CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 22 mars 2024, n° 22/03011
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Leasecom (Sasu)
Défendeur :
Dequesne, Le Fahler & Associes (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme L'eleu de la Simone, Mme Guillemain
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Dereux, Me Baechlin, Me Hoch
FAITS ET PROCEDURE
Le 2 mai 2017, la SAS Dequesne, Le Falher & Associés anciennement dénommée « Maître Jérôme Le Breton, Jean-François Le Falher et [N] Dequesne, notaires associés » (la société de notaires) a signé une proposition commerciale de la société Averoes portant sur le renouvellement du parc informatique de l'étude, en contrepartie d'un loyer mensuel de 5.144,17 HT pendant quatre ans. ll était précisé que cette offre comprenait l'arrêt et le solde de contrats de location conclus avec la société BNP en cours jusqu'au 31 décembre 2018 .
La société de notaires a souscrit, le même jour, auprès de la société Averoes un contrat de maintenance du matériel.
Puis, le 2 juin 2017, la société de notaire a conclu avec la société Leasecom un contrat de location portant sur le matériel fourni par la société Averoes, pour une durée de quarante-huit mois, moyennant le paiement de seize loyers d'un montant de 15.432,21 € HT.
Le 12 juin 2017, la société Averoes a facturé le matériel à la société Leasecom à hauteur de 259.243,20 € TTC.
Un procès-verbal de réception du matériel a été signé, à la même date, par l'étude de notaires.
Par courrier du 15 mai 2018, celle-ci a notifié à la société Averoes et la société Leasecom, la résolution des trois contrats portant sur la commande, la maintenance et la location du matériel informatique, au motif qu'elle n'avait jamais reçu celui-ci et qu'elle continuait, par ailleurs, à régler des loyers à la société BNP Paribas.
Le 4 juillet 2018, la société Leasecom a adressé une mise en demeure à la société de notaires de régler un arriéré des loyers, lui notifiant que, passé un délai de huit jours, à défaut de paiement, le contrat serait résilié de plein droit.
Suivant exploit du 5 décembre 2018, la société Leasecom a fait assigner la SCP Dequesne, Le Falher & Associés devant le tribunal de grande instance de Paris, afin d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes restant dues au titre du contrat de location.
Par acte du 16 mai 2019, la SCP Dequesne, Le Falher & Associés a assigné, à son tour, la société Averoes et M. [I] [W] devant le même tribunal à l'effet, notamment, de voir constater la résolution de la proposition commerciale et du contrat de maintenance portant sur le matériel informatique et de constater, en conséquence, la caducité du contrat souscrit auprès de la société Leasecom.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 8 juillet 2019.
Le 3 octobre 2019, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Averoes, la société BTSG prise en la personne de maître [G] [C] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte du 11 décembre 2019, la SCP Dequesne, Le Falher & Associés a fait assigner la SCP BTSG prise en la personne de maître [G] [C] ès qualités de liquidateur de la société Averoes.
Une jonction a été ordonnée, le 9 mars 2020.
Dans un jugement en date du 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
- Débouté la société Dequesne, Le Falher & Associés de sa demande de résolution de la proposition commerciale et du contrat de maintenance, ainsi que de sa demande de caducité du contrat de location passé avec la société Leasecom ;
- Constaté que la résiliation de plein droit du contrat de location passé entre la société Dequesne, Le Falher & Associés et la société Leasecom était intervenue à compter du 16 juillet 2018 ;
- Débouté la SAS Leasecom de sa demande en paiement des loyers impayés et de l'indemnité de résiliation ;
- Constaté que la société Dequesne, Le Falher & Associés déclarait ne pas être en possession du matériel, objet du contrat de location ;
- Dit, en conséquence, que la demande de restitution sous astreinte était sans objet, sans préjudice de la responsabilité de la société Dequesne, Le Falher & Associés pour non restitution du matériel ;
- Débouté la société Dequesne, Le Falher & Associés de sa demande reconventionnelle en restitution des sommes versées ;
- Condamné la société Dequesne, Le Falher & Associés à payer à la société Leasecom la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Dequesne, Le Falher & Associés à payer à M. [W] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- Condamne la société Dequesne, Le Falher & Associés aux dépens ;
- Ordonné l'exécution provisoire.
