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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 29 mars 2024, n° 21/00052

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Leader Assurances (SARL)

Défendeur :

Konica Minolta Business Solutions France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme L'Eleu de la Simone

Conseillers :

Mme Guillemain, M. Le Vaillant

Avocats :

Me Bellichach, Me Vacrate, Me Derieux

T. com. Paris, du 8 déc. 2020, n° 201902…

8 décembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE

La société Leader Assurances, qui était titulaire de deux contrats de location financière de copieurs passés avec les sociétés BNP Paribas et Lixxbail, a signé le 11 février 2016 avec la société Konica Minolta Business Solutions France (ci-après « société Konica »), un « contrat excellence » avec pour objet, d'une part un bon de commande pour le financement relatif à un projet de contrat de location financière portant sur 20 copieurs de marque KONICA MINOLTA (types C 3110, 4020, 185, 4050, C 258, C 25 et C 554e), moyennant un loyer trimestriel de 10.926 euros TTC, pour une durée de 63 mois, d'autre part, un contrat de maintenance de ces copieurs pour une durée de 63 mois, assorti d'un forfait pour la production mensuelle et annuelle de pages.

Le 11 février 2016, la société KONICA MINOLTA a procédé au paiement de l'indemnité et au rachat des matériels concernés auprès de la société BNP PARIBAS pour 89.390,15 euros HT et au paiement de l'indemnité et au rachat des matériels concernés auprès de la société LIXXBAIL pour 17.324,50 euros HT.

Le 5 avril 2016, la société Leader Assurances et la société Konica sont convenues que la location financière de ces copieurs était passée selon un « contrat de location multi-options » auprès de la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE, ultérieurement devenue société CM-CIC aux mêmes conditions de durée et de prix.

La société Leader Assurances a acquitté la première facture annuelle du 31 mars 2017 adressée par la société Konica au titre de la maintenance et du prix des copies supplémentaires pour la période du 5 avril 2016 au 31 mars 2017 d'un montant de 6.111,31 euros TTC.

Puis la société Leader Assurances a refusé de payer la seconde facture annuelle n° 1136722434 du 26 mars 2018 correspondant aux copies supplémentaires du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 d'un montant de 11.580,07 euros TTC malgré les mises en demeure de payer les 30 avril et 25 mai 2018, 16 juillet, 10 août et 4 septembre 2018.

Suivant exploit du 12 avril 2019, la société Konica a fait assigner la société Leader Assurances en paiement devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 8 décembre 2020, la juridiction commerciale a :

- Jugé infondée la demande de la société Leader Assurances de prononcer la nullité du contrat excellence du 11 février 2016,

- Condamné la société Leader Assurances à payer à la société Konica la somme de 25.135,94 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2019, déboutant pour le surplus,

- Débouté la société Leader Assurances de toutes ses demandes,

- Condamné la société Leader Assurances à verser à la société Konica la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Condamné la société Leader Assurances aux dépens.

* La société Leader Assurances a formé appel du jugement par déclaration du 22 décembre 2020 enregistrée le 4 janvier 2021.

Par ordonnance du 27 octobre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a :

- débouté la société Leader Assurances de sa demande de jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 21/00052 et 22/03587 et de sa demande de sursis à statuer,

- condamné la société Leader Assurances aux dépens de l'incident, dont distraction au profit de Maître Pierre Derieux ;

- condamné la société Leader Assurances à payer à la société Konica Minolta Business Solutions France la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 décembre 2022, la société Leader Assurances demande à la cour, au visa des articles 1134, 1131, 1162, 1172 et 1199 du code civil, pris dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article L. 442-6 du code de commerce :

- d'infirmer le jugement du 8 décembre 2020 rendu par le tribunal de commerce de Paris.

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté KONICA MINOLTA de sa demande en paiement formulée au titre de ses factures de maintenance émises en 2019 et 2020.

- de constater l'absence de livraison et d'installation des 20 copieurs commandés par le bon de commande du contrat « excellence » KONICA MINOLTA du 11 février 2016, à l'issue de la signature de ce contrat et celle du contrat de location financière CM CIC du 5 avril 2016, s'y rapportant.

- de constater la nullité de la clause 1.6 du contrat « excellence » KONICA MINOLTA du 11 février 2016.

- de constater le caractère frauduleux du contrat « excellence » KONICA MINOLTA du 11 février 2016.

- de constater l'absence de cause et d'objet du contrat « excellence » KONICA MINOLTA du 11 février 2016 ou à tout le moins, l'existence d'une cause impossible ou fausse.

- En conséquence,

- de prononcer la nullité du contrat excellence du 11 février 2016.

- de débouter la société KONIKA MINOLTA de sa demande en paiement contre LEADER ASSURANCES au titre des facture de maintenance 2018, 2019 et 2020.

- de débouter la société KONIKA MINOLTA de ses plus amples demandes, fins et conclusions.

