Livv
Décisions

CA Montpellier, 5e ch. civ., 2 avril 2024, n° 21/04107

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fons Lavage (SARL)

Défendeur :

SCI Les Jardins Fleuris, Bompadis (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fillioux

Conseillers :

M. Garcia, Mme Strunk

Avocats :

Me Meric, Me Pepratx Negre, Me Pelissier, Me Vinckel

TJ Perpignan, du 4 mai 2021, n° 19/03859

4 mai 2021

EXPOSE DU LITIGE

Le 19 septembre 1988, la SCI Les Jardins Fleuris a consenti à la société Sodis un contrat de bail à construction, pour une durée de 30 ans, avec une fin prévue au 2 novembre 2018.

Par acte du 2 février 1989, la SCI Bompimo s'est portée acquéreur des droits dudit bail.

Le 19 avril 1989, la SCI Bompimo a cédé à la société Axamur, devenue par la suite Natexis Bail SA, tous les droits résultants du bail à construction.

Par un nouvel acte du même jour, la société Axamur a consenti à la SCI Bompimo, pour une durée de quinze années, un contrat de crédit-bail à la construction, portant sur un terrain sis à Bompas (66), lieudit [Localité 5].

Le 24 janvier 2008, un bail commercial a été conclu entre la SCI Bompimo, crédit-bailleur, et la SARL Fons Lavage.

Le 27 septembre 2014, la société Axamur a cédé à la SCI Bompimo les droits du bail à construction pour les lots n° 38 et 39 dudit bail, ainsi que sur les constructions édifiées sur le terrain.

Estimant que la SCI Bompimo devait perdre ses droits à l'expiration du bail à construction le 2 novembre 2018, faisant d'elle la propriétaire des parcelles et constructions, la SCI Les Jardins Fleuris a, par anticipation, suivant acte du 3 avril 2018, donné à bail commercial à la société Sudinvest le terrain et les constructions sur lesquels s'exerce l'activité de la SARL Fons Lavage.

Ledit bail avait vocation à courir à compter de l'expiration du bail à construction.

Parallèlement, par acte authentique du 28 septembre 2018, la SA Sudinvest a cédé à la SAS Bompadis le fonds de commerce de supermarché, avec station-service de distribution de carburants, location et vente de tous véhicules.

Dès le 13 octobre 2018, la SCI Bompimo, alors encore bénéficiaire du bail à construction, a rappelé à la SARL Fons Lavage qu'« En raison de l'arrivée à échéance du bail à construction dont notre société bénéficie, le bail commercial conclu entre nos sociétés s'achèvera le 2 novembre prochain, tel qu'indiqué au préambule de votre bail. Il vous appartient donc de prendre vos dispositions afin de libérer les lieux pour cette date, de démonter et débarrasser les lieux actuellement occupés par les équipements et mobiliers de votre exploitation de station de lavage. Le dépôt de garantie versé lors de la conclusion du bail commercial vous sera restitué lors de la remise des clefs qui aura lieu le 2 novembre 2018, à 15 heures. ».

Le 15 novembre 2018, le conseil de la SCI Bompimo a rappelé à nouveau au conseil de la SARL Fons Lavage cette échéance du 2 novembre 2018 mais celle-ci s'est maintenue dans les lieux, empêchant la SAS Bompadis de les exploiter.

Par un courrier du 28 février 2019, le conseil de la SARL Fons Lavage a exposé qu'elle était preneuse à bail légitime et a sollicité de la SCI Les Jardins Fleuris qu'elle procède à l'encaissement de chèques du loyer de 1 241,32 euros mensuels, pour la période de novembre 2018 à février 2019.

Par courrier du 11 mars 2019, SCI Les Jardins Fleuris a restitué les chèques au conseil de la SARL Fons Lavage, précisant qu'aucun lien n'existait entre elles.

Par acte d'huissier du 19 mai 2019, la SAS Bompadis a assigné en référé la SARL Fons Lavage en exposant qu'étant devenue par accession, depuis le 3 novembre 2018, titulaire du droit au bail, la SARL Fons Lavage se maintenait dans les lieux sans droit ni titre et en sollicitant donc du juge des référés qu'il constate la révocation du bail à construction et ordonne l'expulsion de la SARL Fons Lavage.