La SASU Leasecom a formé appel du jugement, par déclaration du 7 février 2022, qu'elle a fait signifier à la SCP BTSG prise en la personne de maître [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Averoes, le 28 mars 2022.
Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 29 juillet 2022, la SAS Dequesne, Le Falher & Associés a interjeté un appel incident.
Par acte des 1er et 2 août 2022, la SAS Dequesne, Le Falher & Associés a fait assigner SCP BTSG prise en la personne de maître [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Averoes et M. [I] [Y] [W] aux fins d'appel provoqué.
Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 6 décembre 2023, la SASU Leasecom demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1186 du code civil, de :
« DEBOUTER la SAS DEQUESNE, LE FAHLER & Associés de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société LEASECOM ;
CONFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de PARIS en date du 25 janvier 2022 [RG
n° 18/14862] en ce qu'il a :
- Débouté la société DEQUESNE, LE FAHLER & Associés de sa demande en résolution de la proposition commerciale acceptée et du contrat de maintenance et de sa demande de caducité du contrat de location passé avec la société LEASECOM ;
- Constaté que la résiliation du contrat de location n° 217L72400, conclu en date du 2 juin 2017, est intervenue de plein droit le 16 juillet 2018 ;
- Débouté la société DEQUESNE, LE FAHLER & Associés de sa demande reconventionnelle en restitution des sommes versées ;
- Condamné la société DEQUESNE, LE FAHLER & Associés à payer à la société LEASECOM la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamné la société DEQUESNE, LE FAHLER & Associés au paiement des entiers dépens ;
INFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de PARIS en date du 25 janvier 2022 [RG n°
18/14862] en ce qu'il a :
- Débouté la société LEASECOM de sa demande en paiement des loyers impayés et de l'indemnité contractuelle de résiliation ainsi qu'au surplus de ses demandes ;
Le réformant de ces chefs,
CONDAMNER la société DEQUESNE, LE FAHLER & Associés, à payer à la société LEASECOM la somme de 19.678,29 € TTC, au titre des loyers impayés et des accessoires, majorée des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2018, date de la résiliation ;
CONDAMNER la société DEQUESNE, LE FAHLER & Associés, à payer à la société LEASECOM la somme de 188.581,61 € HT au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation majorée des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2018, date de la résiliation ;
A titre subsidiaire,
S'il était retenu que le contrat de vente devait être annulé,
CONDAMNER la SAS DEQUESNE, LE FAHLER & Associés, à payer à la société LEASECOM la somme de 259.243,20 € TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir ;
A titre infiniment subsidiaire,
Dans l'hypothèse où la caducité du contrat de location était prononcée en conséquence de la résolution du contrat de vente,
CONDAMNER in solidum la société AVEROES, prise en la personne son liquidateur, et la
SAS DEQUESNE, LE FAHLER & Associés, à payer à la société LEASECOM la somme de 259.243,20 € TTC, au titre de la restitution du prix de vente, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir ;
FIXER au passif de la société AVEROES ladite somme de 259.243,20 € TTC ;
Y ajoutant,
ORDONNER la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil,
CONDAMNER la société DEQUESNE, LE FAHLER & Associés et tout succombant, à payer à la LEASECOM la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
LA CONDAMNER aux entiers dépens d'appel. »
Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 26 octobre 2023, la SAS Dequesne, Le Falher & Associés demande à la cour, sur le fondement des articles 1217, 1229, 1240, 1186, 1137 et 1984 du code civil, de :
« I. Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Débouté la société Leasecom de sa demande en paiement des loyers impayés et de l'indemnité de résiliation.
