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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 21 mars 2024, n° 23/04940

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

AUTO BILAN (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vasseur

Conseillers :

Mme De Rocquigny Du Fayel, Mme Igelman

Avocats :

Me Testaud, Me Arena, Me Askarne, Me Cohen

TJ Nanterre, du 8 juin 2023, n° 23/00467

8 juin 2023

EXPOSE DU LITIGE :

La SARL Auto Bilan [Localité 4] 92, gérée par M. [I] [J], exerçait l'activité de centre de contrôle technique au n° [Adresse 1], à [Localité 4] (Hauts-de-Seine), au sein de locaux dont M. [J] est propriétaire.

Par acte sous seing privé du 2 mai 2022, M. [J] et M. [X] [R] ont conclu un bail dérogatoire portant sur ces locaux. Cet acte indique au titre de sa durée : « Le présent bail est en outre consenti pour une durée de huit mois, du 2 mai 2022 au 31 décembre 2022. Une rupture anticipée est possible avec l'accord des 2 parties. Le preneur aura la faculté de donner congé à l'expiration de la durée convenue, dans les formes et délais prévus par l'article 5 du décret-loi du 30 septembre 1953. »

Le 6 septembre 2022, M. [R] a constitué une société par actions simplifiée dont la dénomination est également « Auto Bilan [Localité 4] 92 ».

Pour plus de clarté dans la suite du présent arrêt, la société à responsabilité limitée de M. [M] sera désignée comme étant la SARL, cependant que la société par actions simplifiée de M. [R], qui porte la même dénomination, sera désignée comme étant la SAS.

Le 3 février 2023, la SAS a fait dresser un procès-verbal de constat par huissier de justice indiquant qu'une chaîne antivol empêche l'ouverture du portail permettant d'accéder aux locaux. Ce procès-verbal indique également que M. [J], présent sur place, fait part de ce qu'il reconnaît être l'auteur de la pose de cette chaîne antivol ainsi que du changement des serrures permettant l'accès aux locaux.

Par acte du 20 février 2023, la SAS a fait assigner en référé M. [J] pour obtenir sa réintégration immédiate dans le local commercial.

La SARL est intervenue volontairement à l'instance au côté de M. [J].

Par ordonnance contradictoire rendue le 8 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir au fond, mais dès à présent, par provision,

- reçu l'intervention volontaire de la SARL,

- condamné M. [J] et en tant que de besoin la SARL à laisser la SAS accéder aux locaux loués sis [Adresse 1] à [Localité 4], sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 5 jours ouvrés à compter de la signification de l'ordonnance pendant 90 jours,

- condamné M. [J] aux dépens de l'instance,

- condamné M. [J] à payer à la SAS la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration reçue au greffe le 18 juillet 2023, M. [J] et la SARL ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :

- reçu l'intervention volontaire de la SARL Auto Bilan [Localité 4] 92,

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 26 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [J] et la SARL demandent à la cour, au visa des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, 696, 700 et 835 du code de procédure civile, de :

'- recevoir M. [I] [J] et la SARL « Auto Bilan [Localité 4] 92 » en leur appel principal ;

- recevoir M. [I] [J] et la SARL « Auto Bilan [Localité 4] 92 » en ses demandes ;

- infirmer l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Nanterre du 8 juin 2023 en ce qu'elle a :

- condamné M. [I] [J] et en tant que de besoin la SARL « Auto Bilan [Localité 4] 92 » à laisser la s.a.s.u « Auto Bilan [Localité 4] 92 » accéder aux locaux loués sis[Adresse 1]y à[Localité 4]0, ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 5 jours ouvrés à compter de la signification de la présente ordonnance pendant 90 jour ;

- condamné M. [I] [J] aux dépens de l'instance ;

- condamné M. [I] [J] à payer la SASU « Auto Bilan [Localité 4] 92 » la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

et statuant de nouveau :