Par une ordonnance du 29 mai 2019, le juge des référés a déclaré irrecevable l'action de la SAS Bompadis.

La SARL Fons Lavage a également saisi le juge des référés afin d'être autorisée, ne sachant plus qui était son bailleur, à consigner les loyers.

Par ordonnance du 18 décembre 2019, le président du tribunal de grande instance de Perpignan a refusé de faire droit à la demande, en relevant qu'il n'y avait lieu à référé dans la mesure où aucun dommage imminent ni trouble manifestement illicite ne justifiait sa compétence.

C'est dans ces conditions que par acte d'huissier délivré le 27 novembre 2019, la SCI Les Jardins Fleuris a fait assigner la SARL Fons Lavage devant le tribunal judiciaire de Perpignan aux fins de la voir expulser et de lui payer une indemnité d'occupation.

Le jugement rendu le 4 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Perpignan :

Accueille la SAS Bompadis en son intervention volontaire à l'instance ;

Constate que le contrat de bail commercial conclu entre la SCI Bompimo et la SARL Fons Lavage le 24 janvier 2008 a automatiquement expiré le 2 novembre 2018, par l'effet du terme du bail à construction consenti le 19 septembre 1988 par la SCI Les Jardins Fleuris à la société Sodis ;

Juge que la SCI Les Jardins Fleuris n'avait pas à délivrer congé à la SARL Fons Lavage pour que le terme du bail soit effectif et qu'elle n'est pas davantage redevable d'une quelconque indemnité d'éviction ;

Rejette la demande d'expertise formée par la SARL Fons Lavage ;

Condamne la SARL Fons Lavage à payer à la SCI Les Jardins Fleuris une indemnité mensuelle d'occupation égale au dernier terme du loyer soit la somme de 1 241,32 euros à compter du 2 novembre 2018 jusqu'à ce qu'elle ait libéré les lieux tels que visés dans le contrat de bail du 24 janvier 2008, savoir une parcelle de terrain d'une superficie de 500 m2 dépendant du centre commercial de [Localité 4] lieudit Choisy le Job, libération qui ne sera effective qu'à la remise en état des lieux et le démontage de toute installation qui s'y trouve ;

Dit que la SARL Fons Lavage devra quitter les lieux dès la signification d'un commandement d'avoir à libérer et qu'à défaut de départ volontaire il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'appui de la force publique en cas de besoin ;

Condamne la SARL Fons Lavage aux dépens de l'instance engagée par la SCI Les Jardins Fleuris ;

Condamne la SARL Fons Lavage à payer à la SCI Les Jardins Fleuris la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'artic1e 700 du code de procédure civile ;

Dit qu'en se maintenant dans les lieux de manière illégitime depuis le 2 novembre 2018, la SARL Fons Lavage a commis une faute génératrice au préjudice de la SAS Bompadis d'un préjudice de jouissance et d'exploitation ;

Avant dire droit, sur l'indemnité due en réparation de ce préjudice,

Ordonne une expertise comptable et désigne pour y procéder M. [O] [V] ;

Donne à l'expert la mission suivante : (cf dispositif du jugement pour le détail de la mission)

Réserve à statuer sur les frais irrépétibles et les dépens de l'instance qui se poursuit ;

Prononce l'exécution provisoire du jugement ;

Renvoie 1'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 28 octobre 2021 et invite d'ores et déjà la SAS Bompadis à conclure pour cette date en lecture du rapport d'expertise s'il a été déposé.

Sur l'expiration du bail conclu au bénéfice de la SARL Fons Lavage, celle-ci soutenant que la durée de son bail signé avec la SCI Bompimo n'était pas calquée sur celle du bail à construction, le premier juge a relevé que le bail du 24 janvier 2008 liant la SCI Bompimo et la SARL Fons Lavage n'engageait pas la SCI Les Jardins Fleuris et ne lui était pas opposable, qu'en outre, il ressortait de ce contrat de bail, dans un chapitre intitulé « Préambule », que la SCI Bompimo avait d'abord consenti, en 2001, à la SARL Fons Lavage une sous-location, en ce qu'elle bénéficiait elle-même d'un contrat de crédit-bail jusqu'en 2004, que la SCI Bompimo avait ensuite consenti à la SARL Fons Lavage un bail commercial, une fois expiré le contrat de crédit-bail à compter du 1er octobre 2004, qu'était par ailleurs retranscrite une clause figurant dans l'acte du 18 avril 2001, par lequel la SCI Bompimo avait consenti à la société SARL Fons Lavage le contrat de sous-location, qu'ainsi, le fait que le bail consenti à la SARL Fons Lavage ne pouvait en toute hypothèse aller au-delà du 2 novembre 2018 figurait bien expressément dans le contrat de bail qui lui avait été consenti.

