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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 28 mars 2024, n° 21/04812

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Ficommerce (SCPI)

Défendeur :

Bexley (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Regnier, Me Segundo, Me Lesenechal

TJ Paris, du 8 févr. 2021, n° 19/02135

8 février 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 5 novembre 2007, la société Cifocoma 4, aux droits de laquelle vient la SCPI Ficommerce, a donné à bail commercial en renouvellement à la SASU Bexley des locaux sis [Adresse 4] à [Localité 12] pour une durée de douze ans à compter du 1er février 2007, moyennant un loyer annuel de 40.000 € hors taxes et charges.

Par acte d'huissier en date du 28 septembre 2018, la SASU Bexley a sollicité le renouvellement de son bail à compter du 1er février 2019, pour un loyer annuel de 31.400 € hors taxes et charges.

Par acte d'huissier du 26 septembre 2018, la SCPI Ficommerce a signifié à la SASU Bexley un congé à effet au 31 mars 2019 avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel de 52.501 € hors taxes et charges.

Par mémoire préalable signifié le 10 décembre 2018, la SASU Bexley a sollicité le renouvellement de son bail à compter du 1er février 2019, pour un loyer annuel de 31.400 € hors taxes et charges.

Par assignation du 1er février 2019, la SASU Bexley a saisi le juge des loyers commerciaux afin de voir principalement fixer le loyer de renouvellement au 1er février 2019 à la somme annuelle de 31.400 € hors taxes et charges.

Par jugement mixte du 17 juin 2019, le juge des loyers commerciaux a notamment :

- constaté, par l'effet de la demande de renouvellement délivré le 28 septembre 2018 par la SASU Bexley et son acceptation par la SCPI Ficommerce, le principe du renouvellement du bail liant les parties à compter du 1er février 2019 ;

- avant dire droit sur le fond, désigné en qualité d'expert [P] [I] avec mission de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er février 2019 au regard des dispositions des articles L. 145-33 et suivants et R. 145-2 du code de commerce ;

- fixé le loyer provisionnel dû à compter du 1er février 2019 au montant du loyer contractuel indexé hors taxes et charges ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- réservé les dépens et les demandes formées par l'article 700 du code de procédure civile.

L'expert a déposé son rapport le 19 mai 2020, concluant à une valeur locative au 1er février 2019 à la somme annuelle de 39.000 € hors taxes et charges, soit un prix de 1.050 € / m2P pour une surface de 39 m2/P et application d'un abattement de 2 % pour clause limitative de la cession du fonds de commerce et déduction de l'impôt foncier à hauteur de 1.152 €.

Par jugement du 8 février 2021, le juge des loyers commerciaux a :

- fixé à la somme de 36.617 € en principal, hors taxes et hors charges, par an, à compter du 1er février 2019, le montant du loyer annuel du bail renouvelé entre la SASU Bexley et la SCPI Ficommerce, portant sur les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 12] ;

- dit qu'ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 1er février 2019 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;

- dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;

- partagé les dépens, en ce inclus les coûts d'expertise judiciaire, par moitié entre les parties ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 12 mars 2021, la société Ficommerce a interjeté appel partiel du jugement.

Par conclusions déposées le 7 septembre 2021, la SASU Bexley a interjeté appel incident partiel du jugement.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 novembre 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 31 mai 2023, par lesquelles la SCPI Ficommerce, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :

- la recevoir en son appel, ses demandes, fins et conclusions et la dire bien fondée ;

- infirmer le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris le 8 février 2021 (RG n° 19/02135) en ce qu'il a :

fixé à la somme de 36.617 € en principal, hors taxes et hors charges, par an, à compter du 1er février 2019, le montant du loyer annuel du bail renouvelé entre la société Bexley et la société Ficommerce, portant sur les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 12] ;

dit qu'ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 1er février 2019 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;

partagé les dépens, en ce inclus les coûts d'expertise judiciaire, par moitié entre les parties ;

ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Et statuant à nouveau :

- déclarer que le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er février 2019 doit être fixé à la valeur locative des locaux ;

- déclarer que la valeur locative des locaux loués du bail s'élève à la date du 1er février 2019, à la somme annuelle de 48.000 € hors charges et hors taxes ;

