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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 28 mars 2024, n° 22/01177

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mapad Santé (SAS), Mapad Holding Executive (SARL)

Défendeur :

Next (SARL), Louis 1er Finance (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Meurant, M. Dusausoy

Avocats :

Me Delorme-Muniglia, Me Peltier, Me Dupuis, Me Ayache

T. com. Nanterre, 1re ch., du 19 janv. 2…

19 janvier 2022

Exposé du litige

EXPOSÉ DES FAITS

La société Next Conseil et Développement, anciennement dénommée Nextfinance (ci-après 'Next Conseil'), a pour objet la gestion de patrimoine, le conseil financier et l'intermédiation ; elle est dirigée par M. [R] [K].

M. [L] [J] est propriétaire et gestionnaire de plusieurs établissements de soins pour personnes âgées (EHPAD).

M. [K] et M. [J] sont en relation d'affaires depuis 2005 ; en juin 2006, le premier a organisé pour le compte du second la cession du groupe MAPAD Services au groupe Domus Vi, dirigé par M. [F] [Y] et a été rémunéré pour cette transaction.

À la suite de cette opération, les relations se sont poursuivies notamment dans le but de développer des projets avec le groupe Domus Vi ; divers contacts ont eu lieu de 2007 à 2012 entre les parties et M. [F] [Y] ; un mandat, (ci-après 'le Mandat'), a été conclu le 1er septembre 2016 entre M. [J] d'une part, les sociétés Louis 1er Finance, dont le président est M.[T] et Next Finance (devenue Next Conseil et Développement) présidée par M. [K], d'autre part, par lequel M.[J] a confié à ces dernières l'identification d'investisseurs, le suivi des négociations, le recueil des propositions d'achat et la maximisation du prix de vente de divers EHPAD, notamment l'EHPAD [10] ([Localité 11]) et celui de l'[13] ([Localité 9]).

Certains investisseurs ayant manifesté leur intérêt pour les sociétés visées par le Mandat, M. [J] en a été informé par M. [K] mais n'a pas donné suite à ces propositions.

M. [K] dit avoir découvert en novembre 2018 que les EHPAD constituant le groupe MAPAD Santé appartenant à M. [J] avaient été cédés à M. [F] [Y] sans son intermédiaire. Par lettre RAR du 9 janvier 2019, il a mis en demeure M. [J] de lui régler les commissions qu'il estimait lui être dues, soit 1,5 % HT de la valeur des actifs cédés ; cette mise en demeure a été réitérée par son conseil le 4 février 2019.

Par lettre officielle du 8 février 2019, les conseils de M. [J] ont refusé de déférer à la mise en demeure.

C'est dans ces circonstances que, par actes d'huissier du 11 septembre 2019, signifiés selon les modalités des articles 655, 656 et 658 du code de procédure civile et délivrés à personne, la société Next conseil a fait assigner respectivement M. [J], les sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive devant le tribunal de commerce de Nanterre.

M. [J], les sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive ont soulevé l'incompétence du tribunal par voie de conclusions du 7 janvier 2020.

Par jugement du 6 mai 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a rejeté cette exception d'incompétence confirmé en cela par la cour de céans par arrêt du 26 novembre 2020.

La société Louis 1er Finance est intervenue volontairement aux côtés de la société Next Conseil par voie de conclusions communes du 7 septembre 2021.

Par jugement du 19 janvier 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Débouté M. [L] [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding Exécutive de leur exception d'irrecevabilité et a dit la société Next Conseil recevable en son action ;

- Débouté M [J], la société MAPAD Santé et la société MAPAD Holding Executive de leur demande visant à faire reconnaître que la loi Hoguet s'applique au Mandat ;

- Débouté M. [J] en ses demandes tendant à invalider le mandat et a dit valide le mandat conclu le 1er septembre 2016 ;

- Débouté la société Next Conseil et la SAS Louis 1er Finance de leur demande principale ;

- Condamné solidairement M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding à payer à la société Next Conseil et la SAS Louis 1er Finance la somme en principal de 425.000 €, à titre de dommages et intérêts ;

- Condamné solidairement M. [J], la société MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding à payer à ALPHA [sic] la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding aux dépens.

Par déclaration du 25 février 2022, M. [L] [J], la société MAPAD Santé et la société MAPAD Holding Exécutive ont interjeté appel de ce jugement.

Par déclaration du 14 mars 2022, M. [L] [J], la société MAPAD Santé et la société MAPAD Holding Exécutive ont, à la suite d'un changement d'adresse, de nouveau interjeté appel de ce jugement.

Par déclaration du 17 mars 2022, la société Next (anciennement Next Conseil et Développement) et la société Louis 1er Finance ont interjeté appel de ce jugement

Par ordonnance du 21 avril 2022, le premier président de la cour d'appel de Versailles a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire prononcée par le jugement entrepris.

Par une première ordonnance de jonction du 15 septembre 2022, le conseiller de la mise en état, considérant que les procédures inscrites au répertoire général sous les n°R 22/01476 et 22/01177 étaient connexes, a ordonné la jonction de ces procédures et dit qu'elles seront suivies sous le n°22/01177.

