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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 1, 21 mars 2024, n° 22/02957

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lupacana (SARL)

Défendeur :

SCI Louis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gilles

Conseillers :

Mme Mimiague, Mme Vanhove

Avocats :

Me Laurent, Me Wallaert, Me Berne

TJ Arras, du 5 nov. 2020, n° 20/00001

5 novembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié en date du 28 décembre 2006, Mme [M] [W] et M. [I] [C] ont donné à bail à la SARL Lupacana, à compter du 1er janvier 2007 et jusqu'au terme du 31 décembre 2015, un immeuble à usage commercial, de café-brasserie, situé à [Adresse 1]-[Adresse 2], pour un loyer annuel de 7 200 euros.

La SCI Louis s'est portée acquéreur de l'immeuble en mai 2008.

Par acte extrajudiciaire du 19 mars 2019, la SCI Louis a fait délivrer un congé à la société Lucapana avec offre de renouvellement de bail à compter du 1er octobre 2019.

Un mémoire en fixation du prix du bail renouvelé a été notifié par la SCI Louis à la société Lucapana par lettre recommandée reçue le 12 août 2019.

Aucun accord n' a pu intervenir entre les parties sur la fixation du loyer du bail renouvelé.

Par acte d'huissier en date du 18 février 2020, la SCI Louis a fait assigner la société Lupacana devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Arras aux fins de voir fixer le loyer annuel du bail renouvelé au 1er octobre 2019 à 48 000 euros hors taxes et hors charges, dire que le loyer fixé portera intérêts au taux légal de plein droit au profit du bailleur à compter de chaque échéance depuis la date de signification du mémoire, dit que les intérêts échus d puis plus d'un an produiront intérêts, condamner la société Lucapana aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, désigner, à titre subsidiaire, un expert pour donner son avis sur la valeur locative et fixer dans ce cas à 48 000 euros hors taxe par an le loyer provisionnel que le locataire devra régler à compter du 1er octobre 2019 dans l'attente de la décision à intervenir après expertise.

Par jugement contradictoire du 05 novembre 2020, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Arras a :

- ordonné une mesure d' expertise et commis pour y procéder M. [N] [S], avec pour mission d'évaluer la valeur locative des lieux loués,

- débouté la SCI Louis de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé le présent dossier à l'audience de loyers commerciaux du 20 mai 2021.

Par jugement du 19 mai 2022, le juge des loyers commerciaux a :

- fixé le montant du loyer à la somme de 40 524 euros hors taxes et hors charges par an à compter du 1er octobre 2019, date du renouvellement du bail,

- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 18 février 2020 « et application des dispositions de l'article 1145 du code civil concernant les intérêts échus depuis plus d'une année »,

- condamné la société Lupacana aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 20 juin 2022, la société Lupacana a interjeté appel de ces deux jugements critiquant leurs dispositions ayant ordonné l'expertise, fixé le montant annuel du loyer à la somme de 40 524 euros hors taxe et hors charge par an à compter du 1er octobre 2019, date de renouvellement du bail, dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 18 février 2020 et en application de l'article 1145 du code civil concernant les intérêts échus depuis plus d'une année, condamné la SARL Lupacana aux dépens, débouté la SARL Lupacana de ses demandes fondées sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la SARL Lupacana de ses autres demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le, 2 novembre 2023, la SARL Lupacana demande à la cour, au visa des articles L. 145-10 et L. 145-60 du code de commerce, 1345-5 et 1240 du code civil, de :

- infirmer les jugements entrepris,

Statuant à nouveau

À titre principal,

- dire que le bail du 28 décembre 2006 a été valablement renouvelé à effet du 1er janvier 2016,

- déclarer prescrite la SCI Louis en sa demande de nullité de la demande de renouvellement formulée par la concluante,

- déclarer irrecevable la demande de la SCI Louis en fixation du loyer du bail renouvelé,

À titre subsidiaire,

- dire que le bail du 28 décembre 2006 a été renouvelé à compter du 1er octobre 2019 au loyer de 28 192,64 (en réalité 28 592,64 après correction d'une erreur matérielle) euros annuel hors taxes et hors charges,