- de condamner la société KONICA MINOLTA au remboursement de la somme de 28.135,94 euros réglée par la société LEADER ASSURANCE au titre de l'exécution provisoire du jugement.

- de condamner la société KONICA MINOLTA au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 24 novembre 2022, la société Konica demande à la cour :

- de dire et juger la société KONICA MINOLTA recevable et bien fondée en ses écritures et y faisant droit, en application notamment des dispositions des articles 1134 et 1161 du code civil (en leur rédaction antérieure à l'Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) et encore des stipulations du contrat excellence en date du 11 février 2016 et du contrat de location multi options en date du 5 avril 2016 :

- S'entendre confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 8 décembre 2020.

- S'entendre débouter la société LEADER ASSURANCES de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- de condamner la société LEADER ASSURANCES au paiement au profit de la société KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE de la somme de 5.000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner la société LEADER ASSURANCES aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pierre Derieux Avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

* La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 12 octobre 2023.

SUR CE, LA COUR,

En liminaire il est rappelé que le litige trouve sa cause dans des contrats passés avant l'entrée en vigueur le 1er octobre 2016 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. La cour discutera les demandes d'après les dispositions du code civil avant le 1er octobre 2016.

Sur les causes de nullité de la location financière

La société Leader Assurances conclut, en premier lieu, à la nullité du contrat excellence au motif qu'à défaut d'avis de livraison des 20 copieurs en 2016, le transfert de leur propriété de la société Konica à la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE, devenue société CM-CIC, n'a pu avoir lieu de sorte que cette dernière n'étant pas propriétaire de ces matériels, elle ne pouvait les donner régulièrement à bail.

Elle se prévaut à cette fin de l'article 2.2 des Conditions Particulières du contrat qui stipule que « le locataire autorise le bailleur à régler le fournisseur dès présentation par le fournisseur de la facture et d'un avis de livraison signé par le fournisseur attestant la bonne réception du matériel par le locataire et l'absence de toute contestation pour non-conformité. » Et encore de l'article 3 stipulant que « la location prend effet à la date de signature par le fournisseur de l'avis de livraison du matériel. »

La société Konica oppose quant à elle le bénéfice de l'article 1.2 des Conditions Particulières du contrat excellence qui désigne les 20 matériels qui étaient déjà présents par la mention « I » pour « In Situ » tandis que les deux matériels neufs (types C 258 et C 554) sont assortis de la mention « N » pour « Neuf ».

Il en résulte la preuve que la société Leader Assurances connaissait la situation des matériels dans ses locaux de sorte que le moyen manque en fait et doit être rejeté.

La société Leader Assurances conclut en deuxième lieu à la nullité de l'article 1.6.1 des Conditions Particulières du contrat excellence stipulant au titre « des indemnités de résiliation, reprise d'anciens produits et gratuités » que « le Client reconnaît être engagé à ce jour en vertu d'une convention de financement auprès d'un tiers par laquelle il a pris à bail des produits et désire que la mise en place des nouveaux matériels objets des présentes se fasse dans le cadre d'une nouvelle convention de financement à mettre en place avec un établissement financier. Le client reconnaît que cette opération nécessite la résiliation par anticipation du contrat de location actuellement en cours et précise que le montant des indemnités s'élève à : 106.714,60 euros. Le Client demande à KMBSF d'organiser avec un établissement financier la nouvelle convention de financement de sorte qu'elle inclut ce montant ».

La société Leader assurance déduit de la mention en caractère gras de cette clause, qui est par ailleurs rédigée à l'identique dans un avenant au contrat de location signé le 4 mars 2016 entre la société Leader Assurances et la GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE, la preuve que le contrat de location financière n'a pu avoir pour objet des matériels anciens.

L'article 1157 du code civil dispose que « Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun. » Et l'article 1158 prescrit que « Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat. » Enfin, l'article 1161 dispose que « Toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier. »

La clause l'article 1.6.1 ayant pour objet explicite de refinancer un précédent contrat dont le montant des indemnités de résiliation est fixé, il se déduit sans équivoque que les matériels désignés étaient l'objet de la précédente location.

Ce chef de demande sera aussi écarté.

La société Leader assurance conclut en troisième lieu à la nullité de l'article 1.6.1 précité sur le fondement de l'article L. 442-6, I 2e du code de commerce, devenu L. 442-1, I 2e, selon lequel :

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »

La société Leader Assurance soutient ainsi que la résiliation des contrats par anticipation en 2016 impliquait le paiement des indemnités de résiliation anticipée de ces contrats, soit le montant des loyers à échoir à la date de la résiliation, majorée d'une clause pénale de 10 % représentant plus de 152.000 euros pour solder le contrat passé avec la BNP Paribas, ainsi que le rallongement d'un an des échéances locatives au titre du contrat passé avec la société CM CIC pour un coût de 45.468 euros TTC pour l'année supplémentaire. A ces coûts s'ajoute la perte d'économie de trimestrialités de 1.662 euros HT résultant du terme imminent du contrat passé avec la société LIXXBAIL en 2017. Elle en conclut que cette opération dite de «surfinancement» crée un surcoût injustifié de plus de 200.000 euros par rapport à la location financière en cours avec BNP.