- constater la régularité du congé délivré par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 5 décembre 2022 par M. [I] [J] à la SASU « Auto Bilan [Localité 4] 92 » et à son président, M. [R] [X] ;

- constater l'occupation sans droit ni titre des locaux sis [Adresse 1] ' [Localité 4] par la SASU « Auto Bilan [Localité 4] 92 » à compter du 1er janvier 2023.

en conséquence,

- juger l'occupation sans droit ni titre des locaux sis [Adresse 1] ' [Localité 4] par la SASU « Auto Bilan [Localité 4] 92 » constitutive d'un trouble manifestement illicite ;

- juger les prétentions de la SASU « Auto Bilan [Localité 4] 92 » mal fondées et la débouter de l'intégralité de ses demandes ;

- juger le comportement reproché à M. [I] [J] comme étant non-constitutif d'un trouble manifestement illicite ;

- condamner la SASU « Auto Bilan [Localité 4] 92 » à payer à M. [I] [J] la somme de 1 200 euros et à la SARL « Auto Bilan [Localité 4] 92 » la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en première instance.

y ajoutant :

- condamner la SASU « Auto Bilan [Localité 4] 92 » à payer à M. [I] [J] la somme de 5 000 euros et à la SARL « Auto Bilan [Localité 4] 92 » la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés devant la cour, ainsi qu'aux dépens d'instance.

- rejeter l'ensemble des demandes de la SASU « Auto Bilan [Localité 4] 92 »'

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 janvier 2024, auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SAS demande à la cour, au visa des articles 564, 566, 835 du code de procédure civile et L. 145-5 du code de commerce, de :

' - déclarer irrecevables les demandes de M. [J] de :

« - constater la régularité du congé délivré par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 5 décembre 2022 par M. [I] [J] à la SASU « Auto Bilan [Localité 4] 92 » et à son président, M. [R] [X] ;

- constater l'occupation sans droit ni titre des locaux sis [Adresse 1] ' [Localité 4] par la SASU « Auto Bilan [Localité 4] 92 » à compter du 1er janvier 2023.

en conséquence,

- juger l'occupation sans droit ni titre des locaux sis [Adresse 1] ' [Localité 4] par la SASU « Auto Bilan [Localité 4] 92 » constitutive d'un trouble manifestement illicite; »

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance en date du 8 juin 2023 rendue par Mme le président du tribunal judiciaire de Nanterre ;

- débouter M. [I] [J] et la sarl Auto Bilan [Localité 4] 92 de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ,

- enjoindre M. [J] de communiquer les originaux des accusés réception n°1A 170 035 8145 0 et 1A 170 035 8146 7 et les justificatifs d'affranchissements à la date du 5 décembre 2023 ;

- condamner M. [J] à payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de M. [J] tendant à faire constater la régularité du congé et l'occupation sans droit ni titre par la SAS :

Exposant que les trois chefs de demandes formées par M. [J] et la SARL, tendant à constater la régularité du congé délivré par les lettres recommandées du 5 décembre 2022, à faire constater l'occupation sans droit ni titre des locaux par la SAS et à faire juger en conséquence que cette occupation est constitutive d'un trouble manifestement illicite, sont formulés pour la première fois à hauteur d'appel, la SAS soutient que ces demandes sont irrecevables, en application des articles 564 et 566 du code de procédure civile.

En réponse, M. [J] et la SARL exposent, en visant spécifiquement la demande tendant à faire constater l'occupation sans droit ni titre des locaux par la SAS, que cette prétention, qui tend à faire écarter la demande principale, échappe au principe de l'interdiction des demandes nouvelles et qu'elle est virtuellement comprise dans celle tendant au débouté de la SAS.