- lui accorder un délai de deux ans à compter de la signification de la décision à intervenir pour s'acquitter de tout différentiel de loyer dû au titre de la fixation du loyer du bail renouvelé,

En tout état de cause,

- rejeter l'ensemble des demandes de la SCI Louis,

- condamner la SCI Louis à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner la SCI Louis à lui payer la somme de 20 000 euros pour abus dans la saisie consécutive à la décision de première instance,

- condamner la SCI Louis aux entiers frais et dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 8 novembre 2023, la SCI Saint Louis demande à la cour, au visa des articles L. 145-33 et R. 145-23 du code de procédure civile, de :

- déclarer irrecevables les fins de non-recevoir et nullités soulevées en cause d'appel par la société Lupacana

En tant que de besoin,

- déclarer nul et de nul effet la demande de renouvellement signifiée par la société Lupacana en date du 4 juin 2015 ;

- confirmer le jugement avant dire droit entrepris,

- confirmer le jugement entrepris du 19 mai 2022 en ce qu'il a fixé judiciairement le montant du loyer applicable entre les parties à l'effet du 1er octobre 2019 sur l'immeuble sis [Adresse 1]-[Adresse 2] à [Localité 4], et en ce qu'il a considéré que le loyer ainsi fixé devait être fixé à la valeur locative,

- infirmer en revanche le jugement en ce qu'il a fixé ladite valeur locative à la somme de 40 524 euros hors taxes hors charges par an,

Statuant à nouveau,

- fixer le loyer du bail renouvelé à l'effet du 1er octobre 2019 à la somme de 49 352 euros outre les taxes, droits, charges, compléments de loyer sous toutes formes prévues par le bail, les autres clauses et conditions du bail restant identiques en tous points entre les parties,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Arras en date du 19 mai 2022 pour le surplus,

- déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts pour abus de saisie de la société Lupacana,

- débouter la SARL Lucapana de toutes ses demandes ;

- condamner la SARL Lucapana à lui verser la somme de 4 800 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamner la SARL Lupacana aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de son conseil, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 23 novembre 2023.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de la demande en fixation du prix du bail renouvelé

Par acte extrajudiciaire du 4 juin 2015, la société Lupacana a signifié à la SCI Louis une demande de renouvellement du bail commercial litigieux à compter du premier janvier 2016, « aux charges et conditions initiales sauf à majorer le montant du loyer dans les conditions prévues par la loi (augmentation suivant l'indice INSEE) ».

Cet acte reproduit les dispositions de l'article L. 145-10 alinéa 4 du code de commerce, à savoir :

« Dans les trois mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.

L'acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement. »

Il reproduit également l'alinéa 3 de l'article L. 145-12 du même code, à savoir :

« Le nouveau bail prend effet à compter de l'expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande. »

Il est constant que le bailleur n'a effectué aucune autre notification au preneur avant le congé avec offre de renouvellement du 19 mars 2019 par lequel ce bailleur a donné congé au preneur pour le 30 septembre 2019 avec offre de renouvellement à compter du 1er octobre 2019, avec fixation du prix du bail renouvelé à la valeur locative.

Le preneur considère que par l'effet de cet acte le bail a été renouvelé au premier janvier 2016 que le bailleur est prescrit en sa demande de nullité de la demande de renouvellement en vertu de l'article L. 145-60 du code de commerce et que, par suite, la demande en fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative sur le fondement de l'article L. 145-34 du code de commerce est irrecevable, dès lors que le bail en cours n'excède pas en l'espèce la durée de douze années.

Le premier juge a refusé de considérer la demande de renouvellement du 4 juin 2015 au motif suivant :

« Si la SARL Lupacana prétend avoir formulé une demande de renouvellement de bail datée en date du 4 juin 2015, réduisant ainsi la durée du bail à moins de neuf ans, elle ne produit aucun élément en ce sens ».

