CA Montpellier, 2e ch., 8 octobre 2019, n° 16/08877
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Aéroport de Montpellier Méditerranée (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bourdon
Conseillers :
Mme Rochette, M. Graffin
Par délibération du 29 juin 2009, le conseil de surveillance de la société Aéroport de Montpellier Méditerranée a conféré à M. R. la qualité de président du directoire de la société aéroportuaire pour la durée de son mandat de membre du Directoire, fixée à cinq ans par l'article 14 des statuts et prenant fin à l'issue de l'assemblée générale ordinaire appelée à statuer sur les comptes de l'exercice clos le 31.12.2013.
Le 29 avril 2010, M. R. et la société Aéroport de Montpellier Méditerranée ont signé un contrat de mandat rémunéré de président du directoire.
Lors de sa réunion du 12 juin 2014, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires a modifié l'article 14 des statuts afin de porter à 5 ans et 9 mois la durée du mandat des membres du directoire et à cette même date, le conseil de surveillance a adopté une résolution identique en envisageant la nomination d'un nouveau Président du Directoire et le départ de M .R. au terme de son mandat survenu le 31 mars 2015
Par courrier du 1er avril 2015, l'intéressé écrivait aux membres du conseil de surveillance pour les informer de sa prétention à l'allocation d'une indemnité de départ.
N'ayant obtenu aucune réponse, il mettait en demeure la société aéroportuaire le 8 janvier 2016 d'avoir à régler sous quinzaine, l'indemnité de départ contractuellement due, d'un montant de 355 521,81 euros outre les intérêts et les frais.
Par exploit du 4 février 2016, M.R. a fait assigner la société Aéroport de Montpellier Méditerranée devant le tribunal de commerce de Montpellier en vue d'obtenir le paiement de cette somme et l'allocation de dommages et intérêts.
Le tribunal, par jugement du 7 décembre 2016, a :
- débouté M. R. de sa demande en paiement d'une indemnité de 398'022,70 euros et de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions,
- condamné M. R. à payer à la société Aéroport de Montpellier Méditerranée la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
M. R. a régulièrement relevé appel, le 21 décembre 2016, de ce jugement en vue de son infirmation.
Il demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 9 février 2017 via le RPVA, de :
-Vu les articles 1134, 1156 et 1153 du Code civil, L. 225-42-1 du code de commerce,
- condamner la société SA Aeroport de Montpellier Méditerrannée à lui payer la somme de 398.022,70 euros assortie des intérêts de droit à compter du 8 janvier 2016, date de la première mise en demeure,
- la condamner encore à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice que lui cause la particulière mauvaise foi de la société SA Aeroport de Montpellier Méditerrannée,
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires,
- condamner la société SA Aeroport de Montpellier Méditerrannée à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens .
Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :
A titre principal,
- le contrat de mandat est un contrat ayant force obligatoire, il est clair et précis en ce qu'il prévoit l'allocation d'une indemnité en cas de départ contraint de sorte que le juge doit l'appliquer sauf à en dénaturer les termes,
- il a bien été contraint de quitter ses fonctions quand le conseil de surveillance a décidé de ne pas renouveler son mandat pour finalement désigner son adjoint ayant la même ancienneté que lui dans l'entreprise,
- ce départ contraint du fait du non renouvellement du mandat n'est pas intervenu d'un commun accord,
- le droit des sociétés confirme que le départ contraint est celui qui n'intervient pas à l'initiative du mandataire, le code Apef Medef assimile également le non renouvellement du mandat au départ contraint, le Haut Comité de Gouvernance d'Entreprise ( HCGE) constate que le départ contraint intervient du fait du non renouvellement du mandat et l'article 80 duodecies du code général des impôts(CGI) admet le versement d'une indemnité contractuelle de cessation de ses fonctions en faveur du mandataire non renouvelé,
- aucune cause d'exonération du versement de l'indemnité de départ n'est établie et "tout départ"devait donner lieu au versement d'une indemnité y compris en cas de fin de mandat à l'initiative de la société,
- il n'aurait jamais signé un contrat de mandat impliquant la démission de son précédent emploi de salarié de la chambre de commerce et d'industrie (CCI), gestionnaire antérieur de l'aéroport, s'il avait sû qu'au terme de 18 ans d'ancienneté, âgé de 61 ans et sans avoir démérité, il n'aurait eu droit à aucune indemnité,
A titre subsidiaire et tenant les règles d'interprétation des contrats,
- il ne fait pas de doute que sa démission du poste salarié précédemment occupé n'avait été donnée qu'en considération de sa nomination comme président du directoire de la SA mais également en raison de l'engagement acté dans un procès-verbal du conseil de surveillance du 30 mars 2010 de lui accorder les avantages habituellement accordés aux mandataires sociaux,
- les précisions données à l'article 6 du contrat de mandat quant à l'allocation de fin de carrière et celle allouée en cas de départ à la retraite ou d'atteinte de la limite d'âge reviennent à dire que toute autre fin de mandat ouvre droit à l'indemnité visée à l'article 1.3 sauf faute grave.
