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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 28 mars 2024, n° 21/00418

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Demours (SAS)

Défendeur :

SCI Astor Demours (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Allerit, Me Etevenard, Me Blatter

TGI Paris, Loyers commerciaux, du 23 mai…

23 mai 2016

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 12 septembre 2005, la société Hôtel Astor Demours a donné à bail commercial à la société Demours, un immeuble entier au [Adresse 2] et le lot n° 15 (cave) dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1], pour une durée de neuf années à compter du 3 janvier 2006 pour se terminer le 2 janvier 2015, moyennant un loyer annuel de 150.000 euros, à usage d'hôtel.

Par avenant du 12 septembre 2005, les parties ont convenu notamment de proroger jusqu'au 28 février 2007 la franchise de loyer consentie initialement jusqu'au 1er mars 2006.

Par acte extrajudiciaire du 26 juin 2014, la SCI Astor Demours a fait délivrer à la société Demours un congé pour le 2 janvier 2015 sans offre de renouvellement du bail.

Par acte extrajudiciaire du 16 juillet 2014, la SCI Astor Demours a fait notifier à la société Demours l'exercice de son droit de repentir et a offert le renouvellement du bail pour neuf ans à compter du 3 janvier 2015, moyennant un loyer annuel en principal de 550.000 euros, hors taxes et hors charges.

Par lettre recommandée du 19 décembre 2014 avec avis de réception, la société Demours a accepté l'offre de renouvellement mais s'est opposée à la fixation du loyer au montant demandé.

Par acte d'huissier du 3 août 2015, la SCI Astor Demours a assigné la société Demours aux fins de voir dire et juger que, par application des articles L. 145-36 et R. 145-10 du code du commerce mais aussi de l'article 6-5° du bail, le loyer de renouvellement du bail à effet du 3 janvier 2015 doit être fixé à la valeur locative de marché, calculée en application de la méthode hôtelière et fixer, en conséquence, le loyer de renouvellement au 3 janvier 2015 à un montant de 550.000 euros.

Par jugement mixte en date du 23 mai 2016, le juge des loyers commerciaux a, notamment, :

- constaté, par l'effet du congé sans offre de renouvellement de la SCI Astor Demours puis par l'effet de l'exercice de son droit de repentir et de l'offre de renouvellement acceptée par la société Demours, le principe du renouvellement du bail à effet du 3 janvier 2015 ;

- constaté que les locaux sont monovalents ;

- rappelé que les règles du plafonnement ne s'appliquent pas au loyer du bail renouvelé, en application des dispositions de l'article R 145-10 du code de commerce ;

- désigné en qualité d'expert Monsieur [T] [G] avec mission notamment de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 3 janvier 2015, d'une part, au regard des usages observés dans la branche d'activité considérée, c'est-à-dire selon la méthode hôtelière habituelle, comme si la référence à la valeur locative de marché ne pouvait pas emporter de conséquence et, d'autre part, selon la méthode hôtelière mais en considérant que la référence dans le bail à valeur locative de marché impose d'adapter la méthodologie habituelle et de déterminer le taux de recette applicable exclusivement par référence à des locations nouvelles d'hôtels ;

- fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel en principal, outre les charges.

L'expert a déposé son rapport au greffe le 2 avril 2019.

Par jugement du 12 novembre 2020, le juge des loyers commerciaux a :

- fixé à la somme annuelle de 302.239 euros, en principal, hors taxes et hors charges, le loyer du bail renouvelé à compter du 3 janvier 2015 entre la société Astor Demours et la société Demours , toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;

- condamné la société Demours à payer à la société Astor Demours les intérêts au taux légal sur les arriérés de loyer à compter de la date de l'assignation pour les loyers échus avant cette date et à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après la date de l'assignation ;

- dit que les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produiront des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- partagé les dépens par moitié entre les parties, qui incluront le coût de l'expertise judiciaire.

Par déclaration du 28 décembre 2020, la société Demours a interjeté appel partiel du jugement.

Par conclusions déposées le 14 juin 2021, la SCI Astor Demours a interjeté appel incident partiel du jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Aux termes de ses conclusions signifiées le 30 mai 2023, la société Demours, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :

Statuant tout d'abord sur l'interprétation et la portée des clauses « renouvellement » et « accession » insérées dans le bail échu conclu le 12 septembre 2005, sous la condition suspensive de la réalisation de la cession de fonds de commerce en vertu de laquelle la société Demours vient aux droits du précédent exploitant depuis la prise d'effet du bail échu :

- dire qu'il appartient à la juridiction saisie de faire application de la clause « Renouvellement » en l'interprétant en faveur de celui qui s'oblige, en l'occurrence la société appelante, ce qui implique que la société intimée ne puisse imposer, de bonne foi, à sa cocontractante acquéreur du fonds, une interprétation de la clause de renouvellement fondée exclusivement sur la notion de valeur locative de marché alors qu'il lui faut nécessairement prendre en considération l'ensemble des critères découlant de la méthode dite hôtelière, de même que l'état des lieux à la date de la prise d'effet du bail renouvelé, tel que prévu par la clause de renouvellement mais sous réserve d'y apporter les correctifs nécessaires du fait que la clause « accession » insérée dans le bail suppose que les effets de celle-ci soient reportés en fin de jouissance ;

- infirmer le jugement entrepris du 12 novembre 2020 en ce qu'il a imposé une forte revalorisation du pourcentage sur recettes, alors même que ce paramètre représente la part admissible du loyer compte-tenu de la catégorie de l'hôtel homologué en tourisme 4 étoiles et qu'à aucun moment les critères d'appréciation du taux de marché n'ont été précisés par la clause litigieuse qui, à cet égard, s'avère manifestement inapplicable et de nature à porter une atteinte irrémédiable à l'équilibre de la convention renouvelée, selon les critères découlant des paramètres habituellement retenus dans le cadre de la méthode dite hôtelière, en déclarant la société Astor Demours infondée en son appel incident, l'en débouter ;

- dire que l'expert s'est prévalu, à tort, dans le cadre de sa mission, de son expérience et de sa juste connaissance du marché et de ses acteurs, sans fournir à la juridiction saisie les éléments d'appréciation et de recoupement requis permettant de justifier le taux d'effort de 20 % imposé au preneur, dans le cadre de la mise en 'uvre des critères imposés par la méthode hôtelière auxquels la clause litigieuse se réfère explicitement ;

- dire de même, que la société intimée ne peut se prévaloir à l'appui de son appel incident, pour tenter de justifier le taux de prélèvement sur recettes à hauteur de 20 %, d'éléments d'appréciation postérieurs à la prise d'effet du bail renouvelé et relevant d'un prétendu pourcentage sur chiffre d'affaires qui s'avère, selon la jurisprudence, totalement étranger aux critères d'appréciation de la valeur locative selon la méthode hôtelière et dans le cadre des dispositions statutaires ;

- dire, en outre, que les baux produits aux débats ont été conclus dans un contexte financier différent selon des critères financiers à la chambre dont le prix unitaire ne correspond nullement aux allégations et aux demandes des bailleurs, tandis qu'en cas de renouvellement le loyer du bail renouvelé serait plafonné en hausse comme en baisse dans la limite d'un taux de 15 % appliqué au prix en vigueur à la date d'expiration du bail, selon le mode de rémunération retenu et l'incidence éventuelle d'une clause d'indexation ;

- déclarer la société intimée infondée en ses différentes prétentions ou observations de ce chef, l'en débouter ;
Et statuant sur la fixation du loyer du bail renouvelé à effet du 3 janvier 2015 :

- dire, en conséquence, qu'il convient d'apprécier la valeur locative selon les taux et pourcentages habituellement retenus pour un hôtel de cette catégorie, sans que la référence aux prix de marché ne puisse avoir d'incidence, dès lors que la consistance des lieux doit être appréciée tant à la lumière de la clause de renouvellement, que des effets de l'accession reportés en fin de jouissance ;

- fixer, en conséquence, le montant du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle en principal de 195.466 € sur la base des paramètres retenus par le premier juge, soit un taux de remise de 40 % appliqué à la recette théorique déterminée par l'expert et accepté par les parties, un taux d'occupation de 80 %, un pourcentage sur recettes de 13 % et d'un abattement pour charges exorbitantes de droit commun et restrictions de jouissance de 12 %, outre un abattement au réel au titre de l'impôt foncier en déclarant la société Astor Demours infondée en ses différentes prétentions, telles que formulées dans le cadre de son appel incident, l'en débouter, dès lors de surcroît que l'incidence des charges exorbitantes relève, dans le contexte particulier des fixations intervenant sur le fondement de l'article R. 145-10 du code de commerce, selon les paramètres découlant de la méthode dite hôtelière ;

