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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. a, 21 mars 2024, n° 20/04932

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Lys République 34 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Conseillers :

M. Seitz, M. Gauthier

Avocats :

SELARL DPG, SAS TW & Associés, Me Rebe

TJ Lyon, 10e ch. cab 10 H, du 31 août 20…

31 août 2020

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 28 avril 2003, M. et Mme [O] ont donné à bail un local situé [Adresse 3], à [Localité 4], à M. et Mme [T], lesquels ont cédé, le 31 août 2009, leur fonds de commerce à M. [D] [G] et Mme [Z] [V], son épouse (les époux [G]).

Par acte d'huissier de justice du 15 février 2011, la société ANF Immobilier, venant aux droits de M. et Mme [O], a fait délivrer aux époux [G] un congé sans offre de renouvellement pour la date du 15 août 2011.

Ayant sollicité en vain, le 20 mars 2013, le renouvellement du bail, les époux [G] ont saisi le tribunal de grande instance de Lyon en paiement d'une indemnité d'éviction et des indemnités accessoires par acte du 29 juillet 2013.

Le 14 août 2013, la société ANF Immobilier a fait assigner les époux [G] en fixation d'une indemnité d'occupation.

Les deux instances ont été jointes.

Par acte authentique du 30 novembre 2015, la société ANF Immobilier a cédé l'immeuble à la société Lys République 34.

Par ordonnance du 15 février 2016, le juge de la mise en état a, notamment, ordonné une expertise, confiée à M. [J], qui a déposé son rapport le 18 décembre 2017.

Par jugement du 31 août 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- mis hors de cause la société ANF Immobilier ;

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Lys République 34 ;

- rejeté les fins de non-recevoir ;

- rejeté les prétentions de la société Lys République 34 tendant à ordonner l'expulsion du preneur commercial et à la fixation d'une indemnité d'occupation de droit commun ;

- fixé l'indemnité d'éviction due par la société Lys République 34 aux époux [G] à la somme de 114 800 euros ;

- condamné la société Lys République 34 à verser aux époux [G] la somme de 114 800 euros au titre de l'indemnité d'éviction, sauf exercice de son droit de repentir dans les conditions de l'article L. 145-58 du code de commerce ;

- fixé les indemnités accessoires dues par la société Lys République 34 aux époux [G] de la manière suivante :

* 1 000 euros au titre des frais de déménagement, sous réserve de preuve du paiement de la facture afférente ;

* 22 630 euros au titre des frais de réinstallation, sous réserve de preuve du paiement de factures justifiant d'une réinstallation ;

* la somme équivalente à deux mois d'occupation statutaire, suivant le calcul déterminé par le présent jugement pour l'indemnité d'occupation et correspondant au montant exigible à la date du paiement de l'indemnité d'éviction, au titre des doubles frais ;

* 2 900 euros au titre du trouble d'exploitation ;

- condamné la société Lys République 34 à verser aux époux [G] les sommes de :

* 1 000 euros au titre des frais de déménagement, sous réserve de la preuve du paiement de la facture afférente ;

* 22 630 euros au titre des frais de réinstallation, sous réserve de la preuve du paiement de factures justifiant d'une réinstallation ;

* la somme équivalente à deux mois d'occupation statutaire, suivant le calcul déterminé par le présent jugement pour l'indemnité d'occupation et correspondant au montant exigible à la date du paiement de l'indemnité d'éviction, au titre des doubles frais ;

* 2 900 euros au titre du trouble d'exploitation ;

- désigné en qualité de séquestre, sauf meilleur accord des parties, M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Lyon avec charge et mission de recevoir le versement de l'indemnité d'éviction ;

- fixé l'indemnité d'occupation pour la période du 15 août 2011 au 15 août 2019 de la manière suivante :

(Période)

(indemnité occupation annuelle)

(ILC)

(ref ILC)