Le premier juge a par ailleurs relevé que le chapitre cinq de ce même contrat relatif à la durée indiquait que le bail était consenti à compter du 1er octobre 2004 pour une durée de neuf années entières et consécutives pour se terminer le 30 septembre 2013, sans prévoir qu'i1 pourra être tacitement renouvelé, que si cela n'excluait pas qu'il l'ait toutefois été à compter du 1er octobre 2014, il était acquis que cette reconduction ne pouvait toutefois se poursuivre au-delà du 2 novembre 2018.

Le premier juge a encore relevé que les dispositions de l'article L. 145-9 du code de commerce n'avaient pas vocation à s'appliquer au motif que, d'une part la SCI Les Jardins Fleuris n'était pas le bailleur de la SARL Fons Lavage, n'ayant conclu avec cette dernière aucun contrat de bail, que, d'autre part, cet article ne visait que les cas où la délivrance d'un congé était nécessaire pour qu'il soit mis un terme au bail, ce qui n'était pas le cas en l'espèce puisque le terme du bail était expressément prévu comme ne pouvant excéder la date du fin du bail à construction et ne dépendait, par conséquent, nullement de la volonté des parties qui n'avaient d'autre choix que de constater son extinction, qu'ainsi, la SCI Les Jardins Fleuris n'avait donc nullement obligation de délivrer un congé ou même une simple notification à la SARL Fons Lavage pour que le bail prenne fin, que celui-ci avait automatiquement pris fin le 2 novembre 2018 et non le 13 avril 2019 à minuit, comme concédé par erreur par la SARL Fons Lavage.

Le premier juge a rappelé que cela résultait également clairement des dispositions de l'artic1e L. 251-6 du code de la construction et de l'habitation, au terme desquelles « les servitudes passives, autres que celles mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 251-3, privilèges, hypothèques ou autres charges nées du chef du preneur et, notamment, les baux et titres d'occupation de toute nature portant sur les constructions, s'éteignent à l'expiration du bail », et que la jurisprudence de la Cour de cassation allait dans le même sens, en considérant que le bail commercial renouvelé portant sur un immeuble compris dans un bail à construction, se trouvait révoqué par l'effet de la loi à la date d'expiration de ce bail à construction.

Au final, le premier juge a retenu que la SCI Les Jardins Fleuris, qui n'était pas le bailleur de la SARL Fons Lavage et qui était propriétaire d'un ensemble immobilier sur lequel tous les baux et titres d'occupation de quelque nature portant sur les constructions s'étaient éteints à l'expiration du bail à construction, ne pouvait être tenue au paiement d'une quelconque indemnité d'éviction, qu'ainsi, la demande d'expertise formée devait être écartée et que la SARL Fons Lavage se trouvait par conséquent être occupante sans droit ni titre des lieux litigieux depuis le 2 novembre 2018.

Sur les demandes de la SAS Bompadis, le premier juge a relevé qu'il était constant que depuis le 2 novembre 2018 et alors qu'elle était pourtant preneur régulier des biens propriété de la SCI Les Jardins Fleuris en vertu d'un contrat de bail du 3 avril 2018, elle se trouvait privée de la possibilité de jouir et d'exploiter la parcelle de terrain illégitimement occupée par la SARL Fons Lavage, qu'elle avait ainsi subi un préjudice d'exploitation lié à l'impossibilité d'exploiter sa propre station de lavage, que toutefois, l'évaluation de ce préjudice ne pouvait être faite au seul regard de l'expertise comptable effectuée de manière non contradictoire et non impartiale par son propre expert-comptable, de sorte qu'il a ordonné, avant-dire droit sur ce point, une mesure d'expertise judiciaire

La SARL Fons Lavage a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe du 25 juin 2021.