- déclarer en tout état de cause que les loyers trop perçus ne doivent pas porter intérêts au taux légal;
En conséquence,

- fixer le montant du loyer du bail renouvelé entre la SCPI Ficommerce et la SASU Bexley à la somme de 48.000 € € hors charges, hors taxes par an à compter du 1er février 2019, conformément à l'article L. 45-33 du code de commerce ;

- débouter la SASU Bexley de l'intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause :

- confirmer le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris le 8 février 2021 (RG n° 19/02135) en ce qu'il a :

dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts,

débouter la SASU Bexley de l'intégralité de ses demandes et notamment celles issues de son appel incident ;

condamner la SASU Bexley à payer à la SCPI Ficommerce la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SASU Bexley aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise, dont distraction pour ceux-là concernant, au profit de Maître Bruno Regnier et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 07 septembre 2021, par lesquelles la SASU Bexley, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

- débouter la SCPI Ficommerce de toutes ses demandes ;

- infirmer le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris le 8 février 2021 (RG n° 19/02135) en ce qu'il a :

fixé à la somme de 36.617 € en principal, hors taxes et hors charges, par an, à compter du 1er février 2019, le montant du loyer annuel du bail renouvelé entre la SCPI Ficommerce et la SASU Bexley, portant sur les locaux commerciaux situés [Adresse 4] à [Localité 12], est intervenu à compter du 1er février 2019 ;

dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;

partagé les dépens, en ce inclus les coûts d'expertise judiciaire, par moitié entre les parties ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le bail liant les parties échu le 31 janvier 2019 est renouvelé à la demande de la SASU Bexley pour une durée de 9 années à compter du 1er février 2019 jusqu'au 31 janvier 2028, en application des dispositions de l'article L. 145-12 du code de commerce ;

- dire et juger que le loyer de ce bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative définie à l'article L. 145-33 du code de commerce ;

- fixer à la somme de 31.200 € par an, en principal, le loyer du bail renouvelé entre les parties au 1er février 2019, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées, sauf la durée réduite à neuf années ;

- condamner la SCPI Ficommerce aux intérêts de droit au taux légal sur la répétition des loyers trop payés par la SASU Bexley, à compter de chacune des échéances trimestrielles et ce à compter du 1er février 2019, outre la capitalisation desdits intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner la SCPI Ficommerce à verser à la SASU Bexley une indemnité de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel incluant les frais de l'expertise judiciaire qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

1) Sur la fixation du loyer renouvelé

En application de l'article L. 145-34 du code de commerce, la règle du plafonnement du loyer du bail renouvelé est écartée si le bail expiré avait une durée contractuelle supérieure à neuf ans.

Dans ces conditions, le bail expiré ayant eu une durée contractuelle supérieure à neuf années, le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative, ce qui n'est pas contesté par les parties, qui s'opposent cependant sur la surface à retenir ainsi que sur la valeur locative à fixer.

- Sur la valeur locative

sur les surfaces pondérées

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a retenu une surface pondérée de 38,54 m²P, que conteste la SCPI Ficommerce qui demande à la cour de retenir une surface pondérée de 39,17 m² arrondie à 39 m², tandis que la SASU Bexley sollicite l'infirmation du jugement de ce chef et la reconnaissance d'une surface pondérée de 36,65 m²P.

La lecture comparée des dernières écritures respectives des parties laisse apparaître que leur opposition sur la pondération à retenir porte sur la zone de vente, que le premier juge a divisé en deux zones à pondération distincte, sur le débarras ainsi que sur le sous-sol.

La description matérielle et de situation faite par l'expert et reprise par le premier juge résulte des constatations objectives qu'il a pu faire lors de sa visite sur place et n'est pas contestée par les parties, ni contredite par aucun élément versé aux débats par les parties.

S'agissant de la boutique, l'expert judiciaire, M. [P] [I] a refusé de distinguer au sein de la boutique une première zone de vente de 5 m à compter de la vitrine, puis une deuxième zone de vente comprise entre le 5ème mètre de profondeur et le fond de la boutique, situé à 6 mètres de profondeur de la vitrine, distinction pourtant conforme aux pondérations retenues habituellement pour les boutiques de centre-ville jusqu'à 600 m², après avoir relevé que la boutique formait une « zone homogène de vente », le conduisant ainsi à retenir une surface de 29,45 m² assorti d'un coefficient de pondération unique de 1, soit une surface pondérée de 29,45 m²P.

