époux [J] soient condamnés à remettre les lieux en état, à leurs frais exclusifs.

Pour le cas où la cour ferait droit à la demande de suppression sous astreinte, les époux [J] sollicitent la fixation du point de départ de l'astreinte à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, le jugement dont appel ne leur ayant pas été signifié.

Réponse de la cour

Compte tenu de la solution donnée au litige, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [J] à supprimer leurs unités de climatisation installées sur la toiture terrasse, ainsi que les câbles et branchements traversant les gaines techniques de l'immeuble, dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.

Afin de garantir l'exécution de la décision, l'obligation est assortie d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant un délai de quatre mois.

Le jugement est donc infirmé en ce qui concerne le point de départ de l'astreinte provisoire journalière et son montant.

La demande complémentaire formée à hauteur d'appel de remise en état des lieux est rejetée, compte tenu de son caractère vague et imprécis.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

En cause d'appel, les époux [J], partie perdante, sont condamnés aux dépens et à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en celles de ses dispositions fixant le point de départ et le montant de l'astreinte provisoire,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe le montant de l'astreinte provisoire à la somme de 100 euros par jour de retard,

Dit que l'astreinte courra à compter d'un délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt,

Déclare recevable la demande de M. [I] [J] et Mme [W] [U] épouse [J] visant à être autorisés à procéder à la pose d'unités de climatisation sur le toit terrasse de l'immeuble,

Les déboute de ce chef de demande,

Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [Adresse 9] » de sa demande de remise en état des lieux aux frais exclusifs de M. [I] [J] et Mme [W] [U] épouse [J],

Condamne in solidum M. [I] [J] et Mme [W] [U] épouse [J] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [Adresse 9] » la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [I] [J] et Mme [W] [U] épouse [J] aux dépens d'appel,

Fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT