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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 21 mars 2024, n° 23/00531

ROUEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Elite Construction (SARL)

Défendeur :

Immo Gryspeerdt (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Foucher-Gros

Conseillers :

M. Urbano, Mme Menard-Gogibu

Avocats :

Me Beux-Prere, Me Debliquis

TGI Rouen, du 10 janv. 2023, n° 20/03826

10 janvier 2023

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous-seing privé du 17 novembre 2016, la société Immo Gryspeerdt a donné à bail à la société Elite Construction un local commercial situé [Adresse 2] à [Localité 7], moyennant le versement d'un loyer annuel de 30 000 euros, payable d'avance en 12 mensualités d'un montant de 2500 euros, outre la taxe foncière et des charges.

Par lettre recommandée du 3 février 2020, la société Immo Gryspeerdt a mis en demeure la société Elite Construction d'avoir à lui régler la somme de 22 544 euros correspondant aux arriérés de loyers de juin 2019 à janvier 2020.

Par acte d'huissier du 22 juin 2020, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré à la société Elite Construction, pour un montant total de

41 972,12 euros.

La société Elite Construction a opposé à la société Immo Gryspeerdt une cession du bail à la société Normandie BTP.

Par acte du 20 octobre 2020, la société Immo Gryspeerdt a fait délivrer une assignation à la société Elite Construction.

Par jugement du 10 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- condamné la société Elite Construction à payer à la société Immo Gryspeerdt la somme de 72 121,12 euros au taux d'intérêt légal à compter de ce jour,

- rejeté la demande reconventionnelle de la société Elite Construction,

- condamné la société Elite Construction aux entiers dépens,

- admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de la société Elite Construction au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Elite Construction à payer à la société Gryspeerdt la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

La société Elite Construction a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 10 février 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024. Le même jour, après que l'ordonnance de clôture ait été rendue, la société Immo Gryspeerdt a demandé au président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée de rejeter les dernières conclusions, les pièces 2bis et 4bis déposées par la société Elite Construction quelques minutes avant l'ordonnance de clôture. Elle a ajouté que ces conclusions étaient de plus fort irrecevables pour ne pas avoir été déposées dans le délai de l'article 910 du code de procédure civile.

Le magistrat de la mise en état étant dessaisi à compter de l'ordonnance de clôture et la cour ne pouvant être saisie de demandes que par voie de conclusions, elle a demandé aux parties leurs observations sur les courriers du 9 janvier 2024 adressés par la société Immo Gryspeerdt.

La société Immo Gryspeerdt a répondu qu'il ne lui est pas nécessaire de déposer des conclusions aux fins de voir déclarer irrecevables les dernières conclusions de la société Elite Construction, dès lors que l'article 910 du code de procédure civile prévoit que cette irrecevabilité peut être soulevée d'office par la cour.

La société Elite Construction expose que les demandes de rejet de pièces et de conclusions ne peuvent être présentées que par conclusions ; que ses pièces 2bis et 4bis sont des fichiers joints aux emails des 14 mai 2019 et du 13 juin 2019 qui ont été communiquées par conclusions d'appel du 10 mai 2023 dont la recevabilité n'est pas contestée.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 9 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Elite Construction qui demande à la cour de :

- déclarer la SARL Elite Construction recevable et bien fondée en son appel du jugement du tribunal judiciaire de Rouen en date du 10 janvier 2023,

- et statuant à nouveau, réformer / infirmer cette décision,

A titre principal,

- débouter la société Immo Gryspeerdt de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

- diminuer le montant de la condamnation au titre des loyers impayés à la somme de 41 440 euros correspondant à la période de juin 2019 à septembre 2020,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Immo Gryspeerdt de sa demande en paiement de la somme de 4 230 euros au titre de la taxe foncière 2019, faute d'en justifier,

- débouter la société Immo Gryspeerdt de sa demande de condamnation de la société Elite Construction au paiement de la somme de 150 euros au titre des frais de première relance,

