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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 28 mars 2024, n° 23/04189

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Antegos Consulting (SAS), Arcante Académie (SAS), Eva Consulting (SAS), Groupe Arcante (SAS), Mercates Consulting (SAS)

Défendeur :

Vitis-Consulting (EURL), Negos Consulting (SAS), Negoscientia (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbot

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Soreau

Avocats :

Me Laforce, Me de Galembert, Me Roquette, Me Goedert

T. com. Lille, du 7 sept. 2023, n° 20230…

7 septembre 2023

EXPOSE DES FAITS

La société Groupe Arcante, créée en 2002, est spécialisée dans le conseil et la formation en négociation professionnelle auprès d'industriels de la grande distribution et de la grande consommation.

Les trois associés fondateurs, M. [I] [C], président, Mme [E] et M. [U] en détenaient le capital avec leurs familles respectives.

Le groupe compte quatre filiales : la société Antegos Consulting, la société Eva Consulting, la société Mercates Consulting et la société Arcante Académie.

MM. [X], [O] et [D] [C] ont été embauchés par la société Eva Consulting, respectivement les 3 juillet 2002, 5 mai 2006 et 6 février 2006, comme consultants chargés plus particulièrement de la formation des « apprenants » acheteurs et de la négociation avec les fournisseurs.

Par contrat de cession du 28 janvier 2022, réitéré le 9 février 2022, la société Arcante Developpement, représentée par la société financière [Z] Investissement, elle-même représentée par M.[R] [Z], a acquis 100 % du capital et des droits de vote de la société Groupe Arcante auprès de ses associés.

Le contrat de cession prévoyait pour M.[I] [C], une obligation de non-concurrence, non-débauchage et non-sollicitation d'une durée de cinq ans sur le territoire français.

Lors de cette cession, M. [I] [C] s'est engagé également à une obligation d'accompagnement dans le cadre d'un contrat de travail, pour assurer une transition jusqu'au 31 juillet 2023 au plus tard.

Le 30 mai 2022, M. [X] a démissionné de la société Eva Consulting.

MM. [O] et [D] [C] ont ensuite respectivement démissionné les 10 juin 2022 et 13 juin 2022.

La société Eva consulting a pris acte de leurs démissions et les a libérés de leurs obligations de non-concurrence.

Le 11 juillet 2022, M. [I] [C] a, à son tour, présenté sa démission. Son préavis de démission a été rompu pour faute lourde par la société Groupe Arcante le 6 octobre 2022.

Le 16 septembre 2022, M. [D] [C] a fait immatriculer sa société Vitis Consulting dont l'objet social est « l'exécution de prestations de conseil et de formation-prise de mandat de négociation et représentation-coaching »

Le 19 août 2022, M. [O] a fait immatriculer sa société Negoscientia dont l'objet social porte sur les « prestations de conseil et de formation non réglementée ».

Le 10 octobre 2022, M.[D] [C] et M.[O] ont, par ailleurs, fait immatriculer une société d'exploitation Negosconsulting dont ils sont associés à parts égales au travers de la holding de leurs deux sociétés Negoscientia et Vitis Consulting, l'objet social de cette société d'exploitation étant le même que celui de la société Vitis Consulting.

Le 19 octobre 2022, M.[I] [C] a fait immatriculer sa société Armonia Consultant dont l'objet est « la réalisation de prestations de conseil et accompagnement auprès des particuliers, des entreprises, des collectivités et autres organismes publics ou privés ».

Convaincue que MM. [O] et [D] [C] se livrent à des actes de concurrence déloyale, de parasitisme et de dénigrement par le biais de leurs sociétés nouvellement créées, et le font en collusion avec M. [I] [C] au mépris de son engagement de non-concurrence, la société Groupe Arcante et ses quatre sociétés filiales (les sociétés Groupe Arcante) ont été autorisées par ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Lille métropole du 6 février 2023 à réaliser des investigations et saisies aux sièges des trois sociétés nouvellement créées.

Ces mesures d'instruction ont été réalisées le 6 mars 2023 par la SCP Alain Kinget et Julien Marlière au siège des sociétés Negosconsulting et Vitisconsulting et au domicile de M. [D] [C] et par la société Atlas Justice au siège de la société Negoscientia et au domicile de M.[O].

Prétextant l'absence de tout motif légitime fondant ces mesures, la société Negoscientia, la société Negos Consulting, la société Vitis Consulting, MM. [O] et [D] [C] ont sollicité en référé devant le président du tribunal de commerce de Lille Métropole la rétractation de l'ordonnance du 6 février 2023, ce qu'ils ont obtenu par ordonnance du 7 septembre 2023.

Le 19 octobre 2023, le premier président de la cour d'appel de Douai a par ailleurs arrêté l'exécution provisoire de l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné la destruction des pièces appréhendées lors de la mesure de constat.

Par déclaration du 15 septembre 2023, les sociétés Groupe Arcante ont interjeté appel de l'ordonnance du 7 septembre 2023 sur la totalité de ses chefs.