Le bailleur s'exprime ainsi dans ses conclusions au sujet de la demande de renouvellement du 4 juin 2015 :

« 1. La réalité de l'acte

Effectivement, en cause d'appel, la société LUPACANA exhume une demande de renouvellement en bonne et due forme, signifiée à sa requête le 4 juin 2015 à la SCI LOUIS, et apparemment réceptionnée par elle.

L'acte n'a toutefois pas été délivré au gérant de la SCI LOUIS, ni même à un préposé de cette société (qui n'emploie personne), mais à une tierce personne, Madame [D] [X], qui était à l'époque une salariée de la société MJS PARTNERS, partageant le même siège social, Madame [X] ayant accepté l'acte.

La SCI LOUIS n'a aucun souvenir de cet acte, et ne l'a pas retrouvé dans ses archives.

On est bien obligé de croire l'huissier instrumentaire, mais force est de constater que l'acte n'a pas été pris en considération, qu'aucune suite ne lui a été donnée, qu'il n'a donné lieu à aucune réponse, et qu'il n'a pas même été rangé et classé dans les documents relatifs au bail et conservés par le bailleur.

Bref, on perd la trace de cet acte dès l'instant même où il a été délivré.

La société LUPACANA elle-même ne s'en est jamais prévalu, et longtemps, elle n'en a eu aucun souvenir.

Lorsque quatre ans plus tard, elle a reçu congé avec offre de renouvellement le 19 mars 2019, elle ne s'est pas étonnée d'un tel congé et n'a pas prétendu qu'il serait irrégulier ou intempestif.

Lorsqu'ensuite, le 1 er août 2019 (pièce adverse 5), elle recevra un mémoire en demande en vue de la fixation du nouveau loyer, elle n'aura non plus aucune réaction, et ne prétendra pas qu'un renouvellement serait déjà intervenu quatre ans plus tôt.

Bien plus, la société LUPACANA a accepté le renouvellement à l'effet du 1er octobre 2019, et en page 3 de son mémoire avant expertise (pièce 16), elle écrivait elle-même : « Tout d'abord, le bail commercial a duré plus de douze ans ».

Elle affirmait donc, implicitement mais nécessairement, qu'aucun renouvellement n'était intervenu au 1er janvier 2016, le bail liant les parties, commencé au 1er janvier 2007, s'étant poursuivi par tacite prolongation jusqu'au 30 septembre 2019, et ayant donc duré plus de douze ans.

Par la suite, ni devant le juge, à l'audience du 1er octobre 2020, ni devant Monsieur [S], l'expert judiciairement désigné, la société LUPACANA ne fera état de cette demande fantôme.

Ce n'est qu'après l'expertise que la société LUPACANA décidera de ressortir, produire et tenter d'exploiter l'acte du 4 juin 2015, dont elle ne communiquera d'abord qu'un extrait incomplet, auquel il manquait au moins la dernière page relative aux modalités de délivrance.

Cette pièce tronquée était communiquée en annexe d'un mémoire en réponse après expertise du 15 février 2022, qui évoquait l'argument pour la première fois (pièce 23).

La SCI LOUIS contestait à l'époque l'argument, et soulevait le caractère incomplet de la pièce communiquée dans son mémoire du 9 mars 2022 (pièce 24).

Ce n'est qu'en cause d'appel que la société LUPACANA communiquera une version intégrale et complète de la demande de renouvellement du 4 juin 2015.

Il est tout à fait paradoxal de voir aujourd'hui la société LUPACANA reprocher à la SCI LOUIS d'avoir égaré ou dédaigné un acte qu'elle-même a passé sous silence pendant sept ans.

Il apparaît que personne n'avait, à l'époque, tenu compte de l'acte du 4 juin, ce qui s'explique certainement par les dispositions de l'article L.145-10 du Code de Commerce, lequel dispose en son premier alinéa :

« A défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit le cas échéant à tout moment au cours de sa prolongation ».

Or, le bail à renouveler avait pris effet le 1 er janvier 2007, et par conséquent, le locataire qui voulait en obtenir le renouvellement pouvait en faire la demande seulement à partir du 1 er juillet 2015, de sorte que sa demande notifiée le 4 juin 2015 était prématurée.

