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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. civ., 14 décembre 2023, n° 19/02955

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ASPAN (SAS), Capital Développent (SAS), Stratfin (SAS)

Défendeur :

Philogeris les Acacias (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sainati

Conseillers :

M. Carlier, Mme Wattraint

Avocats :

Me Argellies, Me Apollis, SCP Bez, Durand, Deloup, Gayet

TGI Béziers, du 15 avr. 2019, n° 15/0205…

15 avril 2019

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Stratfin était actionnaire de la SARL Les Acacias et exploitait un EHPAD au sein de la copropriété Les Acacias située [Adresse 4], dans des locaux appartenant aux sociétés Aspan et Capital Développement.

Par contrat intitulé 'accord d'investissement et promesse de vente' du 19 juillet 2012, la SAS Philogeris Sud Ouest a conclu avec la SAS Stratfin un protocole d'accord portant sur l'acquisition et la prise de direction de cet EHPAD, prévoyant :

- une augmentation du capital de la SARL Les Acacias,

- la cession par la SAS Stratfin de ses parts dans la SARL Les Acacias à la SAS Philogeris Sud Ouest,

- l'achat futur par la SAS Philogeris Sud Ouest des immeubles de la copropriété constituant l'EHPAD.

Suite à l'augmentation du capital de la SARL Les Acacias et la cession des parts sociales à la SAS Philogeris Sud Ouest, cette dernière est devenue la SAS Philogeris Les Acacias, en charge de la gestion de l'EHPAD.

Par courrier du 27 mars 2015, la SAS Stratfin mettait en demeure la SAS Philogeris Les Acacias d'exécuter le contrat du 19 juillet 2012 en procédant à l'achat des immeubles de l'EHPAD.

Par acte du 2 juillet 2015, la SAS Stratfin, la SAS Aspan et la SAS Capital Développement ont fait assigner la SAS Philogeris Les Acacias devant le tribunal de grande instance de Béziers en exécution forcée de la vente.

Sont intervenues à l'instance la SELARL Cid et Associés et Me [P], respectivement administrateur judiciaire et mandataire judiciaire dans la procédure de redressement de la SAS Capital Développement, prononcée par jugement du 25 octobre 2016.

Par jugement contradictoire du 15 avril 2019, le tribunal de grande instance de Béziers a notamment :

- dit que les demandes de la SAS Capital Développement et de la SAS Aspan sont recevables ;

- débouté les demanderesses de leur demande en exécution forcée de la vente ;

- condamné solidairement la SAS Stratfin, la SAS Aspan et la SAS Capital Développement à payer à la SAS Philogeris Les Acacias la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement la SAS Stratfin, la SAS Aspan et la SAS Capital Développement aux dépens.

Par déclaration au greffe du 29 avril 2019, la SAS Stratfin, la SAS Aspan et la SAS Capital Développement ont relevé appel de ce jugement, l'acte d'appel précisant les chefs de jugement critiqués.

Par conclusions enregistrées au greffe le 24 janvier 2020, la SAS Stratfin, la SAS Aspan et la SAS Capital Développement sollicitent l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demandent à la cour, statuant à nouveau, de :

- juger que la SAS Philogeris Les Acacias s'est engagée en vertu du

protocole du 19 juillet 2012 à acquérir les lots leur appartenant,

- dire que l'arrêt à intervenir vaudra vente des lots suivants situés [Adresse 4] :

* les lots de copropriété n° 8, 9, 10 et 11 auprès de la SAS Capital Développement pour un prix de 50 000 euros HT,

* le lot de copropriété n°72 auprès de la SAS Aspan pour un prix de 90 000 euros HT.

A titre subsidiaire, les appelantes demandent à la cour de juger que le prix de vente de ces lots immobiliers doit être fixé à dire d'expert, par application de l'article 1592 du code civil, et, statuant avant dire droit :

- dans l'attente de la 'xation du prix, transférer à compter de la signi'cation de l'arrêt, à la sociéte Philogeris Les Acacias les risques des immeubles qu'elle doit acquérir et dans lesquels est exploité l'EHPAD Les Acacias par la société Les Acacias,

- condamner la société Philogeris Les Acacias à payer une provision de 25 000 euros HT à la société Capital Développement et de 45 000 euros HT a la société Aspan à valoir sur les prix de vente,

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

* évaluer le prix des lots de copropriété n° 8, 9, 10, 11 et du lot n°72, en donner une évaluation selon qu'ils sont occupés ou libres,

* dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile et qu'il devra notamment :

* convoquer les parties, les entendre en leurs dires et explications et recevoir leurs observations,

* se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

* adresser aux parties, aux termes de ses opérations, un document dc synthèse et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations en 'xant la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse et en rappelant qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai,

* déposer l'original de son rapport au greffe de la cour d'appel de Montpellier avant la date qu'il plaira au tribunal de 'xer, sauf prorogation de ce délai,

* dire que l'expert pourra, en cas de nécessité, s'adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans la limite de la mission fixée et après en avoir avisé les parties,

* dire qu'en cas de dif'culté, l'expert saisira le juge chargé du contrôle de la mesure qui aura été désigné,

* fixer la provision à consigner au greffe à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par l'arrêt avant dire droit à intervenir,

* dire que la mesure d'instruction à intervenir sera assortie de l'exécution provisoire.

A titre infiniment subsidiaire, elles demandent à la cour de condamner la SAS Philogeris Les Acacias à payer à titre de perte

de chance :

- la somme de 80 000 euros à la SAS Aspan,

- la somme de 40 000 euros à la SAS Capital Développement.

Elles sollicitent également la condamnation de la SAS Philogeris Les Acacias à payer la somme de 104 500 euros à la SAS Stratfin en réparation du préjudice résultant de l'obligation de négocier de bonne foi.

Elles demandent en outre de condamner la SAS Philogeris Les Acacias aux entiers dépens, et à payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de chaque appelante.

Par conclusions enregistrées au greffe le 24 octobre 2019, la SAS Philogeris Les Acacias sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de débouter les appelantes de leurs demandes, fins et prétentions, tenant la nullité de la promesse unilatérale de vente conclue entre les parties en raison de la violation des dispositions de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965.

A titre très subsidiaire, elle demande à la cour de débouter les appelantes de leurs demandes, fins et prétentions et de juger que si le bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente n'a pas pu lever l'option, c'est du fait du comportement de la SAS Stratfin.

A titre encore plus subsidiaire, elle demande à la cour de débouter les appelantes de leurs demandes, fins et prétentions, et de juger que ces dernières n'ont subi aucun préjudice.

Elle demande en outre la condamnation solidaire de la SAS Stratfin, la SAS Aspan et la SAS Capital Développement aux entiers dépens, et à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 26 septembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

Motivation

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

Les appelantes soutiennent que la SAS Philogeris Les Acacias serait irrecevable en ses demandes puisque, se contredisant dans ses demandes, elle aurait fait valoir l'existence d'une promesse immobilière dans de précédentes conclusions alors même qu'elle conteste l'existence d'une telle promesse dans la présente procédure.

Ainsi que parfaitement jugé en première instance, la SAS Philogeris conclut pour l'essentiel au débouté de la demande en exécution forcée et, dès lors, il ne peut dans ce cadre lui être utilement reproché de contester l'existence d'une promesse de vente, même si, par le passé, elle a pu se plaindre de ce que les appelantes ne réalisaient pas la promesse convenue.

Le jugement sera confirmé.

Sur la demande d'exécution forcée

Le premier juge, au visa des articles 1129 ancien et 1591 ancien du code civil, relevant que le contrat du 19 juillet 2012 obligeant la SAS Philogeris à acheter les biens immobiliers (lots de copropriété) ne comportait aucune stipulation de prix, a rejeté la demande en exécution forcée de la vente.

