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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 27 mars 2024, n° 21/15350

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

RS Sport Auto (SARL)

Défendeur :

Maisons Thermi Bois (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Depeley, Mme Dallery

Avocats :

Me Dejaiffe, Me Lemonnier, Me Taharraoui

T. com. Rennes, du 12 juill. 2018, n° 20…

12 juillet 2018

EXPOSÉ DU LITIGE

La société RS Sport Auto, qui a pour activité le négoce de véhicules automobiles, est entrée en relation commerciale avec la société Thermi Bois pour la construction d'un bâtiment industriel sur le territoire de la commune de [Localité 4]-l'Orgueilleuse.

Un devis a été signé le 11 décembre 2015 entre les parties pour un montant de 328.413,31 euros TTC. La date prévisionnelle de démarrage des travaux a été fixée au mois de mars 2016 et un acompte de 16.800 euros TTC a été payé par la société RC Sport Auto.

La demande de permis de construire a été refusée par la commune de [Localité 4] l'Orgueilleuse. Les travaux n'ont pas été réalisés.

Le 27 mai 2016, la société RS Sport Auto a demandé le remboursement de l'acompte versé.

Le 28 juillet 2016, la société Thermi Bois a répondu avoir planifié le chantier pour le printemps comme prévu sur la commande et être contrainte d'appliquer l'article 8 des conditions générales de vente. Elle a ainsi émis une facture de 13.683,89 euros HT (16.420,67 euros TTC) correspondant au montant indiqué en cas d'annulation du marché, soit 5 % de celui-ci et remboursé la somme de 379,33 euros à la société RS Sport Auto.

La demande de remboursement de la somme de 16.420,67 euros TTC, présentée par lettre du 10 août 2016 du conseil de la société RS Sport Auto, a été refusée par courrier du 26 août 2016 de la société Thermi Bois.

Par acte du 28 novembre 2016, la société RS Sport Auto a saisi le tribunal de commerce d'Alençon, lequel s'est déclaré incompétent pour connaître du litige soulevé sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce.

Par acte du 5 octobre 2017, la société RS Sport Auto a assigné la société Thermi Bois devant le tribunal de commerce de Rennes pour obtenir la restitution de l'acompte versé sur le fondement des articles L. 442-6 du code de commerce, 1104, 1231-5, 1186 et 1187 du code civil, motif pris du caractère abusif et excessif de la clause prévoyant l'indemnité de résiliation.

Par jugement du 12 juillet 2018 le tribunal de commerce de Rennes a :

Dit que la clause de l'article 8 n'est ni abusive ni excessive,

Débouté la société RS Sport Auto de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamné la société RS Sport Auto au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté la société Maison Thermi Bois du surplus de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société RS Sport Auto aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Liquidé les frais de greffe à la somme de 78,53 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du code de procédure civile.

La société RS Sport Auto a interjeté appel de ce jugement devant la Cour d'appel de Rennes, laquelle s'est déclarée incompétente sur le fondement de l'article D.442-3 ancien du code de commerce.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de Paris le 6 août 2021, la société RS Sport Auto a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 10 septembre 2021, la société RS Sport Auto, prie la Cour de :

"Vu l'article L. 442-6 2°du code de commerce,

Vu l'article D. 442-3 ancien du code de commerce,

Vu l'article 1104 et 123 1-5 du code civil

Vu les articles 1186 et 1187 du Code Civil,

Vu l'article 1240 du Code Civil,

Vu les articles 1352 à 1352-9 du Code Civil

Recevoir la Société RS Sport Auto en ses conclusions, l'y dire bien fondée.

Ce faisant,

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Rennes le 12 juillet 2018,

En conséquence,

Constater l'absence de prestation réalisée par la société SARL Thermi Bois,

Dire et juger la clause prévoyant l'indemnité de résiliation comme étant abusive,

Ordonner la restitution de l'acompte versée par la société RS Sport Auto à la société SARL Thermi Bois indument retenue,

A titre principal,

Condamner la SARL Thermi Bois à payer à la Société RS Sport Auto la somme de 16.420, 67 euros,

A titre subsidiaire,

Condamner la SARL Thermi Bois à payer à la Société RS Sport Auto la somme de 12.900,16 euros,

Dans tous les cas :

Condamner l'intimé à indemniser l'appelante des préjudices résultant de la résistance abusive à concurrence de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 1240 du Code Civil.

Condamner la SARL Thermi Bois à payer à la Société RS Sport Auto la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner la Société SARL Thermi Bois aux entiers dépens au visa de l'article 699 du code dc procédure civile".

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 novembre 2021, la société Thermi Bois, demande à la Cour de :

"Vu l'article 8 des conditions générales du contrat,

Dire et juger que la clause pénale ainsi visée n'est ni abusive ni excessive,

Confirmer, en conséquence, le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamner la société RS SPORT AUTO à payer à la SARL THERMI BOIS une indemnité complémentaire de 2 000 € au titre de l'article 700 du CPC,

Condamner la société RS SPORT AUTO aux entiers dépens de première instance et d'appel".

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023.