Par une seconde ordonnance de jonction du 16 février 2023, le conseiller de la mise en état, considérant que les procédures inscrites au répertoire générale sous les n°R 22/01583 et 22/01177 étaient connexes, a ordonné la jonction de ces procédures et dit qu'elles seront suivies sous le n°22/01177.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 mars 2023, M. [J], la société MAPAD Santé et la société MAPAD Holding Exécutive demandent à la cour de :

- Déclarer M. [L] [J], la société MAPAD Santé et la société MAPAD Holding Exécutive recevables et bien fondés en leur appel ;

- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la Sarl Next Conseil et Developpement et la SAS Louis 1er Finance de leur demande principale ;

- Rejeter l'ensemble des pièces, demandes et prétentions formées par la Société Next Conseil et Developpement et la société Louis 1er Finance ;

- Infirmer le Jugement attaqué en ce qu'il a :

- débouté M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding de leur exception d'irrecevabilité et dit Next Conseil et Developpement recevable en son action;

- débouté M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding de leur demande visant à faire reconnaître que la loi Hoguet s'applique au Mandat ;

- débouté M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding de leurs demandes tendant à invalider le Mandat et dit valide le Mandat conclu le 1er septembre 2016 ;

- condamné solidairement M. [J], la SAS MAPAD SANTE et la SARL MAPAD Holding à payer à la SARL Next Conseil et la SAS Louis 1er Finance la somme en principal de 425.000 €, à titre de dommages et intérêts ;

- condamné solidairement M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding à payer à la SARL Next Conseil et la SAS Louis 1er Finance à payer à Alpha (cette société étant en outre mentionnée par erreur dans le jugement) la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné solidairement M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding aux dépens et liquidés les dépens du greffe à la somme de 126,72 €, dont TVA 21,12€;

- N'a pas débouté intégralement les sociétés Next Conseil et Developpement et Louis 1er Finance de leurs demandes ;

- N'a pas fait droit à la demande de condamnation in solidum de la société Next Conseil et Developpement et Louis 1er Finance à payer à M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding la somme de 75.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- N'a pas fait droit à la demande de condamnation in solidum de la société Next Conseil et Developpement et Louis 1er Finance à payer à M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding la somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- N'a pas fait droit à la demande de condamnation in solidum de la société Next Conseil et Developpement et Louis 1er Finance à payer à M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding la somme de 10.000 € au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- N'a pas condamné in solidum la société Next Conseil et Developpement et la société Louis 1er Finance aux entiers dépens.

- Déclarer irrecevables les demandes formulées par la société Next Conseil et Développement et Louis 1er Finance à défaut d'intérêt à agir de la société Next Conseil et Développement et de qualité pour défendre de M. [J], la SAS MAPAD Santé et de la SARL MAPAD Holding ;

- Juger que la loi Hoguet est applicable au Mandat ;

En conséquence,

- Juger que le Mandat est nul et qu'en conséquence la société Next Conseil et Développement et la société Louis 1er Finance n'ont aucun droit à rémunération sur ce fondement dans la mesure où notamment :

- Il n'a pas été enregistré,

- Il n'est pas limité dans le temps,

- La société Next Conseil et Développement n'a pas de carte professionnelle ;

En toutes hypothèses,

- Juger que la société Next Conseil et Développement et la société Louis 1er Finance ne peuvent prétendre à rémunération dans la mesure où notamment :

- Le Mandat ne dispose pas d'un objet certain, déterminé ou déterminable,

- La cession de parts n'entre pas dans l'objet du Mandat,

- La cession des actifs objet du Mandat n'a jamais été réalisée,

- Le mandant ne dispose pas des pouvoirs nécessaires pour conclure les cessions objet du Mandat,

- La mise en relation avec M. [F] [Y] date de 2004 et ne peut être couverte par un éventuel droit de suite,

- Le Mandat est non exclusif,

- Il n'existe aucun mandat entre l'opération de 2006 et le Mandat ;

- Juger que la société Next Conseil et Développement et la société Louis 1er Finance ne peuvent prétendre à des dommages-intérêts à défaut d'établir une faute leur ayant causé un préjudice et dans la mesure où notamment :

- Aucune déloyauté contractuelle ne peut être reprochée à M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding ;

- Aucune faute contractuelle ne peut être reprochée à M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding dans la mesure où le Mandat est nul ;

- Aucune faute délictuelle n'est établie à l'égard de M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding ;

- Les sociétés Next Conseil et Developpement et Louis 1er Finance ne peuvent se prévaloir d'un préjudice au titre de la perte de chance et, en tout état de cause, la réparation de la perte de chance ne peut être égale au montant des gains espérés ;

- Aucun préjudice de réputation ne saurait être caractérisé en l'absence d'éléments de preuve et ne peut en toutes hypothèses être indemnisé n'ayant pas fait l'objet d'une demande en première instance ;

En conséquence,

- Ordonner la restitution des montants payés au titre de l'exécution du jugement entrepris et ce sous astreinte de 1.000 € par jours de retard à compter de la décision à intervenir ;

- Condamner in solidum les sociétés Next Conseil et Développement et Louis 1er Finance à payer à M. [J] la somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Condamner in solidum la société Next Conseil et Développement et la société Louis 1er Finance à payer à M. [J] la somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum la société Next Conseil et Développement et la société Louis 1er Finance aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 mars 2023, la société Next (anciennement Next Conseil et Développement) et la société Louis 1er Finance demandent à la cour de :

- Déclarer autant irrecevable qu'infondé l'appel de M. [J], des société MAPAD Santé et MAPAD Holding Exécutive ;

- Déclarer l'appel des sociétés Next Conseil et Développement et Louis 1er Finance recevable et bien fondé ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding Exécutive de leur exception d'irrecevabilité et dit la société Next Conseil et Développement recevable en son action ;

- Débouté M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding Executive de leur demande visant à faire reconnaître que la loi Hoguet s'applique au Mandat ;

- Débouté M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding Executive de leurs demandes tendant à invalider le Mandat et dit valide le Mandat conclu le 1 er septembre 2016 ;

- Jugé que M. [J], les sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive ont « commis une faute en n'appliquant pas de bonne foi le Mandat qu'ils avaient conclu le 1er septembre 2016 et ont ainsi créé un préjudice qu'ils doivent réparer » ;