PRETENTIONS des PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 décembre 2023, elles demandent à la cour, au visa des articles 145 et 493, 872 et 873, 122 et 910-4 du code de procédure civile et l'article R. 153-1 du Code de commerce, de :

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 7 septembre 2023 ;

- débouter les intimés de leur demande en rétractation de l'ordonnance présidentielle du 6 février 2023 et de toutes leurs demandes, fins et prétentions contraires aux présentes écritures ;

Statuant à nouveau,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 6 février 2023 ;

Subsidiairement,

- confirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 6 février 2023 ;

- écarter les mots-clés visés par l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 6 février 2023 qui apparaîtraient trop larges au regard du futur litige au fond ;

En tout état de cause,

- juger irrecevable et infondée la demande adverse en caducité de l'ordonnance du 6 février 2023 ;

- ordonner la mainlevée du séquestre des éléments appréhendés lors des opérations de constat et leur communication aux sociétés Groupe Arcante ;

- ordonner à la SCP Alain Kinget et Julien Marlière de remettre sans délai aux sociétés Groupe Arcante les éléments appréhendés lors des opérations de constat et actuellement conservés sous séquestre ;

- ordonner à la SCP Alain Kinget et Julien Marlière d'instruire la société Atlas Justice de remettre sans délai aux sociétés Groupe Arcante les éléments appréhendés lors des opérations de constat et actuellement conservés sous séquestre ;

- condamner solidairement les intimés à leur payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 décembre 2023 la société Negoscientia, la société Negos Consulting, la société Vitis Consulting, MM. [O] et [D] [C] demandent à la cour, au visa de l'article 5 du RGPD et 9 du code civil de :

rejeter des débats les pièces des appelantes n° 53 et 66,

A titre principal

débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions

confirmer les chefs querellés de l'ordonnance de référé du 7 septembre 2023.

Y ajoutant,

condamner les appelantes au paiement de la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.

A titre subsidiaire

En cas de réformation de l'ordonnance de référé rétractation du 7 septembre 2023 et de confirmation de l'ordonnance sur requête du 6 février 2023

débouter les appelantes de leurs demandes visant à voir :

- ordonner la mainlevée du séquestre des éléments appréhendés lors des opérations de constat du 6 mars 2023 au domicile de M. [D] [C]

- ordonner à la SCP Alain Kinget et Julien Marlière de leur remettre sans délai les éléments appréhendés au domicile de M. [D] [C] lors des opérations de constat du 6 mars 2023 et actuellement conservés sous séquestre

constater la caducité de l'ordonnance sur requête du 6 février 2023, en ce qu'elle vise les sociétés Negos Consulting et Vitis Consulting faute d'acte d'exécution et de procès-verbal de constat dans les 2 mois de la saisine du commissaire de justice

ordonner, dès signification de l'arrêt à intervenir, la destruction par la société Kinget et Marliere, commise par l'ordonnance sur requête du 6 février 2023 et son expert informatique, de tous les éléments recueillis à l'occasion de ses opérations diligentées le 6 mars 2023 au domicile de M. [D] [C] conservés sous séquestre comme de tout support contenant copie desdites pièces.

ordonner à la SCP Kinget Marliere, commissaires de justice, et sous le même délai de délivrer procès-verbal de destruction des éléments saisis.

ordonner la destruction de l'ensemble des pièces qui auraient été éventuellement appréhendées par les appelantes suite aux opérations menées par la SCP Kinget Marliere au domicile de M. [D] [C] le 6 mars 2023.

Plus subsidiairement,

Ordonner que les pièces appréhendées au domicile de M. [D] [C] le 6 mars 2023 par la SCP Kinget Marliere à la requête de la Société Arcante Développement demeureront séquestrées par le commissaire de justice jusqu'à l'obtention d'une décision exécutoire au fond statuant sur la validité du procès-verbal de constat et des opérations de saisie consécutives.

MOTIVATION

I- Sur la demande de rejet des pièces appelant 53 et 66 :

Les intimés demandent que soient écartés des débats les courriels interceptés sur l'ancienne adresse professionnelle de MM.[O] et [X] de janvier à avril 2023 (pièce n°53 des sociétés appelantes) et sur l'ancienne messagerie de M. [I] [C] le 21 juillet 2023 (pièce n°66 des sociétés appelantes), en application de l'article 9 du code de procédure civile et du principe de légalité de la preuve. Ils estiment en outre que ces pièces ne sont pas admissibles en considération de l'article 5 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et conformément aux préconisations de la CNIL qui recommandent à l'employeur de supprimer l'adresse nominative de l'employé une fois qu'il a quitté l'organisme et d'avertir l'employé de la date de fermeture pour lui permettre de transférer ses messages privés vers sa messagerie personnelle.