Le premier juge a quant à lui retenu une surface pondérée de 29,01 m²P , après avoir considéré que l'aire de vente, bien qu'homogène, bénéficie d'un effet vitrine pour la surface immédiatement située à l'entrée de la boutique, de sorte qu'il convient de distinguer une zone 1 et une zone 2 et d'appliquer, conformément à la proposition du preneur, un coefficient de 1 pour la zone 1 de 25 m2, et de 0,90 pour la zone 2 de 4,45 m2.

Si la SCPI Ficommerce sollicite l'entérinement du rapport d'expertise et l'infirmation du jugement sur ce point, en critiquant la division en deux zones de la boutique au motif qu'il ne pourrait être objectivement soutenu que la partie située au delà des 5 premiers mètres aurait moins d'attrait pour la clientèle et demandant que la totalité de la surface de la boutique soit affectée d'un coefficient de 1, la cour rappelle que la valeur des locaux à usage de boutique s'apprécie au regard non pas des surfaces utiles, mais des surfaces pondérées, en privilégiant les surfaces commercialement les plus attractives et en pondérant les différentes zones en fonction de la configuration des locaux, de la profondeur, de la largeur de la façade et de leur accessibilité, la pondération devant être appréciée en fonction de l'utilité des locaux pour l'activité exercée, de leur valeur d'utilisation et de leur attractivité, ce qui conduit les experts à retenir habituellement pour les boutiques de centre-ville jusqu'à 600 m², les coefficients de pondération suivants :

REZ-DE-CHAUSSEE

1ère zone de vente de 5 m de profondeur à compter de la vitrine

1

2ème zone de vente de 5 m de profondeur à compter de la vitrine

0,80 à 1

Annexes diverses (réserves, locaux sociaux et techniques)

0,10 à 0,40

1er SOUS-SOL

Zone de vente reliée

0,30 à 0,40

Annexes diverses reliées

0,15 à 0,25

Ainsi, quand bien même la zone de vente serait homogène, le premier juge doit être cependant approuvé d'avoir, conformément aux règles de pondération habituelles en matière d'évaluation de la valeur locative de locaux à usage de boutiques de moins de 600 m², et s'agissant d'une boutique relativement étroite et profonde, rendant la zone au-delà des 5 premiers mètres moins attractive pour la clientèle, distingué deux zones de vente, une première zone sur 5 m depuis la vitrine de 25 m² non contestée par la SCPI Ficommerce, pondérée au coefficient 1 et une seconde zone au delà des 5 premiers mètres, de 4,45 m² que le premier juge a pondéré au coefficient 0,90, correspondant à une pondération moyenne habituelle pour une telle zone.

C'est donc à juste titre que le premier juge, qui n'a fait qu'appliquer les règles définies par la charte de l'expertise, a retenu une surface de vente au rez-de-chaussée de 29,01 m²P.

S'agissant du « débarras », dont la superficie de 0,60 m², retenue par le premier juge et l'expert, n'est pas contestée, le coefficient de pondération de 0,10 proposé par l'expert, retenu par le premier juge est en revanche critiqué par la SCPI Ficommerce, qui sollicite l'application d'un coefficient de 0,40 qu'elle estime « bien plus approprié ».

La cour relève toutefois que le coefficient ainsi retenu par le premier juge apparaît conforme aux usages ci-dessus rappelés et que la SCPI Ficommerce ne justifie par aucune pièce ni même ne précise les motifs de nature à retenir le coefficient le plus élevé pour ce type de local aux termes de la charte de l'expertise. Dès lors, le coefficient de 0,10 sera retenu et la surface pondérée du débarras confirmée à 0,06 m²P.

Enfin, s'agissant du sous-sol, si les parties s'accordent sur une superficie de 37,90 m², également retenue par le premier juge, elles s'opposent néanmoins sur la pondération à retenir.

