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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. a, 28 mars 2024, n° 21/00436

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Van Rookhuijzen (SAS)

Défendeur :

Stamp (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Vice-président :

M. Goursaud

Conseiller :

M. Gauthier

Avocats :

Me Baufume et Sourbe, Me Agapê, Me Chauve-Bathie, Me Coutachot

TJ Lyon, du 27 oct. 2020, n° 16/05125

27 octobre 2020

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le société Stamp reproche à la société Carrefour hypermarchés d'avoir commercialisé des tabourets en plastiques, dénommés « Twins » dont elle estime qu'ils constituent des copies du tabouret démontable en matière plastique dénommé « Tam Tam », au titre duquel elle revendique des droits d'auteur.

Le 11 février 2016, la société Stamp a fait établir un procès-verbal de constat d'achat.

Le 19 avril 2016, sur autorisation du président du tribunal de grande instance de Lyon et suivant ordonnance du 7 mars 2016, la société Stamp a fait procéder à une saisie-contrefaçon dans un établissement de la société Carrefour situé à Mondeville, dans le Calvados.

Le 3 mai 2016, la société Stamp a fait assigner la société Carrefour hypermarchés devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Lyon en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale.

La société Van Rookhuijzen, qui exerce une activité d'agent commercial, de négoce, d'import/export de produits divers, celle-ci est intervenue volontairement à l'instance et la société Carrefour hypermarchés a demandé à être relevée et garantie par elle des condamnations pouvant être mises à sa charge.

Par ordonnance du 14 septembre 2018, le juge de la mise en état a constaté l'extinction de l'instance entre les sociétés Stamp et Carrefour hypermarchés et la poursuite de l'instance entre les sociétés Stamp et Van Rookhuijzen.

Par jugement du 27 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- dit n'y avoir lieu d'écarter des débats le procès-verbal de saisie-contrefaçon en raison de sa production parcellaire ;

- déclaré nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 19 avril 2016 ;

- rejeté l'exception de nullité dirigée contre le procès-verbal de constat d'achat du 11 février 2016 ;

- dit que le tabouret dénommé « Tam Tam » est protégeable au titre du droit d'auteur ;

- dit qu'en commercialisant des tabourets présentant une physionomie identique à celui-ci, la société Van Rookhuijzen s'est rendue coupable de contrefaçon de droits d'auteur ;

- débouté la société Stamp de ses prétentions formées au titre de son préjudice commercial ;

- condamné la société Van Rookhuijzen à verser à la société Stamp la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image ;

- fait interdiction à la société Van Rookhuijzen de fabriquer, exposer, distribuer ou commercialiser de quelque manière que ce soit des tabourets reproduisant les caractéristiques du tabouret « Tam Tam » ;

- débouté la société Stamp de ses demandes de confiscation, de destruction et de publication ;

- débouté la société Stamp de ses demandes en concurrence déloyale ;

- condamné la société Van Rookhuijzen à verser à la société Stamp la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration transmise au greffe le 19 janvier 2021, la société Van Rookhuijzen a relevé appel de cette décision.

Par jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 5 mai 2021, la société Van Rookhuijzen a été placée en liquidation judiciaire, la SCP Alpha mandataires judiciaires (le mandataire judiciaire) ayant été désignée comme liquidateur judiciaire.

Un incident ayant été soulevé à la mise en état par la société Stamp par conclusions du 10 mai 2021, le mandataire judiciaire est intervenu volontairement à l'instance par conclusions déposées le 25 mai 2021.

Par ordonnance du 15 juin 2021, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de la société Stamp en sa demande visant à la radiation de l'affaire.