Les sociétés Groupe Arcante répliquent :

- que la CNIL n'émet que des recommandations sans caractère contraignant ;

- que l'exigence de finalité du RGPD est satisfaite puisque le maintien des adresses mail en question a pour finalité légitime de permettre à Arcante d'établir la matérialité de la concurrence déloyale qui lui est faite ;

- qu'en tout état de cause, il est de jurisprudence constante qu'un employeur peut accéder aux courriels de son salarié dès lors qu'ils ne sont pas identifiés comme personnels et qu'ils sont présumés être de nature professionnelle, aucune règle n'imposant la suppression d'une adresse de messagerie professionnelle au départ du salarié.

Réponse de la cour,

Selon les dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'article 9 du code civil édicte en outre que chacun a droit au respect de sa vie privée et que les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes les mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée.

L'article 5 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD) portant sur les principes relatifs au traitement des données à caractère personnel prévoit notamment que les données à caractère personnel doivent être :

a) traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée (licéité, loyauté, transparence) ;

b) collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d'une manière incompatible avec ces finalités.

Les messages adressés ou reçus sur une messagerie sont des données à caractère personnel au sens du RGPD, ce qui n'est pas contesté par les parties.

En l'espèce, les pièces discutées portent sur :

Pièce n° 53 appelants : 6 courriels adressés par des clients aux adresses suivantes : [Courriel 11], [Courriel 10],

Pièce n° 66 appelant : un courriel adressé par « [Courriel 9] » à « [I] [C] »

S'agissant de la pièce n° 53, il convient de constater que les courriels en cause proviennent de la boîte de messagerie professionnelle de MM. [O] et [X].

De même, la pièce n° 66 est un courriel adressé à l'adresse "[I] [C]", les intimés précisant dans leurs conclusions (p.25) qu'il s'agit bien de la messagerie professionnelle de ce dernier.

Or, il est de jurisprudence constante, y compris postérieure au RGPD, que les courriels adressés et reçus par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l'intéressé et les consulter, sauf si le salarié les identifie comme personnels (Cass soc., 3 avril 2019, pourvoi n° 17-20.953, Cass soc., 16 mai 2013, 12-11866, Cass, soc, 15 décembre 2010, n°08-42486).

En l'espèce, bien que plus de six mois après leur départ de l'entreprise, les sociétés Groupe Arcante n'aient pas procédé à la fermeture de ces boîtes, comme le recommande la CNIL notamment dans son avis produit aux débats, il ne peut lui être reproché la consultation de courriels qui n'avaient pas été estampillés 'personnels' et qui émanaient de clients du groupe dont il n'était pas démontré qu'ils avaient eu connaissance du départ des salariés de l'entreprise.

Les sociétés Groupe Arcante avaient un intérêt légitime à prendre connaissance hors la présence de MM. [O] et [X] de ces messages dont l'objet était professionnel.

Il n'apparaît pas qu'une atteinte ait été portée à la vie privée de ces derniers par la production en justice de la pièce n° 53 ci-dessus désignés.

Le message, qui concernait un séjour hôtelier n'était pas signalé comme étant "personnel", ce qui autorise l'employeur à en prendre connaissance et à le produire en justice dans le cadre d'une instance pour concurrence déloyale.

Le fait que MM. [O] et [D] [C] aient sollicité par la suite (le 31 mai 2023) la fermeture de leurs boîtes de messageries professionnelles ne retire pas à ces éléments de preuve un caractère licite et ne justifie pas d'exclure ces deux pièces des débats. Par ailleurs, il n'est pas démontré que les sociétés appelantes en ait fait un usage autre que la présente production en justice, de manière contradictoire, de sorte qu'il n'apparait pas que le RGPD ait été violé.

En conséquence ces deux pièces ne seront pas écartées des débats.

II - Sur l'appréciation de l'ordonnance de rétractation du 7 septembre 2023

Les sociétés Groupe Arcante font valoir que :

- le président du tribunal, dans son ordonnance du 7 septembre 2023, a jugé à tort le litige selon les critères des référés classiques visés aux articles 872 et 873 du code de procédure civile, alors que le juge des référés aurait dû statuer selon les seules règles de l'article 145 du même code relatives aux mesures d'instruction in futurum ; qu'en particulier l'absence de contestation sérieuse ou l'urgence ne sont pas des critères pour accorder une mesure d'instruction in futurum, mais seulement le motif légitime ;

- elles entendent initier une action au fond à l'encontre des intimées ainsi que de M. [X] et sa société JBH conseil, dont le fondement sera la concurrence déloyale et leur possible tierce complicité dans la violation par M.[I] [C] de son obligation de non-concurrence, soulignant qu'il n'y avait pas de procès en cours lors de l'introduction de la requête d'Arcante, la saisine par M.[I] [C] du conseil des prud'hommes de Tourcoing n'ayant ni les mêmes parties, ni le même objet que le futur procès envisagé.

Elles estiment en effet que MM. [O] et [D] [C] ont multiplié les attaques et reproches mensongers et calomniateurs à l'encontre de M. [Z] avant de présenter leur démission et d'immatriculer dans la foulée leurs sociétés de conseil à l'activité concurrente à celle du Groupe ; que si une telle activité concurrente n'est pas en soi répréhensible, il n'en va pas de même d'une activité concurrente dans des conditions déloyales mêlant parasitisme, plagiat et détournement de clientèle.