C'est ce qui explique sans doute que les deux parties n'en aient tenu aucun compte, l'aient détruit, perdu, oublié ou déclassé, aient renoncé à son bénéfice, et n'en aient plus fait état pendant plusieurs années, jusqu'à ce que des morceaux du document soient retrouvés ou ressortis, et que la locataire s'en procure un nouvel exemplaire, probablement auprès de l'huissier qui avait à l'époque instrumenté.

La SCI LOUIS, en tout cas, ignore ce qu'a pu devenir l'exemplaire de la demande de renouvellement qui lui aurait été remis le 4 juin 2015.

2. Les modalités de délivrance de l'acte

Elles ne sont nullement en cause, et c'est la raison pour laquelle la SCI LOUIS n'a ni élevé de contestation à ce sujet, ni imaginé une procédure d'inscription de faux. Par commodité, lors de la constitution de la SCI LOUIS, le siège social a été fixé en l'étude de la SELAS MJS PARTNERS, qui a le même gérant, mais la SCI LOUIS n'a ni locaux, ni salariés, ni boîte aux lettres.

Comme le gérant de la SCI LOUIS n'étant que rarement présent à Arras, il avait été demandé à la plus ancienne salariée de l'Étude de la société MJS PARTNERS de réceptionner les actes et courriers qui arriveraient pour la SCI LOUIS. Le nom de Madame [X] était même utilisé dans l'adresse administrative pour sécuriser l'acheminement des actes et des courriers.

Madame [X] était donc habilitée à recevoir les actes pour la SCI LOUIS, et c'est la raison pour laquelle, le bailleur, dans la présente instance, n'a pas contesté le mode de délivrance de la demande de renouvellement du bail du 4 juin 2015, lorsque celle-ci a refait surface sept années plus tard.

Le système mis en place semble cependant avoir montré ses limites, puisque l'histoire a montré que des actes ou courriers avaient pu s'égarer.

Le débat introduit par la société LUPACANA sur le rôle de Madame [X] ne sert en réalité qu'à masquer les nouvelles carences de la société LUPACANA dans le paiement des loyers.

Celle-ci, en effet, n'a réglé que partiellement les charges locatives de l'année 2022 et les loyers de l'année 2023. Elle restait débitrice, au 12 septembre 2023, d'une somme en principal de 24.262 € et il lui a été pour cela délivré à cette date un nouveau commandement visant la clause résolutoire (pièce 25).

Le vice qui affecte la demande de renouvellement litigieuse ne se rapporte pas au mode de délivrance de l'acte ou à la personne à qui il a été remis, mais à la date de délivrance de l'acte.

Ainsi qu'on le verra, une telle demande de renouvellement est nulle et de nul effet, et de surcroît, la société LUPACANA ne saurait s'en prévaloir. »

Il ressort de cette argumentation, contradictoire quant au statut de Mme [X] qui est tantôt une tierce personne à l'égard du bailleur tantôt une personne habilitée à recevoir l'acte au nom et pour le compte du bailleur, que celui-ci considère essentiellement que la demande de renouvellement du 4 juin 2015 est nulle en tant que de besoin, qu'elle ne permet pas de retenir que le bail a été renouvelé au premier janvier 2016 aux conditions de l'offre de renouvellement du preneur et qu'en conséquence sa demande en fixation du loyer du bail renouvelé n'est pas irrecevable.

Sur ce, la cour observe que s'il résulte de l'article L. 145-60 du code de commerce que toutes les actions exercées en vertu du chapitre du code de commerce qui constitue le siège du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans, et s'il est incontestable que cette prescription a vocation à s'appliquer à la demande de renouvellement du bail commercial formée par le preneur, encore faut-il que cette demande de renouvellement soit exercée dans les conditions du statut, c'est-à-dire dans les conditions de l'article L. 145-10 du code de commerce sans lesquelles l'offre de renouvellement est dépourvue d'effet obligatoire à l'égard du bailleur, et qui imposent au preneur de le faire dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation.