Dans ses conclusions déposées le 20 octobre 2021, le mandataire judiciaire, ès qualités, demande à la cour de :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu d'écarter des débats le procès-verbal de saisie contrefaçon en raison de sa production parcellaire,

- rejeté l'exception de nullité dirigée contre le procès-verbal de constat d'achat du 11 février 2016,

- dit que le tabouret dénommé 'TAM TAM' est protégeable au titre du droit d'auteur,

- dit qu'en commercialisant des tabourets présentant une physionomie identique à celui-ci, la société Van Rookhuijzen s'est rendue coupable de contrefaçon de droits d'auteur,

- condamné la société Van Rookhuijzen à verser à la société Stamp une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image,

- fait interdiction à la société Van Rookhuijzen de fabriquer, exposer, distribuer ou commercialiser de quelque manière que ce soit des tabourets reproduisant les caractéristiques du tabouret "TAM TAM",

- condamné la société Van Rookhuijzen à verser à la société Stamp une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Van Rookhuijzen aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- statuant à nouveau :

(à titre principal)

- écarter des débats l'entier procès-verbal de saisie contrefaçon du fait de l'absence de communication intégrale aux débats,

- prononcer la nullité du procès-verbal de constat d'achat du 11 février 2016,

- prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon et des opérations de saisie du 19 avril 2016,

- dire et juger que l'action en contrefaçon de droit d'auteur de la société STAMP est irrecevable,

SUBSIDIAIREMENT, si par extraordinaire la cour jugeait que la contrefaçon ou la concurrence déloyale invoqués par la société Stamp étaient avérées :

- dire et juger que la société STAMP a déjà été indemnisée du préjudice en résultant par l'accord intervenu avec la société Carrefour et la cessation de la commercialisation par les sociétés Carrefour et Van Rookhuijzen et, en conséquence, débouter la société STAMP de l'intégralité de ses demandes,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- dire et juger irrecevable la société STAMP en toutes ses demandes en tant qu'intimée et au titre de son appel incident,

- débouter la société Stamp de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Stamp à verser à Maître [E] [T], en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Van Rookhuijzen, la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner la société Stamp à verser à Maître [E] [T], ès qualités, la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de la procédure civile,

- condamner la société Stamp aux frais irrépétibles et aux entiers dépens d'instance, dont distraction au profit de la SCP BAUFUME SOURDE.

Dans ses conclusions n° 3 déposées le 21 juillet 2021, la société Stamp demande à la cour de :

- relever le défaut d'intérêt à agir et de droit d'agir de la société Van Rookhuijzen représentée exclusivement par son ancien dirigeant démis et déclarer irrecevable l'ensemble des prétentions ainsi formées pour la société Van Rookhuijzen ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu d'écarter des débats le procès-verbal de saisie-contrefaçon en raison de sa production parcellaire ;

- rejeté l'exception de nullité dirigée contre le procès-verbal de constat d'achat du 11 février 2016 ;

- dit que le tabouret dénommé « Tam Tam » est protégeable au titre du droit d'auteur ;

- dit qu'en commercialisant des tabourets présentant une physionomie identique à celui-ci, la société Van Rookhuijzen s'est rendue coupable de contrefaçon de droits d'auteur ;

- condamné la société Van Rookhuijzen à verser à la société Stamp la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image ;

- fait interdiction à la société Van Rookhuijzen de fabriquer, exposer, distribuer ou commercialiser de quelque manière que ce soit des tabourets reproduisant les caractéristiques du tabouret « Tam Tam » ;

- condamné la société Van Rookhuijzen à verser à la société Stamp la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

- le réformer pour le surplus et statuant à nouveau :

- désigner tel expert qu'il plaira au Tribunal de nommer (qui serait avantageusement expert-comptable ou commissaire aux comptes), afin d'évaluer l'entier préjudice subi du fait de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, par la société STAMP,

- dire et juger que l'expert désigné pourra se faire communiquer par tout détenteur (la société Van Rookhuijzen, conseiller, expert-comptable, commissaires aux comptes, prestataire logistique') les livres de commerce, de comptabilité, carnets et bons de commandes, bordereaux de livraison, factures d'achat et de vente des tabourets contrefaisants, et plus généralement tous documents et pièces comptables et commerciales concernant ce tabouret ;

- dire et juger que l'expert pourra s'adjoindre, pour la réalisation de sa mission, tout sapiteur de son choix,

- dire et juger que les opérations d'expertise seront effectuées aux frais et charges avancés de la société Van Rookhuijzen,