Dans ses dernières conclusions du 24 septembre 2021, la SARL Fons Lavage demande à la cour de :

« Vu les dispositions des articles L. 251-6 du code de la construction et de l'habitation,

Vu les dispositions des articles L. 145-1 et suivants, et L. 145-17 du code de commerce,

Vu l'article 1231-1 du code civil,

Vu les articles 482 et 483 du code de procédure civile ;

Déclarer l'appel recevable en la forme,

Réformer la décision dont appel en ce qu'elle a :

Constaté que le bail commercial conclu entre la SCI Bompimo et la SARL Fons Lavage a automatiquement expiré le 2 novembre 2018 par l'effet du terme du bail à construction consenti le 19 septembre 1988 par la SCI Les Jardins Fleuris à la société Sodis,

Jugé que la SCI Les Jardins Fleuris n'avait pas à délivrer congé à la SARL Fons Lavage pour que le terme du bail soit effectif et qu'elle n'était pas redevable d'une indemnité d'éviction,

Rejeté la demande d'expertise de la SARL Fons Lavage,

Condamné la SARL Fons Lavage à payer une indemnité mensuelle d'occupation jusqu'à la remise en état des lieux et démontage de toutes installations qui s'y trouvent,

Dit que la SARL Fons Lavage devra quitter les lieux dès la signification d'un commandement d'avoir à libérer les lieux,

Condamné la SARL Fons Lavage au paiement de 3 000 euros d'article 700 du code de procédure civile,

Dit qu'en se maintenant de manière illégitime depuis le 2 novembre la SARL Fons Lavage a commis une faute génératrice d'un préjudice de jouissance,

Ordonné une expertise comptable en désignant M. [O] [V],

Ordonné l'exécution provisoire ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

Constater que la durée du bail commercial conclut le 24 janvier 2008 entre la SARL Fons Lavage et la SCI Bompimo n'est pas expressément liée à la durée du bail à construction ;

Constater qu'il n'est pas justifié d'un congé valablement délivré selon les dispositions du code de commerce à la SARL Fons Lavage ;

En conséquence,

Débouter les sociétés Bompadis et Les Jardins Fleuris de toutes leurs demandes à l'égard de la SARL Fons Lavage ;

A titre subsidiaire, si la cour devait considérer le bail commercial conclu comme échu,

Dire que la SARL Fons LAVAGE a droit à l'indemnité d'éviction ;

Et, avant dire droit,

Désigner tel expert qu'il plaira à la juridiction afin de : (cf dispositif des conclusions pour le détail de la mission)

Renvoyer l'affaire devant le juge de la mise en état pour que les parties concluent en lecture du rapport d'expertise ;

En tout état de cause,

Condamner solidairement les sociétés Bompadis et le Jardins Fleuris au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700, outre les entiers dépens d'instance. »

Sur la poursuite du bail consenti malgré la fin du bail à construction revendiqué et pour l'essentiel, la SARL Fons Lavage soutient, contrairement à ce que prétend la SAS Bompadis, que le bail commercial consenti en 2008 n'a pas une durée assise sur le bail à construction au motif que le paragraphe « durée du bail » ne le stipule pas de manière expresse, et que, de surcroît, le bail a été renouvelé tacitement.

Selon elle, le bail commercial en cause a perduré par tacite reconduction sans assoir, par conséquent, la durée du bail tacitement renouvelé sur la durée du bail à construction revendiqué, qui, selon elle, n'existe plus depuis que la propriété a été transférée à la SCI Bompimo, le 27 septembre 2004, soit antérieurement à la signature du bail commercial en question.

La SARL Fons Lavage en conclut ainsi que la stipulation de durée ne saurait être liée à un bail à construction qui, selon elle, n'existe déjà plus.

Elle estime que la juridiction de première instance à commis une erreur d'appréciation sur la situation juridique de la SCI Bompimo et l'existence d'un bail à construction au moment de la signature du bail commercial en 2008.

Elle demande en conséquence à la cour de réformer le jugement dont appel en ce qu'il a considéré que le bail commercial consenti devait être assis sur la durée du bail à construction et que le bail conclu a automatiquement pris fin le 2 novembre 2018.

Sur la reconduction tacite du bail, la SARL Fons Lavage demande à la cour de relever que le terme du bail commercial visé dans l'acte du 24 janvier 2008 est le 30 septembre 2013, que la SCI Les Jardins Fleuris ne justifie pas des modalités de reconduction dudit bail et que, par conséquent, il est tout à fait cohérent, selon elle, de dire que, depuis, le bail est reconduit tacitement.