- diminuer le montant de la pénalité à l'euro symbolique,

En tout état de cause,

- débouter la société Immo Gryspeerdt de toutes demandes contraires,

- condamner la société Immo Gryspeerdt à payer à la société Elite Construction la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dans le cadre de la procédure de première instance,

Y ajoutant,

- condamner la société Immo Gryspeerdt à payer à la société Elite Construction la même somme au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 5 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Gryspeerdt qui demande à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société Elite Construction,

- débouter la société Elite Construction de l'ensemble de ses demandes, fins ou conclusions,

- confirmer le jugement rendu le 10 janvier 2023 par le Tribunal Judiciaire de Rouen,

A titre subsidiaire,

- condamner la société Elite Construction à régler à la société Immo Gryspeerdt la somme de 76 351,12 euros en principal outre les frais, accessoires et pénalités afférents et ce, en application de la clause de garantie solidaire figurant au bail,

En tout état de cause,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Immo Gryspeerdt de sa demande de condamnation au titre de la taxe foncière,

Statuant à nouveau,

- condamner la société Elite Construction à régler à la société Immo Gryspeerdt la somme de 11 379,84 euros au titre des taxes foncières 2019, 2020 et 2021,

Y ajoutant,

- condamner la société Elite Construction à régler à la société Immo Gryspeerdt la somme de 4 167,18 euros au titre de la clause pénale actualisée,

- condamner la société Elite Construction à régler à la société Immo Gryspeerdt la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Elite Construction aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, ''(') les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées. (...).''

Il résulte de ces dispositions que la cour est saisie des demandes par voie de conclusions.

La société Immo Gryspeerdt n'ayant présenté ses demandes de rejet par voie de conclusions, la cour n'en est pas saisie.

Surabondamment, la société Elite Construction a déposé ses conclusions d'appelant le 10 mai 2023. Le 5 octobre 2023, la société Immo Gryspeerdt a conclu et formé appel incident. Dans ses dernières conclusions du 9 janvier 2024, la société Elite Construction reprend les mêmes prétentions que celles présentées dans ses premières conclusions et développe une argumentation relative à son appel principal.

Sur l'existence de la créance de la société Immo Gryspeerdt

Moyens des parties

La société Elite Construction soutient que :

* les règles relatives à la cession des baux commerciaux sont régies par l'article 1717 du Code Civil. Cet article ne dispose nullement que la cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité ; les conditions de forme prescrites à l'article 1216 du Code Civil ne sont pas applicables ;

* le contrat de bail commercial du 17 novembre 2016 n'interdit pas la cession du bail ; aucune formalité particulière n'encadre la cession du droit au bail notamment vis-à-vis du bailleur ;

* les échanges produits démontrent que le bailleur a été informé de façon non équivoque de la cession du bail au profit de la Société Normandie BTP ;

* le procédé qui tend à accepter le règlement de la somme de 8 454 euros de la part d'un tiers au contrat initial pour ensuite contester la cession est profondément déloyal ;

* à la suite de ce paiement, l'intimée a adressé à la société repreneuse du local un nouveau contrat de bail commercial.

* la cession suivie d'un nouveau bail commercial a mis fin à la solidarité entre le cédant et le cessionnaire.

La société Immo Gryspeerdt réplique que :

* si l'article 1717 du Code civil prévoit qu'un preneur peut céder librement son bail s'il n'en est pas empêché par les dispositions contractuelles, il doit respecter un minimum de formalisme pour le rendre opposable au bailleur ;

* il résulte de l'article 1216 du Code civil que la cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité ; cette obligation s'impose à toutes les cessions de contrats, y compris les contrats de louages et les baux commerciaux ;

* le bailleur doit être informé de la cession par voie de signification conformément aux dispositions de l'article 1690 du Code civil ; la société Elite Construction ne lui a jamais signifié l'acte de cession alors que cette disposition est prévue aussi par le bail ;

* pour qu'une cession de bail puisse être opposable au bailleur, encore faut-il que celui-ci l'ait acceptée sans équivoque ;

* aucun nouveau bail n'a été signé et la société Immo Gryspeerdt n'a régularisé aucun acte avec la société Normandie BTP ce qui a été confirmé par le liquidateur judiciaire de la société Normandie BTP ;

* la société Elite Construction ne communique aucun document écrit constatant la cession, alors même que cette exigence est prévue à peine de nullité ; elle ne produit pas davantage la preuve de ce que cet acte a été enregistré aux services des impôts ; elle n'a jamais signifié l'acte de cession contrairement aux dispositions légales et contractuelles ;

* il n'y a pas eu d'état des lieux de sortie ;

* la cession n'est jamais intervenue ou à défaut, elle n'est pas opposable au bailleur.