II. L'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :
A titre principal :
- Débouter la société Leasecom de l'intégralité de ses demandes ;
- Constater, sinon prononcer, la résolution de la proposition commerciale et du contrat de maintenance conclus le 2 mai 2017 avec Averoes à la date du 15 mai 2018 ;
En conséquence,
- Constater, sinon prononcer, la caducité du contrat de location signé le 2 juin 2017 avec la société Leasecom ;
A titre reconventionnel,
- Condamner Monsieur [I] [W] à régler à la société Dequesne, Le Falher & Associés la somme de 58.464 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2018 ;
- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Averoes la somme de 58.464 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2018 ;
- Condamner in solidum Monsieur [I] [W] et la société Leasecom à régler à la société Dequesne, Le Falher & Associés la somme de 74.074,61 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2018 ;
- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Averoes la somme de 74.074,61 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2018 ;
A titre subsidiaire,
- Fixer la contribution maximale de la société Dequesne, Le Falher & Associés à la réparation du préjudice de Leasecom au tiers de la proposition commerciale du 2 mai 2017, soit 55.291,71 € ;
- Condamner Monsieur [I] [W] à relever et garantir la société Dequesne, Le Falher & Associés de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Averoes, les sommes correspondant à toute condamnation éventuellement prononcée à l'encontre de la société Dequesne, Le Falher & Associés ;
En toutes hypothèses,
- Condamner in solidum toutes parties succombant au paiement de la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Les condamner dans les mêmes termes aux dépens qui pourront être recouvrés directement, pour ceux qui la concernent, par la SCP Jeanne Baechlin conformément à l'article 699 du code de procédure civile. »
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.
La SCP BTSG prise en la personne de maître [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Averoes et M. [I] [Y] [W] n'ont pas constitué avocat.
La société Leasecom a fait signifier à la SCP BTSG prise en la personne de maître [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Averoes ses premières conclusions, le 6 mai 2022, par acte d'huissier .
La SAS Dequesne, Le Falher & Associés a, quant à elle, dénoncé ses conclusions à M. [I] [Y] [W], par voie de commissaire de justice, le 22 novembre 2023.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile, en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais la cour ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où elle les estime réguliers, recevables et bien-fondés. Ainsi, la cour examine, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le tribunal s'est déterminé.
Sur la résolution des contrat de fourniture et de maintenance du matériel conclus avec la société Averoes
Enoncé des moyens
La société de notaires se prévaut de la résolution des contrats de fourniture et de maintenance du matériel informatique, au motif que celui-ci ne lui a jamais été fourni. Elle souligne que cette absence de livraison a été reconnue par M. [W], gérant de la société Averoes, lors de la procédure de première instance, ce qui est confirmé au vu d'un procès-verbal de constat d'huissier.
La société Leasecom souligne qu'elle a procédé au règlement du prix d'acquisition du matériel sur la foi du procès-verbal de livraison et qu'elle a parfaitement respecté ses obligations contractuelles. Elle soutient que la société de notaire a commis une faute en signant ce procès-verbal, alors que le matériel n'avait pas été livré, ce qui l'a conduite à payer indûment la société Averoes. Elle en déduit que le locataire, qui est au surplus un professionnel du droit, ne peut ainsi se prévaloir d'un défaut de livraison.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. La délivrance est, selon l'article 1604 du même code, le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
L'article 1224 dudit code dispose : « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.»
La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice, comme le rappelle l'article 1227, quand bien même le créancier aurait engagé la procédure de résolution unilatérale par notification, prévue par l'article 1226.
Un procès-verbal de livraison signé, même sans réserve, ne constate une situation de fait que jusqu'à preuve contraire, laquelle peut être rapportée par tous moyens.
En l'occurrence, la société de notaire a signé un procès-verbal de réception du matériel, le 12 juin 2017.
Cependant, il résulte des motifs du jugement que M. [W], gérant de la société Averoes, a reconnu, en première instance, que le matériel informatique, qui devait être fourni en exécution du contrat du 2 mai 2017, n'a pas été livré. Un procès-verbal d'huissier, dressé le 11 juillet 2018, au demeurant, atteste qu'aucun des équipements informatiques donnés en location par la société Leasecom n'était alors présent dans ses locaux.
Il est ainsi démontré que le matériel n'a pas été effectivement livré, malgré la signature du procès-verbal de livraison. C'est par une inversion de la charge de la preuve que le tribunal a considéré que la société de notaires n'établissait pas que l'inexécution de l'obligation de délivrance était totalement imputable à la société Averoes, cependant que M. [W] en attribuait la faute à sa cliente sans faire état d'élément de nature à accréditer sa version des faits. Il y a lieu, par conséquent, de considérer que le manquement à l'obligation de délivrance de la société Averoes est caractérisé.
