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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 28 mars 2024, n° 22/17200

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

La Bougie de Saint Tropez (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Badie, Me Bonvino-Ordioni, Me Schreck

TJ Draguignan, du 13 déc. 2022, n° 22/46…

13 décembre 2022

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de bail commercial en date du 30 décembre 2018, M. [U] [E] a donné à bail commercial saisonnier à la société Bougie de [Localité 5], des locaux commerciaux situés [Adresse 1] à [Localité 5] pour une durée de 12 mois du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019.

Les parties ont qualifié leur bail de 'bail commercial saisonnier'.

Un litige a opposé les parties sur la qualification du bail, le bailleur considérait qu'il s'agissait bien d'un bail saisonnier tandis que pour la preneuse, le bail devait être requalifié en bail commercial.

M. [U] [E] a considéré que du fait de la fin du bail saisonnier, sa locataire était devenue occupante sans droit ni titre.

Par ordonnance de référé du 26 août 2020, confirmée par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 octobre 2021 (laquelle retenait la prescription biennale de l'action tendant à la reconnaissance du statut des baux commerciaux), l'expulsion de la société preneuse était ordonnée sous astreinte et il était mentionné que cette dernière était devenue occupante sans droit ni titre depuis le 1er janvier 2020.

Par acte d'huissier de justice du 15 octobre 2020, la société Bougie de [Localité 5] a fait assigner, cette fois-ci au fond, M. [U] [E], devant le tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de requalication du bail litigieux du 30 décembre 2018 improprement qualifié de 'bail commercial saisonnier' en un bail commercial et en paiement de dommages et intérêts.

Par arrêt du 31 mai 2022, rendu suite à l'appel de la preneuse contre une ordonnance du juge de la mise en état du 27 juillet 2021 qui déclarait irrecevable comme prescrite son action, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré recevable l'action engagée par la preneuse comme non prescrite et a déclaré irrecevable le moyen de la bailleresse tiré du défaut d'immatriculation au RCS (relevant que cette demande demande d'irrecevabilité n'avait pas été présentée devant le juge de la mise en état).

Dans le cadre de l'instance pendante au fond devant le tribunal judiciaire de Draguignan, le bailleur a formé un incident devant le juge de la mise en état par conclusions du 12 août 2022 aux fins de voir déclarer irrecevable l'action en requalification de l'ancienne locataire.

Au soutien de sa fin de non-recevoir, le bailleur affirmait que son ancienne locataire ne justifiait pas de son inscription au RCS- à la date de l'assignation - pour son fonds de commerce situé au sein des locaux loués ([Adresse 1] à [Localité 5]).

Par ordonnance du 13 décembre 2022, le jug de la mise en éta tdu tribunal judiciaire de Draguignan a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [U] [E],

- déclaré la société La Bougie de [Localité 5] recevable en son action formée contre M. [U] [E],

- renvoyé l'affaire à la mise en état du 28 février 2023 pour conclusions au fond du défendeur,

- condamné M. [U] [E] à payer à la société La Bougie de [Localité 5] la somme de 1 500 euros sur 1e fondement de l article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [H] [E] aux dépens.

Pour se déterminer ainsi concernant le rejet de la fin de non-recevoir soulevée par M. [U] [E], le juge de la mise en état relevait qu'au regard de sa qualité, il n'avait pas le pouvoir de trancher une question de fond si elle ne constituait pas un préalable à une fin de non-recevoir et qu'il ne pouvait donc pas, en l'espèce, examiner la question de l'application du statut des baux commerciaux au local litigieux.

Le juge de la mise en état précisait encore que la question de l'application du statut des baux commerciaux au local considéré était entièrement indépendante de celle de la qualité à agir de la société Bougie de [Localité 5] affirmant au surplus que cette qualité n'était pas sérieusement contestable au regard de son statut de preneuse du local considéré.

M. [U] [E] a formé un appel le 23 décembre 2022.

Sa déclaration d'appel est ainsi rédigée : '.appel tendant à l'annulation ou à la réformation d'une Ordonnance prononcée le 13 décembre 2022 sous le n° RG 22/4666 par le tribunal judiciaire de Draguignan en ces chefs critiqués qui ont :

- rejeté la fin de non recevoir soulevée par M. [U] [E],

- déclaré la SASU La Bougie de [Localité 5] recevable en son action formée contre M. [U] [E]

- condamné M. [U] [E] à payer à la SASU La Bougie de [Localité 5] la somme de l 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [U] [E] aux dépens '

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 août 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 mars 2023, M. [U] [E] demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance,

statuant à nouveau,

vu les dispositions des articles L145-1- 1°, R140-23 du code de commerce, 122 et 789 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevable la société La Bougie de Saint-Toprez en son action ,

en conséquence,

- débouter la la société La Bougie de [Localité 5] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ,

- la condamner à la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 février 2023 , la société Bougie de [Localité 5] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance dont appel,

- débouter M. [U] [E] de l'intégralité de ses demandes,

y ajoutant,

- le condamner au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

L'article L. 145-1 du code de commerce dispose :I. - Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce, et en outre :

1° Aux baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent au propriétaire du Local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal. En cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l'utilisation jointe ,

2° Aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées - soit avant, soit après le bail - des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire.