À titre infiniment subsidiaire,

Dans l'hypothèse où la juridiction saisie de l'interprétation de la stipulation litigieuse estimerait devoir prendre en considération l'incidence de la référence faite à la notion « de prix de marché », le cas échéant en privilégiant l'interprétation retenue par le premier juge qui a estimé qu'il convenait essentiellement de prendre en considération, parmi les critères de la méthode hôtelière, le pourcentage sur recettes :

- dire que la prise en compte de l'un des paramètres évoqués par la clause « renouvellement » doit être appréciée dans des conditions de nature à préserver l'équilibre entre les obligations respectives des parties, de même que le droit au renouvellement reconnu explicitement par le bailleur qui a pris l'initiative quelques semaines après avoir notifié un congé avec refus de renouvellement, d'exercer le droit de repentir ;

- dire que ni les constatations de l'expert désigné par le tribunal, ni les pièces produites aux débats à l'instigation de l'intimée, ne sont de nature à justifier un taux d'effort à hauteur de 20 %, alors même que la clause litigieuse impose à la Cour de prendre en considération la consistance des lieux loués au jour du renouvellement, sous réserve des conséquences qui découlent du report de l'accession en fin de jouissance, en conformité avec la jurisprudence ;

- dire que dans un tel contexte locatif et quelle que soit l'évolution positive du marché hôtelier, le pourcentage sur recettes ne peut excéder une majoration de 3 à 4 % appliqué au taux moyen pratiqué pour un hôtel de cette catégorie, soit selon la jurisprudence 12 à 12,5 %, l'appelante étant fondée, selon les paramètres précédemment rappelés, à voir fixer la valeur locative nette au 3 janvier 2015 à la somme de 241.226 euros, telle que cette appréciation découle de l'argumentation du preneur dans les présentes écritures, soit :

- dire et juger que l'appelante est fondée à prétendre à un abattement de 12 %, outre la prise en compte de l'incidence de l'impôt foncier, tant en raison des conditions de jouissance qui découlent du bail renouvelé, que du fait que ces paramètres s'avèrent applicables, en toute hypothèse, pour déterminer la valeur locative d'une exploitation hôtelière selon l'ensemble des critères admis dans les termes de l'article R. 145-10 du code de commerce ;

- débouter la SCI Astor Demours de ses prétentions en la condamnant au paiement d'une somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire et juger que dès l'instant où la présente fixation du loyer du bail renouvelé découle de l'exercice du droit de repentir du bailleur qui doit en supporter les conséquences financières, l'appelante ne peut être tenue au paiement de dommages et intérêts dus en raison d'un retard dans le paiement de loyer, dont l'arriéré ne peut découler que de la décision à intervenir, sur le fondement de l'article 1231-6 du code civil ;

- dire qu'il appartiendra à la société intimée d'établir et de soumettre à la signature du preneur, dans le délai imparti par l'article L. 145-57 du code de commerce, l'avenant de renouvellement du bail commercial prenant en compte à la fois le nouveau loyer exigible à l'occasion du renouvellement du présent bail, comme de toutes autres clauses, charges et conditions du bail échu dument actualisées et modifiées sur le fondement des dispositions d'ordre public de la loi du 18 juin 2014 et de son décret d'application du 3 novembre 2014 ;

- débouter, en conséquence, l'intimée de ses prétentions à cet égard, de même que de sa demande de capitalisation qui s'avère dès lors sans objet ;

- condamner la SCI Astor Demours en tous les dépens, en ce y compris les frais d'expertise dont le recouvrement sera poursuivi par la Selarl Taze-Bernard-Allerit, en la personne de Maître Eric Allerit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante expose que :

- sur les critères d'appréciation de la valeur locative et le loyer minimum garanti :

- sur la détermination de la valeur locative, il existe une difficulté dès lors que la rédaction de la clause relative aux travaux menés par le preneur qui prévoit que le bailleur peut se prévaloir de l'accession sans indemnité et de plein droit de tous les travaux réalisés au cours du bail échu ; selon l'article 8 alinéa 2 du bail, le bailleur pourra exiger la remise des locaux dans leur état initial, mais uniquement si les travaux présentent un caractère spécifique et/ou dévalorisant ;