- Condamné solidairement M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL Mapad Holding Executive à payer à la SARL Next Conseil et Développement et la SAS Louis 1er Finance la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Estimé que la démonstration de la pérennité des relations des concluantes avec M. [F] [Y] de 2012 à 2018 ne serait pas faite ;

- Considéré que le droit de suite stipulé à l'article 3 du mandat n'aurait pas vocation à s'appliquer par l'écoulement du délai de deux ans ;

- Jugé qu'aucune rémunération ne serait due au titre de la cession survenue en 2018 au profit du groupe de M. [F] [Y] ;

- Condamné solidairement M. [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding Executive à payer à la SARL Next Conseil et Développement et à la SAS Louis 1er Finance la seule somme en principal de 425.000 € à titre de dommages et intérêts, et a débouté la SARL Next Conseil et Développement et la SAS Louis 1er Finance du surplus de leurs demandes ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

À titre principal,

Si la rémunération est due sur le fondement de la cession à M. [F] [Y],

- Condamner solidairement M. [J] et les sociétés MAPAD Santé et Mapad Holding Executive à exécuter le mandat valablement conclu avec les sociétés Next Conseil et Développement et Louis 1er Finance et notamment à verser la rémunération due à leurs mandataires au titre des cessions conclues en juin 2018 entre, d'une part, les sociétés MAPAD Holding et MAPAD Immobilier et, d'autre part, la société MAPSUP ;

- En conséquence, condamner solidairement M. [J] et les sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive à leur payer en principal une somme hors taxes équivalente à 1,5 % de la valeur des fonds de commerce et 1,8 % de la valeur des immeubles cédés au titre de l'opération susvisée, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande et capitalisés dans les termes de l'article 1343-2 du code civil ;

Si la rémunération est due sur le fondement du projet de cession à Maisons de Famille,

Si la cour décidait que les concluantes n'auraient pas droit à rémunération au titre des cessions susvisées, condamner M. [J] et les sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive à réparer la perte de chance de mener à son terme les cessions avec Maisons de Famille ;

- Condamner M. [J] et les sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive à réparer les conséquences préjudiciables de leur exécution fautive, déloyale et de mauvaise foi du mandat conclu avec les sociétés Next Conseil et Développement et Louis 1er Finance, notamment dans le cadre de leurs relations avec Maisons de Famille ;

- En conséquence, condamner solidairement M. [J] et les sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive à leur payer en principal une somme équivalente à 500.000 €, à parfaire, à titre de dommages-intérêts de ce chef ;

Dans les deux cas,

- Enjoindre à M. [J] et aux sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive de produire sous astreinte de 5.000 € par jour de retard les documents contractuels in extenso établis à l'occasion des dites cessions intervenues en juin 2018 au profit de MAPSUP, leurs éventuels avenants, ainsi que le détail complet des conditions financières de ces opérations afin de permettre le calcul de ladite rémunération, laquelle doit être déterminée à partir de la valeur des fonds et des murs et non du prix de cession des titres ;

- Enjoindre à M. [J] et aux sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive de produire sous astreinte de 5.000 € par jour de retard les justificatifs de levées d'option des promesses stipulées aux articles 9 et 10 du pacte d'associés du 26 juin 2018 ou de leurs éventuels avenants ;

- Se réserver la faculté de liquider les astreintes ;

- Juger que le montant précis et définitif de la rémunération due aux sociétés Next Conseil et Developpement et Louis 1er Finance ne pourra être établi et fixé par la cour qu'après communication de ces éléments et au vu des observations ultérieures des parties ;

- Condamner d'ores et déjà solidairement M. [J] et les sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive à leur payer immédiatement, dans l'attente de cette communication, une provision égale à :

- si le fondement retenu par la cour est la cession au profit du groupe de M. [F] [Y] et notamment MAPSUP : 541.875,17 € HT augmentée de la TVA ;

- si le fondement retenu par la cour est la relation avec Maisons de Famille : 375.000 € HT augmentée de la TVA ;

À titre subsidiaire, si le mandat était annulé,

- Condamner solidairement M. [J] et les sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive à payer la somme de 800.000 €, au titre des restitutions consécutives à l'annulation du mandat et à titre de dommages et intérêts en raison des fautes délictuelles qu'ils ont commises ;

En toute hypothèse,

- Déclarer mal fondé l'appel incident de M. [J] et les sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive et les en débouter ;

- Condamner solidairement M. [J] et les sociétés MAPAD Santé et Mapad Holding Executive à payer au titre des frais irrépétibles d'appel la somme de 45.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [J] et les sociétés MAPAD Santé et MAPAD Holding Executive aux entiers

dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la Selarl Lexavoue [Localité 11] Versailles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile

Motivation

MOTIFS

À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à «donner acte », « constater », « dire et juger», dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Next Conseil

M. [J] et les sociétés Mapad Santé et Mapad Holding Executive (M. [J] et les sociétés MAPAD) font valoir, au visa des articles 31 et 32 du code de procédure civile, que les demandes de la société Next Conseil sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir de celle-ci. Ils soutiennent que la jurisprudence considère qu'une action en justice doit présenter une utilité pour le plaideur qui l'intente, qu'en l'espèce la société Next Conseil sollicite leur condamnation au paiement d'une rémunération à laquelle elle prétend en tant que mandataire au titre du Mandat alors que ce dernier désigne la société Louis 1er Finance comme bénéficiaire de cette rémunération. Ils sollicitent l'infirmation du jugement qui a rejeté leurs demandes de fins de non-recevoir à l'égard des demandes de la société Next Conseil.

Les sociétés Louis 1er Finance et Next Conseil font valoir que cette dernière est partie au Mandat de sorte qu'elle a intérêt à agir.

*

L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.