15/08/2011 - 14/08/2012

19170

101,83

2e T 2010

15/08/2012-14/08/2013

19661,3454

104,44

2e T 2011

15/08/2013-14/08/2014

20265,6437

107,65

2e T 2012

15/08/2014-14/08/2015

20425,6604

108,5

2e T 2013

15/08/2015-14/08/2016

20425,6604

108,5

2e T 2014

15/08/2016-14/08/2017

20406,8349

108,38

2e T 2015

15/08/2017-14/08/2018

20406,8349

108,4

2e T 2016

15/08/2018-14/08/2019

23755,88

126,19

2e T 2017

- condamné les époux [G] à payer à la société Lys République 34 la somme de 96 666,07 euros au titre de la différence due entre les loyers payés et l'indemnité d'occupation fixée pour la période courant du 15 août 2011 au 15 août 2018 ;

- condamné les époux [G] à payer à la société Lys République 34 la somme de 16 801,88 euros HT au titre de la différence due entre les loyers payés et l'indemnité d'occupation fixée pour la période courant du 15 août 2018 au 15 août 2019 ;

- dit que l'indemnité d'occupation fixée au titre de l'année 2018 sera actualisée en fonction de la variation de l'ILC pour la fixation de l'indemnité d'occupation due à compter du 15 août 2019, et ainsi chaque année, jusqu'à l'entière libération des locaux ;

- condamné les époux [G] à payer à la société Lys République l'indemnité d'occupation, outre charges et taxes en sus, en ce compris les sommes dues à ce titre à compter du 16 août 2011 ;

- dit que les sommes dues au titre du rappel sur indemnité d'occupation produiront intérêts de droit au taux légal, à compter de chaque échéance depuis le 16 août 2011, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

- rejeté la demande de compensation ;

- condamné la société Lys République aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;

- rejeté les demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Par déclaration transmise au greffe le 15 septembre 2019, les époux [G] ont relevé appel de cette décision.

Dans leurs conclusions en réponse et récapitulatives déposées le 18 juin 2021, les époux [G] demandent à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a dit que leur fonds de commerce était transférable ;

- dire et juger que le fonds de commerce est perdu comme présumé tel, en l'absence de preuve contraire rapportée par la société Lys République 34 ;

- débouter la société Lys République 34 des fins et moyens de son appel incident ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté les différentes fins de non-recevoir opposées aux époux [G] ;

- réformer le jugement en ce qu'il les a condamnés à payer différentes sommes relevant de la reddition de comptes entre les parties au moment de la libération des lieux ;

- réformer le jugement quant aux montants de l'indemnité d'éviction comme de l'indemnité d'occupation fixés, et, statuant à nouveau :

- fixer l'indemnité d'éviction globale revenant aux époux [G] au titre de la perte de leur fonds de commerce exploité [Adresse 3], à [Localité 4], à la somme de 361 125 euros, dont :

* indemnité principale : 270 000 euros ;

* indemnité accessoires : 91 25 euros ;

- condamner la société Lys République 34 à leur payer l'indemnité globale de 361 125 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 29 juillet 2013, valant mise en demeure ;

- désigner en qualité de séquestre M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon avec charge et mission de leur verser l'indemnité d'éviction contre remise des clés du local vide et paiement des indemnités d'occupation après reddition des comptes entre les parties ;

- fixer l'indemnité d'occupation des locaux à compter du 15 août 2011 à la somme de 8 960 euros par an, en principal, sans intérêt ni révision en l'absence d'une clause d'échelle mobile licite stipulée au bail ;

- condamner la société Lys République 34 à leur payer la somme de 15 000 euros au titre des frais exposés par ceux-ci pour faire valoir leur droit à indemnité, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens de la procédure qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire.