- sur le loyer minimum garanti, selon le bail commercial, le loyer fixé à l'occasion du renouvellement ne peut être inférieur au montant du dernier loyer en vigueur à cette époque ; selon les modalités d'application de la clause d'indexation, au sens de l'article 6-4° du bail venant à échéance, le calcul de l'indexation devait s'effectuer par comparaison entre le dernier indice publié à la date d'effet du bail, début janvier 2006, et l'indice trimestriel correspondant des années suivantes, ce qui revient à prendre en considération l'indice du 2ème trimestre 2005 (1276 publié le 14/10/2005) et l'indice correspondant soit celui du 2ème trimestre 2014 (1621), ce qui aboutit à un loyer trimestriel de 47.639,10 euros HT, soit annuellement 190.556,42 euros ;

- sur les critères retenus par voie d'interprétation, le juge des loyers a procédé à une analyse erronée des prix de marché en ce que la rédaction même de la clause litigieuse implique qu'il soit fait référence à l'ensemble des critères constitutifs de la valeur locative par la méthode hôtelière ; la référence au marché hôtelier doit être limitée dans ses conséquences, selon l'état réel des lieux loués et leurs conditions d'exploitation au 3 janvier 2015 ;

- sur la clause de renouvellement, l'interprétation préconisée par le preneur est que ni à la date de prise d'effet du bail échu, ni à la date du présent renouvellement par l'effet du repentir, n'était caractérisé un bail neuf concernant un hôtel livré « clés en mains », relevant de prix de marché ;

- sur l'argumentation adverse, le bail conclu le 22 janvier 2019 est postérieur à la date de prise d'effet du bail, de sorte qu'il ne peut avoir une incidence sur les modalités d'appréciation de la valeur locative des lieux loués au 3 janvier 2015, conformément à la jurisprudence ; le bail du 30 juin 2016 porte sur une opération immobilière différente que la situation de l'espèce ; un taux d'effort tel que fixé à 20 % par le premier juge est de nature à entraîner sur l'ensemble du bail une charge financière qui excède nettement les capacités de l'entreprise et lui interdit d'assurer le financement des investissements qui s'avèrent inéluctablement nécessaires dans le cadre de l'exploitation d'un hôtel homologué en catégorie tourisme 4 étoiles ;

- sur l'estimation de la valeur locative, la cour doit trancher d'une façon explicite la portée exacte de la clause litigieuse en raison de la proximité du nouveau renouvellement le 2 janvier 2024 ; l'expert a déterminé une recette théorique annuelle TTC faisant ressortir un prix unitaire affiché de 247 euros et une recette annuelle HT d'un montant de 3.611.100 euros HT, ce qui n'est contesté par aucune des deux parties ; les locaux donnés à bail ne sont pas implantés dans une zone touristique emblématique comportant des flux de clientèle importants, de sorte qu'un abattement substantiel de 40 % doit être appliqué ; les parties s'accordent sur le taux d'occupation de 80 % ; au regard d'une exploitation dont les caractéristiques sont plus proches de celles d'un hôtel 4 étoiles « Supérieur/Luxe » que d'un hôtel 3 étoiles, un taux de pourcentage sur recettes hébergement 13 % semble plus pertinent que celui de 13,5 % préconisé par l'expert judiciaire ; la cour doit exclure toute prise en considération des recettes petit-déjeuner dans le cadre de l'appréciation de la valeur locative selon la méthode traditionnelle, ainsi que, le cas échéant, au regard des nouvelles préconisations des experts dès lors que la prise en compte d'une recette praticable étrangère au prix affiché n'implique nullement la remise en cause des autres paramètres sur lesquels est fondée depuis des décennies la méthode dite hôtelière ; un abattement de 12 % doit être retenu au titre des charges exorbitantes dès lors que même en excluant la référence à la vétusté et aux dispositions de l'article 606 du code civil, le preneur reste tenu à des obligations d'entretien importantes, outre l'exécution de travaux de mise en conformité longuement énumérées et imposées par le bail ; l'incidence des prix de marché doit être écartée par la juridiction saisie, dès lors qu'elle ne relève pas des paramètres prévus pour la détermination du loyer selon la méthode hôtelière, dans les termes de l'article R. 145-10 du code de commerce, en l'absence de tout élément probant découlant des pièces produites aux débats par l'intimée ou mentionnées par l'expert désigné en première instance ; toute clause impliquant une restriction à la jouissance des lieux loués et notamment l'incidence d'une copropriété voisine dont dépendent une partie des locaux doit être prise en considération.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 26 mai 2023, la SCI Astor Demours, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :

- débouter la société Demours de son appel, et de toutes ses demandes ;

- confirmer le jugement du juge des loyers du tribunal judiciaire de Paris du 12 novembre 2020 en ce qu'il a dit que le loyer devait être fixé à la valeur locative de marché des locaux, calculée en application de la méthode hôtelière impliquant en conséquence que le pourcentage sur recette applicable corresponde au taux du marché pour les locations nouvelles ;

- juger en tant que de besoin que le prix du bail renouvelé doit être fixé à raison de la consistance des lieux loués à la date du renouvellement, conformément aux dispositions du bail ;

- juger la société Astor Demours bien fondée en son appel incident ;

- infirmer le jugement des seuls chefs critiqués, et ainsi :

- fixer le prix du bail renouvelé au 3 janvier 2015 à la somme annuelle de 371 932 euros en principal, hors charges et hors taxes ;

- juger que le loyer fixé portera intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis la date de la demande en justice, le 27 mai 2015, à compter de chaque date d'exigibilité en application de l'article 1231-6 du code civil et ordonner la capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du même code, de ceux dus au moins depuis une année entière ;

- statuer ce que de droit sur les dépens et les frais d'expertise ;

- débouter la société Demours de sa demande en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner à payer à la société Astor Demours la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société intimée oppose que :

- sur les obligations respectives des parties et la clause d'accession, la clause contractuelle est « singulière » en ce qu'elle n'autorise le bailleur, en fin de jouissance, à exiger la remise des locaux dans leur état initial « uniquement du chef des travaux du preneur présentant un caractère spécifique et/ou dévalorisant' », les travaux litigieux n'ayant pas ce caractère, de sorte que la clause d'accession a bien été mise en 'uvre à la fin du bail ; le fait que la société Demours n'ait pas fait usage des dispositions des articles L. 311-2 et suivants du code du tourisme, à l'occasion des travaux qu'elle a réalisés, lui interdit, selon la jurisprudence, de se prévaloir des dispositions de l'article R. 145-8 du code de commerce ;

- sur la fixation du loyer, le bail litigieux était un bail neuf ; le paramètre que les parties ont entendu modifier est exclusivement le taux sur recette, lequel doit être recherché parmi les taux applicables sur le marché pour les locations nouvelles, les autres paramètres de détermination du loyer en fonction de la méthode hôtelière ne changeant pas ; que la clause critiquée n'est sujette à aucune interprétation en ce qu'elle dispose que le prix des baux renouvelés devra être déterminé « en fonction de la valeur locative de marché des locaux, calculée en application de la méthode hôtelière, en l'état de leur consistance au jour du renouvellement » ; que cette rédaction démontre l'accord des parties et notamment du preneur pour renoncer aux dispositions de l'article R. 145-8 du code de commerce pour autant qu'il ait été applicable à un bail dont le loyer doit être fixé par application des dispositions de l'article R. 145-10 du code de commerce ; que M. [M] n'est pas une personne novice, de sorte que la référence à la personne raisonnable placée dans une même situation s'agissant de M. [P] [M], « exploitant bien connu à [Localité 4] de chaînes hôtelières », rend d'autant plus certaine la lisibilité de la clause contractuelle ;

- sur la détermination de la valeur locative, la recette théorique est de 3.611.100 euros ; qu'il y a lieu de retenir un abattement de 35 % sur les prix hors taxes de l'hébergement, eu égard à un quartier correspondant à une « zone porteuse et de sites touristiques emblématiques/flux » ; le taux d'occupation est de 80 % ; au titre du pourcentage sur recette, l'expert a utilisé sa connaissance du marché pour remplir la mission confiée et déterminer un taux de 20 %, lequel est corroboré par des exemples de locations nouvelles versés aux débats, à savoir le bail du 22 février 2019 et un bail en état futur d'achèvement ;

- sur les facteurs de minoration, sont désormais exclus des mises en conformité susceptibles d'être transférées sur le preneur, les travaux relevant de l'article 606 du code civil ; en l'état des modifications réglementaires intervenues au cours de la période écoulée, des avancées suffisantes ont été faites en la matière, permettant de considérer comme peu plausible l'obligation de nouveaux travaux de mise en conformité d'ici la fin du bail en cours expirant en 2024 ;