Les sociétés appelantes contestent cette analyse. Pour elles, le protocole conclu entre les parties érige l'acquisition des lots de copropriété en condition essentielle de l'achat des titres de la société d'exploitation, et les parties ont sans équivoque entendu que si la SAS Philogeris faisait l'acquisition de la société d'exploitation, elle devait alors acquérir de manière indissociable les lots de copropriété. Elles rappellent à cet égard les dispositions de l'article 13.5 dudit protocole selon lesquelles 'de convention expresse, et à titre de condition impulsive et déterminante, les parties conviennent que la promesse, les opérations préalables et les opérations visées à la promesse immobilière sont des opérations indivisibles, qui se servent réciproquement de cause et d'objet'. Elles soutiennent que les parties étaient d'accord sur le prix de la promesse à la signature du protocole, raison pour laquelle elles se sont fermement engagées à signer la promesse immobilière (le prix des lots convenu à la signature du protocole et figurant dans le projet de promesse a fait l'objet d'échanges entre les notaires et n'a jamais été remis en cause (soit 50 000 euros pour les lots 8, 9, 10 et 11 détenus par la SAS Capital Développement et 90 000 euros pour le lot 72 détenu par la SAS Aspan).

Pour la SAS Philogeris, en revanche, s'il existait bien un accord de principe pour la négociation ultérieure d'une promesse unilatérale de vente immobilière, le protocole ne prévoit pour autant pas que la levée d'option pour l'achat des titres constituerait une cause de mutation d'une promesse unilatérale de vente en promesse synallagmatique (et ce d'autant moins que les parties ont convenu d'un prix et des modalités de cession pour les titres mais pas pour les biens immobiliers). Elle fait valoir que si les 2 premiers volets de l'opération (à savoir l'augmentation du capital et la cession des titres) constituaient bien des 'opérations indivisibles' au sens de l'article 13.5 du protocole, le 3ème volet tenant à la vente des lots ne constituait quant à lui qu'un accord de principe dans lequel les parties se sont engagées à une obligation de moyens pour parvenir

à la signature d'une promesse immobilière, sans que cela ne puisse être interprété comme un engagement ferme et définitif à acquérir ces lots non précisément définis et non valorisés.Selon elle, c'est le comportement déloyal de la SAS Stratfin, son manque de diligence et les subterfuges employés qui l'ont décidée à mettre fin aux négociations. La SAS Stratfin n'aurait pas répondu à certaines demandes tenant aux aspects immobiliers de l'opération, (aurait entretenu des doutes sur l'existence d'une assurance dommages-ouvrage, n'aurait pas été en capacité d'établir la liste des entreprises ayant participé aux travaux ...). Pour elle, le prix de vente n'est ni déterminé ni déterminable.

Il est constant que l'acte signé entre les parties le 19 juillet 2012 dénommé 'accord d'investissement et promesse de vente' ayant pour objet l'acquisition et la prise de direction d'un établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) situé à [Localité 8] au sein de la propriété 'Les Acacias' prévoyait trois opérations : une augmentation de capital de la SARL Acacias gérant l'EHPAD, la cession par la SAS Strafin de ses parts de la SARL Acacias à la SAS Philogeris Sud Ouest et l'achat par cette dernière des immeubles de la copropriété formant l'EHPAD.

L'article 13 de l'accord, intitulé 'entièreté et indivisibilité du protocole' stipule que 'de convention expresse, et à titre de condition impulsive et déterminante, les parties conviennent que la promesse, les opérations préalables et les opérations visées à la promesse immobilière sont des opérations indivisibles, qui se servent réciproquement de cause et d'objet'. Ainsi, les parties ont clairement eu l'intention, lors de la signature de l'acte du 19 juillet 2012, de signer une promesse de vente des biens immobiliers au sein desquels est exercée l'exploitation de l'EHPAD (les lots 8 à 11 et le lot 72).

Or, si les deux premières opérations (augmentation de capital et cession de parts) ont été réalisées, l'achat des locaux par la SAS Philogeris Les Acacias, qui devait intervenir initialement au jour de l'augmentation de capital, a été prorogée au 28 février 2013 puis au 28 février 2014, mais la négociation a perduré de fait au delà de cette date.

S'agissant de la chose vendue, en dépit de quelques errements s'agissant du lot 72 (pièce 15 des appelantes), cette dernière est clairement définie par les parties comme étant constituée des lots 8 à 11 et 72.