Pour le reste, malgré une dissemblance entre les prix des équipements informatiques figurant dans la proposition commerciale du 2 mai 2017 et le montant de la facture émise par la société Averoes, il n'est pas contesté que le contrat de location portait effectivement sur le matériel qui devait être livré par celle-ci.
Le manquement de la société Averoes à ses obligations de délivrer et d'assurer la maintenance du matériel constitue, par hypothèse, une inexécution grave au sens de l'article 1224 du code civil, dès lors que l'intéressée n'a tenu aucun des engagements qui étaient les siens.
La résolution des contrats de fourniture et de maintenance du matériel, conclus le 2 mai 2017, sera dès lors prononcée au jour du 12 juin 2017, date à laquelle le matériel aurait dû être livré. Le jugement sera corrélativement infirmé du chef du rejet de la demande de la société de notaires.
Sur la caducité du contrat de location financière conclu avec la société Leasecom
Enoncé des moyens
La société de notaires, qui invoque le bénéfice des dispositions de l'article 1186 du code civil, se prévaut de l'interdépendance du contrat de fourniture et de maintenance du matériel avec le contrat de location financière, pour soutenir que ce dernier est caduc.
La société Leasecom estime que, par suite de ses explications précédentes, aucune caducité n'est encourue.
Réponse de la cour
Selon l'article 1186, alinéas 2 et 3, du code civil, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, la caducité n'intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble.
Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.
Dans les contrats formant une opération incluant une location financière, sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance (Com., 10 janvier 2024, pourvoi n° 22-20.466, publié au Bulletin).
Dans le cas présent, les contrats de fourniture et de maintenance du matériel et le contrat de location financière, conclus par la société de notaires, procèdent d'une opération financière unique. Il convient ainsi de constater la caducité du contrat de location souscrit auprès de la société Leasecom à compter du 12 juin 2017, par suite de la résolution des contrats principaux conclus avec la société Averoes, prononcée ce même jour. La société Leasecom sera, en conséquence, déboutée de ses demandes au titre du paiement des loyers et de l'indemnité contractuelle de résiliation, le jugement devant être confirmé sur ce point.
Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts de la société de notaires
Enoncé des moyens
La société de notaires explique que M. [W] lui a délibérément fait signer l'intégralité des documents annexés au contrat de location de Leasecom, au rang desquels le procès-verbal de livraison, qui ressemblait à s'y méprendre à un bon de commande. Elle fait valoir que la société Leasecom ayant donné mandat à la société Averoes de présenter, négocier, remettre le contrat de location financière et de livrer le matériel en son nom, la faute commise par la société Averoes engage sa responsabilité en tant que mandant. Elle estime, en outre, que la société Leasecom n'a pas procédé aux vérifications qui s'imposaient à elle, quant au processus d'acquisition du matériel. Elle considère que le contrat de location financière étant caduc, le montant total des sommes qu'elle a versées à la société Leasecom doit lui être restitué, ce dont il résulte que ce montant doit être fixé au passif de la procédure collective de la société Averoes et mis à la charge de la société Leasecom et de M. [W] à titre de dommages et intérêts. Elle soutient qu'elle est également fondée à obtenir, auprès de la société Averoes, le remboursement des redevances qu'elle a réglées au titre du contrat de maintenance, et que M. [W] doit être condamné à lui payer une somme équivalente à titre de dommages et intérêts.
La société Leasecom conclut à la confirmation du jugement ayant débouté la société de notaires de sa demande de restitution des loyers réglés. Elle réplique qu'il n'existe aucun mandat entre le fournisseur et le bailleur, et qu'il ne lui appartenait pas d'informer son locataire quant au prix des matériels.