Sur ce,

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. L'article 566 dispose que les parties ne peuvent adjoindre aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, la demande de M. [J] et de la SARL tendant à faire constater que le congé aurait été régulièrement délivré par les lettres recommandées avec demandes d'avis de réception, qu'ils exposent avoir adressées le 5 décembre 2022 à la SAS et à M. [R], est le complément nécessaire de leur prétention tendant à dire que le bail dérogatoire du 2 mai 2022 avait fait l'objet d'un congé régulier, ce dont il résulterait, dans le cadre des moyens de défense développés par les appelants, que l'occupation des locaux par la SAS serait sans droit ni titre et, partant, constitutive d'un trouble manifestement illicite. Ainsi, cette demande est bien le complément nécessaire de celle qui avait été soumise au premier juge.

Aussi convient-il, sur le fondement de l'article 566 du code de procédure civile, de rejeter cette fin de non-recevoir développée par la SAS.

Sur la demande de la SAS tendant à ce qu'il soit délivré injonction à M. [J] de communiquer les originaux des accusés de réception n° 1 A 170 035 8145 0 et 1 A 170 035 8 146 7 et les justificatifs d'affranchissements à la date du 5 décembre 2023 :

En premier lieu, il convient de constater que les lettres par lesquelles M. [J] prétend avoir délivré un congé à la SAS ainsi qu'à M. [R] ne sont pas datées du 5 décembre 2023, contrairement à ce que soutient l'intimée, mais du 5 décembre de l'année précédente.

La SAS indique, dans la partie de ses conclusions relative à la discussion des moyens, que cette demande est formée « à titre incident ». Elle indique que ces deux correspondances, qui figurent en pièces n° 18 et 19 des appelants, sont des faux en écriture et ne lui ont jamais été adressées. Au soutien de cette allégation, la SAS indique que le site internet de la Poste permet de suivre un recommandé 12 mois après sa date de prise en charge et qu'en l'occurrence, dans le cadre de la consultation opérée par l'avocat de la SAS dudit site internet, le service client de la Poste lui a répondu : « Je suis cependant au regret de vous informer que votre demande ne peut être traitée par nos équipes car l'objet 1 A 17003580450 n'a pas d'historique connu ». La SAS expose en outre que les courriers recommandés visés par la pièce n° 17 des appelants sont juxtaposés, « le retour étant dessous de l'exemplaire à conserver par le client », ce dont elle déduit que l'accusé de réception n'a jamais été apposé sur une enveloppe ; elle expose en outre que l'affranchissement n'est pas non plus versé aux débats et que contrairement à la pièce n° 19 des appelants, les documents de la pièce n° 17 ne comportent qu'un tampon de retour mais pas de tampon mentionnant la date d'expédition du 5 décembre 2023. La SAS expose en outre que M. [J] n'avait pas fait mention de ces prétendues correspondances dans ses écritures de première instance.

En réponse, les appelants indiquent que M. [J], par le truchement de son conseil, a pris soin d'interroger la Poste afin de connaître la raison pour laquelle le suivi des courriers recommandés dont il est l'auteur et qui lui ont été retournés avec la mention « pli avisé non réclamé » ne lui permettaient d'obtenir que la réponse suivante : « La Poste est prête à prendre en charge votre envoi. Dès qu'il nous sera confié, vous pourrez suivre son trajet ici ». Ils indiquent que le service clientèle de la poste leur a répondu : « Après vérification, j'ai pu identifier l'origine du dysfonctionnement. Cet objet a connu un problème dès sa prise en charge et son historique vierge de tout mouvement. Cette problématique n'est pas habituelle mais peut se produire suite à une mauvaise manipulation.»

Sur ce,

L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Dans ce cadre, les parties sont libres de sélectionner les éléments probatoires qu'elles entendent produire à l'instance.

En l'occurrence, les parties se sont largement expliquées sur le point de savoir si les lettres recommandées avec demande d'avis de réception ont, ou non, été envoyées. Quoi qu'il en soit de ce point, il est constant qu'elles n'ont en tout état de cause pas été réceptionnées par leurs destinataires respectifs que sont la SAS et M. [R].