Dans ses conclusions déposées le 14 septembre 2021, la société Lys République 34 demande à la cour de :

- Sur l'appel incident

- réformer le jugement ;

- dire et juger irrecevable la demande de M. [G] en fixation d'une indemnité d'éviction dès lors que faute d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, ce dernier ne peut prétendre au bénéfice d'une telle indemnité ;

- dire et juger que Mme [G] est également irrecevable en sa demande dès lors qu'elle ne remplit pas davantage les conditions légales pour bénéficier d'une indemnité d'éviction, faute de justifier d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés conforme à la destination contractuelle du bail en cause,

- dire et juger que les époux [G] ne peuvent bénéficier du paiement d'une indemnité d'éviction et pas davantage de son corollaire à savoir le droit au maintien dans les lieux,

- dire et juger que les époux sont occupants sans droit ni titre des locaux sis [Adresse 3] depuis le 16 août 2011 ;

- dire et juger, en tout état de cause, les époux [G] irrecevables en leurs demandes pour violation du principe de l'estoppel caractérisant une violation des droits de la défense du bailleur et de la loyauté des débats ;

En conséquence

- ordonner leur expulsion des locaux en cause de corps et de biens, ainsi que celle de tous occupants de leur chef, dès que le délai légal sera expiré et au besoin avec leconcours de la Force Publique,

- fixer à la somme de 2 500 euros par mois, l'indemnité d'occupation indemnitaire et compensatoire due par les époux [G] depuis le 16 août 2011 ;

- dans l'hypothèse où la Cour jugerait la somme de 2 500 euros par mois trop importante même pour une indemnité d'occupation de droit commun à vocation indemnitaire et compensatrice :

- dire et juger que l'indemnité d'occupation de droit commun doit a minima être fixée à la somme de 2 000 euros/mois ;

- condamner les époux [G] au paiement de ladite indemnité d'occupation, outre charges et taxes,

- dire et juger que les sommes dues au titre du rappel sur indemnité d'occupation, produiront intérêts de droit au taux légal, à compter de chaque échéance depuis le 16 août 2011, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière et ce jusqu'à l'entière libération des locaux ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, le droit à l'indemnité d'éviction était reconnu aux époux [G], sur l'appel principal des époux [G] :

- dire et juger que les appelants ne rapportent pas la preuve de ce que le déplacement du fonds entraînerait la perte totale de la clientèle,

- dire et juger que le fonds est transférable ;

- sur l'indemnité d'éviction

- dire et juger infondés les appelants en leurs demandes de réformation,

- débouter les appelants de leurs demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions concernant l'indemnité d'éviction,

Y ajoutant :

- dire et juger que les indemnités accessoires, à l'exception du trouble d'exploitation et de double frais, seront exigibles, par les époux [G], dans la limite des fixations et sur production d'une facture portant mention acquittée et attestation de règlement par le prestataire ou les prestataires

- sur l'indemnité d'occupation

- dire et juger infondés les époux [G] en leurs demandes de réformation ;

- débouter les époux [G] de leurs demandes ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions concernant l'indemnité d'éviction;

- sur la compensation, réformer le jugement sur ce point

- ordonner la compensation entre les parties entre les sommes dues, le cas échéant, par chacune d'entre elles des chefs de leurs demandes auxquelles le tribunal ferait droit (sic) ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, le droit à l'indemnité d'éviction était reconnu aux époux [G], et si la Cour jugeait rapportée la preuve de la perte totale de clientèle par déplacement du fonds de commerce :

- sur l'indemnité d'éviction

* sur l'indemnité principale :

- dire et juger infondés les appelants en leurs demandes,

- dire et juger que l'indemnité principale selon la valeur marchande du fonds de commerce doit être fixée selon la consistance du fonds au terme du bail, rejeter en conséquence les analyses et chiffres opposés dans la pièce adverse n°5,

- dire et juger que la valeur marchande du fonds de commerce ne saurait excéder la somme fixée par l'expertise judiciaire,

- dire et juger que la société Lys République 34 rapporte la preuve d'un préjudice moindre par l'avantage tiré de la période de maintien dans les lieux de plus de 10 ans,

En conséquence :

- fixer l'indemnité principale de l'indemnité d'éviction à la somme de 100 000 euros;