En toute hypothèse, dès à présent,

- condamner la société Van Rookhuijzen à payer et porter à la société STAMP la somme de 289 110 Euros à titre de provision du chef de son préjudice commercial ;

- condamner la société Van Rookhuijzen à payer et porter à la société STAMP la somme de 50 000 euros à titre de provision du chef de son préjudice d'image ;

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans quatre journaux au choix de la société Stamp, aux frais de la société Van Rookhuijzen, dans la limite de 5 000 euros par insertion, et dire encore que chaque publication pourra être accompagnée d'un dessin ou d'une photographie du tabouret contrefait ;

- condamner la société Van Rookhuijzen à insérer sur la page d'ouverture de son site internet pendant 120 jours, le texte in extenso du jugement à intervenir sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement ;

- condamner la société Van Rookhuijzen à verser à la société STAMP la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société Van Rookhuijzen de toute demande reconventionnelle ;

- condamner la société Van Rookhuijzen aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 octobre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le défaut de droit d'agir de la société Van Rookhuijzen,

L'intimée soutient que l'ancien dirigeant de la société mène seul et de son propre chef la procédure en appel, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 622-9 du code de commerce emportant dessaisissement du mandataire social en cas de liquidation judiciaire. Elle en déduit que ce dirigeant est dépourvu d'intérêt à agir ou droit d'agir pour porter les prétentions de la société Van Rookhuijzen, qui sont irrecevables.

Le mandataire judiciaire fait valoir qu'il a repris l'instance, à la suite de la procédure collective touchant l'appelante.

La cour relève que l'appel est soutenu dans des conclusions qui sont établies au nom du mandataire judiciaire, agissant en qualité de représentant de la société Van Rookhuijzen, sur décision du tribunal de commerce. L'ancien dirigeant ne figure à aucun titre dans les qualités indiquées dans ces conclusions. Le moyen invoqué par l'intimée manque singulièrement en fait et, dès lors, en droit. La prétention de l'intimée, fondée sur un tel moyen, ne peut qu'être rejetée.

Sur la recevabilité de l'appel incident,

Le mandataire judiciaire soutient, au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile, que l'appel incident de l'intimée est irrecevable, pour ne pas avoir demandé l'infirmation dans ses premières conclusions du 10 mai 2021.

La société Stamp estime avoir pleinement satisfait à ses obligations d'intimée et d'appelante à titre incidente.

La cour relève que la société Van Rookhuijzen a déposé des conclusions le 12 avril 2021. L'instance a été interrompue par l'effet de l'ouverture contre elle d'une procédure collective, par jugement du 15 mai 2021, soit avant l'expiration du délai de trois mois prévus par l'article 909 du code de procédure civile. Par conclusions du 15 juin 2021, la société Stamp a déclaré reprendre l'instance. Or, si les premier et deuxième jeu de conclusions qu'elle a déposées les 10 mai et 17 juin 2021 ne demandaient pas l'infirmation partielle du jugement dans leurs dispositifs, c'est le cas des dernières conclusions, n° 3. Celles-ci ont été déposées le 21 juillet 2021, soit dans le délai de trois mois prévus par l'article 909 susvisé, lequel a été interrompu par l'ouverture de la procédure collective et a commencé à courir le 17 juin 2021.

En conséquence, il ne peut être utilement opposé à l'intimée les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Dès lors, l'appel incident est recevable.

Sur « l'irrecevabilité » de l'action en contrefaçon

Le mandataire judiciaire conteste l'acte par lequel le créateur des pièces aurait cédé ses droits à l'intimée, le 14 avril 2004 et considère qu'il n'est pas prouvé que les droits cédés portent sur le tabouret Tam Tam. Il considère que le contrat constitue plutôt un contrat de droits de modèle. Il ajoute que la chaîne des droits conférés, concernant le modèle Tam Tam particulièrement, de même que la personne titulaire de ces droits, en raison de l'existence de deux sociétés Stamp, n'est pas clairement identifiée.