S'agissant du prix, ce dernier n'est pas déterminé par le contrat du 19 juillet 2012 qui n'évoque que le prix des titres à céder. Par la suite, les projets d'actes établis par le notaire des appelantes (et qui sont restés à l'état de projets) mentionnent un prix d'achat, alors que, dans les correspondances entre notaires, ce sujet n'est pas directement abordé, les discussions portant sur des malfaçons et désordres qui affecteraient la résidence. Pour autant, et alors qu'elle n'avait jamais expressément consenti au prix proposé par les appelantes et que les pourparlers étaient toujours en cours, l'intimée a clairement fait savoir, par courrier en date du 30 mars 2015 (pièce 18 des appelantes) qu'elle émettait toutes réserves quant au prix proposé. Aucun accord sur le prix n'est donc intervenu entre les parties.

Dans ces conditions, le protocole du 19 juillet 2012 ne constitue, s'agissant de la vente des biens immobiliers, qu'un acte préparatoire à la vente et non une promesse de vente. Il ne peut dès lors donner lieu à une exécution forcée.

Le jugement sera confirmé.

Sur la demande indemnitaire

Le tribunal a débouté la SAS Aspan, la SAS Capital Développement et la SAS Stratfin de leur demande de dommages et intérêts en l'absence de preuve d'une faute de la SAS Philogeris Les Acacias et d'un préjudice subi.

Las appelantes soutiennent au contraire que la SAS Philogeris a manqué à son obligation contractuelle de négocier de bonne foi et a exécuté le protocole de manière déloyale, leur occasionnant ainsi un préjudice, la cession des lots à un tiers étant inenvisageable du fait de l'indivisibilité de l'opération.

L'intimée fait quant à elle valoir que, de bonne foi, elle a toujours cherché à obtenir les informations nécessaires pour parvenir à la signature de la promesse de vente et que le manque de diligences de la société Stratfin l'a par la suite conduite à mettre fin à toute relation contractuelle.

Le protocole du 7 juillet 2012 énonce dans son préambule que la promesse immobilière constitue une condition essentielle de l'achat des titres par le bénéficiaire, l'article 13 dudit protocole précisant

le caractère indivisible des trois opérations convenues. Ainsi, la volonté commune des parties, aux termes du protocole du 7 juillet 2012, était manifestement de poursuivre de bonne foi la négociation d'une vente immobilière devant compléter l'augmentation de capital avec transfert de gouvernance et la cession des titres au profit de la SAS Philogeris.

Dans ces conditions, les parties avaient l'obligation de négocier une cession des lots immobiliers 8 à 11 et 72, le report à plusieurs reprises de la date de signature de la promesse ne modifiant pas la réalité de l'obligation de négocier incombant clairement aux parties, lesquelles, d'ailleurs ont continué les pourparlers au delà de la date butoir convenue.

S'agissant des pourparlers en cours visant essentiellement à définir la chose et le prix dans le cadre de la vente à intervenir, si l'analyse des pièces du dossier (pièces 2, 3, 9 et 10 des appelantes) laisse apparaître un certain flou concernant les éléments essentiels du contrat à venir, pour autant cet état de fait n'apparaît imputable exclusivement à aucun des cocontractants, la SAS Philogeris posant des questions particulièrement vagues 'demande de 'documenter rapidement les sujets immobiliers' ou 'tu as missionné ton notaire '' (pièces 9 et 10 des appelantes), et la société Stratfin tardant à y répondre, voire n'y répondant pas du tout.

S'agissant de l'acquisition d'un des actifs sans l'accord de la SAS Philogeris, elle n'est établie par aucune des pièces du dossier.

S'agissant du doute sur l'existence d'une assurance dommages-ouvrages, ledit doute a été levé par la communication de l'attestation d'assurance le 13 février 2015 (pièce 15 des appelantes).

S'agissant enfin de la liste des entreprises ayant participé aux travaux, il s'agit d'éléments ne remettant pas en cause l'économie générale du contrat projeté.

Dans ces conditions, la SAS Philogeris ne justifie d'aucun manquement imputable à la société Stratfin de nature à justifier l'interruption des négociations les 19 janvier et 20 février 2015 (pièce 20 des appelantes).