* sur les indemnités accessoires :

- dire et juger infondés les époux [G] en leurs demandes,

- fixer comme suit les indemnités accessoires :

* frais de remploi : 10 000 euros

* frais de réinstallation : 22 630 euros

* double frais : deux mois d'indemnité d'occupation

* trouble d'exploitation : 2 900 euros

- dire et juger, en tout état de cause, que les indemnités accessoires, à l'exception du trouble d'exploitation et de double frais seront exigibles, par les époux [G], dans la limite des fixations et sur production d'une facture portant mention acquittée et attestation de règlement par le prestataire ou les prestataires ;

- sur l'indemnité d'occupation

- dire et juger infondés les époux [G] en leurs demandes de réformation ;

- débouter les époux [G] de leurs demandes ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions concernant l'indemnité d'éviction,

- sur la compensation, réformer le jugement sur ce point

- ordonner la compensation entre les parties entre les sommes dues, le cas échéant, par chacune d'entre elles des chefs de leurs demandes auxquelles le Tribunal ferait droit (sic) ;

En tout état de cause

- condamner M. et Mme [G] au paiement de la somme de 6 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la société Lys République 34 venant aux droits de la société ANF IMMOBILIER.

- condamner les époux [G] aux entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de leur conseil.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 octobre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel

À titre infirmatif, la société demande à la cour de constater l'aveu judiciaire des appelants de ce que le fonds est transférable et, ce, dès l'assignation délivrée par les appelants, qui indiquait leur décision de transférer leur activité à [Adresse 1], plus précisément [Adresse 1], en des termes précis, clairs et étayés par leurs demandes financières. Elle estime qu'il en résulte une contradiction manifeste, révélant la mauvaise foi des appelants, puisque leur saisine était uniquement et explicitement circonscrite à une demande d'indemnité d'éviction pour un fonds transférable avec réinstallation.

La cour estime que c'est par des motifs pertinents, qui répondent aux conclusions d'appel et qu'elle adopte, que le tribunal a le tribunal a écarté la fin de non-recevoir soulevée par l'intimée.

Au demeurant, c'est par pure interprétation des termes de l'assignation que l'intimée prétend que les appelants ont modifié leurs prétentions, soit selon son moyen, en sollicitant initialement une indemnité d'éviction pour fonds transférable pour ensuite demander une indemnité pour fonds non transférable. Particulièrement, en considérant que la logique de cet argument aurait dû conduire à constater que l'indemnité réclamée dans l'assignation (pièce n° 24 de l'intimée) soit inférieure à celle finalement demandée au tribunal, il sera relevé que les prétentions sur ce point étaient de 916 000 euros dans l'assignation, pour être ramenées à 295 000 euros dans les dernières conclusions présentées au tribunal. Il ne saurait en être déduit un quelconque aveu judiciaire.

Au surplus, l'intimée ne précise ni ne justifie dans quelle mesure les différences qu'elle perçoit entre l'assignation et les actes de procédure accomplis ultérieurement par les appelants l'auraient induite en erreur quant aux intentions de ceux-ci.

Cette fin de non-recevoir sera rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'irrecevabilité de la demande des époux [G]

La société bailleresse demande à la cour de déclarer chacun des époux [G], pour des motifs distincts pour l'un et pour l'autre, irrecevables en leur demande en paiement d'une indemnité d'éviction.

Toutefois, il résulte de l'application combinée des articles L. 145-1 du code de commerce et 72 et 122 du code de procédure civile, que la demande visant à dénier au preneur le bénéfice du statut des baux commerciaux constitue une défense au fond et non une fin de non-recevoir, de sorte que l'inapplicabilité du statut des baux commerciaux doit conduire au rejet des demandes des preneurs fondées sur ce statut, et non à leur irrecevabilité.

La cour ne peut, dès lors, accueillir cette fin de non-recevoir.

