Cass. 3e civ., 4 avril 2024, n° 22-21.132
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Vernimmen
Avocat général :
M. Brun
Avocats :
Me Balat, Me Carbonnier
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis,17 juin 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 5 novembre 2020, pourvoi n° 19-10.101), Mme [U] [F] a, après expertise judiciaire, assigné M. [K] en mise en conformité d'une part, de sa maison avec les règles de hauteur prévues par le plan local d'urbanisme, d'autre part, de ses plantations avec les règles de distance ainsi qu'en indemnisation de son préjudice de jouissance.
Moyens
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. [K] fait grief à l'arrêt de le condamner à mettre sa construction en conformité avec les prescriptions du permis de construire accordé le 18 juin 2015 en réduisant la hauteur du faîtage et de l'égout de la façade ouest à partir du sol naturel et de le condamner à payer à Mme [U] [F] une certaine somme à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, alors :
« 1°/ que les juges du fond doivent rechercher concrètement, d'après les circonstances particulières de l'espèce dont il leur appartient de faire état, si les sanctions qu'ils prononcent ne sont pas disproportionnées ; qu'en ordonnant, au titre d'une non-conformité de la construction par rapport aux prescriptions du permis de construire modificatif, la réduction de la hauteur du faitage du chalet de M. [K] à concurrence de 70 centimètres, sans prendre en considération l'existence de la marge d'erreur évoquée par l'expert [I] dans son rapport avant de se prononcer sur le point de savoir si la non-conformité de la construction litigieuse au regard du permis de construire modificatif du 18 juin 2015 était minime ou, à l'inverse, significative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des anciens articles 1143 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicables au présent litige, ensemble le principe de proportionnalité ;
2°/ que les juges du fond doivent rechercher concrètement, d'après les circonstances particulières de l'espèce dont il leur appartient de faire état, si les sanctions qu'ils prononcent ne sont pas disproportionnées ; qu'en ordonnant, au titre d'une non-conformité de la construction par rapport aux prescriptions du permis de construire modificatif, la réduction de la hauteur du faitage du chalet de M. [K] à concurrence de 70 centimètres, sans se fonder sur aucune évaluation du prix des travaux qu'une telle mesure implique, et qui est considérable, la cour d'appel, qui a prononcé sans s'en expliquer une sanction disproportionnée à la non-conformité qu'elle relevait, a violé les anciens articles 1143 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicables au présent litige, ensemble le principe de proportionnalité. »
Motivation
Réponse de la Cour
3. En application de l'article 1382, devenu 1240, du code civil et du principe de la réparation intégrale, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, de sorte que la victime doit être indemnisée sans perte ni profit.
4. Il en résulte que le juge du fond, statuant en matière extra-contractuelle, ne peut apprécier la réparation due à la victime au regard du caractère disproportionné de son coût pour le responsable du dommage.
5. La cour d'appel a exactement énoncé que la demande de démolition ne pouvait prospérer qu'à condition d'établir que la construction édifiée en violation des prescriptions du permis de construire avait causé un préjudice direct au voisin.
6. En premier lieu, après avoir précisé que les résultats obtenus par l'expert judiciaire pour déterminer la hauteur du bâtiment avaient été corrigés à la baisse pour prendre en compte une marge d'erreur, elle a constaté que les hauteurs du faîtage et de l'égout en façade ouest excédaient celles prescrites par les permis de construire délivrés les 15 juin 2015 et 30 avril 2018.
7. En second lieu, elle a relevé que la construction réalisée par M. [K] privait sa voisine d'une grande partie de la vue panoramique sur la côte et le littoral ouest, limitait l'ensoleillement dont elle bénéficiait et réduisait la luminosité de l'une des pièces à vivre de sa maison.
8. Ayant ainsi caractérisé un préjudice résultant directement de la non-conformité de la construction aux prescriptions d'un permis de construire, la cour d'appel a pu en déduire que la démolition de la construction dans les limites des prescriptions du permis de construire modificatif devait être ordonnée.
9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.