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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-7, 28 mars 2024, n° 21/01344

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/01344

28 mars 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2024

N° 2024/159

Rôle N° RG 21/01344 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG3NN

[Y] [P]

[X] [V] épouse [P]

C/

Syndic. de copro. LE FRANCE GALLION

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Karine TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 06 Janvier 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/04314.

APPELANTS

Monsieur [Y] [P]

né le 03 Juin 1938 à [Localité 5], demeurant Demeurant ensemble à [Localité 1], [Adresse 4]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Roseline EYDOUX, avocat au barreau de GRASSE

Madame [X] [V] épouse [P]

née le 03 Janvier 1942 à [Localité 6], Demeurant ensemble à [Localité 1], [Adresse 4]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Roseline EYDOUX, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Syndic. de copro. LE FRANCE GALLION représenté par son syndic en exercice FONCIA AD dont le siège social est [Adresse 2], lui-même poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Karine TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me David VERANY, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 31 Janvier 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère,

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte notarié du 15 décembre 2015, M. [Y] [P] et Mme [X] [V] épouse [P] ont acquis divers lots, notamment un appartement situé au 1er étage du bâtiment D d'un immeuble en copropriété, [Adresse 7], à [Localité 8].

Ils se sont plaints de ce que certains copropriétaires d'appartements situés au rez-de-chaussée du bâtiment D, se seraient accaparés des parties communes.

L'assemblée générale du 27 juin 2017 a rejeté la résolution 8 tendant à autoriser le syndic à agir en justice 'à l'encontre des copropriétaires des locaux commerciaux du bâtiment D (...) pour que le syndicat puisse obtenir la restitution des parties communes annexées par ces derniers sans autorisation'.

Elle a également rejeté la résolution 44 tendant à autoriser le syndic 'à poursuivre en justice tous les copropriétaires des rez-de-jardin, en particulier le copropriétaire du rez-de-jardin, entrée D, ayant annexé les parties communes et ayant obstrué les voies d'accès communes par la pose de jardinières ou barrières. Aux fins de remise en état des jardinets tels qu'ils étaient à l'origine et de remise en état des voies d'accès sans obstacle venant empêcher la libre circulation'.

Par acte d'huisier du 11 septembre 2017, M.et Mme [P] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires aux fins principalement de voir annuler les résolutions n°8 et 44 de l'assemblée générale du 27 juin 2017 et de voir dire que le tribunal substituera un vote positif au lieu d'un vote négatif.

Par acte d'huissier du 05 septembre 2018, M.et Mme [P] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires aux fins de le voir condamner à lui verser des dommages et intérêts.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement contradictoire du 06 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Grasse a rejeté les demandes de M.et Mme [P], débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages et intérêts et condamné M.et Mme [P] aux dépens ainsi qu'au versement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a estimé que n'était pas démontrée l'existence d'un abus de majorité ni l'existence d'une volonté de l'assemblée générale d'agir à l'encontre des intérêts de la copropriété.

Par déclaration du 28 janvier 2021, M. et Mme [P] ont relevé appel de tous les chefs de cette décision, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires.

Par conclusions notifiées par RPVA le 08 janvier 2024 auxquelles il convient de se reporter, M.et Mme [P] demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

* statuant à nouveau,

- de prononcer la nullité des résolutions 8 et 44 de l'assemblée générale du 27 juin 2017 pour abusif de majorité et défaut de poursuite de l'intérêt collectif,

- de condamner le syndicat des copropriétaires à leur verser la somme de 20.000 uros de dommages et intérêts,

- de débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes,

- de condamner le syndicat des copropriétaires à leur verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner le syndicat des copropriétaires aux dépens.

Ils reprochent au premier juge d'avoir dénaturé l'objet du litige en développant des hypothèses qui n'étaient pas développées dans les écritures des parties et d'avoir dénaturé les écritures du syndicat des copropriétaires. Ils lui reprochent également de n'avoir pas statué sur leurs demandes tendant à voir constater l'annexion des parties communes et la carence du syndicat dans l'entretien et la sauvegarde des parties communes.