Elles précisent qu'en matière de concurrence déloyale, la preuve du caractère probable, et non certain, des manœuvres déloyales suffit à établir le motif légitime de l'article 145 et qu'une mesure d'instruction est justifiée lorsqu'elle permet de confirmer de simples soupçons. Elles ajoutent que les mesures sollicitées sont utiles à ce procès car elles permettront d'établir avec exhaustivité la matérialité des agissements, des actes de parasitisme, détournement de clientèle, plagiats et violation des droits d'auteurs d'Arcante, de dénigrement.

Comme indices d'une concurrence déloyale de la part des intimés, elles notent :

L'élaboration par [D] [C] de son projet concurrent, sur son temps de préavis et alors même qu'il était encore salarié d'Arcante ;

Des lacunes dans les informations fournies par MM. [O] et [D] [C] sur les clients d'Arcante qu'ils formaient après leur démission ;

La « captation » du client L'Oréal , client de la société Eva consulting, à leur profit, en commençant par détourner une mission de formation commandée par l'Oréal, ce qui constitue un préjudice immédiat de 6000 euros, puis en mettant en danger leur courant d'affaires habituel avec ce client représentant 6 % de son chiffre d'affaires annuel, soit 100 000 euros ; si les sociétés Groupe Arcante ont réussi à conserver quelques journées de formation avec L'Oréal, une partie significative de son courant d'affaires avec cette société, de l'ordre de 100 000 euros de chiffre d'affaires annuel, est menacée voire perdue (pièce n° 28) ; que L'Oréal a, le 20 janvier 2023, invité M.[O] à une session de formation, dont l'invitation est parvenue par erreur sur son ancienne messagerie électronique professionnelle à Arcante ;

- un démarchage systématique de clientèle,

Elles indiquent qu'indépendamment de L'Oréal, elles reçoivent en effet par erreur de nombreux courriels de clients à destination des salariés démissionnaires, ce qui démontre que ces derniers ont réussi à capter dans la durée de nombreux clients d'Arcante ; elles redoutent un démarchage systématique de leurs clients (pièce n° 39-53) ;

- le plagiat et la violation des droits d'auteur d'Arcante :

Elles estiment qu'à l'occasion de la formation dispensée pour L'Oréal, M.[O] a procédé à un plagiat grossier des supports appartenant à Arcante et que les intimés utilisent sciemment des supports, terminologie et méthodologie qui sont exclusivement utilisés par la société Arcante Développement et constitutifs de son savoir-faire.

Elles relèvent par exemple que les deux tiers des diapositives présentées par les intimés dans le cadre de la formation dispensée chez L'Oréal sont une reproduction servile des supports d'Arcante, la mention « copyright groupe Arcante » apparaissant sur une grande partie de ces diapositives. Elles ajoutent que la société Arcante Développement est détenteur d'un savoir-faire juridiquement protégé en tant que tel et que ses supports, qui n'appartiennent qu'à elle, sont également protégés au titre de la propriété intellectuelle.

Elles ajoutent que M. [C] a cru pouvoir autoriser M. [D] [C] à utiliser les concepts compilés dans l'ouvrage « Batisseurs d'Accords », qu'il n'a en réalité pas écrit lui-même, afin de lui permettre d'exercer une concurrence quotidienne envers elles.

Du dénigrement envers elles :

Elles notent en particulier qu'un de leurs clients, la société Artefact, anciennement suivie par M.[D] [C], a répondu à l'un de leurs salariés, M.[V], qui la contactait pour présenter ses services « aha la bonne blague (') nous restons fidèles à [D] (') bon courage (pièce n° 52) »; que seule une présentation d'Arcante par [D] [C] en des termes dénigrants a pu susciter une réaction aussi méprisante, surtout dans le cadre d'un échange commercial dont le ton aurait dû être courtois.

Par ailleurs, elles soupçonnent les intimés d'agir en collusion avec M. [I] [C] afin de lui permettre de contourner sa clause de non-concurrence ; que de nombreux éléments témoignent, selon elles, des relations étroites existant entre ce dernier et les consultants démissionnaires et notamment : un courriel adressé à tous les salariés d'Arcante pour féliciter les consultants démissionnaires le 19 septembre 2022, la rédaction d'une attestation en justice à charge contre la société Groupe Arcante au bénéfice de M. [X], la transmission à ces mêmes consultants du courriel d'une ancienne salariée du Groupe Arcante censée établir le management distant de M. [Z].

Elles ajoutent que M. [D] [C] a dispensé une formation en négociation le 14 novembre 2022 au sein de Système U, un client historique du Groupe, formation réalisée via la société Negos consulting, qui aurait impliqué M. [I] [C], pourtant tenu à une obligation de non-concurrence, et redoutent que les démissionnaires ne détournent leur clientèle habituelle, de concert avec M.[I] [C], qui prétend que sa clause de non-concurrence serait invalide, ce qui est erroné et fait craindre de nouveaux agissements concurrentiels dissimulés de sa part.

Les intimés répliquent :

- que si les notions de trouble manifestement illicite, d'urgence et d'absence de contestation sérieuse au fond sont effectivement étrangères à la procédure de référé rétractation, le juge des référés ne s'est pas mépris sur l'absence de motif légitime et sur le caractère disproportionné des mesures ordonnées au regard des droits en présence ; ils demandent la confirmation des chefs querellés de la décision dont appel, par substitution de motifs.

- que si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer la réalité des faits qu'il invoque, il doit toutefois justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions ou ses soupçons, expliquer en quoi la mesure demandée est pertinente et utile, et justifier de circonstances particulières légitimant le fait que la mesure sollicitée soit prise par dérogation et en dehors de tout débat contradictoire.

Elles soulignent que M. [O] et M.[D] [C] ne sont pas tenus à une obligation de non-concurrence ; qu'ils peuvent donc constituer une entreprise concurrente, contracter avec les clients de leur ancien employeur et utiliser dans le cadre de leur exercice professionnel leurs propres compétences, y compris celles acquises alors qu'ils se trouvaient au service de leur ancien employeur ; que dans les activités marquées par un intuitu personae particulièrement développé, comme les activités de conseil, le fait pour la clientèle de suivre le salarié démissionnaire est jugé prévisible et non critiquable sous l'angle des règles de la libre concurrence ; qu'aucun motif légitime ne peut s'évincer du simple fait que l'ancien salarié, non tenu d'une obligation de non-concurrence, travaille pour d'anciens clients.

Elles ajoutent que la concomitance des démissions suivies de la création de structures sociétaires par les démissionnaires ne prouve rien et qu'il n'y a pas eu de débauchage massif.

Plus particulièrement, elles indiquent :

Sur le détournement de clientèle reproché, que M.[O] a assuré une formation ponctuelle pour l'Oréal après son départ, la société Eva Consulting n'ayant pas été en mesure de le faire rapidement ; que M.[N], directeur des achats chez L'Oréal a confirmé par mail du 14 mars 2023 que la société Eva Consulting est toujours chargée d'assurer la formation à la méthodologie de négociation ; qu'il n'est pas justifié que le chiffre d'affaires annuel de la société Arcante chez l'Oréal de 100 000 euros serait menacé voire perdu ; qu'à l'inverse, elles n'ont enregistré aucun chiffre d'affaire avec L'Oréal en 2023, ce dont elles justifient ;

que les messages adressés sur leurs anciennes messageries professionnelles (pièce n°53 des appelantes) concernent cinq clients , trois sont adressés à M.[X] et les deux autres, émanant de L'Oréal et Michelin, sollicitent M. [O] pour de nouvelles missions non dispensées au sein d'Arcante.

Sur le motif de parasitisme :

- qu'il n'existe aucune technologie Arcante déposée, contrairement à ce qui est affirmé ; que les savoir-faire et techniques déposées dans l'ouvrage « Bâtisseurs d'accords » n'ont rien de confidentiel dès lors que l'ouvrage a été publié à destination du grand public ;

- que comme rappelé par la Cour de cassation, les idées ou concepts sont de libre parcours et le maniement des concepts mis en œuvre par un concurrent est libre sans qu'aucune notion de parasitisme ne puisse être alléguée ;

- que le livre « Bâtisseur d'accords » est paru sous le nom exclusif de M.[I] [C] et a été diffusé et commercialisé par lui seul ; qu'il est donc présumé en être l'auteur en application de l'article L. 113-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, le tribunal de commerce étant par ailleurs incompétent pour statuer sur une revendication au titre des droits d'auteur qui relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire ; qu'en sa qualité d'auteur, M.[I] [C] pouvait donner autorisation à [D] [C] d'utiliser l'ouvrage ;

- que les supports de formation litigieux pointés par les sociétés Groupe Arcante ne sont pas la copie de ceux, non datés, de la société Arcante Développement, mais une reformulation des supports élaborés par M. [T] [B] pour sa propre structure Nec Otium, avec son accord de ce dernier.

Sur le motif de dénigrement, que le courriel du client Artefact du 27 janvier 2023 ne permet pas de conclure à l'existence d'un dénigrement, qu'il n'y a rien à en déduire, si ce n'est que ce client a trouvé en [D] [C] une personnalité à même de saisir son cœur de métier très spécifique ; qu'il s'agit de libre-concurrence.

Réponse de la cour,

En premier lieu, par ordonnance du 6 février 2023, le président du tribunal de commerce a autorisé sur requête des sociétés Groupe Arcante, des saisies aux sièges des sociétés de MM. [O] et [D] [C], sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile relatif aux mesures d'instruction in futurum.