La société Next Conseil, partie au Mandat, sollicite, en qualité de mandataire, une rémunération au titre d'opérations conclues en juin 2018 entre les sociétés MAPAD et la société MAPSUP de sorte qu'elle dispose d'un droit d'agir contre les sociétés MAPAD et M. [J], gérant de la société MAPAD Holding Executive ; l'exercice de ce droit pouvant aboutir à obtenir satisfaction ce qui dès lors présente un intérêt pour elle.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité, au titre du défaut d'intérêt à agir de la société Next Conseil, formée par M. [J] et les sociétés MAPAD.

Sur l'irrecevabilité des demandes des sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance

Au visa de l'article 122 du code de procédure civile, M. [J] et les sociétés MAPAD soutiennent que les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance sont irrecevables en leurs demandes à raison du défaut de qualité de M. [J] et des sociétés MAPAD pour se défendre.

Ils font valoir qu'une action fondée sur la mauvaise exécution d'un contrat et intentée à l'encontre d'une société qui n'en est pas partie est irrecevable à défaut de qualité pour défendre du défendeur et que tel est le cas en l'espèce. Ils exposent également que M. [J] n'a pu intervenir au Mandat litigieux en qualité d'actionnaire des sociétés MAPAD ce qu'il n'est pas, ni davantage en qualité de représentant légal de celles-ci puisqu'elles ne sont pas intervenues au Mandat de sorte qu'il n'a pas qualité pour défendre dans un litige afférent à l'exécution du Mandat.

Les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance rappellent que les conventions s'interprètent selon la commune intention des parties et dans le sens qui leur confère un effet. Elles font valoir l'implication de la société MAPAD Holding Executive dans les négociations et la présence de la société MAPAD Santé en qualité de signataire du Mandat représentée par M. [J] de sorte que l'intérêt à agir à l'encontre de ces sociétés est démontré. Elles soutiennent que M. [J] s'est présenté comme actionnaire des sociétés MAPAD dans le cadre du Mandat au titre de la comparution des parties, qu'il lui appartenait de corriger cette déclaration à la supposer inexacte. Elles présentent M. [J] comme seul animateur et décisionnaire des sociétés MAPAD de sorte qu'il a qualité à défendre.

*

L'article 1134 ancien du code civil, en son alinéa 1er, dispose que ' Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.' et, en son alinéa 3, qu' ' Elles doivent être exécutées de bonne foi'.

*

M. [J] se présente dans le Mandat comme l'une des parties sous la dénomination suivante:

'Monsieur [L] [J]

En sa qualité d'actionnaire majoritaire du Groupe Mapad Holding - Mapad Santé,

Ci-après parfois dénommé 'Le Client »' (pièce 19 - Next).

Par ailleurs, M. [J] signe en dernière page le Mandat avec la mention 'M. [L] [J] Groupe Mapad Santé, Mapad Holding'.

M. [J] et les sociétés MAPAD ne peuvent ainsi prétendre n'avoir qualité à se défendre dans un litige relatif à l'exécution du Mandat au sein duquel ils apparaissent ensemble comme partie sous le vocable unique 'Le Client', M. [J] agissant pour son propre compte (en qualité d'actionnaire majoritaire des sociétés MAPAD) et de représentant de celles-ci ainsi que sa signature figurant au Mandat permet de le constater.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'irrecevabilité pour défaut de qualité à défendre soulevée par M. [J] et les sociétés MAPAD.

Sur la nullité du Mandat tirée de l'application de la loi Hoguet

M. [J] et les société MAPAD, au visa de l'article 1er de la loi Hoguet, critiquent le jugement entrepris qui n'a pas fait droit à leur demande de reconnaître applicable cette loi au Mandat alors que l'objet de celui-ci relève d'activités énumérées par celle-ci et exercées, en l'espèce, à titre habituel de sorte que le Mandat présente de nombreux motifs de nullité au regard de cette loi (défaut d'enregistrement, absence de limitation dans le temps, absence de carte professionnelle et défaut d'apposition de mentions obligatoires) avec pour conséquence la privation du droit à rémunération revendiqué par les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance.

Les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance objectent que la loi Hoguet est inapplicable au Mandat parce qu'elles n'y agissent pas en qualité d'agent immobilier, mais en tant que 'banquier d'affaires' en matière de conseil en fusions et acquisitions en fournissant des prestations d'assistance et de conseil dans le cadre d'un mandat évolutif, que l'opération induite par le Mandat porte pour l'essentiel sur la cession de sociétés commerciales, que tel a été le cas de l'opération de cession envisagée avec l'offre de la société Maisons de Famille en janvier 2017 (prise de participations au capital) ou de la cession en juin 2018 des sociétés MAPAD à la société MAPSUP (cession de participations). Elles font valoir, à titre subsidiaire, qu'à supposer cette loi applicable, la nullité encourue est relative et peut-être couverte par la ratification de cet acte par le mandant.

*

L'article 1er de la loi Hoguet dispose que : 'Les dispositions de la présente loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à:

1° L'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé, d'immeubles bâtis ou non bâtis ;

2° L'achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce ;

'

5° L'achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ;

6° La gestion immobilière ;

''.

Ainsi, la loi vise l'activité habituelle d'entremise ou de gestion portant sur les biens d'autrui de sorte que deux éléments sont requis pour constater que cette loi s'applique : une activité d'entremise ou de gestion d'une part, un caractère habituel d'autre part.

Il appartient à M. [J] et aux sociétés MAPAD de rapporter la preuve que les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance, de manière habituelle, se livrent ou apportent leur concours aux opérations rappelées ci-dessus.

M. [J] et les sociétés MAPAD déduisent de l'objet social des sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance et du Mandat l'existence du caractère habituel de l'exercice par ces dernières activités couvertes par la loi Hoguet.

Sur l'entremise

L'objet social des sociétés peut éventuellement constituer un indice de l'exercice de telles opérations.