Par ailleurs, si les appelantes ont proposé un prix (via les projets d'acte), la SAS Philogeris quant à elle n'a jamais formulé de proposition, se contentant de refuser le prix proposé par son co-contractant (pièce 18 des appelantes).

En refusant de poursuivre une négociation avec leur cocontractante afin de parvenir à la conclusion et à la réalisation de la promesse de vente immobilière, la SAS Philogeris a manqué à son obligation de bonne foi.

Sur les préjudices

le préjudice des sociétés Aspan et Capital Development

Les sociétés Aspan et Capital Développement invoquent un préjudice de perte de chance de vendre les lots 8 à 11 et 72 de la copropriété abritant l'exploitation, s'agissant de locaux dans lesquels est exploité l'EHPAD.

La description des lots résultant des compromis de vente établis par le notaire de la société Stratfin révèle que les lots concernés correspondent à un séjour, une salle à manger, une buanderie, une cuisine, une réserve, une chambre froide, un cellier, quatre bureaux et une chambre avec salle de bains (pièces 12 et 15 des appelantes).

Ils sont indissociablement liés avec l'exploitation de l'EHPAD reprise par la SAS Philogeris, de sorte que, du fait de l'absence de vente à la SAS Philogeris, leur valeur marchande se trouve affectée et leur cession à un tiers non exploitant est rendue particulièrement difficile. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'économie du protocole reposait sur l'indivision des trois opérations projetées.

Dans ces conditions, les sociétés Aspan et Capital Développement ont subi une perte de chance certaine de vendre les lots 8 à 11 et 72.

Le préjudice de perte de chance doit s'apprécier au vu de la valeur vénale desdits lots, en tenant compte des loyers perçus.

Or, les éléments actuels du dossier ne permettent pas d'apporter une telle appréciation, les sommes évoquées par les appelantes résultant du prix projeté par elle et qui n'avait pas reçu l'accord de la SAS Philogeris.

Dans ces conditions, une mesure d'expertise judiciaire sera ordonnée.

Sur le préjudice de la société Stratfin

La société Stratfin, qui affirme avoir subi un préjudice du fait de la dissociation d'une des trois opérations prévues au protocole du 19 juillet 2012, ne démontre pas, au vu des pièces versées aux débats, la réalité du préjudice invoqué.

Le jugement sera dès lors confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Eu égard à l'issue du litige, le jugement sera confirmé.

Eu égard à l'expertise en cours, il sera sursis à statuer sur les frais irrépétibles non compris dans les dépens et les dépens d'appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Béziers le 15 avril 2019, sauf en ce qu'il a débouté la SAS Capital Developpement et la SAS Aspan de leur demande indemnitaire ;

Statuant du chef infirmé,

Dit que la SAS Capital Developpement et la SAS Aspan sont fondées à demander une indemnisation au titre de la perte de chance de vendre les lots de copropriété 8 à 11 et 72 sis sur l'ensemble immobilier situé à [Adresse 4] et cadastré section [Cadastre 6] et section [Cadastre 5] ;

Ordonne, avant dire droit, une mesure d'expertise et commet pour y procéder :

[B] [T]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Tél : [XXXXXXXX01] Mèl : [Courriel 7]

qui aura pour mission de :

- visiter et décrire les locaux, à savoir les lots de copropriété 8 à 11 et 72 sis sur l'ensemble immobilier situé à [Adresse 4] et cadastré section [Cadastre 6] et section [Cadastre 5] et dire si l'exploitation de l'EHPAD Les Acacias se limite ou non à ces lots ;

- se faire remettre les titres de propriété, documents fiscaux, titre d'occupation des immeubles, et synthèse des charges de copropriété,

- rechercher tous éléments de comparaison dans l'agglomération montpelliéraine,

- évaluer la valeur vénale de l'immeuble ainsi occupé d'une part, et libre de toute occupation d'autre part,

- se faire remettre tous documents utiles,

- dit que cette expertise sera réalisée conformément aux articles 232 à 248 et 263 à 284 du code civil ;

MODALITES TECHNIQUES

L'expert doit, dès sa saisine, adresser au greffe de la juridiction l'acceptation de sa mission et un engagement d'impartialité. Tout refus ou tout motif d'empêchement devra faire l'objet d'un courrier circonstancié, adressé dans les 8 jours de sa saisine.