Les parties s'accordent à reconnaître que c'est à tort que le président du tribunal de commerce a pris l'ordonnance de rétractation du 7 septembre 2023 au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile, et a motivé sa décision sur l'absence de trouble manifestement illicite ou sur les notions d'urgence ou d'évidence propres à ces articles, alors que l'ordonnance sur requête du 6 février 2023 avait été prise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, en vue d'un procès futur.

En effet, lorsqu'il statue en application de l'article 145, le juge des référés n'est pas soumis aux règles exigées par l'article 872 ou 873 du code de procédure civile (Ch. mixte., 7 mai 1982, pourvoi n° 79-11.814, Bull. 1982, ch. mixte, n° 2).

En second lieu, l'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, en requête ou en référé.

En application de l'article 145 du code de procédure civile, l'obtention d'une mesure d'instruction est donc conditionnée à un motif légitime, dont l'existence relève du pouvoir souverain du juge, qu'il s'agisse d'accueillir ou de rejeter la demande (2e Civ., 14 mars 1984, pourvoi n° 82-16.876, Bull. 1984, II, n° 49)

En l'espèce, il ressort des pièces des débats que, par lettre recommandée du 30 mai 2022 pour M. [D] [C] et du 12 juin 2022 pour M.[O], ces derniers ont présenté leur démission de la société Groupe Arcante à M.[R] [Z], président, lequel a, par courrier en réponse du 1er juin 2022 pour le premier, du 12 juin 2022 pour le second, pris acte de leurs démissions et les a libérés de l'interdiction de concurrence stipulée dans leur contrat de travail, à l'issue de leur préavis.

Etant affranchis de toute clause de non-concurrence, ces deux anciens salariés étaient donc en droit, à leur départ, d'entamer une activité concurrente, notamment à travers la création et l'immatriculation de leurs sociétés Négoscientia, Vitis consulting et Negos Consulting au registre du commerce et des sociétés, cette création excluante par ailleurs qu'ils aient été débauchés par une société concurrente.

Dans le cadre de cette activité concurrente, et en vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, ils pouvaient également démarcher d'anciens clients, à condition que ce démarchage ne s'accompagne pas d'actes déloyaux (Cass, com. 10 février 2015, 13-24.399 ; Cass. com. 28 septembre 2022, n° 21-15892).

Les sociétés appelantes soupçonnent les intimés de concurrence déloyale et d'une complicité dans la violation par M.[I] [C] de sa clause de non-concurrence à leur égard, ce qui légitime leur requête sur la base de l'article 145 du code de procédure civile.

Si elles ne sont pas tenues d'établir la preuve du fait que la mesure d'instruction aura pour objet de rapporter, notamment la concurrence déloyale, et que de simples soupçons peuvent suffire, ceux-ci doivent cependant être étayés par des éléments rendant crédibles leurs suppositions.

1 - sur les soupçons de concurrence déloyale :

Il sera observé, en premier lieu, que le fait pour M.[D] [C] d'avoir utilisé le temps de son préavis pour la création de sa nouvelle société n'est corroborré par aucun élément, d'une part, pourrait constituer une faute dans l'exécution de son contrat mais non un acte de concurrence déloyale, d'autre part.

De même, une lacune de MM.[O] et [D] [C] dans la transmission d'informations, à leur départ, sur les clients qu'ils étaient en charge de former au sein de la société Groupe Arcante, si elle était établie, ne constitue cependant pas un indice de concurrence déloyale.

Sur le détournement de clientèle :

* Il ressort des courriels produits aux débats (pièces n° 49-50 des appelantes) qu'une session de formation pour le client L'Oréal, qui devait être animée les 12, 13, 14 septembre 2022 par M. [O] quelques jours avant son départ, a dû être annulée en raison de l'arrêt maladie de ce dernier (pièce 49), M.[Z] proposant alors de la reporter le 5 décembre 2022.

Or, M. [Z] a appris de Mme [P] de la société L'Oréal que cette formation avait été dispensée par M. [O] et sa société Negoscientia les 13, 14 et 17 octobre 2022, soit après son départ de la société Groupe Arcante (pièce n° 27 des appelantes).

Toutefois, dans un courriel adressé à M. [O] le 31 mai 2023, Mme [F], pour la société L'Oréal (pièce n° 17 intimés), a expliqué avoir accepté cette formation ne sachant comment la société Eva Consulting allait répondre aux sessions de formation planifiées sur le second semestre de l'année, sa préoccupation étant de pouvoir garantir l'ensemble de l'offre aux acheteurs après le départ de M. [O].

Dans un deuxième courriel du 14 mars 2023, M. [N], pour la société L'Oréal, a précisé que cette dernière confiait toujours les formations à la méthodologie de négociation à la société Eva Consulting (pièce n° 18 des intimés).

Les sociétés appelantes ne produisent d'ailleurs aucune pièce pour démontrer la baisse de leur chiffre d'affaires avec le client L'Oréal ou la mise en danger de ce chiffre d'affaires. Ainsi ses assertions selon lesquelles leur chiffre d'affaires annuel d'environ 100 000 euros serait menacé, voire perdu, ne sont étayées par aucun élément, leur pièce n° 28 censée en attester n'étant qu'un relevé du grand livre du compte L'Oréal pour la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022 faisant état de rentrées de 117 115,68 euros.