- sur le principe de l'exclusion d'un abattement en matière hôtelière, le recours à la méthode hôtelière exclut qu'il soit fait application de l'article R. 145-8 du code de commerce en ce que l'article L. 145-36 du même code ne comporte nulle référence ni à l'article L. 145-33 ni aux articles R. 145-2 et suivants du code de commerce ; subsidiairement, il est d'usage en matière d'hôtellerie de transférer sur le preneur la charge de tous les travaux et réparations, travaux de mise en conformité et impôt foncier ; il incombe au preneur, qui occupe un immeuble entier, de rembourser au bailleur la prime de l'assurance souscrite par ce dernier en qualité de propriétaire non occupant ; plus subsidiairement, il résulte de l'article 17.1.3° que la servitude litigieuse, qui ne concerne que la cave, est une servitude de passage « au profit de toute personne ayant besoin (d'accéder au compteur d'eau de l'immeuble du [Adresse 1]) », ce qui peut difficilement être considéré comme une « restriction de jouissance » justifiant un abattement sur la valeur locative alors qu'aujourd'hui les compteurs d'eau, comme les compteurs de gaz et d'électricité sont des compteurs « communicants »il n'est plus besoin de relever sur place ; la servitude de passage dans la cave du [Adresse 1] voit son inconvénient compensé par le droit de communication qui a été accordé à la société locataire pour relier cette cave numéro 15 du sous-sol du [Adresse 1] au sous-sol de l'immeuble donné en location [Adresse 2] ; que la présence de l'article 17.3 ne justifie aucun abattement ;

- sur son appel incident, seule devait être déduite la prime d'assurance de l'immeuble, étant précisé que la modification résultant de l'article R. 145-35 du code de commerce, ne permet plus de transférer sur le locataire les grosses réparations prévues par l'article 606 du code civil ; le loyer fixé portera intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis la date de la demande en justice, le 27 mai 2015, à compter de chaque date d'exigibilité en application de l'article 1231-6 du code civil, étant précisé que la capitalisation sera également ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du même code, de ceux dus au moins depuis une année entière, les dispositions de l'article 1231-7 du code civil n'étant pas applicables à des arriérés de loyer résultant d'un contrat.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant.

SUR CE,

Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'donner acte' ou de 'dire et juger', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le bail a été renouvelé à compter du 3 janvier 2015 et que les locaux loués ont un caractère monovalent, la seule activité autorisée aux termes de l'article 4 du bail étant un usage hôtelier des lieux. Il en résulte, selon l'article R. 145-10 du code de commerce, que le prix du bail peut « être déterminé selon les usages déterminés dans la branche d'activité considérée ».

C'est par motifs détaillés que la cour adopte et auxquels elle renvoie que le juge des loyers commerciaux a repris la description des locaux et de leur situation résultant du rapport d'expertise.

Le preneur conteste, devant la cour, la ventilation des chambres selon leur capacité d'accueil arguant d'un volume plus important de chambres single que celui retenu par l'expert et le tribunal.

Cependant, il ressort à l'inverse de l'annexe jointe au courrier de la préfecture de police de Paris daté du octobre 2019 relative à la déclaration d'exploitation de l'hôtel que sont déclarées 44 chambres (6 chambres par étage du 1er au 6ème ' 5 chambres au 7ème et 3 chambres au 8ème étage) d'une capacité d'accueil par chambre quasiment identique à celle déclarée le 20 février 2007, exception faite la chambre 502 qui serait passée de 2 à 3 personnes, les chambres 701 à 702 qui seraient passées de 1 à 2 personnes et la chambre 801 qui serait passée de 2 à 3 personnes, soit, contrairement à ce que soutient le preneur, une capacité globale potentiellement supérieure à celle retenue par l'expert et le tribunal (passage de 75 à 79 personnes).

Sur la méthode d'évaluation :

Comme relevé par le premier juge par motifs pertinents auxquels la cour renvoie, si le caractère monovalent des locaux autorise que la fixation du montant du loyer soit déterminée par rapport aux usages de la profession, les parties sont néanmoins libres de déterminer contractuellement les conditions de fixation du loyer.

En l'espèce, l'article 10 relatifs aux travaux prévoit, en son point 10.1 ' 8° concernant les travaux menés par le preneur que :

« A la fin du présent bail, quelle qu'en soit la cause (résiliation judiciaire, de plein droit ou autre) tous les travaux réalisés par le preneur, quels qu'ils soient, deviendront la propriété du bailleur sans indemnité.