*à titre subsidiaire, le contrat prévoit que la société Elite Construction reste garante de son cessionnaire. Cette garantie contractuelle ne peut excéder trois années, mais en tout état de cause, elle couvre la période comprise entre la date alléguée de la cession le 19 mai 2019 et le 22 juillet 2020 date retenue pour la fin du bail.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1216 du code civil, applicable de façon générale aux contrats : « Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l'accord de son cocontractant, le cédé.

Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l'égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte.

La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité. »

Aux termes de l'article 1717 du même code applicable spécialement à la cession de bail : '' le preneur a le droit de sous-louer, et même de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite.

Elle peut être interdite pour le tout ou partie.

Cette clause est toujours de rigueur.''

Il résulte de ces dispositions que la validité de la cession du bail est soumise à la condition d'un contrat écrit mais qu'elle n'est pas soumise au consentement du cédé.

Le bail du 17 novembre 2016 ne déroge pas à ces dispositions. Il stipule au point 6-13 intitulé ''Cession- Sous-location'' « Le preneur la société Elite Construction pourra sous-louer, même partiellement ou temporairement, le terrain et locaux objet de ce contrat.

Les cessionnaires devront s'obliger ('). Quant au preneur, il restera garant et répondant solidaire de son successeur et de tous successeurs successifs du paiement des loyers et de l'exécution des conditions du bail. Une copie exécutoire de l'acte de cession devra être remise au bailleur, sans frais pour lui, pour lui servir de titre exécutoire contre les cessionnaires. (...) »

Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, les cessions de contrat relèvent de l'article 1216 du code civil, l'opposabilité de la cession ne prenant effet dans ce cas qu'après notification ou prise d'acte. Il en résulte qu'il n'est plus nécessaire que la cession du bail soit signifiée au bailleur pour lui être opposable.

La société Elite Construction produit aux débats :

- un écrit du 3 mai 2019 émanant de Monsieur [L], gérant de la société Elite Construction, adressé à la société Immo Gryspeerdt ainsi rédigé '' je soussigné Monsieur [L] (') certifie céder le bail du dépôt situé [Adresse 6] loué par la société Immo Gryspeerdt avec le dépôt de garantie soir la caution de 5000 € et les loyers impayé jusqu'au 31 mai 2019 à la société Normandie BTP située [Adresse 1].

Tous les règlements indus seront régularisés par Normandie BTP jusqu'au 31/05/2019.

Vous remerciant de faire le nécessaire concernant la cession du bail et restant à votre entière disposition(...).''

- un courriel du 14 mai 2019 dont l'objet est ''courrier de cession de bail'' adressé à la société Immo Gryspeerdt aux termes duquel elle indique '' je vous prie de trouver ci-joint le courrier de cession de bail ainsi que l'extrait Kbis de la société Normandie BTP reprenant le bail.'

- un courriel du 23 mai 2019 avec pour objet ''courrier cession de bail'' adressé à la société Immo Gryspeerdt l'informant que la société Normandie BTP lui a communiqué la preuve du virement ''que vous trouverez en pièce jointe'' et lui demandant de ''lui (la société Normandie BTP) communiquer par retour la facture concernant les loyers et de bien vouloir faire le nécessaire concernant le bail''. En en pièce 2, figure le détail d'un virement européen émis le 23 mai 2019 par la SASU Normandie BTP au bénéficiaire Immo Gryspeerdt d'un montant de 8 454 euros.

- la copie d'un courriel adressé le 17 février 2020 à M. [L] par la société Normandie BTP qui déclare ne pas comprendre pourquoi la société Immo Gryspeerdt lui (Elite Construction) réclame des loyers impayés. La société Normandie BTP ajoute que le bail lui a été cédé et qu'elle a contracté avec Immo Gryspeerdt mais qu'elle se trouve en liquidation judiciaire depuis le 5 février 2020.

- l'extrait info greffe d'une société Vauban TP, immatriculé le 29 octobre 2020 et dont le siège social est situé dans les locaux litigieux.

Par courriel du 13 juin 2019, la société Immo Gryspeerdt s'est adressé à Normandie BTP en ces termes ''ci-joint nous vous envoyons le contrat de bail. Nous vous prions de bien vouloir le retourner dument signé et paraphé à chaque page. Une fois reçu, nous vous le renverrons signé par nous.'' Par ailleurs, elle produit le bail à effet du 1er octobre 2021 signé avec M. [K] pour les locaux anciennement occupés par la société Elite Construction.

Il n'est nullement produit de contrat de bail signé entre la société Immo Gryspeerdt et la société Normandie BTP. Le 24 septembre 2020, Maître [T], mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Normandie BTP a écrit à la société Immo Gryspeerdt n'avoir jamais pu rencontrer le dirigeant de la société en liquidation et ne disposer d'aucune information concernant la location d'un local situé [Adresse 6] à [Localité 7].

La signature d'un bail entre le cessionnaire et le cédé n'est pas une condition nécessaire à la validité du contrat de cession. Il ressort des éléments ci-dessus rapportés que le bail a été cédé sans qu'il soit établi d'écrit, celui du 3 mai 2019 émanant de Monsieur [L] n'étant pas un contrat de cession.

Toutefois la société Immo Gryspeerd ne se prévaut aucunement de la nullité de la cession, la question subsistant étant celle de l'opposabilité de cette cession au bailleur à qui elle n'a pas été notifiée. En envoyant un bail à la société désignée comme cessionnaire, la société Immo Gryspeerdt a pris acte de la cession qui lui est opposable.

A supposer que la signature d'un bail signé par le cessionnaire ait été de nature à mettre fin la solidarité entre le cédant et le cessionnaire, la société Elite Construction qui ne rapporte pas la preuve d'un tel bail ne peut s'en prévaloir. Il résulte de la clause contractuelle de garantie que la société Elite Construction reste tenue au paiement des loyers dû par son co-contractant et ses successeurs.

Sur le montant des sommes dues par la société Elite Construction

La société Elite Construction soutient que :

* les loyers impayés concernent la période de juin 2019 à octobre 2020 soit un total de 41 440 euros, les locaux litigieux ayant été reloués à la SARL Vauban BTP dès le mois d'octobre 2020 ;

* elle n'a pas eu connaissance avant le mois de février 2020 de l'existence de loyers impayés ;

* le bailleur ne justifie pas du paiement de la taxe foncière ;

* c'est en toute bonne foi qu'elle n'a plus procédé au paiement des loyers à compter du mois de juin 2019, la cession ayant été actée par le bailleur ; elle ne doit pas la somme de 150 euros au titre des frais de première relance ;

* la clause pénale figurant au contrat est manifestement excessive ; la société Elite Construction n'a jamais eu connaissance, avant le mois de février 2020, de l'existence de loyers impayés ; l'inexécution ne lui est pas imputable.

La société Immo Gryspeerdt réplique que :

* après avoir récupéré son local au mois de juillet 2021, elle l'a donné à bail le 1er octobre 2021 à M. [K] auquel s'est substitué le garage de l'Etoile ;

* elle n'a pas connaissance de la domiciliation d'une société Vauban BTP dans les locaux litigieux ; elle ne peut donc expliquer pourquoi une autre société déclare être domiciliée dans un local qu'elle n'occupe pas ; le fait que cette entité ait établi son siège social à l'adresse mentionnée dans le bail Immo Gryspeerd/Elite Construction ne suffit à établir que ledit bail a pris fin à compter de cette domiciliation ;

* il est prévu au bail que le preneur supporte la charge des taxes foncière ; les frais de relance sont prévus au contrat ;

* le caractère excessif de la clause pénale contractuelle n'est pas rapporté ;

Réponse de la cour :

L'article L 145-16-1 du code de commerce qui prévoit que le bailleur informe le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci n'est assorti d'aucune sanction.