A cet égard, l'objet social de la société Louis 1er Finance, constituée le 15 juillet 2013, vise ' La transaction immobilière ; la location immobilière ; la prise de toute participation ; ...,' (extrait Kbis - pièce 32 - [J]). Cet indice n'est toutefois pas suffisant à démontrer que cette société se livrait effectivement à ces opérations au moment de la signature du Mandat (1er septembre 2016).

Par ailleurs, les activités visées à l'objet social de la société Next Conseil sont les suivantes : 'Gestion de patrimoine, conseil financier, intermédiation dans tous domaines; le développement de prestation de services et conseils spécifiques pour les personnes âgées ou malentendantes dans le domaine du paramédical.'.

Ainsi, la transaction ou la location immobilière, la gestion de patrimoine ou l'intermédiation, relèvent d'opérations entrant dans le champ de la loi Hoguet sous réserve de leur mise en oeuvre effective.

Le Mandat prévoit en son 'Article 1 Objet du présent Mandat et description de la Mission des Intermédiaires' que le mandant (M. [J] agissant pour son compte et celui des sociétés MAPAD) envisage de céder certains de ses actifs composés à la fois de sociétés d'exploitation (fonds de commerce - EHPAD) et de sociétés portant des actifs immobiliers ( murs de maisons de retraite - existants ou neufs en phase de construction) et, 'notamment', la cession de l'EHPAD [10] situé dans le [Localité 2] (murs et fonds de commerce) et/ou celle de l'établissement dénommé [13] situé à [Localité 9].

L'objet du Mandat constitue également un indice d'application de la loi Hoguet sous réserve, de constater que, dans les faits, les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance se sont livrées à des opérations d'entremise.

Les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance sollicitent, dans le cadre de la présente instance, un droit à rémunération sur une opération de cession '[F] [Y]' conclue au mois de juin 2018, sans leur concours, entre, d'une part, les sociétés Mapad Holding et Mapad Immobilier, d'autre part, la société Mapsup, animée par M. [F] [Y], au motif qu'elles ont présenté, en juin 2006 ce dernier comme investisseur au mandant. Elles réclament à titre subsidiaire une indemnisation au titre d'un projet d'opération de cession 'Maisons de Famille' auquel le mandant a mis fin brutalement de sa propre initiative en janvier 2017 avant la conclusion de l'opération.

Ces opérations relèvent de celles-visées par la loi Hoguet en ce que les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance revendiquent, d'une part, l'identification d'un potentiel acquéreur (la société Maisons de Famille) et la négociation avec celui-ci, pour le compte de M. [J] et les sociétés MAPAD, de la cession de la société Mapad Santé détenant indirectement les EPHAD [13] ([Localité 9]) et [10] ([Localité 11]) (pièce 22 - Next),d'autre part, leur entremise initiale entre M. [J] et M [Y], respectivement détenteurs des sociétés MAPAD et de la société MAPSUP, en vue de céder indirectement par prise de participations au capital de la société Mapad Santé, certains actifs immobiliers de la première à la seconde dont les EPHAD [13] et [10].

De ces constatations, il se déduit que les activités des sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance étaient susceptibles d'entrer dans le périmètre d'opérations visées par la loi Hoguet.

Il appartient, cependant, à M. [J] et les sociétés MAPAD, de démontrer qu'elles revêtaient un caractère habituel.

Sur le caractère habituel

M. [J] et les sociétés MAPAD se dispensent de justifier de l'exercice habituel par la société Next Conseil d'opérations et la société Louis 1er Finance définies par l'article 1er de la loi Hoguet alors qu'elle soutiennent que le Mandat ne visait que deux actifs : les EPHAD [10] et [13] (pages 19 et 20 de leurs écritures) et que dans les faits il a été constaté que les demandes des sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance n'étaient fondées que sur une seule opération (la cession de la société Mapad Santé) dans le cadre de la négociation menée avec la société Maisons de Famille au tournant de l'année 2016 ou lors de la cession de certains actifs au groupe MAPSUP en 2018 dont elles ont été évincées de sorte que le caractère habituel requis n'est pas démontré.

Le caractère habituel ne peut, en effet, se déduire d'une entremise effectuée en 2006 avec M.[Y] (MAPSUP) et d'une intermédiation intervenue en fin 2016 et début 2017 avec la société Maisons de Famille à propos des mêmes actifs.

Ainsi l'absence de démonstration du caractère habituel de l'exercice par les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance d'opérations visées par la loi Hoguet ne permet pas de considérer que le Mandat devrait être soumis à celle-ci.

Le jugement entrepris sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a été débouté M. [J] et les sociétés MAPAD de leurs demandes tendant à faire reconnaître applicable au Mandat la loi Hoguet avec pour conséquence d'écarter les motifs de nullité tirés de cette loi.

Sur la nullité du Mandat sur le fondement du droit commun

M. [J] et les sociétés MAPAD prétendent également que le Mandat serait nul sur le fondement du droit commun en ce que son objet ne serait pas certain, déterminé ou déterminable, l'opération litigieuse ne rentrerait pas dans l'objet du Mandat, le mandant ne disposerait pas du pouvoir nécessaire, avec pour conséquence la privation du droit à rémunération.

Les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance font valoir que l'objet du Mandat était déterminé et déterminable en ce qu'elles ont 'uvré pour les intérêts du mandant conformément à la mission par lui confiée, que l'objet du mandat ne se limitait pas à la cession des deux établissements visés au Mandat, ni à la cession de fonds de commerce et de murs, que le Mandat ne se limitait pas au seul pouvoir donné par M. [J] mais aussi par les sociétés MAPAD ainsi que la rédaction du Mandat permet de le constater de sorte que la rémunération est due nonobstant le temps écoulé.

*

Article 1984 du code civil dispose que :'Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire.'.