La société Aéroport de Montpellier Méditerranée sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 28 février 2017 :
- confirmer en son entier le jugement déféré,
- à titre subsidiaire, allouer à M.R. la somme de 274' 676,49 euros
- le condamner à lui verser la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle expose en substance que :
- les articles L.225-59, L. 225'62 et L. 225'61 du code de commerce permettent de faire la distinction entre la situation qui découle de l'arrivée du terme de celle résultant de la révocation,
- l'hypothèse d'une indemnisation n'est envisagée qu'en cas de révocation sans juste motif et la loi privilégie le principe de révocabilité ad nutum du président du directoire, sans préjudice pour les parties de stipuler le principe d'une indemnisation à la condition que son montant ne dissuade pas la société de décider la révocation du président,
- la jurisprudence rendue au visa de l'article 80 duodecies du CGI estime que le non renouvellement du mandat ne constitue pas un cas de cessation forcée en vertu du principe de la libre révocation du président du directoire et de l'absence de droit acquis au renouvellement de son mandat à échéance,
- la clause invoquée par M. R., dérogatoire au principe de révocation ad nutum, doit être interprétée strictement en ce que:
' le contrat ne prévoit pas l'hypothèse du non renouvellement du mandat mais seulement celle du départ contraint envisagé sous deux seules hypothèses à savoir : celle qui exclut toute indemnité ( démission, faute grave ou atteinte de la limite d'âge) et celle qui ouvre un droit à cette indemnité "pour toute autre cause que ce soit" c'est à dire l'hypothèse de la révocation pour juste motif
' le non renouvellement du mandat ne s'assimile pas à un départ contraint induisant qu'il intervienne pendant la durée du mandat
- la loi Tepa n'a pas fixé d'indemnité en cas de départ lié à un non renouvellement du mandat, le code Afep/Medef ne stipule pas que le non renouvellement de mandat serait un départ contraint et ne s'applique même pas au cas d'espèce puisque les statuts n'ont pas entendu s'y référer de sorte que le rapport d'activité HCGE n'a aucune valeur et la pratique des autres entreprises ne concerne pas le litige,
- l'assemblée générale après autorisation du conseil de surveillance du 30 mars 2010 n'a jamais approuvé le versement d'une indemnité en cas de non renouvellement du mandat
- la commune intention des parties n'a pas à être recherchée car la clause invoquée par la partie adverse est claire en ce qu'elle n'a pas entendu conférer un droit à indemnité dans l'hypothèse d'un non renouvellement, ce que M. R. ne pouvait ignorer de par ses fonctions ,
- en l'absence de tout droit à indemnité, le conseil de surveillance avait envisagé un dispositif d'accompagnement que l'intéressé avait refusé,
- la règle de l'interprétation des contrats en cas de doute -au demeurant inexistant- sur la définition de "départ contraint" ne pourrait jouer qu'en sa faveur en l'état de la protection recherchée par le législateur au travers de la procédure des conventions réglementées s'appliquant à tout engagement pris au bénéfice du président du Directoire,
- l'indemnité ne saurait, si elle était accordée, excéder la rémunération nette sur 24 mois sans application des dispositions de l'article 1239-4 du code du travail.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'affaire a fait l'objet d'un avis de fixation en date du 19 avril 2019 au visa de l'article 912 du code de procédure civile et disant que la clôture de l'instruction interviendra le mardi 13 août 2019.
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes de l'article L.225-59 alinéa 1er du code de commerce 'Les membres du directoire sont nommés par le conseil de surveillance qui confère à l'un d'eux la qualité de président'.
L'article L. 225-62 du même code prévoit que 'les statuts déterminent la durée du mandat du directoire dans les limites comprises entre deux et six ans. À défaut de disposition statutaire, la durée du mandat est de quatre ans'.
Les statuts de la société Aéroport de Montpellier Méditerranée prévoient que les membres de son directoire sont nommés pour une durée de cinq ans et neuf mois et qu'ils sont rééligibles. Ils ne contiennent pas de disposition plus restrictive quant à la durée des fonctions du président du directoire et il n'est discuté que la durée du mandat de Président du directoire est celle des membres du directoire de sorte que l'arrivée de son terme se situe au 31 mars 2015.
L'article 1.3 du contrat de mandat rémunéré, signé le 29 avril 2010 prévoit : 'En cas de départ contraint de M. Cyril R. de sa fonction de président du directoire pour quelque cause que ce soit, hormis le cas de démission de sa part, de faute grave au sens du droit du travail, ou d'atteinte de la limite d'âge, il lui sera versé une indemnité de départ égale à la somme des 24 derniers mois de sa rémunération ».