Le bailleur pourra d'autre part en fin de jouissance exiger la remise des locaux dans leur état initial mais uniquement du chef des travaux du preneur présentant un caractère spécifique et/ou dévalorisant... ».

Contrairement à ce que soutient le preneur, il ressort de cet article que les parties ont entendu distinguer le sort des travaux menés par le preneur selon deux périodes distinctes du bail. D'une part, en fin de bail soit au premier renouvellement, accession est faite au bailleur des travaux menés par le preneur, d'autre part, en fin de jouissance soit au départ des lieux du locataire, le bailleur se réserve le droit de solliciter la remise en état des locaux si et seulement si les travaux litigieux présentent « un caractère spécifique et/ou dévalorisant ».

Par ailleurs, l'article 6 du bail litigieux relatif au loyer prévoit notamment qu'en cas de renouvellement, « le loyer sera fixé en fonction de la valeur locative de marché des locaux », en l'état de leur consistance au jour du renouvellement, « calculée en application de la méthode hôtelière ».

Contrairement à ce que soutient le preneur, il n'y a pas davantage lieu à interprétation de cette clause aux termes de laquelle la commune intention des parties a clairement été de se référer à la valeur locative de marché des locaux, « en l'état de leur consistance au jour du renouvellement » comme vu ci-dessus, soit par référence au taux d'effort négocié dans le cadre de location nouvelle. Cette disposition apparaît en cohérence avec le loyer consenti et la franchise accordée au preneur lors de la cession du fonds de commerce et de la négociation du bail. Puis le calcul la valeur locative de marché est opéré selon l'ancienne « méthode hôtelière » applicable au regard de la date du renouvellement du bail.

La valeur locative est ainsi calculée sur la base de la recette théorique globale, soit le prix affiché par chambre multiplié par le nombre de chambre, à laquelle sont appliqués successivement plusieurs abattements, pourcentages et/ou correctifs, soit un abattement de « taux de remise » résultant de la nécessaire adaptation à la concurrence proche impliquant l'octroi de remise au client pour rester attractif, puis un coefficient de fréquentation de l'hôtel généralement déterminé en comparaison avec la fréquentation des hôtels avoisinant comparables et/ou de même catégorie, un pourcentage sur recettes correspondant aux recettes constatées toujours dans des hôtels proches et comparables et, le cas échéant, des abattements ou majorations selon les charges exorbitantes de droit commun pouvant peser sur le preneur ou des avantages consentis par le bailleur.

Sur le calcul de la valeur locative :

Sur la recette théorique d'hébergement :

La recette théorique « hébergement » calculée par l'expert, retenue par le tribunal et non contestée par les parties, est de 3.611.100 € HT.HC, soit un tarif moyen des nuitées de 224 € HT. Elle sera retenue par la cour.

Sur le taux d'occupation

La cour retient que le taux d'occupation à hauteur de 80 % n'étant pas discuté par les parties, le chiffre d'affaires hébergement théorique proposé par l'expert et retenu par le premier juge sera validé à la somme arrondie de 2.888.880 € HT.

Sur les abattements pour remise et/ou tours opérateurs ou sites internet :

En l'espèce, contrairement à ce que soutient le preneur, le taux de dégradation pour les remises consenties est un taux normatif, indépendant du ratio de l'établissement, qui permet au locataire d'optimiser son taux d'occupation.

S'il n'est pas contesté que les chambres sont exiguës et que l'hôtel n'est pas à proximité immédiate de « sites touristiques emblématiques » ; en revanche, la possibilité de réservation immédiate via internet, sa localisation dans le « Quartier Central des Affaires parisien » favorable pour un hôtel de cette catégorie drainant une clientèle d'affaires et sa bonne desserte par les transports en commun, justifie que soit retenu le taux de remise proposé par l'expert, soit 35 % et non celui de 40 % retenu par le juge.

La recette d'hébergement théorique réalisable est ainsi portée à la somme de 2.888.880 * 0.65 = 1.877.772 euros HT.

Sur le taux sur recette hébergement:

Les parties ne contestent pas l'usage selon lequel le loyer admissible pour l'exploitant est calculé sur la base d'un pourcentage de la recette hébergement théorique réalisable, pourcentage calculé selon plusieurs critères dont, notamment, la catégorie de l'établissement, les caractéristiques immobilières dont l'état global du bien et des chambres, les prestations annexes proposées, la taille des chambres, la dimension des espaces communs. Il est admis que plus l'établissement propose un service et des prestations hôtelières de qualité, moins le taux d'effort sera élevé.