Ainsi, cette circonstance permet, en soi, de statuer sur le point de savoir si elles ont, ou non, permis la délivrance valable d'une opposition au maintien du preneur dans les lieux. À cet égard, la demande de communication est dépourvue d'incidence dans le cadre de la présente instance.

Surabondamment, la SAS indique avoir déposé une plainte pénale pour faux, en raison desdits courriers. Il n'y a pas lieu, pour une juridiction civile, d'ordonner la communication d'une pièce dont l'existence est au coeur de la procédure pénale engagée par la partie demanderesse à ladite communication.

Aussi n'y a-t-il pas lieu d'accueillir cette demande d'injonction.

Sur la demande de M. [J] et de la SARL tendant à faire constater la régularité du congé qu'ils indiquent avoir fait délivrer par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception du 5 décembre 2022 :

Les appelants indiquent que par deux lettres datées du 5 décembre 2022, envoyées par voie de recommandé avec demande d'avis de réception à la SAS d'une part et M. [R] d'autre part, M. [J] a « dénoncé » le bail dérogatoire, en application de l'article L. 145-5 du code de commerce, et fait sommation de quitter les lieux à la date d'échéance prévue, au 31 décembre 2022. Ils indiquent également avoir fait ce qu'ils mentionnent être une sommation de quitter les lieux, et renvoient à cet égard à sa pièce n° 18 qui est la copie d'une lettre, datée du 28 décembre 2022, signée de M. [J] à destination de la SAS et qui contient, en caractères d'imprimerie, la mention selon laquelle elle aurait été « remise en main propre ». Ils font état également d'une lettre, en pièce n° 19, dont ils indiquent qu'elle a été adressée par voie de recommandé avec demande d'avis de réception et dont ils exposent qu'elle n'a pas été davantage réclamée que les précédentes, lettre par laquelle M. [J] indique avoir réitéré sa demande de quitter les lieux. Ils indiquent que les courriers du 5 décembre 2022 ont bien été envoyés mais qu'ils ne peuvent en justifier en raison d'une erreur de La Poste et que s'ils n'avaient pas évoqué ces courriers en première instance, c'est simplement parce qu'ils n'ont été retrouvés au domicile de M. [J] qu'à l'occasion de ce qu'ils mentionnent être un ménage chez lui.

La SAS rappelle que dans le cadre de ses écritures de première instance, son adversaire, M. [J], ne soulevait pas l'existence d'un congé mais contestait avoir signé un quelconque bail commercial et elle relève que l'existence de cet acte n'est désormais plus contesté en cause d'appel par M. [J]. S'agissant du congé que ce dernier prétend avoir adressé par voie postale, la SAS expose que les pièces produites à cet égard par son adversaire en cause d'appel sont des faux, créés pour les besoins de la procédure : elle considère qu'il ne se conçoit pas que deux courriers aient fait l'objet d'une erreur de la part des services postaux et souligne, ainsi qu'il a déjà été mentionné précédemment, que les appelants se gardent de justifier de l'affranchissement de ces courriers. La SAS indique à cet égard avoir déposé plainte pour faux.

Sur ce,

L'article L. 145-5 du code de commerce dispose en ses deux premiers alinéas : « Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.

Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre. »

Ainsi, il appartenait à M. [J], en sa qualité de bailleur, s'il souhaitait que ne s'opère pas un nouveau bail à l'expiration du bail dérogatoire, au 31 décembre 2022, qu'il manifestât son opposition au maintien dans les lieux du preneur, à savoir M. [R] selon le bail signé le 2 mai 2022 (produit en pièce n° 2), ou la SAS, selon le bail que les appelants appellent le « bail dérogatoire du 2 mai 2022 régularisé », qu'ils produisent en pièce n° 5 et qui est daté quant à lui du 1er mai 2022, soit la veille du bail qu'il est censé régulariser. Quoi qu'il en soit, l'existence d'un bail commercial dérogatoire n'est plus contestée en cause d'appel.