Il en résulte que l'offre de renouvellement formulée plus de six mois avant la date d'expiration du bail ne produit aucun effet.

Or, en l'espèce, il est constant que l'offre de renouvellement a été faite plus de six mois avant l'expiration du bail, de sorte que cette demande de renouvellement, prématurée au regard de l'article L. 145-10 du code de commerce, est étrangère au statut des baux commerciaux qui ne lui attache aucun effet et que, par conséquent, la prescription de l'article L. 145-60 du code de commerce ne lui est pas applicable.

Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de tout élément tiré du comportement du bailleur et démontrant l'accord de celui-ci sur l'offre de renouvellement du 4 juin 2015, ce bailleur n'est nullement prescrit en sa demande de fixation du prix du bail renouvelé.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point, par substitution de motifs, la demande de la SCI Louis devant être déclarée recevable.

Sur la valeur locative et le prix du bail renouvelé

Il sera rappelé que la valeur locative s'apprécie en fonction des critères de l'article L. 145-33 du code de commerce.

Pour demander, à titre subsidiaire, la fixation du prix du bail renouvelé à 28 592,64 euros par an, le preneur demande, pour l'appréciation de la valeur locative, reprochant au premier juge d'avoir retenu partiellement l'avis de M. [V] technicien du bailleur, de nuancer l'incidence prétendument favorable de la situation d'angle des locaux lesquels, selon lui ne s'étendent pas totalement sur deux rues adjacentes. Il est soutenu par ce preneur que les valeurs de comparaison retenues par l'expert judiciaire indiquent que seul l'immeuble disposant d'un véritable angle de rue est mieux valorisé à 212 euros le mètre carré contre 130 à 150 euros pour les locaux effectivement comparables, soulignant que les termes de comparaison du bailleur portent sur des locaux de 170 mètres carrés alors que les locaux comparables devraient être ceux de 150 mètres carrés, puisque telle est la surface commerciale utile en l'espèce.

Il expose qu'au total la valeur de 154 euros par mètre carré de surface utile semble excessive, de sorte qu'il propose 130 euros par mètre carré de surface utile, soit pour les 150 mètres carrés en cause, 19 500 euros par an.

Le preneur fait valoir que ce raisonnement consiste bien à appliquer une valeur de comparaison établie sur des surfaces utiles à la surface utile des locaux.

Il expose qu'il ne propose aucune livraison à emporter via Uber eats, que le bailleur n'a intenté aucune action pour violation du bail, qu'il n'a jamais réalisé de percement des murs de refends, les immeubles des [Adresse 1] et [Adresse 2] ayant toujours communiqué. Il indique que l'offre du renouvellement du bailleur exclut que soit maintenu contre lui quelque grief de violation du bail que ce soit, explique que la terrasse arrière n'est pas calme puisque débouchent sur celle-ci les extracteurs des cuisines du restaurant et affirme n'avoir pas aménagé de chambre d'étudiant dans le grenier.

Concernant la valeur locative de la partie habitation, le preneur reproche au premier juge et à l'expert judiciaire de ne pas avoir fait référence aux dispositions de l'article R. 145-4 du code de commerce, qui prévoient de raisonner par comparaison avec les prix pratiqués pour des locaux analogues faisant l'objet d'une location nouvelle, majorés ou minorés pour tenir compte des avantages ou des inconvénients présentés par leur intégration dans un tout commercial.

Il expose que la vétusté doit être prise en compte sous la forme d'un abattement, ou encore les nuisances inhérentes à la proximité inhérente du commerce exploité dans les lieux loués.

Il considère en conséquence que la valeur de 10,60 euros par mois doit être minorée compte tenu de l'aspect vieillot, du mauvais état de la toiture que le bailleur se refuse toujours à réparer - ce qui l'a contraint à une action judiciaire -de la configuration défavorable des locaux (enchaînement de petites pièces commandées, accès par un escalier étroit et raide, grenier inutilisable pour cause de nombreuses infiltrations), des odeurs et du bruit générés par l'exploitation du commerce de café-brasserie.