L'expert doit procéder à la première réunion dans un délai maximum de 45 jours, à charge pour les parties de lui adresser spontanément leurs pièces et conclusions. Pour les dossiers complexes, et obligatoirement en matière de construction, patrimoniale ou comptable, l'expert adressera à son issue au juge chargé de la surveillance des expertises, Président de la troisème chambre civile de la Cour d'appel de Montpellier, une fiche récapitulative établie et adressée en la forme simplifiée, reprenant tous les points ci-dessous visés, en vue d'assurer un déroulement efficace de ses opérations.

Les parties sont invitées à adresser, spontanément et dans les délais les plus brefs, et dès avant la première réunion, à l'expert les pièces répertoriées suivant bordereau d'accompagnement

Ordonne par ailleurs en tant que de besoin la communication de renseignements et le versement de toutes pièces utiles à l'expertise judiciaire, détenus par des tiers ou organismes de gestion, et notamment en application de l'article L 143 du livre des procédures fiscales.

Fixe à l'expert un délai maximum de NEUF MOIS à compter de sa saisine (date figurant sur l'avis de consignation du greffe) pour déposer son rapport accompagné seulement des pièces complémentaires recueillis par ses soins ou auprès de tiers, sauf prorogation accordée.

Ordonne à SAS Capital Developpement et la SAS Aspan de consigner à la régie de la cour d'appel une somme de 5 000 euros dans le mois de l'avis d'appel de consignation notifié par le greffe sous peine de caducité de la présente désignation conformément à l'article 271 du code de procédure civile. Il est rappelé que l'avance des frais ne préjuge pas de la charge finale du coût de l'expertise qui peut incomber à l'une ou l'autre des parties en la cause.

L'expert, dès sa saisine, précisera sans délai aux parties le calendrier de ses opérations, le coût prévisible de sa mission sous réserve de l'évolution de celle-ci et de la décision finale du juge taxateur. Il devra au fur et à mesure de sa mission solliciter les provisions nécessaires à fin que celles-ci soient le plus proche possible du coût final.

L'expert devra procéder dans le respect absolu du principe du contradictoire, établir un inventaire des pièces introduites entre ses mains ainsi que des documents utilisés dans le cadre de sa mission et répondre aux dires que les parties lui communiqueront en cours d'expertise ou avant le dépôt du rapport final, dans le cadre du pré-rapport qu'il établira de façon systématique, éventuellement en la forme dématérialisée pour éviter un surcoût, en rappelant aux parties qu'elles sont irrecevables à faire valoir des observations au-delà du délai fixé.

Rappelle que, selon les nouvelles modalités de l'article 276 du code de procédure civile : 'Lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas, il en fait rapport au juge. Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties. L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite donnée aux observations ou réclamations présentées'.

L'expert devra vérifier le contenu de sa mission, la qualité des parties et des intervenants aux opérations. Le magistrat chargé du contrôle des expertises sera notamment informé de toutes difficultés affectant le bon déroulement de la mesure. Il accordera, à titre exceptionnel, toute prorogation du délai imparti sur demande motivée de l'expert. Le magistrat fixera, s'il y a lieu, toute provision complémentaire. Il sera saisi de toute demande particulière conditionnant, au niveau matériel ou financier, la poursuite de l'expertise. Il décidera aussi, saisi sur incident et après note spéciale de l'expert, de l'exécution de travaux urgents, au besoin pour le compte de qui il appartiendra.

Autorise l'expert, en vertu de l'article 278 du code de procédure civile, à s'adjoindre tout technicien ou homme de l'art, distinct de sa spécialité.

Dans le but de limiter les frais d'expertise, les parties sont invitées, pour leurs échanges contradictoires avec l'expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure, à utiliser la voie dématérialisée via l'outil OPALEXE. Cette utilisation se fera dans le cadre déterminé par le site http://www.certeurope.fr et sous réserve de l'accord exprès et préalable de l'ensemble des parties ;

Renvoie la cause et les parties à la mise en état ;

Réserve les dépens d'appel et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.