En l'espèce, il ressort que l'hôtel est exploité sur la totalité de l'immeuble en bon état, les 44 chambres bénéficient toutes des mêmes prestations et aménagements hormis les trois chambres doubles de luxe qui bénéficient en plus d'une terrasse ou d'un balcon, les espaces communs sont conviviaux et bien entretenus, « la piscine chauffée, en infrastructure, est rare dans [Localité 4] intramuros et constitue un atout commercial » certain.

L'expert a retenu dans son rapport un taux d'effort de 13,5 % par référence aux taux appliqués dans les baux renouvelés, tout en soulignant que « son expérience à travers diverses affaires privées révèle un taux d'effort pour les locations nouvelles de +/- 20 % sur la seule partie hébergement. »

L'expert de partie, M. [E], a souligné que « les locations nouvelles d'hôtels, lorsque le loyer n'est pas calculé à partir d'un rendement financier de l'investissement, se font sur la base de 20 à 30 % de la recette hébergement petits déjeuners compris ...» et cite le taux de 23 % appliqué dans une transaction récente concernant un grand groupe hôtelier. Il fait en outre état d'un taux d'effort hors recettes constitués par les petits déjeuners pour les hôtels 4 * selon la classification du 23 juillet 2012 de 13 à 14 %.

En l'espèce, au regard de la clause contractuelle faisant référence à la valeur locative de marché pour le loyer renouvelé, c'est à bon droit que le premier juge a retenu un taux d'effort de 20 % sur la recette d'hébergement.

Ainsi, la valeur locative brute « hébergement » doit être fixée à la somme de :

1.877.772 x 0,20 = 375.554,40 € HT.

Sur les abattements

En l'espèce, l'expert a relevé que le bail est de type « investisseur » en ce que certaines charges exorbitantes de droit commun ont été imputées au preneur, soit les travaux de mise en conformité, hors travaux relevant de l'article 606 du code civil, ainsi que l'assurance de l'immeuble et propose, de ce fait, de retenir un abattement de 10 %.

La cour relève que, compte-tenu des dispositions de la loi du 18 juin 2014 applicable au bail renouvelé, certaines charges mises à la charge du preneur ne pourront plus l'être telles que les travaux résultant de la vétusté.

Par ailleurs, les contraintes résultant de la servitude de passage, justifiée en ce qu'elle garantit l'accès au compteur d'eau, des emplacements concédés à SFR sur la toiture-terrasse qui n'est pas accessible et la mise à disposition de 28 nuitées à la bailleresse ne peuvent être considérées comme des charges exorbitantes de droit commun au regard de leur caractère limité qui ne peut constituer un trouble de jouissance.

En revanche, contrairement à ce que soutient le bailleur, la prise en charge financière par le preneur de l'assurance de l'immeuble, de la taxe foncière, des charges de copropriété et des travaux réglementaires, essentiellement liés à des mises en conformité à la législation relative à la sécurité incendie potentiellement récurrents compte-tenu des passages périodiques de la commission de sécurité et de leur coût généralement élevé, sont exorbitantes de droit commun et justifient que soit confirmé l'abattement de 12 % appliqué par le premier juge.

Il infère de ces éléments que le montant du loyer du bail renouvelé est de :

(375.554,40 x 0,88) ' 2.827 = 327.660,87 € arrondis à la somme de 327.660 € HT HC.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef mais confirmé en ses dispositions relatives aux intérêts et à leur capitalisation conformes aux dispositions légales.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.

Chaque partie succombant partiellement en ses demandes conservera la charge de ses propres dépens ainsi que celle de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris le 12 novembre 2020 (RG n° 15/13289) en ce qu'il a fixé à la somme annuelle de 302.239 euros, en principal, hors taxes, hors charges, le loyer bu bail renouvelé à compter du 3 janvier 2015 entre la SCI Astor Demours et la société Demours pour les locaux situés [Adresse 2] ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant de nouveau,

Fixe à la somme annuelle de 327.660 euros, en principal, hors taxes, hors charges, le loyer du bail renouvelé à compter du 3 janvier 2015 entre la SCI Astor Demours et la société Demours pour les locaux situés [Adresse 2] ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.