Le refus de renouveller le mandat arrivé à son terme ne s'analyse jamais comme une révocation. Il ne peut davantage s'analyser comme un départ contraint dans la mesure où les parties avaient expressément convenu que le mandat social du président du directoire prendrait fin notamment, dans les conditions prévues par les statuts de la S.A. Ainsi le départ de M. R. ne résulte que de l'arrivée du terme convenu au jour de la signature du mandat.
Ni les statuts ni le contrat de mandat ne prévoient un droit au renouvellement du mandat et s'il est stipulé que les membres du conseil de surveillance sont rééligibles, la décision prise à cet égard par les organes sociaux conserve un caractère discrétionnaire.
Le droit à indemnité prévu par l'article 1.3 du contrat de mandat doit s'interpréter par référence aux dispositions de l'article L.225-61 alinéa 1ER ouvrant un droit à indemnité aux membres du conseil de surveillance révoqués sans juste motif. Inapplicables au président du directoire révocable ad nutum, les parties au contrat ont convenu de dispositions plus favorables visant à son indemnisation 'en cas de départ contraint quelle qu'en soit la cause' sous réserve d'exceptions tenant à la démission, la faute grave, la limite d'âge.
Aucune disposition statutaire ou contractuelle ne prévoit l'allocation d'une indemnisation pour le président du directoire arrivé au terme de son mandat et le fait de ne pas avoir visé le non-renouvellement du mandat dans ces exceptions laisse seulement conclure qu'il ne s'agissait pas dans l'esprit des rédacteurs d'un départ contraint mais la conséquence de l'accord des parties sur le terme du contrat.
Il ne résulte en effet d'aucun document que dans le cadre de la négociation du contrat de mandat et de la démission de l'intéressé de son emploi de salarié de la CCI gestionnaire de l'aéroport, il y aurait eu volonté d'indemniser M. R. en cas de non renouvellement de son mandat et la démission de son poste de salarié, en exécution des dispositions législatives applicables, ne peut à elle seule laisser présumer que l'accord des deux parties portait également sur le principe d'une indemnisation en pareille hypothèse.
Il est inexact de prétendre que dans sa délibération du 30 mars 2010, le conseil de surveillance aurait adopté le principe d'une indemnisation dans les termes prétendus par M .R. car ce document fait en réalité référence au rapport du comité des rémunérations présenté au conseil de surveillance proposant d'inclure dans le mandat de président de directoire 'un ensemble de dispositions complémentaires cohérentes avec le statut de mandataire social sans contrat de travail ainsi que cela a été fait pour les autres sociétés aéroportuaires' et notamment une indemnité de départ 'd'un montant de 24 mois de salaire en cas de départ contraint (hors cas de démission ou de faute grave ) avec les conditions d'attribution liées aux résultats de la société'.
(souligné par la cour)
Il y est fait référence au seul 'départ contraint' et non au simple 'départ'.
Il ne peut donc être soutenu que le conseil de surveillance aurait acté le principe d'une indemnisation en cas de non renouvellement du mandat et les procès-verbaux de délibérations produits ne font pas référence à un droit indemnitaire en pareille hypothèse contrairement à ce qui a pu être expressément décidé dans d'autres sociétés oeuvrant dans des domaines d'activités distincts, dont la pratique n'est cependant pas opposable à la société Aéroport de Montpellier Méditerranée, et qui explique la prise en compte de cette hypothèse dans le régime d'imposition prévu par le CGI.
Il est également inopérant d'invoquer les recommandations du code Afep Medef
dans la mesure où il n'est pas établi que la société intimée ait entendu s'y conformer. Le rapport du HCGE chargé du suivi de son application ne trouve ensuite que dans le code Afep Medf de 2013, la reconnaissance de ce que le 'départ contraint' intervient souvent par non-renouvellement du mandat, du fait de la nouvelle rédaction de l'article 25.2.5 qui autorise l'indemnisation d'un dirigeant en'cas de départ contraint, quelle que la soit la forme que revêt ce départ et lié à un changement de contrôle ou de stratégie'.
Or les statuts applicables en l'espèce ne font aucune référence à ces notions pour autoriser l'interprétation revendiquée par M.R. qui ne pourra qu'être débouté de l'ensemble de ses demandes, le jugement déféré étant confirmé dans toutes ses dispositions.
Sur les frais et les dépens
M. R. , qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à la société Aéroport de Montpellier Méditerranée une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 7 décembre 2016
Déboute M.R. de l'ensemble de ses demandes
Dit que M.R. supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à la société Aéroport de Montpellier Méditerranée une somme de 3000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.