II. - Si le fonds est exploité sous forme de location-gérance en application du chapitre IV du présent titre, le propriétaire du fonds bénéficie néanmoins des présentes dispositions sans avoir à justifier de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.

III. - Si le bail est consenti à plusieurs preneurs ou indivisaires, l'exploitant du fonds de commerce ou du fonds artisanal bénéficie des dispositions du présent chapitre, même en l'absence d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers de ses copreneurs ou coindivisaires non exploitants du fonds.

En cas de décès du titulaire du bail, ces mêmes dispositions s'appliquent à ses héritiers ou ayants droit qui, bien que n'exploitant pas de fonds de commerce ou de fonds artisanal, demandent le maintien de l'immatriculation de leur ayant cause pour les besoins de sa succession.

Il résulte de la disposition précédente que quatre conditions doivent être réunies pour que le statut des baux commerciaux puisse être invoqué : l'existence d'un bail, l'existence d'un local, l'existence d'un fonds en exploitation ou de l'exercice effectif d'une profession artisanale, l'existence d'un preneur commerçant ou artisan immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.

De plus, le preneur qui sollicite la requalification d'un bail en un bail commercial dés l'origine et revendique ainsi le statut des baux commerciaux doit justifier d'une immatriculation à la date de sa demande en justice, cette immatriculation devant porter sur le local loué objet du bail même s'il s'agit d'un établissement secondaire.

S'agissant tout d'abord de la fin de non-recevoir opposée par l'ancien bailleur, tirée du défaut de qualité de preneuse de l'ancienne locataire, celle-ci est inefficace au regard du fait que si cette dernière a été expulsée des lieux en exécution de l'ordonnance de référé du 28 octobre 2021, elle a néanmoins disposé d'un bail et elle dispose toujours d'un intérêt à solliciter la requalification dudit bail en un bail commercial. La société La Bougie de [Localité 5] sollicite d'ailleurs des dommages-intérêts en lien avec la privation du statut des baux commerciaux.

La cour ne peut que rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de preneuse de la société La Bougie de [Localité 5].

S'agissant ensuite de la supposée fin de non-recevoir soulevée par l'ancien bailleur, tirée du défaut d'inscription au RCS du fonds de commerce exploité au sein des lieux donnés bail, il est exact que la société appelante justifie seulement d'une immatriculation pour son siège social (situé [Adresse 3] à [Localité 5]) mais non pas pour le fonds de commerce exploité dans le local loué à la date de son assignation, soit le 15 octobre 2020.

Cependant, ce moyen de défense de l'ancien bailleur ne constitue pas une fin de non-recevoir mais seulement une défense au fond.

En effet, en opposant à l'ancien preneur son défaut d'immatriculation du fonds de commerce exploité dans le local loué, l'ancien bailleur souhaite seulement démontrer que faute pour l'intéressé de justifier de la réunion de toutes les conditions d'application du statut des baux commerciaux, celui-ci ne saurait solliciter la requalification du bail en un bail commercial.

Le moyen opposé par l'ancien bailleur tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'ancien preneur, ce qui répond à la définition d'une défense au fond telle que formulée à l'article 71 du code de procédure civile.

Il appartiendra au juge du fond d'apprécier le bien-fondé de ce moyen de défense au fond qui ne relève pas de la compétence du juge de la mise en état.

C'est donc à juste titre que le juge de la mise en état a déclaré recevables les demandes formées par la société La Bougie de [Localité 5] en relevant notamment que la question du défaut d'immatriculation pour le fonds de commerce exploité au sein des lieux loués était en réalité une simple question de fond.

La cour confirme l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile , M. [U] [E] sera condamné aux dépens et à payer une somme de 2000 euros à la société La Bougie de [Localité 5].

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire :

- confirme l'ordonnance d'incident de mise en état du 13 décembre 2022 en toutes ses dispositions,

- condamne M. [U] [E] à payer à la société La Bougie de [Localité 5] une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. [U] [E] aux entiers dépens.