Dès lors, en application de la clause de garantie contractuelle la société Elite Construction est tenue du paiement des loyers impayés pour la période de juin 2019 à juillet 2021 nonobstant l'immatriculation depuis le 29 octobre 2020 de la société Vauban Construction dont le siège social est fixé dans les locaux litigieux jusqu'à sa reprise des lieux au mois de juillet 2021. La créance de la société Immo Gryspeerdt est de 2 500 euros par mois de juin à novembre 2019 et de 2 644 euros par mois de décembre 2019 à juillet 2021 inclus soit la somme totale de 67 880 euros. Il en résulte que la société Elite construction est redevable des loyers à hauteur de 67 880 euros.

L'article IV du bail du 17 novembre 2016 prévoit que le preneur supporte les frais d'une première relance d'un montant forfaitaire de 150 euros. La société Immo Gryspeerdt ne justifie pas d'une relance adressée à la société Normandie BTP. Par voie de conséquence, la solidarité du cédant au paiement de cette somme ne trouve pas à s'appliquer.

Le bail du 17 novembre 2016 prévoit que le preneur est tenu de rembourser au bailleur et à première réquisition de ce dernier, le montant du décompte de l'impôt foncier. La société Immo Gryspeerd produit les avis de taxe foncière 2019 (4 230 €), 2020 (4 322 €) et 2021 (4 420). La société Elite Construction est ainsi tenue de rembourser au bailleur la somme de 4 230 euros au titre de l'année 2019, celle de 4 322 euros au titre de l'année 2020 et celle de 2 827,84 euros au prorata de son occupation en 2021.

Ainsi la créance de la société Immo Gryspeerdt au titre des loyers est de 67 880 euros et celle au titre de l'impôt foncier est de 11 379,84 €

Sur la clause pénale :

Il est prévu au bail au point VII une clause pénale ainsi libellée '' le preneur s'engage en cas de non- paiement, à régler au bailleur, en plus des loyers, charges et frais réclamés, une pénalité de 10% du montant de la somme due pour couvrir celui-ci, des frais exposés par lui, afin d'obtenir le règlement des sommes impayées (').''

Aux termes de l'article 1231-5 du Code civil, ''lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. (').''

La clause pénale acceptée contractuellement par la société Elite construction ne présente pas de caractère manifestement caractère excessif au regard du préjudice subi par le bailleur qui s'est vu imposer un locataire défaillant. La pénalité de 10% appliquée au montant des sommes dues de 79 259,84 euros est de 7 925,98 euros.

Il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Elite Construction à payer à la société Immo Gryspeerdt la somme de 72 121,12 euros au taux d'intérêt légal à compter du jugement. La société Elite Construction à payer à la société Immo Gryspeerdt les sommes de :

- 67 880 euros au titre des loyers et de l'indemnité forfaitaire ;

- 11 379,84 euros au titre de l'impôt foncier ;

- 7 925,98 euros au titre de la clause pénale.

La société Elite Construction a abandonné dans ses dernières conclusions, ses demandes indemnitaires au titre de la procédure abusive. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'en a déboutée et pour le surplus de ses dispositions

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Elite Construction à payer à la société Immo Gryspeerdt la somme de 72 121,12 euros au taux d'intérêt légal à compter de ce jour,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Elite Construction à payer à la société Immo Gryspeerdt :

* la somme de 67 880 euros au titre des loyers et de l'indemnité forfaitaire ;

* la somme de 11 379,84 euros au titre de l'impôt foncier ;

* la somme de 7 925,98 euros au titre de la clause pénale.

Le confirme pour le surplus de ses dispositions

Y ajoutant,

Condamne la société Elite Construction aux dépens de l'appel,

Condamne la société Elite Construction à payer à la société Immo Gryspeerdt la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.