Elle indique que dans ses dernières conclusions, la SCI Les Jardins Fleuris constate que la prétendue échéance du bail ne peut être fixée au 2 novembre 2018 et, qu'en tout état de cause, la résiliation que les demandeurs ont tenté de lui imposer était irrégulière.

Sur les conséquences de la rupture contractuelle, la SARL Fons Lavage estime que le caractère brutal de la rupture contractuelle est avéré par les conclusions de la SCI Les Jardins Fleuris, qu'elle ne saurait être déclarée responsable des erreurs commises par les sociétés Bompadis, Sud Invest ou des Jardins Fleuris dans la gestion des baux consentis, qu'ainsi, elle estime qu'elle peut prétendre à une indemnité d'éviction, voire à une indemnité de remplacement si le non-renouvellement du bail devait entraîner la disparition totale du fonds de commerce.

Elle sollicite en conséquence une expertise afin qu'en soit évalué le montant.

Dans ses dernières conclusions du 30 janvier 2024, la SCI Les Jardins Fleuris demande à la cour de :

« Vu les articles L. 25l-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation,

Vu l'article L. 25l-6 du code de la construction et de l'habitation,

Vu les actes versés au débat,

Vu le Jugement déféré ;

Confirmer en tout point le jugement du 4 mai 2021, sauf en ce qu'il a soumis la libération des lieux à la signification d'un commandement et n'a pas assorti l'expulsion d'une astreinte ;

Accueillir l'appel incident de la société Les Jardins Fleuris sur ce point et en réformant et ajoutant au jugement confirmé par ailleurs,

Ordonner l'expulsion de la SARL Fons Lavage et tous occupants de son chef avec l'appui de la force publique si nécessaire et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

Débouter la SARL Fons Lavage de tous ses moyens et demandes contraires ;

Condamner la SARL Fons Lavage à payer à la SCI Les Jardins Fleuris la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SARL Fons Lavage aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile. »

Sur la durée du bail et son expiration, la SCI Les Jardins Fleuris avance que la SARL Fons Lavage indique de manière erronée que la référence à l'expiration du bail à construction n'avait pas lieu d'être car, en 2008, elle était propriétaire des constructions depuis 2004, si bien que le bail à construction s'était éteint. Elle soutient qu'il s'agit là d'une mauvaise application et interprétation de la règle de droit.

La SCI Les Jardins Fleuris entend rappeler que la SCI Bompimo est en 2004, comme en 2008, titulaire des droits attachés au bail à construction et que cela signifie qu'elle est propriétaire des constructions jusqu'à l'expiration dudit bail et qu'elle reste propriétaire du terrain. Elle souligne que le bail à construction opère une dissociation de la propriété du sol et son utilisation, qu'il organise.

Elle entend également rappeler que contrairement à ce que soutient la société Fons Lavage, la SCI Bompimo n'est pas à la fois créancier et débiteur d'une même obligation, qu'elle est locataire du terrain sur lequel les constructions édifiées sont sa propriété jusqu'à l'expiration du bail et que si elle donne à bail les constructions, elle est créancière des loyers générés par le bail commercial, qui portent sur les constructions, et débitrice des loyers générés par le bail à construction, qui porte sur le terrain, qu'ainsi, il n'y a absolument aucune confusion, qu'il s'agit du principe même du bail à construction.

Elle en conclut que le bail à construction n'est donc absolument pas éteint par confusion, qu'il existait bien au moment de la signature du contrat du 24 janvier 2008.

Pour le surplus, la SCI Les Jardins Fleuris demande à la cour de confirmer la motivation du tribunal, de déclarer sans droit ni titre la SARL Fons Lavage depuis le 2 novembre 2018 et de prononcer son expulsion, sous astreinte, au motif qu'elle n'a pas quitté les lieux spontanément malgré le fait que la décision dont elle a relevé appel était assortie de l'exécution provisoire.