L'article 1987 du même code prévoit ' Il est ou spécial et pour une affaire ou certaines affaires seulement, ou général et pour toutes les affaires du mandant.'

L'article 1988 de ce même code stipule que 'Le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration.

S'il s'agit d'aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès.'.

L'article 1989 de ce code édicte que ' Le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat : le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre.'.

L'article 1108 ancien du code civil rappelle que 'Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :

Le consentement de la partie qui s'oblige ;

Sa capacité de contracter ;

Un objet certain qui forme la matière de l''engagement ;

une cause licite dans l'obligation.'

L'article 1129 ancien du code civil précise : 'Il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce.

La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée.'.

Il est admis que la prestation est déterminable lorsqu'elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu'un nouvel accord des parties soit nécessaire.

*

En l'espèce, ainsi qu'il a été dit précédemment, le Mandat prévoit en son 'Article 1 Objet du présent Mandat et description de la Mission des Intermédiaires' que le mandant (M. [J] agissant pour son compte et celui des sociétés MAPAD) se propose de céder certains de ses actifs(fonds de commerce - EHPAD ; murs de maisons de retraite) et, 'notamment', la vente de l'EHPAD [10] et celui de l'[13].

Pour ce faire le mandant sollicite l'assistance des mandataires (les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance) dans la mise en oeuvre d'un 'process' de cession et de coordination de la Transaction précédemment définie consistant en la réalisation de certains actifs du mandant. Les mandataires qualifiés d'intermédiaires ont pour mission : d'identifier des investisseurs (groupe de gestion de maisons de retraite) susceptibles d'être intéressés par la Transaction, au besoin de susciter leur intérêt et leur communiquer un dossier de présentation ainsi que les modalités de la Transaction, d'assurer auprès de ses investisseurs le suivi et l'interface avec le mandant durant le processus de négociation jusqu'à la signature du protocole de cession, de recueillir les propositions d'achat et de tenter de maximiser le prix de vente de la Transaction.

Il se déduit de ces constatations que l'objet du mandat, consistant pour les mandataires à assister le mandant dans la mise en oeuvre de la cession de 'certains de ses actifs composés à la fois de Sociétés d'exploitation (fonds de commerce - EHPAD) et de Sociétés portant des actifs immobiliers ( 'Murs de maisons de retraite - existant (sic) ou neufs en phase de construction)' dont les deux établissements identifiés, est certain et déterminé.

Enfin il a été précédemment dit que M.[J] s'était présenté aux yeux des mandataires (les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance) dans le cadre du Mandat comme agissant à titre personnel aussi bien qu'en qualité de représentant des sociétés MAPAD de sorte que M. [J] ne peut raisonnablement soutenir, sauf à se prévaloir de sa propre turpitude, qu'il ne disposait pas du pouvoir de représenter les sociétés MAPAD à défaut d'avoir apporté les corrections nécessaires au Mandat au titre de sa véritable qualité ou de son statut.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] et les sociétés MAPAD de leur demande de nullité du mandat sur le fondement du droit commun.

Sur le droit à rémunération revendiqué par les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance

Les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance sollicitent l'infirmation du jugement entrepris qui les a déboutés de leurs demandes principales. Elles revendiquent un droit à rémunération sur une opération de cession '[F] [Y]' conclue au mois de juin 2018 entre, d'une part, les sociétés Mapad Holding et Mapad Immobilier, d'autre part, la société Mapsup, animée par M. [F] [Y], au motif qu'elles ont présenté ce dernier comme investisseur au mandant. Elle réclament à titre subsidiaire une indemnisation au titre d'un projet d'opération de cession 'Maisons de Famille' auquel le mandant a mis fin brutalement de sa propre initiative avant la conclusion de l'opération. Elles demandent à la cour d'enjoindre à M. [J] et aux sociétés MAPAD de communiquer sous astreinte de 5.000 € par jour de retard l'intégralité des documents contractuels nécessaires au calcul de leur rémunération et sollicitent dans l'attente des provisions.

M. [J] et les sociétés MAPAD font valoir que la mise en relation entre M. [F] [Y] et M. [J] date du mois de juin 2006 à l'occasion d'une cession pour laquelle la société Next Conseil a perçu une commission, que l'opération '[F] [Y]' pour laquelle les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance réclament une commission est intervenue le 26 juin 2018 alors qu'elles n'ont effectué aucune diligence dans le cadre de cette dernière opération. Ils contestent, par ailleurs, tout comportement fautif s'agissant du projet d'opération 'Maisons de Famille', alors que la rupture des négociations était due à une divergence de vues sur le périmètre de cession.

*

L'article 4 du Mandat intitulé 'Rémunération' prévoit qu'en cas de transaction réalisée entre le mandant et un investisseur présenté par les mandataires, les parties sont convenues d'une rémunération au succès fixée ainsi :

- un montant de 1,5 % HT de la valeur du prix du fonds concernant une transaction sur le fonds de commerce d'un établissement;

- un montant de 1,8 % HT de la valeur de l'actif cédé dans le cas des immeubles.

Cet article prévoit que le règlement de cette rémunération doit intervenir le jour de la réalisation effective de la cession ('Transaction') par chèque bancaire à l'ordre de la société Louis 1er Finance. En cas de cession dans le temps (exemple prise de participation progressive), il est prévu que la rémunération soit identique.

Ainsi l'exigibilité de la rémunération est subordonnée à la réalisation de l'opération et à la démonstration de ce que celle-ci s'est effectuée entre le mandant et l'investisseur grâce à la présentation de ce dernier par les mandataires au mandant sans qu'il soit besoin que les mandataires justifient de prestations au-delà de cette seule présentation.