Il conteste en outre l'originalité du tabouret, comme ne reflétant pas l'empreinte de la personnalité de son auteur. Il souligne qu'il appartient à l'intimée de démontrer ces éléments, ce qui fait défaut. Il écarte toute possibilité de reconnaître une originalité au seul fait des aspects pratiques et fonctionnels de l'œuvre, ce que ne permet pas le droit d'auteur alors qu'il produit des références d'antériorités consistant dans des tabourets démontables. Il indique que le tabouret ne présente pas de stabilité dans le temps, puisque le système d'emboîtement à changer.

Il en déduit que l'action de l'intimée serait irrecevable.

L'intimée soutient que l'appelant ne justifie pas du fondement juridique de l'irrecevabilité qu'il invoque. Elle écarte toute confusion entre droits de modèles et les droits d'auteur, lesquels ayant été en l'espèce été cédés, de manière très appropriée selon elle, par référence à l'enregistrement antérieur en tant que modèle. Elle considère justifier de la titularité des droits sur l'œuvre litigieuse auxquels elle prétend.

La cour considère que c'est par des motifs pertinents, qui répondent aux conclusions d'appel et qu'elle adopte, que le tribunal a retenu que le contrat de cession produit par l'intimée concerne l'œuvre invoquée par celle-ci et qu'il avait pour objet des droits d'auteur sur deux modèles, ce dont il ne résulte aucune expiration des droits.

En outre, les pièces n° 1 à 6 et 10 de l'intimée justifient suffisamment de la chaîne des droits conduisant à la reconnaître, en l'état des documents produits, comme cessionnaire unique des droits d'auteur litigieux.

De même, la cour approuve le tribunal d'avoir retenu, sans se référer à des aspects pratiques et fonctionnels, que l'œuvre litigieuse était originale par la combinaison de sa forme, qui présente des parties jumelles se rencontrant en un point dont la finesse permet néanmoins de supporter le poids d'un corps, et de son caractère démontable et emboîtable, lequel permet des combinaisons entre produits susceptibles d'en faire varier l'apparence, peu important à cet égard que le dispositif d'emboîtement des deux parties ait pu évoluer dans le temps.

Ces caractéristiques ne peuvent être considérées comme exclusivement imposées par la fonction technique de l'objet ou par des caractéristiques techniques.

Elles témoignent de l'expression de capacités créatives lors de la réalisation de l'œuvre, en raison des choix, libres et créatifs de l'auteur.

Il en résulte que le tabouret présente un parti pris esthétique reflétant la personnalité de son auteur.

Il sera en outre rappelé que l'originalité n'est pas la nouveauté et qu'il y a lieu, comme le tribunal, d'écarter les antériorités présentées par l'appelant (modèle Diabolo, « bidet transformable en tabouret à l'aide d'un couvercle, tabouret Achille et Pergiacomo), dans la mesure où ces modèles ne présentent pas, à l'instar du tabouret Tam Tam, une combinaison entre leur forme et une possibilité de démontage et de modification de leur apparence.

L'appelant se prévaut également d'un modèle Eternit, qui comme le relève la société Stamp, n'est pas un tabouret, est monobloc et ne présente pas, dès lors, la combinaison des caractéristiques susvisées.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la nullité des opérations de saisie contrefaçon,

La cour relève que le mandataire judiciaire demande, à titre infirmatif, l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon et des opérations de saisie subséquentes. Toutefois, le tribunal a prononcé cette annulation. La demande d'infirmation est, dès lors, sans objet.

Par ailleurs, si la société Stamp vise dans le dispositif de ses conclusions les chefs de dispositif du jugement qu'elle estime devoir être maintenus - sans viser l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 19 avril 2016 prononcée par le tribunal - et demande la « réformation pour le surplus », elle ne présente devant la cour aucune prétention contraire, visant à ce que ce procès-verbal soit déclarer régulier.

Dès lors, le chef de dispositif du jugement ayant prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 19 avril 2016 ne peut qu'être maintenu et les moyens soutenus par l'appelant visant à infirmer cette annulation, et ceux dont l'intimée fait état en réplique, sont surabondants.