Ils expliquent que certains copropriétaires du rez-de-jardin ont aménagé en terrasses et jardinets les parties communes situées devant leurs lots du rez-de-chaussée. Ils font état de l'encombrement et de l'obstruction des voies de passages par des jardinières.

Ils estiment que les résolutions 8 et 44, qui n'ont pas autorisé le syndic à agir en justice pour faire cesser cette occupation illicite, doivent être annulées pour abus de majorité. Ils affirment que cet abus résulte de l'absence de prise en considération de l'intérêt collectif et de la violation du règlement de copropriété, alors même que l'assemblée générale avait rejeté la demande des copropriétaires du rez-de-chaussée de pouvoir bénéficier de la jouissance privative des parties communes litigieuses..

Ils reprochent au syndicat des copropriétaires son inaction au mépris de l'intérêt et de la défense des parties communes.

Ils déclarent que la situation ne s'est pas améliorée avec le temps et que la carence du syndicat à ne pas assurer l'intérêt collectif et le respect du règlement de copropriété est toujours aussi manifeste.

Ils indiquent que le vote des résolutions qu'ils souhaitent voir annuler revient à permettre à certains copropriétaires d'être dotés de la jouissance exclusive d'une partie commune et de s'octroyer des voies de passage interdites aux autres.

Ils déclarent être les victimes directes de cette situation puisqu'ils sont l'objet d'invectives des propriétaires du rez-de-chaussée lorsqu'ils procèdent au nettoyage de leur terrasse du premier étage. Ils ajoutent ne pouvoir emprunter les passages annexes qui sont condamnés ou compromis par des jardinières.

Outre l'annulation des résolutions critiquées, ils sollicitent des dommages et intérêts pour réparer leur préjudice de jouissance, alors qu'ils sont privés d'une jouissance paisible des parties communes.

Par conclusions notifiées par RPVA le 19 juillet 2021 auxquelles il convient de se référer, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré,

* subsidiairement :

- de dire et juger qu'il n'appartient pas à la Cour de se substituer à l'assemblée générale ;

- de débouter par voie de conséquence les époux [P] de leurs demandes de substitution d'un vote négatif en un vote positif s'agissant des résolutions 8 et 44 litigieuses ;

- de dire et juger que les époux [P] ne justifient pas du préjudice allégué ni d'un lien de causalité avec une éventuelle faute commise par le syndicat de la copropriété ;

- de confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a débouté les époux [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- de réformer pour partie le jugement ;

- de condamner les époux [P] à lui payer la somme de 3.000 € à titre de légitimes dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué au syndicat la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- de les condamner à payer au syndicat de la copropriété la somme de 4.000 € au titre des frais en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Il expose que le jugement déféré n'a pas violé l'objet du litige et a répondu aux demandes qui lui avaient été faites.

Il note qu'une grande majorité des membres de la copropriété était d'accord pour permettre la jouissance des parties communes litigieuses aux copropriétaires intéressés mais que la résolution n°7 le permettant n'a pas recueilli la majorité des 2/3 prévue par l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965. Il déclare que cette majorité importante (mais pas suffisante) explicite les votes des résolutions critiquées.

Il conteste tout abus de majorité. Il relève que les résolutions critiquées ne sont pas contraires aux intérêts collectifs et n'ont pas été prises dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires. Il déclare que les deux décisions critiquées ne bénéficient pas à la majorité ayant décidé de les rejeter. Il relève que l'action en justice évoquée concernait cinq copropriétaires et note que le refus de permettre au syndic d'ester en justice a été adopté par 160 copropriétaires. Il soutient qu'il n'appartient pas aux tribunaux de se livrer à un contrôle d'opportunité des décisions alors que l'assemblée générale a toute latitude pour apprécier l'opportunité d'une action en justice qui représente un coût et des tracas.