La société Konica réplique que la somme de 106.714,60 euros, ne se limite pas à la fourniture de deux copieurs neufs, mais correspond, d'une part, aux règlements des indemnités de résiliation anticipée des contrats passés par la société Leader Assurances et qu'elle a payées à la société BNP Paribas pour 89.390,15 euros HT et à la société Lixxbail pour la somme de 17.324,50 euros HT.

La société Leader Assurances ne démontre pas ni même n'allègue les circonstances de la soumission ou d'une tentative de soumission dont elle a été la victime dans la souscription du contrat de refinancement, cette preuve étant une des conditions préalables à la mise en œuvre de l'article L. 442-1, I 2e précité.

Surabondamment, il est constant que dans son ensemble, le contrat prévoit une contrepartie aux loyers devant être versés par la société Leader Assurance et constituée des indemnités versées par la société Konica aux précédents loueurs ainsi que de la mise à disposition du parc des copieurs, de sorte qu'il ne peut être déduit des seuls éléments de prix invoqués par la société Leader Assurance la preuve d'un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties.

Ce chef de nullité sera tout autant rejeté.

En quatrième lieu, la société Leader Assurance conclut encore à la nullité de la clause de l'article 1.6 précité, selon les termes de ses conclusions : « En raison du faux montant de surfinancement indiqué dans la clause 1.6 » en ce qu'elle « indique que le montant du surfinancement correspond au rachat des encours locatifs précédents, c'est-à-dire au coût de la résiliation anticipée des contrats de location BNP et LIXXBAIL » et tandis que la société Konica prétend avoir acquitté au titre de la « résiliation anticipée de 17 324, 50 € HT à LIXXBAIL et 89 390,15 € HT à BNP (') ces factures ne portent pas sur le rachat des encours locatifs LIXXBAIL et BNP, mais sur le rachat des matériels copieurs ».

La société Konica soutient pour sa part que le prix qu'elle a acquitté pour la relocation des copieurs est la contrepartie du choix de la société Leader Assurances pour des raisons de trésorerie que le montant global des indemnités de résiliation anticipée soit inclus dans le nouveau montant à financer par sa nouvelle bailleresse.

La négociation du prix pour la résiliation des précédents contrats de location financière des sociétés LIXXBAIL et BNP avec la société Konica est indépendante de celle des conditions de prix convenues pour la reprise de la location par la société Konica dans l'intérêt de la société Leader Assurance. Il n'est ni démontré, ni même allégué un comportement frauduleux de la société Konica.

Ce moyen sera tout autant écarté.

En cinquième lieu, la société conclut au « caractère frauduleux de l'opération de « surfinancement » entreprise par la société KM au moyen de la clause 1.6 du contrat « excellence » en soutenant que la société Konica a déguisé une opération strictement financière liant sa cliente à CM CIC, sous l'apparence d'un bon de commande de fourniture de matériels copieurs, assorti d'une obligation de livraison à sa charge, alors que cette livraison des 20 matériels commandés se révélait matériellement impossible puisque la société était déjà en possession desdits matériel ». Elle estime que qu'il est résulté une « supercherie consistant à maquiller une opération de financement, qu'elle n'est pas autorisée à accomplir en sa qualité de fournisseur de matériel bureautique (qui n'est pas un établissement bancaire), au moyen d'un bon de commande factice, comportant la commande d'un matériel dont elle sait pertinemment qu'il ne sera pas livré au terme de cet ensemble contractuel simulé ».

La cour relève que l'essentiel des arguments au soutien de cette allégation de fraude sont les mêmes que ceux qui sont écartés dans la discussion des quatre premiers chefs de nullité, en sorte que les premiers juges seront confirmés en ce qu'ils ont relevé qu'aucune fraude n'était démontrée.

Pour l'ensemble de ces motifs par lesquels aucune cause de nullité n'affecte la location financière des copieurs, il ne se déduit aucune cause subséquente de nullité du contrat de maintenance passé avec la société Konica.

Sur les factures de maintenance et de production de pages

En l'état de leurs conclusions, les parties ne contestent pas le montant des condamnations retenues par la juridiction commerciale. Il convient dès lors de confirmer le jugement en toutes ses dispositions au fond.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Leader Assurances succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Me Pierre Derieux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Il apparaît en outre équitable de condamner la Leader Assurances la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées et y ajoutant,

CONDAMNE la société Leader Assurances aux dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Leader Assurances à payer à la société Konica Minolta Business Solutions France la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.