Les sociétés intimées produisent pour leur part des attestations du 3 octobre 2023 de leurs experts comptables selon lesquelles aucun chiffre d'affaires n'a été fait avec L'Oréal depuis le 1er octobre 2023.

En l'état de ces pièces, la formation prodiguée par M.[O] en octobre 2022 apparaît comme un élément isolé, étant ajouté que, n'étant pas tenu par une clause de non-concurrence, ce dernier était en droit de proposer ses services ou de répondre favorablement à des demandes de formations de la société L'Oréal, ce qui se justifiait d'autant plus qu'il avait été leur interlocuteur lorsqu'il était consultant pour les sociétés Groupe Arcante.

Ainsi, le seul fait que M.[O] ait pu recevoir des courriels de la société L'Oréal sur son ancienne messagerie professionnelle les 30 janvier 2023 et 20 février 2023 (pièce n°53 des appelantes) pour un conseil ou une possible intervention ne peut confirmer un soupçon de détournement de clientèle.

* Les sociétés appelantes versent aux débats une série de sept courriels arrivés sur les anciennes messageries professionnelles de MM.[X] et [O] (pièce n° 53).

Quatre d'entre eux émanent de la messagerie de M.[X], qui n'est pas dans la cause, et ne concernent aucunement les intimés.

Les trois autres concernent M.[O]. Deux d'entre eux, évoqués ci-dessus, proviennent de la société L'Oréal.

Le troisième, du 26 janvier 2023 émane de Madame [A], assistante de direction pour la société Michelin qui sollicite M.[O] pour un « coaching ».

Le fait qu'un ancien client sollicite M.[O], leur ancien consultant, pour une formation, n'est pas en soi illicite, ce dernier n'étant pas tenu à une obligation de non-concurrence.

Par ailleurs, ces courriers ne concernent que deux clients et ne peuvent corroborer à eux seuls les accusations de détournement massif de clientèle reprochées aux intimés.

Sur les soupçons de parasitisme,

Les sociétés Groupe Arcante reprochent à M. [O], notamment lors de son intervention pour la société L'Oréal en octobre 2022, et à la société Négosconsulting de MM. [O] et [C] d'avoir plagié des supports qui n'appartiennent qu'à elles et qui sont juridiquement protégés.

Elles produisent les diapositives estampillées Negosconsulting diffusées lors de l'intervention de M. [O] d'octobre 2022 (pièce n° 22) et un comparatif entre la présentation « Master Negociation » de la société Groupe Arcante et celle intitulée « savoir négocier » de la société Negos consulting.

Ce comparatif souligne la similitude des supports.

Cependant, s'agissant du contenu, il ne peut être reproché à MM. [O] et [D] [C] d'avoir utilisé, dans le cadre de leur nouvelle activité, des savoirs et concepts qu'ils ont appris et transmis pendant des années au sein des sociétés Groupe Arcante. Certains ont même été publiés dans le livre Bâtisseurs d'accords, écrit par M. [I] [C] à destination du grand public.

S'agissant des supports en eux-mêmes, il apparaît que ceux-ci ne sont pas inspirés des sociétés appelantes, dont les schémas notamment diffèrent, mais sont décalqués sur les pages de la société Nec-Otium de M. [T] [B], avec l'accord donné par celui-ci dans un courriel adressé à M. [O] le 31 mars 2023 (pièces n° 8 et 9 des intimés).

Le nom de M. [B] est d'ailleurs mentionné sur les diapositives de la société Groupe Arcante représentant des schémas, ce qui confirme que ce dernier en avait la paternité.

Aucun soupçon de parasitisme ne peut donc s'évincer de l'utilisation de ces diapositives ou de l'utilisation de concepts sur la négociation, sur lesquels les sociétés appelantes ne démontrent pas avoir la mainmise.

Au surplus, les sociétés Groupe Arcante s'étant fait remettre le dossier documentaire présenté par M. [O] lors de l'intervention contestée au profit du client L'Oréal en octobre 2022, l'utilité des saisies sollicitées n'est pas démontrée.

Sur le dénigrement,

Le message de réponse de la société Artefact à M. [V] (pièce n°52 des appelantes), aussi peu élégant soit-il, pour lui dire qu'il reste fidèle à [D] [C] n'est pas un élément suffisant à lui seul à laisser soupçonner qu'une entreprise de dénigrement des services donnés par les sociétés Arcante aurait été engagée par ce dernier, encore moins par les autres intimés.

2 sur les soupçons de tierce complicité dans la violation par M. [I] [C] de son obligation de non-concurrence

Il n'est pas contestable que M. [I] [C] et les intimés entretiennent des liens familiaux ou d'amitié, notamment pour avoir travaillé ensemble au sein du Groupe Arcante pendant de nombreuses années, liens qui ont pu se resserrer lors des événements qui les ont opposés à M. [Z] lors des dernières années au sein de la société Arcante.