Par ailleurs il est précisé que le Mandat n'est pas exclusif, que sa durée est d'une année renouvelable par tacite reconduction, qu'à son expiration les mandataires bénéficient d'un droit de suite d'une durée de deux ans 'concernant les Investisseurs présentés' par les mandataires 'dans le cadre de la présente mission', qu'en cas de réalisation d'une opération avec l'un de ses investisseurs la totalité de la rémunération est due.

Il est constant que le Mandat reconduit tacitement d'année en année n'a pas été révoqué par l'une ou l'autre des parties.

- Sur le droit à commissions au titre de l'opération [F] [Y]

Il résulte des échanges entre les parties que les mandataires ont présenté l'investisseur [F] [Y] au mandant à l'occasion d'une opération réalisée en 2006 et que depuis les relations n'ont cessé de se consolider entre eux, ce qui est reconnu par les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance.

La mission confiée aux mandataires consiste pour l'essentiel à identifier des investisseurs, les présenter au mandant et assurer l'interface entre ceux-là et celui-ci, en contrepartie de quoi les mandataires disposent d'un droit à rémunération au succès si l'affaire est conclue avec l'un de ces investisseurs.

La cour constate qu'en cas d'expiration du Mandat, les parties ont prévu de 'protéger' la rémunération par un droit de suite s'agissant des investisseurs présentés au cours du Mandat. En revanche elles n'ont pas prévu le versement de la rémunération pour une nouvelle opération de cession d'actifs pendant l'exécution du Mandat lorsqu'un investisseur a déjà fait l'objet d'une présentation auprès du mandant avant l'entrée en vigueur du Mandat.

M. [F] [Y] ayant déjà été présenté au mandant par les mandataires en qualité d'investisseur avant l'entrée en vigueur du Mandat, il n'était plus nécessaire pour les mandataires de l'identifier comme potentiel acquéreur ou d'assurer l'interface avec le mandant a fortiori s'agissant de relations consolidées depuis 2006.

Le principe de la rémunération au succès telle que prévue au Mandat repose sur l'incitation des mandataires à trouver de nouveaux investisseurs potentiellement acquéreurs d'actifs dont le mandant envisage la cession. Ce principe ne crée pas, sauf à excéder les termes du Mandat, un droit acquis à rémunération à l'occasion de chaque nouvelle opération de cession intervenue pendant l'exécution du Mandat lequel est non exclusif lorsque l'investisseur a déjà été présenté au mandant antérieurement à l'entrée en vigueur du Mandat. Au demeurant, les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance ne démontrent pas avoir été sollicitées à nouveau, postérieurement à 2006, par M. [J] ou les sociétés MAPAD afin de 'réactiver' cette relation avec M. [Y] pour les besoins de la cession projetée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance de leur demande de rémunération au titre de l'opération '[F] [Y]'.

- Sur le droit à indemnisation au titre du projet 'Maisons de Famille'

Les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance soutiennent, à titre subsidiaire, que M. [J]

n'a pas exécuté loyalement le Mandat en mettant un terme sans motif en janvier 2017 aux négociations avec un investisseur (Maisons de Famille) présenté par les mandataires alors que l'opération de cession de l'établissement [13] était sur le point d'être conclue avec cet acquéreur potentiel. Elles font valoir que cet établissement a été cédé ultérieurement à M. [F] [Y] en juin 2018 sans qu'elles en soient informées.

Les sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance ont été investies par le mandant d'une mission d'assistance afin d'identifier un acquéreur et d'assurer le suivi et l'interface entre celui-ci et le mandant 'tout au long du processus de négociation jusqu'à la signature du protocole' ce qui ne peut priver le mandant de sa liberté de renoncer à l'opération sauf éventuellement à exposer sa responsabilité vis à vis du candidat acquéreur pour rupture abusive de pourparlers - ce qui n'intéresse pas la cour dans le présent litige -, ou en cas de faute commise à l'égard des mandataires qui perdent de facto leur droit à rémunération si l'opération de cession n'a pas abouti.

M. [J] et les sociétés MAPAD exposent qu'ils ont mis un terme aux négociations à la suite d'un désaccord avec Maisons de Famille sur le périmètre de la cession.

Il résulte des échanges de courriels entre les parties que l'acquéreur pressenti (la société Maisons de Famille) a manifesté son intérêt (sa lettre du 10 octobre 2016 - pièce 22 Next) pour l'acquisition de l'entité Mapad Santé avec pour périmètre les établissements [13] ([Localité 9]) et [10] ([Localité 11]).

Le 23 décembre 2016, le représentant des mandataires (M.[R] [K]) écrit à M. [J] '...Ils m'ont sollicité sur [Localité 12] qu'ils veulent faire avec [13] [[13]] tout de suite.'

M. [J] lui répond le même jour '[R] [13] c 25 me + actif passif si c le prix de Met Famille c bon je les vois sinon ce n'est pas la peine . Plus tard [Localité 11] et [Localité 12] why not.', ce dont il se déduit que le mandant ne souhaitait pas contrairement aux voeux de l'acquéreur céder immédiatement les établissements de [Localité 11] ([10]) et de [Localité 12].

Le 27 décembre 2016, M. [K] insiste sur la vente de [Localité 12] et pose des questions sur cet établissement (nombre de chambres et de lits, prix de journée, aide sociale, loyer...)

M. [J] répond aux questions mais réitère sa position (courriel - pièce 26 [J]) '...Mais je tiens à procéder étape par étape car [Localité 12] pas encore fini. il est préférable d'acter [13] [[13]]' au motif selon ses écritures non contredites que l'établissement de [Localité 12] n'étant pas encore achevé serait moins valorisé s'il était cédé immédiatement.