Sur la dénégation du statut des baux commerciaux

La cour reste saisie d'une demande de l'intimée visant à ce qu'il soit jugé que les époux [G] ne peuvent bénéficier du paiement d'une indemnité d'éviction ou du maintien dans les lieux, qui correspond au rejet des demandes des époux [G].

A cet égard, il résulte de l'article L. 145-1 du code de commerce, que pour prétendre aux droits attachés au statut des baux commerciaux en cas de congé donné par le bailleur, le preneur doit pouvoir justifier que, au moment de ce congé, il était immatriculé au registre du commerce et des sociétés au titre de l'activité prévue dans le contrat de bail.

En l'espèce, il est constant que les preneurs ont acquis le fonds par acte notarié du 31 août 2009, (pièce n° 2 des appelants, p. 2), au sein duquel l'activité désignée est celle de commerce de « parapluies et cannes au détail, réparations ».

Le bail commercial du 28 avril 2003 (pièce n° 1, p. 1 des appelants), sur lequel repose l'exercice du fonds cédé en 2009, vise que les lieux loués ont pour destination le « commerce de parapluies, cannes, ombrelles et cannes de défense, à l'exclusion de toute autre destination et vente correspondante ».

Mme [G], pour justifier de la conformité de l'activité exercée produit un extrait Kbis qui justifie de son inscription au registre du commerce et des sociétés et mentionne effectivement une activité de commerce et réparation de parapluie et cannes.

Toutefois, ce document date du 10 mars 2014 tandis que le preneur lui conteste de pouvoir justifier d'une inscription au titre de l'activité visée dans le bail, à la date du congé, délivré le 15 février 2011.

En outre, la société bailleresse produit à son dossier (pièce n° 4) un extrait Kbis du 19 décembre 2013, concernant l'activité commerciale de Mme [G] exercée dans les lieux loués (n° RCS 514838 838), qui indique l'exercice du « commerce de détail de maroquinerie et d'articles de voyages ».

Elle verse également à son dossier (pièce n° 33) un extrait de situation au répertoire Sirene de Mme [G], daté du 14 septembre 2021, qui vise également le « commerce de détail de maroquinerie et d'articles de voyages ».

L'activité visée dans l'extrait Kbis de 2013 n'est manifestement pas celle visée, au demeurant de manière stricte, dans le bail commercial.

Mme [G] n'apporte aucun élément d'explication, au regard des pièces produites par la société, quant à l'évolution de la désignation de son activité commerciale au registre du commerce et des sociétés ni quant à l'indication du répertoire Sirene.

En toute hypothèse, elle ne verse à son dossier aucun document permettant de retenir, contre la teneur et la date de ceux produits par son adversaire, qu'elle était immatriculée au RCS au titre d'une activité conforme au bail lors du congé délivré le 15 février 2011.

Il en résulte que Mme [G] ne peut ainsi prétendre à l'application du statut des baux commerciaux et, notamment, à l'indemnité d'éviction et aux indemnités accessoires qu'elle réclame.

A défaut pour Mme [G] de pouvoir prétendre à l'application du statut, les demandes de M. [G], qui ne sont liées qu'au droit de sa conjointe de pouvoir les obtenir, seront également rejetées.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les conséquences de la dénégation du statut des baux commerciaux

À titre infirmatif, la société preneuse soutient que les appelants sont occupants sans droit ni titre depuis le 16 août 2011 et redevables d'une indemnité d'occupation relevant du droit commun, ayant nature compensatoire et indemnitaire.

Elle soutient que cette indemnité doit être fixée en fonction de la valeur locative majorée, pour tenir compte du préjudice subi par le bailleur du fait de l'occupation illicite du local.

Elle indique que, selon l'expertise judiciaire, la valeur locative du local était de 1 775 euros par mois au 16 août 2011, qui, par seule indexation (ILC 110,78/103,64) doit être élevée à 1 897,28 euros par mois.

Elle demande en conséquence que soit prononcée l'expulsion des appelants et la fixation de l'indemnité d'occupation à la somme de 2 500 euros par mois, les sommes dues devant produire intérêts de droit au taux légal, à compter de chaque échéance depuis le 16 août 2011, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière et, ce, jusqu'à l'entière libération des locaux.

Les appelants ne concluent pas sur ce point.

Sur ce,

Les preneurs occupant le local sans droit ni titre, depuis le 16 août 2011, leur expulsion ne peut qu'être ordonnée.

Lorsque le bail commercial prend fin par l'effet d'une résiliation ou d'un congé sans offre de renouvellement, le preneur est tenu au versement d'une indemnité d'occupation. Toutefois, dans cette situation, les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce sont inapplicables et c'est sur le fondement de l'article 1240 du code civil qu'est due cette indemnité, qui a un double caractère, compensatoire et indemnitaire, en ce qu'elle constitue la contrepartie de l'occupation des lieux et doit également permettre la réparation du préjudice subi par le propriétaire du bien.

Ainsi, l'indemnité d'occupation ne peut, comme le demande la société bailleresse, correspondre à la valeur locative du local, telle que déterminée par l'expert judiciaire en application des articles L. 145-28 et L. 145-33 du code de commerce, inapplicables à la cause sur ce point.

L'expert judiciaire indique dans le rapport établi en 2017, que le loyer annuel indexé et arrondi s'élève à 6 954 euros, hors taxes, soit 582 euros par mois.

Au regard de ces éléments, en tenant compte de l'indemnisation due au preneur à raison de l'indisponibilité du local et étant relevé qu'il ne fait valoir aucun autre préjudice, l'indemnité d'occupation annuelle de droit commun sera évaluée à la somme de 7 800 euros, soit une indemnité mensuelle de 650 euros, hors taxes et charges en sus, à laquelle les appelants seront condamnés, à compter du 16 août 2011.

Il devra être déduit des sommes dues le montant des sommes de toutes natures versées par les appelants à l'intimée depuis cette date, au titre de l'occupation du local.

Les sommes dues par les preneurs à ce titre étant de caractère indemnitaire, elles produiront intérêts à compter du prononcé de cet arrêt, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil. Ces intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur les autres demandes

Les appelants, perdant en leur recours, en supporteront les dépens, avec distraction au bénéfice de la SAS Tudela et associés, sur son affirmation de droit.

Aucune demande d'infirmation n'étant présentée à ce titre, il n'y a pas lieu de statuer à nouveau sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Par ailleurs, l'équité commande de les condamner de payer à l'intimée la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a :

- mis hors de cause la société ANF Immobilier ;

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Lys République 34 ;

- rejeté les fins de recevoir soulevées par la société Lys République 34 ;

- condamné la société Lys République 34 aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;

Statuant à nouveau pour le surplus :

- dit que les M. et Mme [G] ne peuvent bénéficier du statut des baux commerciaux et rejette leurs demandes au titre de l'indemnité d'éviction, de leurs indemnités accessoires et du droit à être maintenu dans les lieux ;

- ordonne l'expulsion de M. et Mme [G] et de tous occupants de leur chef, au besoin avec l'assistance de la Force publique ;

- fixe à la somme de 650 euros par mois, charges en sus, le montant de l'indemnité d'occupation de droit commun due par M. et Mme [G] depuis le 16 août 2011 ;

- condamne M. et Mme [G] au paiement de cette somme depuis le 16 août 2011, dont il y aura lieu de déduire le montant des sommes de toutes natures qu'ils auront versées depuis lors à la société Lys République 34, au titre de l'occupation du local;

- dit que le montant global de l'indemnité d'occupation due au jour du présent arrêt produira intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;

- dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts;

Y AJOUTANT,

Condamne M. et Mme [G] à supporter les dépens d'appel, avec distraction au bénéfice de la SAS Tudela et associés, sur son affirmation de droit;

Condamne M. et Mme [G] à payer la société Lys République 34 la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.