Réponse de la cour
En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
- Sur les demandes afférentes aux loyers réglés à la société Leasecom
Contrairement à ce qu'elle soutient, la société de notaires ne démontre pas que la société Leasecom aurait commis une quelconque faute. C'est par de justes motifs que le tribunal a ainsi retenu qu'aucun élément n'établissait que la société Averoes était le mandataire de la société Leasecom mais qu'au contraire, en signant sans réserve le procès-verbal de livraison, la société de notaires avait fait croire légitimement à la société Leasecom que le matériel avait été livré et que la facture devait être réglée, cependant que celle-ci n'était pas tenue de s'assurer de la réalité de la livraison. Il n'appartenait pas davantage au bailleur financier de vérifier les prix unitaires et la solvabilité du fournisseur.
La société de notaires n'est donc pas fondée à réclamer à la société Leasecom l'indemnisation du préjudice qu'elle prétend avoir subi, d'un montant équivalent au total des loyers qu'elle lui a versés.
Le contrat de location financière étant caduc, la société Leasecom ne reste pas moins tenue de lui restituer les loyers indûment réglés, sur le fondement de l'article 1187 du code civil. Leur montant n'étant pas contesté, la société Leasecom sera ainsi condamnée à rembourser à la société de notaires la somme de 74.074,61 €. Conformément à l'article 1352-7 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2018, date de la demande de restitution formalisée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Dans la mesure où les loyers indûment versés devront être restitués par la société Leasecom, la société de notaires ne démontre pas, en l'absence d'autres éléments, qu'elle aurait subi un préjudice justifiant l'octroi de dommages et intérêts d'un montant équivalent devant être mis à la charge de M. [W] et de la société Averoes. Elle sera donc déboutée de ses demandes à l'encontre de ces derniers.
- Sur les demandes afférentes aux redevances réglées en exécution du contrat de maintenance du matériel
La société de notaires ne produit, par ailleurs, aucune pièce établissant le montant des sommes prétendument réglées au titre des redevances du contrat de maintenance, souscrit auprès de la société Averoes, de sorte qu'elle ne justifie d'aucun préjudice. Il convient, dès lors, de rejeter purement et simplement sa demande de dommages et intérêts, évalués sur la base du montant desdites redevances, formées à l'encontre de M. [W] et de la société Averoes.
Sur la demande d'indemnisation de la société Leasecom
Enoncé des moyens
La société Leasecom demande à être indemnisée du coût de la facture qu'elle a réglée à la société Averoes, à réception du procès-verbal de livraison. Elle explique que la proposition commerciale de la société Averoes intégrait l'opération locative du solde de deux précédents contrats conclus avec la société BNP Paribas, ce qui explique la différence avec le coût de la facture dont elle s'est acquittée.
La société de notaires souligne qu'il existe, en tout état de cause, un écart de prix entre ceux qui figurent sur la proposition commerciale du 2 mai 2017 et la facture du 12 juin 2017, acquittée par la société Leasecom.
Réponse de la cour
Il est de principe que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et que la résiliation de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute (Com., 12 juillet 2017, pourvoi n° 15-27.703, Bull. 2017, IV, n° 105).
La société de notaires souligne, à juste titre, que la demande d'anéantissement du contrat du locataire ne saurait constituer une faute en soi.
En application des articles 1.2 et 1.4 du contrat litigieux, la société Leasecom avait, cependant, donné mandat au locataire de signer le procès-verbal de réception du matériel, qui l'a signé sans réserve, le 12 juin 2017. La société de notaires a ainsi commis une faute, en laissant croire à la société Leasecom que le matériel avait livré et qu'elle était tenue de s'acquitter de la facture de la société Averoes.
Comme le fait valoir la société Leasecom, la société de notaires, qui est une professionnelle du droit, ne peut, en effet, légitimement arguer d'un manque de discernement pour soutenir qu'elle aurait signé, en toute confiance, l'intégralité des documents annexés au contrat de location, à la demande de M. [W], en confondant le procès-verbal de livraison avec le bon de commande. De surcroît, la société de notaires a attendu, le 15 mars 2018, pour signaler l'absence de livraison du matériel, alors qu'elle avait commencé à régler les loyers auprès de la société Leasecom, depuis le 1er juillet 2017.
La signature sans réserve du procès-verbal de livraison a occasionné un préjudice à la société Leasecom en lien de causalité directe, équivalent au montant du prix dont elle s'est acquittée, à savoir 259,243,20 € TTC.