Le jugement sera confirmé de ce chef,

Sur la nullité du procès-verbal de constat d'achat du 13 mai 2015,

À titre infirmatif, le mandataire judiciaire soutient qu'en effectuant l'achat, l'huissier de justice ne s'est pas borné à de simples constatations mais s'est engagé dans une démarche active liée à l'achat, en faisant réaliser l'opération par l'un de ses préposés et non en le réalisant lui-même, et alors qu'ont été utilisés les moyens de paiement de l'étude et non ceux, personnels, de la personne ayant fait les achats.

À titre confirmatif, la société Stamp indique que l'appelante ne justifie pas du fondement de la nullité qu'elle invoque.

C'est par des motifs pertinents, qui répondent aux conclusions d'appel et que la cour adopte, que le tribunal, relevant particulièrement que l'huissier n'avait pas procédé lui-même à l'achat litigieux, a écarté la demande d'annulation du procès-verbal de constat d'achat litigieux.

Il sera rappelé en outre que le commissaire de justice ne peut procéder lui-même à l'acquisition, dans le cadre d'un constat d'achat et, que, comme l'a retenu le tribunal à juste titre, il est requis que la personne qui assiste l'huissier instrumentaire lors de l'établissement d'un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante, ce qui était le cas en l'espèce puisque la personne était employée par l'étude, peu important en outre que celle-ci ait procédé à l'acquisition litigieuse avec les fonds de l'étude. Il n'est dès lors pas établi que le commissaire de justice ait outrepassé ses fonctions en se livrant à des actions autres que de pures constatations matérielles. Les critiques de l'appelant de ce chef sont inopérantes.

Sur la contrefaçon de droits d'auteur,

À titre infirmatif, le mandataire judiciaire soutient que le tabouret incriminé ne constitue pas une copie servile, alors qu'il n'est pas identique et n'en a pas les mêmes dimensions, étant en outre différent dans son système d'emboîtement. Il indique que l'intimée soutient que huit coloris auraient été repris alors que le catalogue qu'elle produit en comporte trente.

À titre confirmatif, l'intimée soutient que le tabouret commercialisé est une copie servile, comme reprenant trait pour trait les proportions et dimensions du modèle Tam Tam, ainsi que huit des coloris connus et commercialisés du modèle original ainsi que le caractère démontable et emboîtable, l'un des modèles contrefaisant, « Twin », reprenant de manière identique la conception en deux parties jumelles et les profils d'emboîtement.

Sur ce,

Sur le visa de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, la cour approuve le jugement qui, en ses motifs, qu'elle adopte et qui ne sont pas remis en cause par les moyens de l'appelant, a relevé les éléments du constat d'achat du 11 février 2016, dont il résulte la commercialisation d'un tabouret « Twin » qui présente une physionomie identique du tabouret « Tam Tam » ainsi que les mêmes caractéristiques de démontage et d'emboîtage, et en a déduit que la combinaison originale a été reproduite, et que l'atteinte aux droits d'auteur était constituée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la concurrence déloyale,

À titre infirmatif, l'intimée considère que la société Van Rookhuijzen a souhaité entretenir volontairement dans l'esprit du public et du consommateur moyennement avisé une confusion avec l'original dans le seul dessein de capter la clientèle de celui-ci.

À titre confirmatif, l'appelant considère que les faits de concurrence déloyale invoqués par l'intimée ne sont pas distincts de ceux reprochés au titre de la contrefaçon et ne peuvent donner lieu à des sanctions différentes et que, à considérer que le tabouret incriminé constituerait une copie servile, ce qu'il conteste, celle-ci n'est pas fautive par le seul fait de commercialiser des produits identiques à ceux distribués par un concurrent. Il estime que l'intimée ne prouve pas l'existence d'un risque de confusion, en soulignant que le terme Tam Tam n'a jamais été utilisé.