Sur les conséquences de l'expiration du contrat de bail, la SCI Les Jardins Fleuris soutient, contrairement à la SARL Fons Lavage, que le bail n'a été ni renouvelé tacitement, ni résilié avant l'heure par le bailleur, qu'il n'y avait ainsi aucun congé à délivrer puisqu'il a tout simplement expiré, arrivé à échéance le 2 novembre 2018, échéance qui lui avait été rappelée, de sorte que, ne s'agissant pas de la délivrance d'un congé ni d'un droit à renouvellement refusé, la SARL Fons Lavage n'a droit à aucune indemnité d'éviction et doit, en conséquence, être déboutée de sa demande d'expertise.

Dans ses dernières conclusions du 29 janvier 2024, la SAS Bompadis demande à la cour de :

« Vu l'article L. 251-6 du code de la construction et de l'habitation,

Vu les articles 328 et suivants du code de procédure civile,

Vu le bail à construction du 19 septembre 1988,

Vu les pièces ;

A titre principal,

Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a constaté que le bail commercial conclu entre la SCI Bompimo et la SARL Fons Lavage a automatiquement expiré le 2 novembre 2018 par l'effet du terme du bail à construction consenti le 19 septembre 1988 par la SCI Les Jardins Fleuris à la société Sodis ;

Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a jugé que la SCI Les Jardins Fleuris n'avait pas à délivrer congé à la SARL Fons Lavage pour que le terme du bail soit effectif et qu'elle n'était pas redevable d'une indemnité d'éviction ;

Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise de la SARL Fons Lavage ;

Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné la SARL Fons Lavage à payer une indemnité mensuelle d'occupation égale au dernier terme du loyer soit la somme de 1 241,32 euros à compter du 2 novembre 2018 jusqu'à ce qu'elle ait libéré les lieux tels que visés dans le contrat de bail du 24 janvier 2008, à savoir une parcelle de terrain d'une superficie de 500 m2 dépendant du centre commercial de [Localité 4] Lieudit [Localité 5], libération qui ne sera effective qu'à la remise en état des lieux et démontage de toute installation qui s'y trouve ;

Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que la SARL Fons Lavage devra quitter les lieux dès la signification d'un commandement d'avoir à libérer les lieux et, qu'à défaut de départ volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'appui de la force publique en cas de besoin ;

Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit qu'en se maintenant de manière illégitime depuis le 2 novembre 2018, la SARL Fons Lavage a commis une faute génératrice au préjudice de la SAS Bompadis d'un préjudice de jouissance et d'exploitation ;

Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a ordonné une expertise comptable en désignant M. [O] [V] pour déterminer le préjudice d'exploitation de la SAS Bompadis ;

Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a prononcé l'exécution provisoire ;

Confirmer la décision déférée pour le surplus ;

En tout état de cause,

Condamner la SARL Fons Lavage à payer à la SAS Bompadis la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SARL Fons Lavage en tous les dépens. »

Pour l'essentiel, la SAS Bompadis demande la confirmation du jugement dont appel pour les motifs adoptés par le premier juge, en ce qu'il a retenu que le bail commercial avait expiré automatiquement avec l'expiration du bail à construction le 2 novembre 2018 et, qu'en se maintenant illicitement, la SARL Fons Lavage avait commis une faute génératrice d'un préjudice indemnisable à son profit.

Elle forme toutefois appel incident sur le fait que le tribunal a rejeté sa demande de condamnation sous astreinte de la SARL Fons Lavage à libérer les lieux, au motif qu'elle s'y est maintenue malgré le fait que la condamnation prononcée à son encontre était assortie de l'exécution provisoire.

A ce titre, elle précise que depuis le jugement déféré, rendu le 4 mai 2021, et après un commandement de quitter les lieux signifié le 1er juin 2021, un constat de commissaire de justice réalisé le 18 août 2021 a permis d'établir que si la SARL Fons Lavage avait quitté les lieux, elle avait néanmoins laissé toute la structure de la station de lavage, les tunnels, les évacuations et canalisations d'eau, les séparateurs d'hydrocarbure et les rails, que seuls avaient été enlevé les rouleaux de la station de lavage et un second constat commissaire de justice réalisé le 24 novembre 2021 a permis d'établir la présence d'installations partiellement démontées, de séparateurs d'hydrocarbure et de bouteilles de gaz.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 31 janvier 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 21 février 2024 pour y être plaidée.