MOTIVATION

La société RS Sport Auto soutient que :

- l'article 8 des conditions générales de vente de la société Thermi Bois est constitutif d'une clause abusive au sens de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce en ce qu'elle crée "un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties" puisque la somme retenue ne correspond à aucune prestation de la part de la société Thermi Bois et le refus de poursuivre la commande ne résulte pas de sa volonté,

- l'article 8 peut être analysé comme une clause pénale qui présente un caractère manifestement excessif au regard de son montant et qui, en outre, ne peut être opposable qu'en cas d'inexécution fautive,

- le contrat est devenu caduc en application de l'article 1186 du code civil puisque l'un de ses éléments essentiels a disparu en l'absence d'obtention du permis de construire.

La société Thermi Bois rétorque que :

- l'article 8 des CGV est une clause pénale, dont le montant ne revêt aucun caractère abusif ou excessif,

- l'abandon du projet est dû à la renonciation de la société RS Sport Auto et non au refus de permis de construire dès lors que ce refus n'était pas définitif et que sa régularisation pouvait être obtenue après quelques corrections,

- la société RS Sport Auto savait que le refus de permis de construire entrainerait une facturation fixée à 5 % du montant du devis signé et établi en deux exemplaires, en vertu des CGV mentionnées au dos,  

- le montant est justifié au regard des frais qu'elle a engagé (études se rapportant au chantier, projet intégralement préparé, étudié, défini et chiffré, établissement d'un avant-projet avec plan).

Réponse de la Cour,

Sur la clause pénale est ses conséquences,

Constitue une clause pénale la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractuelle.

En l'espèce, l'article 8 des conditions générales de vente figurant au dos du devis portant sur la construction d'un bâtiment industriel établi par la société Thermi Bois qui exerce sous l'enseigne Constructions Boulay, devis signé le 11 décembre 2015, par M [K] [L], gérant de la société RS Sport Auto (K-bis de la société), prévoit :

"Toute annulation du marché à l'initiative du client entrainera à sa charge la facturation d'une somme égale à 10 % du montant du devis en sus :

1. Des acomptes déjà versés qui demeureront acquis à la société BOULAY

2. De la régularisation du coût des travaux réalisés.

En cas de refus du permis de construire ou du crédit, il sera facturé 5 % du montant du devis avec un minimum de 2000 Euros.

Aucune annulation de commande ne sera possible après le démarrage des travaux."

Le permis de construire déposé par M [K] a été refusé le 3 mai 2016.

La société appelante qui se prévaut des dispositions de l'article L. 442-6 I, 2° (ancien) du code de commerce et qui se borne à soutenir qu'aucune prestation n'a été réalisée par la société Thermi Bois, en l'absence d'exécution des travaux, ne démontre pas en quoi cet article 8 des conditions générales de vente constituerait une clause créant un déséquilibre significatif.

A cet égard, il convient de rappeler qu'il incombe à celui qui invoque ces dispositions de démontrer l'existence d'une soumission et d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, Or, la société RS Sport Auto n'invoque aucune soumission.

Par ailleurs, si cette dernière soutient justement que cette clause des conditions générales de vente est constitutive d'une clause pénale, elle ne démontre pas que la pénalité convenue serait manifestement excessive.

A cet égard, le refus du permis de construire est une hypothèse spécialement visée par l'article 8 et il appartenait à la société RS Sport Auto de l'obtenir. Or, elle ne démontre en aucune manière que ce refus ne lui serait pas imputable alors que l'arrêté qui le refuse mentionne :

"Considérant que le projet envisagé dans ses dispositions actuelles est de nature à porter atteinte à la sécurité publique en application de l'article R. 111-2 du Code de l'Urbanisme susvisé".

Par ailleurs, la société Thermi Bois justifie de frais engagés dans la réalisation de ce projet (ses pièces 10 à 20).

Par suite, la clause pénale de 5 % du montant du devis ne revêt pas de caractère manifestement excessif.

A cet égard, est indifférente la circonstance que la société Thermi Bois ne soit intéressée au contrat que pour le lot terrassement ainsi qu'elle le soutient, les autres lots devant être sous-traités, ce qui est au demeurant contesté.

Le jugement qui a rejeté cette demande est confirmé sur ce point.

Il sera ajouté que le moyen pris de la caducité du contrat sur le fondement de l'article 1186 du code civil en ce que l'un de ses éléments essentiels a disparu en l'absence d'obtention du permis de construire, est en tout état de cause inopérant puisqu'en effet la caducité d'un acte n'affecte pas la clause pénale qui y est stipulée.

Le jugement qui a débouté la société RS Sport Auto de ses demandes est confirmé.

Sur la résistance abusive,

Le sens de l'arrêt commande de rejeter la demande de dommages-intérêts présentée par la société appelante au titre de la résistance abusive de la société Thermi Bois.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La société RS Sport Auto qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il sera fait droit à la demande de la société Thermi Bois sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile conformément au dispositif ci-après, en sus de la somme déjà mise à la charge de la société RS Sport Auto par le tribunal.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions qui lui sont soumises ;

Y ajoutant,

Déboute la société RS Sport Auto de sa demande au titre de la résistance abusive ;

Condamne la société RS Sport Auto aux dépens d'appel et à payer à la société Thermi Bois la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.