Sur ce,

La cour approuve de nouveau les premiers juges d'avoir retenu que la commercialisation d'une copie servile d'un produit dont la reproduction a été déjà appréhendée sous l'angle de la contrefaçon de droits d'auteur ne peut constituer un acte de concurrence déloyale que s'il est justifié de faits distincts de ceux qualifiés de contrefaçon. La société Stamp n'invoque ni ne justifie d'aucuns faits distincts en l'espèce, ni même de l'intention de l'appelante d'entretenir une confusion avec l'original afin de capter la clientèle attachée à celui-ci. Sa demande à ce titre n'est, dès lors, pas fondée.

Le jugement sera confirmé.

Sur l'indemnisation de l'intimée et la demande d'expertise .

Préliminairement, il sera relevé que l'intimée justifie de la déclaration de créance effectuée par ses soins auprès du liquidateur judiciaire, le 17 mai 2021 (pièce n° 18 de l'intimée).

Ainsi, en application des dispositions des articles L. 622-2 et 641-3 du code de commerce, l'action engagée par l'intimée étant en cours au moment de l'ouverture de la procédure collective et le liquidateur judiciaire étant dans la cause, les demandes indemnitaires de l'intimée doivent être requalifiées en demande de fixation de créances au passif de la société en liquidation judiciaire.

À titre infirmatif, sur le quantum, l'intimée se prévaut des dispositions de l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle pour soutenir que le préjudice lié à la perte de chiffre d'affaires correspond au nombre de produits contrefaisants commercialisés, ce qui constitue les conséquences économiques négatives. Elle estime que ce préjudice ne saurait être réduit à la marge nette dans la mesure où elle a dû assumer l'ensemble de ses charges fixes.

Elle précise que le tabouret contrefaisant a été commercialisé dans 242 hypermarchés de l'enseigne Carrefour et estime que la quantité de tabourets écoulée par magasin peut être estimée au nombre de 100 pièces. Elle indique que les pièces remises par la société Carrefour indiquent la vente de 19 274 pièces par la société Van Rookhuijzen auprès de cette société. Elle demande ainsi, à raison du prix de 15 euros par unité, le versement d'une provision à valoir sur son indemnisation à hauteur de 289 110 euros.

Elle revendique par ailleurs l'existence d'un préjudice pour atteinte à son image, correspondant à la perte latente du chiffre d'affaires compte tenu de la banalisation du produit, pour lequel elle demande l'allocation de la somme de 50 000 euros.

Elle estime qu'il reste à déterminer les quantités vendues par la société Van Rookhuijzen auprès d'autres clients, par voie d'expertise.

En réplique, le mandataire judiciaire indique que l'intimée a été indemnisée par la société Carrefour puisqu'elle s'est désistée de son action contre elle et que l'intéressée est devenue distributrice de tabourets dans cette enseigne, ce qui justifie selon lui le rejet des demandes. Il indique que la société Van Rookhuijzen a cessé toute commercialisation dès réception de l'assignation. Il reproche à l'intimée de ne pas différencier entre le préjudice résultant de la contrefaçon de droits d'auteur et celui au titre de la concurrence déloyale, ce qui devrait conduire également au rejet des demandes.

Il précise que, le procès-verbal de saisie-contrefaçon étant nul, il n'est rapporté aucune preuve quant à la masse contrefaisante, le procès-verbal de constat d'achat portant sur un seul tabouret.

Il soutient que l'intimée ne vend pas de tabourets mais que c'est la société Branex design qui les commercialise.

Il indique que la société Carrefour n'a pas vendu les tabourets 15 euros, et que l'intimée ne justifie que d'une acquisition à 12 euros. Elle reproche à l'intimée de ne pas exclure la TVA, à 20 %. Il précise justifier de ce que la société Carrefour vend des tabourets Tam Tam au prix de 10 euros, ce qui écarte selon lui tout préjudice d'image. Il conteste le nombre de produits commercialisés, les documents produits par l'intimé n'étant selon lui pas probants. Il considère qu'il n'est pas justifié d'une conséquence économique négative, de même que les charges fixes dont fait état l'intimée.

Il critique le tribunal pour avoir retenu un préjudice de 20 000 euros, et un préjudice correspondant à la marge chiffrée à 1,5 euros, ce qui implique une masse contrefaisante de 30 000 pièces, ce qui n'est pas établi par l'intimée.