Le preneur offre 8,60 euros par mois soit, compte tenu de la surface réellement habitable de 137 mètres carrés telle que retenu par l'expert judiciaire, une valeur locative de la partie habitation de 14 138,40 euros.

Le preneur reproche également à l'expert judiciaire de ne faire aucune application de l'article R. 145-8 du code de commerce visant les clauses exorbitantes du droit commun, alors que le bail en cause en contient plusieurs, à savoir : clause de mise aux normes, accession en fin de jouissance, remboursement de la taxe foncière et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, remboursement de l'assurance du bailleur.

Le preneur estime qu'à ce titre, la valeur locative doit être corrigée par un abattement de 15 %.

Le preneur souligne que ni le défaut de dépôt de garantie, ni le défaut d'indexation annuelle, ni la liberté de cession du fonds de commerce ne sont valablement invoqués par le bailleur pour majorer la valeur locative.

Le bailleur demande la réformation du jugement entrepris quant à la valeur locative retenue, tant pour la partie habitation, pour laquelle il demande 10 % de majoration pour la terrasse et deux balcons, outre une seconde majoration de 5 % pour le grenier qui ne dispose pas d'équipement de chauffage fourni par le bailleur, que pour la partie commerciale pour laquelle il demande 170 euros par mètre carré de surface utile (150 mètres carrés) en fonction des termes de comparaison, valeur corrigée une première fois par une majoration de 10 % correspondant à un ensemble de clauses favorables au locataire (absence de défaut de garantie, indexation du loyer uniquement triennale et non annuelle, absence de clause d'agrément du cessionnaire du fonds de commerce), et encore une seconde fois par une majoration supplémentaire de 5 % correspondant au fait que les locaux jouissent d'une vaste terrasse sur la place publique, dû à la situation de l'immeuble, et qu'ils sont excavés, la cave ne servant qu'au stockage.

Sur ce, la cour observe avant tout que les parties sont d'accord avec le jugement entrepris sur le principe de la détermination de la valeur locative en écartant la méthode de surface pondérée retenue par l'expert judiciaire, au profit d'une évaluation en fonction des surfaces utiles.

La surface utile de la partie commerciale est ainsi de 150 mètres carrés, ce avec quoi les parties sont expressément d'accord, sauf pour le bailleur à souligner avec raison que l'expert judiciaire a retenu une telle surface pour le seul rez-de-chaussée, alors que le bail mentionne, et qu'il est constant, que les lieux loués contiennent une cave sur le tout.

La surface de la partie habitation fait elle aussi l'objet d'un accord sur les mesures retenues par l'expert judiciaire, à savoir 182 mètres carrés dont 137 mètres carrés après exclusion du troisième étage dépourvu de système de chauffage procuré par le bailleur.

Concernant la partie habitation, il n'est pas établi en l'espèce que la présence des balcons et d'une terrasse doive entraîner l'application d'une majoration, alors que l'expert a appliqué comme valeur de comparaison les loyers d'appartement pratiqués sur le centre-ville d'[Localité 4], soit 10,60 euros le mètre carré par mois, que le technicien du bailleur s'est déclaré expressément d'accord avec cette valeur et que l'expert judiciaire a maintenu ses conclusions malgré le dire contraire du bailleur.

Ce bailleur ne démontre pas que l'expert a raisonné en fonction de termes de comparaison excluant balcons ou terrasses.

En outre, le technicien amiable du bailleur a également noté que la valeur locative retenue par le pré-rapport d'expertise n'appelait pas de remarque de sa part, alors que ce pré-rapport avait exclu la surface du grenier dépourvu d'équipement de chauffage fourni par le bailleur et que, saisi de l'objection par le seul dire du bailleur, l'expert judiciaire y a valablement répondu au regard des critères d'habitabilité d'un logement décent.

Le preneur ne justifie pas de la vétusté qu'il allègue, dès lors que les lieux sont décrits par l'expert judiciaire comme étant en bon état.

Le preneur n'a pas demandé de précisions à l'expert dans le cours des opérations d'expertise, et il apparaît que le premier juge a procédé pour la détermination de la valeur locative sans s'écarter de la méthode prévue par l'article R. 145-4 alinéa 2 du code de commerce.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé sur l'appréciation de la valeur locative de la partie habitation.