Si le premier juge a retenu un coefficient de 0,25 eu égard à la bonne fonctionnalité et à la hauteur sous plafond des réserves, la SASU Bexley sollicite l'infirmation du jugement de ce chef et l'application d'un coefficient de 0,20 afin de tenir compte de leur accessibilité rendue particulièrement difficile par un escalier hélicoïdal en bois.

S'il est manifeste que l'accessibilité du sous-sol servant de réserves est rendue difficile par la présence d'un escalier hélicoïdal, cette difficulté, qui ne concerne que le personnel de la SASU Bexley, se trouve compensée par la hauteur conséquente sous plafond du sous-sol et sa bonne fonctionnalité qui ressort des photographies incluses dans le rapport d'expertise.

Dès lors, le premier juge doit être approuvé d'avoir retenu un coefficient de 0,25, coefficient maximum pour une surface de sous-sol reliée à la surface de vente, de sorte que la surface pondérée des locaux est de 38,54 m²P correspondant à :

- zone l RDC: 25 m² x l = 25 m²P

- zone 2 RDC: 4,45 m² x 0,90 = 4,01 m²P

- debarras RDC: 0,60 m² x 0,10 = 0,06 m²P

- sous-sol: 37,90 m² x 0,25 = 9,47 m²P

Sur la valeur locative

La valeur locative doit être fixée par rapport aux prix constatés dans le voisinage et correspondant à la fois aux valeurs locatives résultant des décisions judiciaires, à celles établies par convention en application des articles L. 145-33 et R. 145-7 du code de commerce et non en fonction des seuls prix de marché.

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a retenu une valeur locative de 1.000 € /m²P, compte tenu de l'emplacement des locaux légèrement en retrait du flux de chalands empruntant la [Adresse 14], entre [Adresse 15] et le Bon Marché, de la destination adaptée à la commercialité du quartier, de la configuration des locaux favorable à l'activité exercée, des valeurs de comparaison pour un renouvellement au 1er février 2019 et de la bonne visibilité des locaux grâce à un linéaire de façade.

La SCPI Ficommerce critique la valeur locative ainsi retenue, et demande la fixation du prix unitaire à 1.230 € m²P HT/HC en faisant valoir que les locaux bénéficieraient d'une très bonne situation commerciale pour l'activité exercée, au sein d'un quartier central très prisé de la capitale, à la fois résidentiel, à fort pouvoir d'achat et de bureaux, également très touristique, avec une proximité immédiate du meilleur tronçon de la [Adresse 14] et du Bon Marché, non loin de [Adresse 15], l'emplacement étant de surcroît bien desservi par les transports en commun, avec des facilités de stationnement, rendant tout relatif le retrait des locaux par rapport au [Adresse 8] qui ne remettrait nullement en cause la visibilité des locaux, parfaitement visibles tant des chalands que des automobilistes.

Elle ajoute que les locaux bénéficieraient d'une bonne visibilité et seraient situés dans un « très bel immeuble haussmannien » et que le bail autoriserait une activité large de commerce de détail, chaussures, maroquinerie, accessoires, justifiant un loyer indexé au jour du renouvellement de 47.425,28 € HC/HT.

La SCPI Ficommerce souligne enfin que les valeurs locatives auraient très largement augmenté dans la zone de commercialité des locaux loués durant la période du bail expiré (2010-2019), marquée par l'arrivée de clients supplémentaires, de sorte que l'excellente commercialité des locaux loués ne ressortirait pas de la valeur locative unitaire retenue par l'expert de 1.050 €/m2, qui serait inférieure aux prix de comparaison, alors qu'il ressort des valeurs citées qu'elles sont toutes supérieures au prix unitaire de 1.000 €/m2, de sorte que le prix unitaire de 1.230 € devrait être retenu.

La SASU Bexley s'oppose à cette argumentation et sollicite l'infirmation du jugement querellé de ce chef et la fixation d'un prix unitaire de 900 €/m²P, en arguant en substance que le [Adresse 8] présenterait une commercialité moins homogène que celle de la [Adresse 14] et que les locaux bénéficieraient d'une visibilité réduite.