La société de notaires, qui prétend que le montant de l'indemnisation allouée à la société Leasecom ne devrait pas excéder un tiers du montant hors taxe de la proposition commerciale du 2 mai 2017, ne fait état d'aucun élément concret de nature à justifier que le préjudice du bailleur serait inférieur au prix qu'il a réglé à la société Averoes, étant souligné que le matériel ne lui a pas été restitué.
Le montant inférieur des prix initialement indiqués par la société Averoes, soit 201.318,88 € TTC, par rapport au coût de la facture totale réglée par la société Leasecom, est dû en tout état de cause à l'intégration, du solde de deux précédents contrats dans la proposition commerciale du 2 mai 2017.
La société de notaires sera ainsi condamnée à payer la somme de 259,243,20 € à la société Leasecom, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.
L'absence de livraison étant imputable au fournisseur, la société Averoes sera tenue avec la société de notaires de payer in solidum à la société Leasecom cette somme de 259,243,20 € TTC portant intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt. Il convient, dès lors, de fixer la créance de la société Leasecom à hauteur de cette somme et des intérêts au passif de la procédure collective de la société Averoes.
Il y a lieu également de dire que la société Averoes sera tenue de garantir la société de notaires de la condamnation prononcée à son encontre et de fixer, en conséquence, au passif de la procédure collective la créance de celle-ci à hauteur de 259,243,20 € TTC avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.
L'article 1343-2 du code civil prévoyant que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise, la capitalisation des intérêts sera ordonnée au profit de la société Leasecom.
Enfin, c'est à juste titre que le tribunal a considéré, qu'il n'était pas démontré que ce M. [W], avait commis une faute de gestion, cependant que celui-ci soutenait que sa responsabilité personnelle en tant que dirigeant, à l'égard des tiers, impliquait une faute séparable de ses fonctions, laquelle n'était pas caractérisée.
Sur les autres demandes
Les appels ne portant pas sur les condamnations prononcées en première instance des chefs des dépens et des frais irrépétibles, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
Celles-ci succombant au recours, il convient de condamner la société de notaires à payer la moitié des dépens d'appel et de fixer l'autre moitié desdits dépens au passif de la procédure collective de la société Averoes, dont distraction au profit de la SCP Jeanne Baechlin.
Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a débouté la SASU Leasecom de sa demande en paiement des loyers et de l'indemnité de résiliation,
STATUANT A NOUVEAU,
Y AJOUTANT,
PRONONCE, à la date du 12 juin 2017, la résolution des contrats de fourniture et de maintenance du matériel conclus, le 2 mai 2017, entre la SCP Dequesne, Le Falher & Associés et la société Averoes,
CONSTATE, à compter du 12 juin 2017, la caducité du contrat de location financière conclu le 2 juin 2017 entre la SCP Dequesne, Le Falher & Associés et la SASU Leasecom,
CONDAMNE la SASU Leasecom à payer à la SCP Dequesne, Le Falher & Associés la somme de 74.074,61 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2018, au titre de la restitution des loyers versés,
DIT que la SCP Dequesne, Le Falher & Associés et la société Averoes seront tenus in solidum de payer à la SASU Leasecom la somme de 259,243,20 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt,
CONDAMNE la SCP Dequesne, Le Falher & Associés à payer à la SASU Leasecom la somme de 259,243,20 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt,
FIXE cette somme de 259,243,20 € TTC et lesdits intérêts au passif de la procédure collective de la société Averoes,
DIT que la société Averoes sera tenue de garantir la SCP Dequesne, Le Falher & Associés de la condamnation prononcée à son encontre,
FIXE, en conséquence, au passif de la procédure collective de la société Averoes la créance de la SCP Dequesne, Le Falher & Associés à la somme de 259,243,20 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil au profit de la SASU Leasecom,
REJETTE les autres demandes de la SASU Leasecom,
REJETTE les autres demandes de la SCP Dequesne, Le Falher & Associés,
CONDAMNE la SCP Dequesne, Le Falher & Associés à payer la moitié des dépens d'appel,
FIXE au passif de la procédure collective de la société Averoes l'autre moitié des dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Jeanne Baechlin.