Le fait même que des personnes se connaissent bien, exercent dans le même domaine de compétence et se soient opposées à M.[Z], ne peut suffire à déduire une probable complicité dans la violation par M. [C] de l'obligation de non-concurrence visée dans son contrat de cession.

En particulier, la rédaction d'un courriel de [I] [C] pour saluer le départ de MM. [D] [C], [O] et [X], dans un contexte de tensions avec M. [Z], ou la rédaction d'une attestation à M. [X], qui n'est pas partie à la procédure, et l'autorisation donnée à M. [D] [C] d'exploiter son livre Bâtisseurs d'accord pour les besoins de sa société nouvellement créée, ne suffisent pas à donner corps à ces soupçons qui doivent être un tant soit peu étayés.

De même, l'envoi à M. [I] [C] par l'hôtel-restaurant la Pyramide, d'une facture pour un séjour au nom de [D] [C] et sa société Negoconsulting, ne laisse pas subodorer une violation par M. [I] [C] de sa clause de non-concurrence avec la complicité de son cousin, d'autant moins que ce courriel émane de la réception de l'hôtel qui a pu facilement faire erreur entre des clients homonymes.

S'agissant, enfin, de la formation dispensée à la société Super U à [Localité 13] le 14 novembre 2022 qui aurait été faite par M. [O] avec une intervention de [I] [C], il apparaît tout d'abord que l'attestation de M. [K] (pièce n° 24 des appelantes), qui établirait la présence de M. [I] [C] comme formateur, émane d'un consultant de la société Groupe Arcante, qui n'a pas assisté à ladite formation et se contente de rapporter les dires d'une salariée de Super U, qu'il ne nomme pas.

Par ailleurs, M. [D] [C] verse à la procédure les justificatifs de voyage SNCF (pièces n°16/2 des intimés) de M. [I] [C], attestant de sa présence à [Localité 12] le 14 novembre 2022, en provenance du [Localité 8], ce qui aurait rendu sa présence à [Localité 13] difficile.

Il apparaît que les sociétés Groupe Arcante n'ont pas étayé leurs demandes, d'éléments objectifs démontrant la probabilité des faits de concurrence déloyale dont elles se plaignaient à l'encontre des intimés, étant rappelé que ces derniers avaient été libérés de leurs obligations de non-concurrence.

Par ailleurs, les arguments et pièces produites n'accréditent pas plus les soupçons d'une tierce complicité des intimés avec M. [I] [C] dans la violation de sa clause de non-concurrence

Ainsi, les éléments apportés par les sociétés Groupe Arcante, même envisagés dans leur ensemble, sont insuffisants à établir un motif légitime de procéder aux saisies réclamées.

Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance du 7 septembre 2023, sauf en ce qu'elle a visé les articles 872 et 873 du code de procédure civile dans son dispositif.

La demande de caducité de l'ordonnance sur requête du 6 février 2023 étant formée uniquement en cas de réformation de l'ordonnance entreprise du 6 septembre 2023, il n'y a pas lieu de statuer dessus, la cour confirmant l'ordonnance du 7 septembre 2023.

Par ailleurs, l'ordonnance du 6 février 2023 qui a autorisé les saisies litigieuses ayant été rétractée, il convient de rejeter les demandes formée en tout état de cause par les sociétés appelantes et tendant à ordonner à la SCP Alain Kinget et Julien Marlière de leur remettre sans délai les éléments appréhendés lors des opérations de constat et actuellement conservés sous séquestre et d'instruire la société Atlas de leur remettre sans délai les éléments appréhendés par elle et conservés sous séquestre.

III- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La décision sera confirmée sur ce point.

En cause d'appel, les sociétés Groupe Arcante, qui succombent, assumeront les entiers dépens d'appel. Elles seront déboutées de leur demande d'indemnité procédurale et condamnées à verser aux intimés une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande visant à écarter des débats les pièces 53 et 66 produites par les sociétés Groupe Arcante ;

Confirme l'ordonnance de rétractation du 7 septembre 2023, sauf en ce qu'elle a visé les articles 872 et 873 du code de procédure civile dans son dispositif ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de la société Groupe Arcante, la société Antegos Consulting, la société Eva Consulting, la société Mercates Consulting et la société Arcante Académie en caducité de l'ordonnance du 6 février 2023 ;

Rejette les demandes « en tout état de cause » de la société Groupe Arcante, la société Antegos Consulting, la société Eva Consulting, la société Mercates Consulting et la société Arcante Académie ;

Condamne la société Groupe Arcante, la société Antegos Consulting, la société Eva Consulting, la société Mercates Consulting et la société Arcante Académie aux entiers dépens d'appel ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Groupe Arcante, la société Antegos Consulting, la société Eva Consulting, la société Mercates Consulting et la société Arcante Académie et les condamne à verser à la société Negoscientia, la société Negos Consulting, la société Vitis Consulting, MM. [O] et M. [D] [C] la somme globale de 8 000 euros.