CA Bordeaux, 4e ch. com., 27 mars 2024, n° 23/04820

EXPOSE DU LITIGE

La société Edwart Chocolatier est une société spécialisée dans la distribution et la commercialisation de produits de confiserie à partir de chocolat.

La société Vins + Vins est une société de premier plan sur le marché financier spécialisée dans la vente de vins dont du champagne aux entreprises et notamment des coffrets-cadeaux à destination de leurs clients.

La société Vins + Vins a passé plusieurs commandes de coffrets-cadeaux au quatrième trimestre 2022.

Indiquant que certaines commandes n'ont été livrées que tardivement, soit au début de l'année 2023 alors qu'il s'agissait de confectionner des cadeaux pour la fin de l'année 2022, la société Vins + Vins ne s'est pas acquittée de la totalité des sommes réclamées.

Après une mise en demeure infructueuse du 30 mars 2023, la société Edwart a fait assigner la société Vins + Vins par acte du 7 juin 2023 en paiement de la somme provisionnelle de 136.047 euros correspondant au montant des cinq factures susvisées non réglées, montant assorti des intérêts au taux de 3 fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'échéance de chaque facture.

Le 16 mai 2023, la société Vins + Vins a procédé au paiement direct de la somme de 58.762,66 euros, correspondant à la livraison des trois premières commandes.

Par ordonnance contradictoire du 19 septembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux a :

- Condamné la société Vins + Vins à payer à la société Edwart une somme de provisionnelle de 77.284,34 euros, outre intérêts à 3 fois le taux légal à compter de l'échéance de chaque facture,

Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

Condamnéla société Vins + Vins à payer à la société Edwart une somme provisionnelle de 2.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamné la société Vins + Vins aux entiers dépens,

Par déclaration au greffe du 26 octobre 2023, la société Vins + Vins a relevé appel de cette ordonnance.

Dans ses dernières écritures notifiées par message électronique le 29 novembre 2023, la société Vins + Vins demande à la cour de :

Réformer purement et simplement l'ordonnance du 19 septembre 2023 ;

Statuant à nouveau,

Juger sérieusement contestable la demande de la société Edwart ;

En conséquence,

Débouter la société Edwart de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la société Edwart, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard courant dans les 15 jours de la signification de l'arrêt à intervenir, à payer à la société Vins + Vins la somme de 85.610,76 euros, versées par cette dernière dans le cadre de l'exécution provisoire de droit ;

Condamner la société Edwart au paiement de la somme de 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures notifiées par message électronique le 28 décembre 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Edwart demande à la cour de :

Confirmer l'ordonnance de référé du 19 septembre 2023 en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

Condamner la société Vins + Vins à payer à la société Edwart Chocolatier la somme de 10.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La condamner aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 février 2024.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande principale relative à la créance de la société Edwart au titre des deux factures consécutives aux commandes 4 et 5 :

1- La société Vins + Vins s'oppose au paiement des deux factures relatives aux commandes 4 et 5 en soutenant, au visa notamment de l'article 1582 du code civil, que les marchandises n'ont pas été livrées et que la société Edwart ne justifie d'aucun bon de livraison. Elle ajoute ne pas avoir été informée de difficultés pour honorer les commandes dans les temps et se plaint des retards systématiques dans les livraisons. Elle déclare que la société Edwart ne démontre pas avoir satisfait à son obligation de livraison conforme, tant au regard de la quantité que de la qualité des produits livrés et indique qu'il existe une contestation sérieuse faisant échec à sa demande de paiement des deux factures relatives aux commandes 4 et 5.

2- La société Edwart affirme, quant à elle, que les cinq commandes ont bien été livrées. Elle précise que la livraison des commandes 4 et 5 dont il a été refusé le paiement, est démontrée par les propres déclarations de la société appelante dans un de ses courriels. Elle ajoute enfin que la société Vins + Vins n'avait jamais contesté l'existence de ces livraisons avant la présente procédure judiciaire.

Sur ce :

3- La cour rappelle qu'aux termes de l'article 873 du code de procédure civile, le président peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

4- Par ailleurs, il résulte de l'article 1582 du code civil, que la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. En outre, l'article 1103 du même code dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Enfin, l'article 1353 du code civil prévoit que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

5- En l'espèce, il doit être considéré que, pour refuser le paiement des deux factures relatives aux commandes 4 et 5, qu'elle ne conteste pas avoir respectivement effectuées auprès de la société Edwart les 16 et 24 novembre 2022, la société Vins + Vins ne peut sérieusement soutenir que les marchandises objets de ces deux commandes n'ont pas été livrées dès lors que dans le courriel en date du 2 mars 2023, de son propre directeur associé, M. [U] [M], il est clairement indiqué que 'la commande 4 (du16/11) nous est parvenue de façon échelonnée du 30/11 au 23/12" et que 'la commande 5 (du 24/11) nous est parvenue de façon échelonnée de mi-décembre à mi-janvier...'.

6- Il apparaît, en outre, nécessaire de préciser qu'il importe peu que la société Edwart ne justifie d'aucun bon de livraison dès lors que la preuve de la réalité des livraisons effectuées, qui peut être faite par tout moyens, résulte en définitive, des pièces versées aux débats et notamment des factures relatives à chaque bon de commande associées aux échanges de courriels entre les parties et notamment celui, en date du 2 mars 2023, au sein duquel le directeur associé de la société Vins + Vins, s'il vient critiquer les délais de livraison, reconnaît clairement que les marchandises lui sont bien parvenues.

7- Ainsi et au vu des éléments versées aux débats, il convient de constater qu'il est suffisamment établi que la société Edwart a bien satisfait à son obligation de livraison conforme, tant au regard de la quantité que de la qualité des produits livrés, ce qui n'a, d'ailleurs jamais été contesté par la société Vins + Vins avant la présente procédure.

8- Dans ces conditions, au vu de ce qui précède et dans la mesure où la réalité des livraisons des commandes 4 et 5 est suffisamment établie, il sera relevé que c'est à bon droit qu'en l'absence de contestation sérieuse de l'existence de l'obligation de paiement, le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux, a condamné la société Vins + Vins à payer les factures correspondantes aux marchandises effectivement commandées et livrées et l'ordonnance rendue le 19 septembre 2023 sera, par conséquent, confirmée, en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires :

9- Dès lors que la société Vins + Vins échoue pour l'essentiel de ses prétentions, il est équitable de la condamner au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

10- La société Vins + Vins supportera les dépens d'appel et ses frais irrépétibles.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance rendue le 19 septembre 2023, par le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Vins + Vins à payer à la société Edwart la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne la société Vins + Vins aux dépens d'appel.