Subsidiairement, il déclare que le juge ne peut se substituer à la décision d'une assemblée générale, son seul pouvoir étant d'annuler la décision critiquée.

Il indique que les consorts [P] ne démontrent pas le préjudice qu'ils disent subir.

Il sollicite des dommages et intérêts pour procédure abusive.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2024.

MOTIVATION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes visant à 'constater' ou 'dire et juger' qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne constituent que des rappels de moyens ou des arguments.

Certains reproches formés par les époux [P] à l'encontre du jugement déféré ne peuvent entraîner l'infirmation de cette décision.

Ainsi, les hypothèses formées par le premier juge concernant la prise de possession des parties communes ne peuvent à elles seules entraîner l'infirmation du jugement déféré et le litige n'a pas été dénaturé.

Par ailleurs, le premier juge n'a pas omis de statuer sur certaines demandes qui ne pouvaient être analysées comme des demandes en justice ('constater l'annexion des terrasses accessibles, leur encombrement et obstruction').

Sur la demande d'annulation des résolution 8 et 44 de l'assemblée générale du 27 juin 2017

L'abus de majorité s'entend d'une décision contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou bien d'une décision adoptée dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaire ou bien d'une décision prise dans l'intention de nuire à certains copropriétaires.

Il n'est pas contesté que certains copropriétaires du rez-de-chaussée du bâtiment D occupent une partie des parties communes.

Les résolutions 8 et 44, qui proposaient de donner mandat au syndic d'agir en justice contre certains copropriétaires pour obtenir la restitution des parties communes annexée par ces derniers sans autorisation ont été refusées.

L'occupation d'une partie des parties communes du rez-de-chaussée du bâtiment D empêche l'accès 'parallèle' entre les deux entrées du bâtiment D. Cependant, les deux accès au bâtiment D demeure possible.

L'assemblée générale n'a pas voté une résolution permettant l'occupation des parties communes par certains copropriétaires. Elle a voté un refus d'autoriser le syndic à intenter une action en justice contre les copropriétaires occupant ces parties communes.

Or, il n'est pas démontré que le refus de donner mandat au syndic de copropriété d'agir en justice contre les copropriétaires qui occupent, sans autorisation, ces parties communes, serait contraire à l'intérêt collectif et aurait eu pour objectif de favoriser les intérêts d'un seul groupe de copropriétaires. Comme l'indique le syndicat des copropriétaires, une action en justice a un coût financier que la majorité des copropriétaires pouvait décider de ne pas engager, compte tenu de l'enjeu.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré qui a rejeté la demande d'annulation des résolutions 8 et 44 formée par les époux [P].

Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires

S'il est exact que le syndicat des copropriétaires n'a pas fait cesser l'emprise de certains copropriétaires sur une partie des parties communes, les époux [P] ne démontrent pas le préjudice qu'ils auraient subi du fait de l'encombrement d'une partie des parties communes du rez-de-chaussée. Par ailleurs, le syndicat des copropriétaires a décidé, sans abus de majorité, de ne pas autoriser le syndic à intenter une action en justice.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré qui a rejeté leur demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par le syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires ne démontre pas que la procédure intentée par les époux [P], même si elle n'a pas abouti, aurait dégénéré en abus de droit. En conséquence, sa demande tendant à les voir condamner à des dommages et intérêts sera rejetée. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M.et Mme [P] sont essentiellement succombants. Ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel. Ils seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

Pour des raisons tirées de l'équité, il n'y pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré qui a condamné les époux [P] aux dépens sera confirmé. Il sera infirmé en ce qu'il les a condamnés à verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné M.[Y] [P] et Mme [X] [V] épouse [P] à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 7] à [Localité 8] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 7] à [Localité 8] faites au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

CONDAMNE M.[Y] [P] et Mme [X] [V] épouse [P] aux dépens de la présente instance.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,