La SASU Bexley ajoute que certaines comparaisons utilisées par l'expert ne seraient pas équivalentes dès lors que les locaux loués seraient très peu visibles depuis le [Adresse 8] et qu'ils donneraient en réalité sur la [Adresse 13], très peu passante et à sens unique, de sorte qu'un prix unitaire de 900 €/m2B apparaîtrait plus adapté à la commercialité de ce tronçon du [Adresse 8] et à l'emplacement particulier des locaux.

Au cas d'espèce, il résulte du rapport d'expertise que les locaux loués sont établis à moins de 50 mètres du carrefour du [Adresse 8] avec la [Adresse 14], sur un large carrefour, très passant, dominé par le palace [10], l'environnement commercial étant constitué de boutiques en pied d'immeubles en continu, avec notamment plusieurs enseignes à proximité des locaux sur le [Adresse 8], des enseignes de luxes sur la [Adresse 14] et la présence du Bon Marché à proximité.

L'expert note cependant que si les locaux sont bien desservis par les transports en commun, notamment, la station de métro 'Sèvres-Babylone' située à moins de 100 mètres et des lignes de bus ainsi que de deux parkings, et se situent dans un quartier à pouvoir d'achat élevé, le 'ux de chaland dominant est néanmoins celui qui emprunte la [Adresse 14], entre [Adresse 15] et le Bon Marché, de sorte que les locaux loués se trouvent légèrement à l'écart de ce flux, sur un axe emprunté par les automobilistes et moins par le chaland.

En l'état de ces éléments objectifs, c'est à juste titre que l'expert judiciaire retient qu'il s'agit d'un emplacement très central, animé et commerçant, dans l'orbite immédiate de la locomotive Bon Marché et de ses nombreux chalands, avec facilité de stationnement souterrain et de transports en commun, donc très favorable à tout commerce et spécialement au commerce d'équipement de la personne exercée dans les lieux loués, caractéristiques à relativiser néanmoins en raison du léger écart du local du flux principal du chaland empruntant la [Adresse 14].

L'expert judiciaire a relevé par ailleurs les références suivantes :

- s'agissant des nouvelles locations les références (5) varient entre 750 € le m²P (courtier en prêt sur le [Adresse 8] avec 64 m²P et bail du 1er trimestre 2016) à 1.179 € le m²P (boutique de luminaires de 86,50 m²P, 9 [Adresse 8] en 2019) ;

- s'agissant des renouvellements amiables (2), les références varient de 669 € le m²P (banque de 131,75 m²P [Adresse 3] à l'angle du [Adresse 8] en juillet 2017) à 1.106 € le m²P (boutique de prêt à porter de 34,80 m²P [Adresse 1] face au [Adresse 8] en juin 2017) ;

- s'agissant des fixations judiciaires, les références varient de 800 le m²P à 1.150 € le m²P dans des rues adjacentes ([Adresse 14] et [Adresse 9]).

Le bailleur critique les références relevées par l'expert, particulièrement basses, et leur oppose notamment un article de presse du Figaro en date du 26 mars 2013 faisant état du « très chic triangle [Adresse 8], [Adresse 15] et [Adresse 14] ».

Néanmoins, cet article étant antérieur de six années à la date de renouvellement du 1er février 2019 à laquelle il convient d'apprécier la valeur locative du bien, il ne saurait dès lors servir à contester utilement les références retenues par l'expert judiciaire, qui correspondent à la période la plus proche du renouvellement et apparaissent pertinentes, et conformes à l'article R. 145-7 du code de commerce qui dispose qu'à défaut de locaux équivalents les références doivent être corrigées en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

C'est en considération de ces données que doivent être prises en compte les références données par l'expert pour des commerces d'une superficie inférieure ou supérieure, ou ayant une destination différente de celle d'un commerce de chaussures.

Compte tenu de ces éléments, de la destination des lieux, de la qualité de l'immeuble, de l'intérêt de l'emplacement, de son léger retrait du flux de chaland, et des caractéristiques des locaux sur lesquels porte le bail renouvelé, le prix unitaire de 1.000€ le m²P retenu par le premier juge est justifié.