MOTIFS

1. Sur l'expiration du bail conclu au bénéfice de la SARL Fons Lavage

La cour relève du préambule du bail commercial du 24 janvier 2008, signé entre la SCI Bompimo et la SARL Fons Lavage, qu'il porte sur un terrain d'une superficie de 500 m2 dépendant du centre commercial lieudit [Localité 5] à [Localité 4], compris dans le bail à construction du 19 septembre 1988, qui expirait le 2 novembre 2018, et que cette échéance y était expressément indiquée, de sorte que l'appelante ne pouvait l'ignorer.

Il en résulte qu'à cette date, la SCI Les Jardins Fleuris est devenue, par accession, en exécution du bail à construction originaire, propriétaire de ce terrain et des constructions édifiées, qui permettaient à la SARL Fons Lavage Société d'y exercer son activité de station de lavage.

Comme le soutiennent justement les intimées, en réplique à la SARL Fons Lavage qui avance que la SCI Bompimo était déjà propriétaire lors de la signature du bail commercial, de sorte que le bail à construction s'est trouvé échu à ce moment, éteint par la réunion de la qualité de preneur et de propriétaire, si la SCI Bompimo ne pouvait être effectivement à la fois créancière et débitrice d'une même obligation, il doit être retenu qu'elle était toutefois locataire du terrain sur lequel les constructions édifiées étaient sa propriété, jusqu'à l'expiration du bail, et qu'en donnant à bail les constructions, elle était en réalité créancière des loyers générés par le bail commercial, qui portait sur les constructions, et débitrice des loyers générés par le bail à construction, qui portait sur le terrain, qu'ainsi, il n'y avait aucune confusion.

Comme l'a justement retenu le premier juge, au visa de l'article L. 251-6 du code de la construction et de l'habitation, à la suite de l'expiration du bail à construction, le 2 novembre 2018, l'ensemble des actes conclus par la SCI Bompimo a pris fin, de sorte que la SCI Les Jardins Fleuris n'avait nullement obligation de délivrer un congé ou même une simple notification à la SARL Fons Lavage pour que le bail prenne fin, que celle-ci se trouve par conséquent être occupante sans droit ni titre des lieux litigieux depuis le 2 novembre 2018, qu'ainsi, la SCI Les Jardins Fleuris ne saurait être tenue au paiement d'une quelconque indemnité d'éviction et que la demande d'expertise formée ce titre ne pouvait en conséquence qu'être écartée.

Il s'ensuit que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise formée par la SARL Fons Lavage, l'a condamnée à payer à la SCI Les Jardins Fleuris une indemnité mensuelle d'occupation égale au dernier terme du loyer, soit la somme de 1 241,32 euros, à compter du 2 novembre 2018 jusqu'à ce qu'elle ait libéré les lieux, libération qui ne sera effective qu'à la remise en état des lieux et le démontage de toute installation qui s'y trouve, et dit que la SARL Fons Lavage devra quitter les lieux dès la signification d'un commandement d'avoir à libérer et, qu'à défaut de départ volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'appui de la force publique en cas de besoin.

Il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte, comme le sollicite la SCI Les Jardins Fleuris, dès lors que si elle produit des procès-verbaux dressés par commissaire de justice en 2021, qui établissent qu'il restait encore quelques installations mais qui étaient partiellement démontées, la bailleresse reconnait que la SARL Fons Lavage avait quitté les lieux à cette date, surtout ces constats ne sont pas actualisés, de sorte que la cour n'est pas en capacité de constater que des installation seraient toujours présentes sur les lieux à la date du présent arrêt.

2. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Fons Lavage sera condamnée aux dépens de l'appel, avec droit de recouvrement direct au bénéfice des avocats qui peuvent y prétendre.

La SARL Fons Lavage, qui échoue en son appel, en toutes ses prétentions, sera en outre condamnée à payer à la SCI Les Jardins Fleuris et à la SAS Bompadis, à chacune la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 4 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Perpignan, en toutes ses dispositions ;

Statuant pour le surplus,

DEBOUTE la SCI Les Jardins Fleuris de sa demande de condamnation de la SARL Fons Lavage au paiement d'une astreinte ;

CONDAMNE la SARL Fons Lavage à payer à la SCI Les Jardins Fleuris la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;

CONDAMNE la SARL Fons Lavage à payer à la SAS Bompadis la somme de 3 000 euros sur le même fondement ;

CONDAMNE la SARL Fons Lavage aux dépens de l'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du code de procédure civile.