Concernant la partie commerciale, si le bailleur demande une valeur locative de référence de 170 euros par mètre carré de surface utile, le rapport d'expertise judiciaire, répondant au dire du bailleur reprenant cette analyse de la consultation du technicien du bailleur, explique valablement qu'une telle valeur ne correspond pas à la réalité du marché immobilier des locaux commerciaux à [Localité 4], que seulement deux termes de comparaison sont proposés, pour des surfaces utiles de 294 mètres carrés pour l'une et de 151 mètres carrés pour l'autre, ce qui n'est pas significatif.

La contestation du bailleur n'est pas justifiée sur ce point.

En outre, l'exclusion de la cave de la surface utile, qui n'a appelé aucune observation de la part du technicien du bailleur, est valablement justifiée par l'expert judiciaire, en réponse au dire du bailleur, par le fait qu'une grande partie de celle-ci est voûtée et inférieure à 1 mètre 80 de hauteur.

Dans ces conditions, les affirmations du bailleur devant la cour ne permettent pas de tenir pour établi que, pour l'établissement de la valeur locative, la présence de cette cave représente un avantage pour l'exploitation des locaux devant se traduire par une majoration de la valeur locative. Rien ne prouve en partiulier que cette cave soit nécessaire au stockage des meubles de la terrasse ou à toute autre opération découlant de l'exploitation.

Concernant le fait que les locaux soient excavés, le bailleur ne justifie en rien que cela doive se traduire par une majoration de la valeur locative unitaire, dès lors que rien ne rattache aucun terme de comparaison à la présence d'exploitation de caves.

Concernant l'existence d'une terrasse, rien ne justifie non plus que cette circonstance doive entraîner une majoration, dès lors que ni la consultation du technicien du bailleur, ni le rapport d'expertise judiciaire, ni le dire du bailleur et sa réponse, n'indiquent que la configuration des lieux devrait l'entraîner, étant observé que l'intérêt d'une terrasse sur la voie publique n'existe qu'à raison de l'activité de café-restaurant qui est la seule autorisée.

Concernant les obligations respectives des parties, il n'est justifié par aucun élément que les clauses du bail relatives à l'absence de dépôt de garantie, à l'indexation du loyer triennale et non annuelle, et à l'absence de clause d'agrément du cessionnaire du fonds de commerce soient de nature à entraîner une majoration de la valeur locative.

Pour le surplus, c'est par de justes motifs devant être adoptés que le premier juge a retenu une valeur locative de 154 euros par mètre carré utile.

A ces justes motifs, il sera seulement ajouté que les photographies produites et le rapport d'expertise judiciaire démontrent la réalité d'un effet d'angle certain que le preneur conteste en vain.

Rien n'est prouvé par le preneur à l'encontre des termes de comparaison retenus par l'expert judiciaire et sa proposition de 130 euros le mètre carré n'est justifiée par aucun élément probant.

Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fixé la valeur locative de la partie commerciale à 154 euros par mètre carré.

La demande de délais de grâce n'est justifiée par aucun élément suffisant, la saisie opérée étant à cet égard non probante, et ne peut être déclarée bien fondée.

Le jugement entrepris ayant pour le surplus exactement statué, il sera confirmé.

A supposer que la cour, qui n'est pas saisie comme juge de l'exécution, soit compétente pour allouer des domages-intérêts pour abus de saisie, alors que cette demande ne peut être déclarée irrecevable comme nouvelle en appel dès lors qu'elle est née de l'intervention du jugement entrepris, nul abus n'est pour autant caractérisé en l'espèce. La demande en dommages-intérêts du preneur sera donc rejetée.

En équité, les parties seront déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et conserveront chacune la charge des dépens qu'elles auront exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare la SCI Louis recevable en son action en fixation du loyer du bail commercial renouvelé ;

Confirme le jugement entrepris ;

Dit n'y avoir lieu à délais de paiement ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel ;

Rejette les demande plus amples ou contraires.