Les deux lettres que les appelants exposent avoir adressées le 5 décembre 2022, respectivement à la SAS et à M. [R], n'ont pas été retirées par ceux-ci. Il n'est d'ailleurs pas justifié de ce qu'elles ont été adressées et l'explication des appelants, tenant à ce que « les lettres n'ont vraisemblablement pas été flashées » n'est aucunement circonstanciée, la réponse du service clientèle de La Poste tenant à ce que « cet objet a connu un problème dès sa prise en charge et son historique est vierge de tout mouvement » et à ce que « cette problématique n'est pas habituelle mais peut se produire suite à une mauvaise manipulation » demeure hypothétique. Au surplus, le fait que M. [J] n'ait pas même évoqué ces lettres en première instance à raison du fait qu'elles n'auraient été retrouvées qu'à l'occasion d'un ménage fait chez lui procède d'un argument dépourvu de caractère sérieux. De même, ce que les appelants indiquent être, en leur pièce n° 18, une « sommation de quitter les lieux du 28 décembre 2022 » ne caractérise pas davantage une opposition qui aurait été manifestée par M. [J] au maintien de la SAS dans les lieux alors que rien ne justifie qu'elle ait effectivement été remise à cette dernière ; au demeurant, la mention manuscrite qui y est apposée, tenant à ce qu'elle aurait été « remise en main propre » est dépourvue de toute crédibilité dès lors qu'elle a été apposée en caractères d'imprimerie et, partant, nécessairement avant la supposée remise. Enfin, la lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 3 février 2023, produite en pièce n° 19 par les appelants, a quant à elle bien été envoyée, l'avis d'envoi étant joint à cette production. Mais le pli n'a pas été retiré par son destinataire qui était la SAS ; en outre, adressée le 3 février 2023, cette lettre était en tout état de cause tardive au regard du 2ème alinéa de l'article L. 145-5 du code de commerce et de la fin prévue du bail dérogatoire, au 31 décembre 2022 ; enfin, elle n'était adressée qu'à la SAS et pas à M. [R], signataire du bail du 2 mai 2022.

Faute pour les appelants de justifier qu'ils auraient, d'une quelconque manière, porté à la connaissance du preneur leur opposition au maintien de celui-ci dans les lieux à l'expiration du bail dérogatoire, le 31 décembre 2022, c'est à bon droit que le juge de première instance a retenu que les relations contractuelles avaient vocation à se poursuivre, à compter du 1er février 2023, dans le cadre d'un bail commercial conformément à l'article L. 145-5 du code de commerce.

En conséquence, c'est également par une exacte application de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile que le juge de première instance a retenu que l'apposition d'un cadenas sur la porte d'entrée du local, par M. [J], qui ne la conteste au demeurant pas et qui l'a même expressément reconnue devant l'huissier de justice lors du procès-verbal de constat, dressé à la requête de la SAS le 3 février 2023, procède d'un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin.

Aussi convient-il de confirmer dans son intégralité l'ordonnance attaquée.

Sur les demandes accessoires :

Parties succombantes en cause d'appel, M. [J] et la SARL seront condamnés aux dépens d'appel.

S'agissant de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la SAS ne la sollicite qu'à l'encontre de M. [J] et non pas de la SARL dont il est le gérant. M. [J] sera condamné à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la fin de non-recevoir, formulée par la SAS Auto Bilan [Localité 4] 92, à l'encontre des demandes de M. [J] tendant à faire constater la régularité du congé et l'occupation sans droit ni titre ;

Rejette la demande d'injonction, formulée par la SAS Auto Bilan [Localité 4] 92, portant sur la communication des originaux des accusés de réception et des justificatifs d'affranchissement des lettres alléguées du 5 décembre 2022 ;

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Condamne M. [J] et la SARL Auto Bilan [Localité 4] 92 aux dépens ;

Condamne M. [J] à verser à la SAS Auto Bilan [Localité 4] 92 la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Thomas VASSEUR, président, et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.