- Sur les abattements

Aux termes de l'article R. 145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Sur le transfert de charges lié à la taxe foncière et taxe d'ordures ménagères

Aux termes de la clause 6 du bail, le preneur doit rembourser au bailleur la taxe foncière et la taxe d'ordures ménagères.

Estimant que cette clause serait exorbitante du droit commun, dès lors qu'elle transfère au preneur une charge incombant au bailleur en sa qualité de propriétaire, le premier juge a procédé à une déduction du montant réel de la taxe foncière de 1.152 €.

La SCPI Ficommerce conteste ce chef de la décision, faisant valoir que la refacturation de la taxe foncière au preneur n'aurait pas à entraîner de minoration de la valeur locative dès lors qu'elle constitue un usage pour les baux des emplacements de très bonne commercialité, surtout à [Localité 11] et pour des commerces d'équipements de la personne et ajoute que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'aurait pas davantage à être déduite de la valeur locative dès lors qu'elle est la contrepartie d'un service dont bénéficie le preneur.

La SASU Bexley sollicite la confirmation de ce chef du jugement en arguant que la taxe foncière constituerait une charge exorbitante de droit commun justifiant la pratique d'un abattement sur la valeur locative de même que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères serait une charge pesant en principe sur le propriétaire des locaux.

Au cas d'espèce, c'est à bon droit que le premier juge a déduit le montant de la taxe foncière de la valeur locative, dès lors que le bail met la taxe foncière à la charge du preneur ce qui constitue une clause exorbitante de droit commun, étant relevé que le fait que l'article R. 145-35 3 du code de commerce énonce que peut être imputée au locataire la taxe foncière, n'ôte pas le caractère exorbitant de ce transfert, la taxe foncière étant rattachée à la propriété immobilière en vertu de l'article 1400 du code général des impôts.

En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la clause du bail prévoyant une augmentation du loyer de 15 % en cas de cession

Aux termes de la clause n° 8 du bail commercial, est prévue une clause d'agrément du bailleur, applicable même en cas de cession du fonds de commerce, ainsi qu'une augmentation systématique du loyer de 15 % en cas de cession du droit au bail ou de toute cession du fonds de commerce et « même plus simplement en cas de demande d'agrément d'un nouveau locataire ».

Estimant que cette clause serait exorbitante du droit commun en ce qu'elle limiterait la faculté pour le preneur de céder son fonds de commerce, le premier juge a appliqué un correctif de 2 %.

Critiquant cet abattement ainsi opéré, la SCPI Ficommerce soutient que les grosses réparations de l'article 606 du code civil et les honoraires de gestion locative ne peuvent plus être imputés au preneur pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 05 novembre 2014, au sens de l'article R. 145-35 du code de commerce, et ne pourraient ainsi entraîner un correctif de la valeur locative, pas plus que les frais de gestion technique qui feraient partie des charges habituellement supportées par le preneur.

Elle ajoute que les clauses portant sur la remise en l'état primitif seraient des stipulations usuelles ne réduisant pas la valeur du fonds de commerce exploité par la SASU Bexley et que les restrictions à la cession prévue au bail seraient usuelles et ne constitueraient pas une interdiction à la cession du fonds de commerce qui serait en tout état de cause contraire à l'article L. 145-16 du code de commerce.

La SASU Bexley sollicite la confirmation du jugement querellé de ce chef, en faisant valoir pour l'essentiel que les frais et honoraires de gestion constitueraient également des charges dues par le bailleur et que le bail contiendrait également la faculté pour le bailleur de demander la remise en l'état primitif des locaux ainsi que la limitation du droit du preneur de céder son fonds de commerce, de sorte qu'un abattement de 2 % devrait être appliqué.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a appliqué un abattement de 2 % proposé par l'expert et justifié par les limitations effectivement apportées au droit du preneur de céder son fonds de commerce, nécessairement affecté par la clause prévoyant une hausse systématique de 15 % du loyer en cas de cession du droit au bail ou du fonds de commerce, en augmentant ainsi la charge locative pour les éventuels repreneurs.

En conséquence, et sans qu'il soit besoin de répondre aux motifs surabondants tirés de la charge des travaux de l'article 606 du code civil, de la taxe d'ordures ménagères ou de la remise en l'état primitif des lieux, utilisés par la SASU Bexley pour voir confirmé l'abattement de 2 %, il convient de confirmer le jugement de ce chef.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé à compter du 1er février 2019 le loyer renouvelé à la somme annuelle de 36.617 €.

2) Sur les intérêts et leur capitalisation

L'intérêt au taux légal dû à compter de la mise en demeure au sens de l'article 1231-6 du code civil ne peut résulter que du retard dans le paiement d'une créance certaine, liquide et exigible.

En vertu du nouvel article 1231-7, les intérêts au taux légal courent à compter du prononcé du jugement de première instance en cas de confirmation par le juge d'appel.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a dit que les intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter de la date d'assignation, soit le 1er février 2019, puis au fur et à mesure des échéances échues.

La SCPI Ficommerce conteste ce chef du jugement et sollicite de la cour de dire que les loyers trop perçus ne doivent pas porter intérêts au taux légal, en excipant de l'absence de toute faute de sa part, et de son unique souhait de faire valoir ses droits.

La SASU Bexley s'oppose à cette argumentation, en soulevant la nature nouvelle de cette demande la rendant irrecevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile ainsi que l'incompétence du juge des loyers pour statuer sur ce point, qui est une exception de procédure qui n'a pas été soulevée in limine litis, dès lors qu'elle a été soulevée en cause d'appel, de sorte qu'elle sera jugée irrecevable.

Elle ajoute que les intérêts de retard sont dus par le seul effet de la loi au sens de l'article 1352-6 du code civil.

Au cas d'espèce, à la lecture du jugement entrepris, il apparaît, contrairement aux assertions de la SASU Bexley, que la SCPI Ficommerce s'est opposée au jeu des intérêts au taux légal sur la répétition des loyers trop payés à compter de chaque échéance trimestrielle à compter du 1er février 2019, la SCPI Ficommerce ayant sollicité devant le premier juge « le débouté de la SASU Bexley de l'intégralité de ses demandes ». Dès lors, l'argumentation développée en cause d'appel n'apparaît pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, et la demande d'infirmation du jugement de ce chef est recevable.

Si la SASU Bexley soulève l'incompétence de la cour pour statuer sur ce point, qui ne relèverait pas de la compétence du juge des loyers commerciaux qui ne peut prononcer de condamnation, force est cependant de relever que le jeu des intérêts fixé par le premier juge à compter du 1er février 2019 sur chaque échéance trimestrielle ne constitue pas un chef de condamnation, mais une application des dispositions des articles sus-cités, de sorte qu'il relève bien de la compétence de la présente juridiction, statuant en cause d'appel sur une décision du juge des loyers commerciaux.

Or, le tribunal doit être approuvé d'avoir jugé qu'en application de l'article 1155 du code civil, dont les principes sont repris aux articles 1231-7 et 1343-2 du même code, dans leur version issue de l'ordonnance du 10 février 2016, des intérêts encourus sur l'éventuel différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter de la saisine du juge des loyers commerciaux le 1er février 2019 sont dus, puis au fur et à mesure des échéances échues.

Par ailleurs, la SASU Bexley conteste la décision du premier juge ayant dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts, lui reprochant d'avoir ajouté une condition au texte de l'article 1154 du code civil.

En application de l'article 1343-2 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le jugement sera infirmé et la capitalisation des intérêts ordonnée, dès lors que cette dernière est de droit si la demande en a été faite judiciairement et qu'elle concerne des intérêts dus pour au moins une année entière.

3) Sur les demandes accessoires

Succombante, la SCPI Ficommerce sera condamnée aux dépens d'appel. Les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.

En outre, la SCPI Ficommerce sera par ailleurs déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce fondement au paiement d'une indemnité de 5.000 € au bénéfice de la SASU Bexley.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 8 février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 19/02135 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année ;

Confirme pour le surplus le jugement en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt ;

Statuant à nouveau,

DIT que les intérêts échus depuis plus d'un an et correspondant aux intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 1er février 2019 pour les loyers avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date, produiront eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Déboute la SCPI Ficommerce de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCPI Ficommerce à verser à la SASU Bexley la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCPI Ficommerce aux dépens d'appel ;

Dit que les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.