Il soutient que l'intimée ne peut être suppléée en sa carence dans l'administration de la preuve par la désignation d'un expert.

Sur ce,

C'est par des motifs pertinents, qui répondent aux conclusions d'appel et que la cour adopte, que le premier juge, au regard des dispositions de l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, a, d'une part, écarté le moyen tiré de l'indemnisation de l'intimée par un accord avec la société Carrefour, a retenu l'inopérance du moyen tiré de ce que l'intimée ne commercialiserait pas elle-même les tabourets, d'autre part, retenu que si le préjudice subi par l'intimée ne se limite pas à sa marge brute mais ne peut pour autant correspondre à la perte de chiffre d'affaires subie et qu'il doit être évalué en fonction du bénéfice qu'elle aurait pu espérer si la contrefaçon n'avait pas eu lieu, soit la marge bénéficiaire.

En raison de l'annulation du procès-verbal de saisie contrefaçon, l'intimée ne peut toutefois se prévaloir des documents qui en résultent et qui déterminaient, notamment, le nombre de pièces vendues à la société Carrefour.

Cependant, étant rappelé qu'il n'est pas discuté que l'appelante ait commercialisé des tabourets, reconnus comme contrefaits, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que, l'intimée ne justifiant pas de la marge bénéficiaire qu'elle réalisait sur les tabourets, correspondant au préjudice qu'elle a subi et dont le principe est établi, cette marge pouvait néanmoins être évaluée à 15 % du prix de vente qu'elle pratique, lequel, au regard des pièces produites en première instance comme en appel sur ce point, doit être évalué à 10 euros.

Par ailleurs, au regard du nombre de magasins de l'enseigne, la cour souscrit au chiffrage du nombre de pièces qui ont pu être commercialisées, tel que proposé par l'intimée, et en déduit dès lors que le préjudice commercial de l'intimée sera justement évalué à la somme de 36 300 euros.

La créance de l'intimée sera fixée au passif de la société Van Rookhuijzen.

Le jugement, qui a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice commercial de l'intimée, sera réformé de ce chef.

En outre, c'est par une juste appréciation des circonstances de la cause que le tribunal a retenu l'existence d'un préjudice d'image subi par l'intimée, qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 20 000 euros, créance qui sera fixée au passif de la société. Il sera relevé que la pièce que l'appelant verse à son dossier (n° 22) pour justifier que l'intimée commercialiserait ses produits auprès de la société Carrefour n'est pas suffisamment probante.

La demande d'expertise, comme celles en versement de provisions qui l'accompagnent, formées par l'intimée sont sans objet.

Sur les autres demandes,

Le tribunal sera approuvé en ce qu'il a écarté la demande de publication, dans la presse et sur internet, réitérée à hauteur d'appel, en considération de l'ancienneté des faits et de l'absence de preuve de ce qu'ils auraient été maintenus après l'engagement de la procédure.

Il n'est soutenu aucun moyen par l'appelant concernant l'infirmation du chef de disposition du jugement concernant l'interdiction de commercialisation. Le jugement sera confirmé de ce chef.

En conséquence de ce qui précède, la demande indemnitaire pour procédure abusive présentée par l'appelant ne peut qu'être écartée.

L'appelant, perd en son procès, dont il devra supporter les dépens.

Par ailleurs, l'équité commande de rejeter les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a ;

- débouté la société Stamp de ses prétentions formées au titre de son préjudice commercial ;

- condamné la société Van Rookhuijzen à verser à la société Stamp la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image ;

L'infirmant de ces chefs et statuant à nouveau :

- fixe au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la société Van Rookhuijzen les sommes suivantes :

- 36 300 euros au titre du préjudice commercial consécutif à la contrefaçon de droits d'auteur ;

- 20 000 euros au titre du préjudice d'atteinte à l'image ;

Y AJOUTANT,

Condamne la SCP Alpha mandataires judiciaires, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Van Rookhuijzen à supporter les dépens d'appel ; 

Rejette les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.