Le 2 janvier 2017, la société Maisons de Famille par courriel destiné au mandataire ( pièce 27 - [J]) écrit :' ... je vous confirme notre intérêt à étudier un rachat global de [13], [10] et [Localité 12]. Nous sommes tout à fait disposés à envisager un aménagement dans le temps de ce rachat ([13] puis [10]/[Localité 12]). Il est proposé une réunion le 17 janvier 2017 avec M. [J] et dans l'attente la société Maisons de Famille demande l'accès au site de [Localité 12] et une notice descriptive des espaces du site de [10]. Le courriel se poursuit 'Si suite au déjeuner avec M. [J] un accord semble possible, nous pourrions présenter le dossier lors de notre prochain conseil de surveillance le 25 janvier....Si accord de leur part...nous rechercherons alors les financements.....nous pourrions alors envisager une offre ferme fin février/début mars si accord positif du comité [d'investissement] et sous réserve d'audits satisfaisants.'.

Le 5 janvier 2017, M. [J] écrit en substance à M. [K] ( pièce 28 - [J]) : '[Localité 12] n'est pas d'actualité. Je te l'ai dit cent fois....S'ils conditionnent [13] à [Localité 12] je ne fais pas. Est-ce assez clair pour toi. A vouloir tout faire on ne fera rien!!!!'.

Le 16 janvier 2017, la société Maisons de Famille a adressé une 'Lettre d'intérêt préliminaire [13]' laquelle contenait, néanmoins, un droit de préemption sur les établissements de [10] et [Localité 12].

Cette lettre d'intérêt a été réitérée le 27 janvier suivant (pièce 30 - [J]) exempte cette fois du droit de préemption, assortie de diverses conditions préalables et suspensives et expirant le 31 janvier 2017.

La cour comprend des échanges que ce n'est que postérieurement à cette dernière 'lettre d'intérêt' qui n'incluait plus le site de [Localité 12] que M. [J] ne s'est plus manifesté auprès de ses mandataires conduisant à une rupture des négociations.

Ainsi qu'il a été dit le mandant conserve sa liberté de ne pas donner suite à une opération présentée par ses mandataires.

Le Mandat ne prévoit pas de rémunération minimale des mandataires en cas d'échec. En acceptant une rémunération exclusivement au succès dont le pourcentage, appliqué au périmètre de cession, est à la mesure du risque encouru, les Mandataires n'ignorent pas les conséquences de l'absence de conclusion d'une opération et ne peuvent revendiquer un droit à rémunération du seul fait que le mandant a décidé de ne plus donner suite.

En revanche, il n'est pas exact qu'il a été mis un terme à l'opération envisagée à la suite d'un désaccord à propos du périmètre de cession, comme M.[J] et les sociétés MAPAD le prétendent, puisque la dernière lettre d'intérêt n'évoquait plus le site de [Localité 11] ([10]) et de [Localité 12].

Ainsi que les premiers juges l'ont dit, le mandant a manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté en incitant les mandataires à négocier le périmètre jusqu'à obtenir satisfaction à l'issue de la troisième lettre d'intérêt pour en définitive ne plus donner suite au projet de cession ni de nouvelles après la réception de cette dernière lettre d'intérêt, ce sans explication et de manière brutale plaçant les mandataires dans une situation particulièrement délicate à l'égard de l'acquéreur.

Les mandataires ont ainsi subi un préjudice résultant directement de la faute commise par le mandant qu'il convient de réparer en considérant qu'il s'agit d'une perte de chance comme le soutiennent les mandataires puisqu'à supposer que le Mandant n'ait pas commis cette faute la conclusion de l'opération n'était pas assurée car la dernière proposition de la société Maisons de Famille n'était qu'une lettre d'intérêt assortie de nombre de conditions préalables et suspensives.

Les mandataires sollicitent la somme de 500.000 €.

La cour ne suivra pas le tribunal qui a fixé le préjudice (375.000 €) à la hauteur de la rémunération attendue si l'opération avait été menée à son terme complété d'un préjudice de réputation (50.000 €).

Au regard de l'avancée des négociations et du nombre de conditions encore à remplir avant de conclure l'opération de cession, fait générateur de la commission attendue (375.000 €), usant de son pouvoir d'appréciation, la cour fixera à 20 % la probabilité de perte de chance de réaliser la cession projetée et fixera le préjudice à 75.000 €.

Le jugement sera infirmé sur ce point et M. [J] et les sociétés MAPAD seront condamnés in solidum à payer la somme de 75.000 € aux sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance.

Sur l'injonction de communication documentaire sous astreinte

Il n'y pas lieu de faire droit à la demande des sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance de production documentaire sous astreinte au regard de la solution retenue par la cour.

Sur la demande de provision

Il n'y pas lieu de faire droit à la demande de provision des sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance au regard de la solution retenue par la cour.

Sur la procédure abusive

M. [J] et les sociétés MAPAD sollicitent la condamnation solidaire des sociétés Next Conseil et Louis 1er Finance à la somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts au titre d'une procédure abusive.

Au regard de la solution retenue par la cour, il n'ya pas lieu de faire droit à cette demande.

Sur la restitution des montants payés au titre de l'exécution du jugement entrepris

M. [J] et les sociétés MAPAD sollicitent la restitution, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, des versements effectués en exécution du jugement entrepris.

Cette demande est sans objet le présent arrêt valant titre exécutoire.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.

M. [J] et les sociétés MAPAD seront in solidum condamnées aux dépens d'appel dont distraction.

Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 19 janvier 2022 sauf en ce qu'il a condamné solidairement M. [L] [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding à payer à la société Next Conseil et la SAS Louis 1er Finance la somme en principal de 425.000€, à titre de dommages et intérêts,

Statuant de nouveau,

Condamne, in solidum, M. [L] [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding à payer à la société Next Conseil et la SAS Louis 1er Finance la somme en principal de 75.000 €, à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Condamne, in solidum, M. [L] [J], la SAS MAPAD Santé et la SARL MAPAD Holding aux dépens d'appel dont distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes.