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Décisions

CA Pau, 2e ch - sect. 1, 2 avril 2024, n° 22/03416

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Domench Soustons (SCI)

Défendeur :

Calley (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pellefigues

Conseillers :

M. Darracq, Mme Guiroy

Avocats :

Me Rembliere, Me Lalanne

CA Pau n° 22/03416

1 avril 2024

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SCI Domench Soustons est propriétaire d'un local commercial formant le lot n°1 d'un bâtiment en copropriété, [Adresse 5].

Par acte sous seing privé du 9 novembre 2015, la SCI Domench Soustons a donné à bail à la société Calley (SARL), une partie du lot n°1, à compter du 1er décembre 2015 moyennant un loyer annuel de 20.000 euros HT, outre les charges.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mars 2021, le conseil de la locataire a contesté devoir les charges de copropriété réglées depuis le début du bail et mis en demeure la bailleresse de lui communiquer les appels de fonds depuis le mois de janvier 2016.

Suivant exploit du 10 mai 2021, la société Calley a fait assigner la SCI Domench Soustons devant le tribunal judiciaire de Dax en répétition du paiement indu des charges de copropriété.

Par jugement contradictoire du 7 décembre 2022, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :

- déclaré recevables les demandes formulées par la société Calley en remboursement des charges de copropriété à l'exception de celles afférentes à la période antérieure au 10 mai 2016 ;

- condamné la SCI Domench Soustons à payer à la société Calley la somme de 17.637,96 euros au titre du remboursement des charges de copropriété ;

- dit que cette condamnation est assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2021 ;

- condamné la SCI Domench Soustons à verser à la société Calley la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société Calley aux dépens.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 20 décembre 2022, la SCI Domench Soustons a relevé appel partiel de ce jugement, étant exclue la disposition du jugement ayant débouté la société Calley de sa demande de remboursement des charges en cours de procédure.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 17 janvier 2024.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 9 août 2023 par l'appelante qui a demandé à la cour d'infirmer le jugement entrepris du chef des dispositions critiquées dans la déclaration d'appel et, statuant à nouveau, de :

A titre principal :

- déclarer irrecevables les demandes de la société Calley ;

- ordonner à la société Calley de restituer l'ensemble des sommes qui lui ont été versées.

A titre subsidiaire :

- débouter la société Calley de l'ensemble de ses demandes.

En toutes hypothèses, condamner la société Calley à lui payer une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 mai 2023 par la SARL CALLEY qui a demandé à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI Domench Soustons à lui payer la somme de 17.637,96 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2021, et la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclarer recevable et bien fondé son appel incident ;

- dire et juger que le bailleur ne peut obtenir le règlement des charges de copropriété réclamées en cours de procédure ;

- dire que les fonds sur le compte séquestre CARPA seront restitués à la société Calley sur simple présentation de la décision à intervenir ;

- condamner la SCI Domench Soustons à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande en répétition de l'indu

En premier lieu, l'appelante fait grief au jugement d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'exception de compte arrêté, alors que, selon l'appelante, en acceptant de régler les appels de fonds, la société Calley a renoncé à contester la dette dont elle a accepté le principe sans formuler d'opposition, ce dont l'appelante déduit que la demande en répétition de l'indu réglé en exécution des appels de fonds est irrecevable en application de l'article 1268 du code de procédure civile.

Mais, d'une part, un compte n'est arrêté, au sens de l'article 1268 du code de procédure civile, que s'il a été discuté, approuvé et ratifié par les deux parties dans des conditions impliquant leur volonté commune de fixer définitivement leur situation respective.

Les appels de fonds périodiques, au titre des charges de copropriété, délivrés par le bailleur, de surcroît non régis par des clauses du bail liant les parties, ne remplissent pas ces conditions.

D'autre part, le jugement a exactement retenu que l'action en répétition de l'indu n'est pas une action en révision de compte à laquelle seule peut être opposée l'exception de compte arrêté.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Et, la disposition du jugement ayant déclaré irrecevable la demande de restitution des sommes réglées avant le 10 mai 2016 n'est pas remise en cause par les parties.

Sur la répétition de l'indu

L'appelante fait grief au jugement d'avoir ordonné la restitution des sommes réglées au titre des charges de copropriété aux motifs que l'inventaire des charges du bail ne précise pas les catégories de charges que doit supporter le bailleur, qu'il n'est pas fait mention de la quote-part incombant à chaque lot de l'immeuble, que l'inventaire des catégories de charges et leur clef de répartition ne sont pas précisés avec suffisance au sens de l'article L145-40-2 du code de commerce, et que le bailleur ne produit pas les décomptes de régularisation des charges locatives, alors que, selon l'appelante :

- le bail comporte l'inventaire des charges détaillées imputées au locataire, de sorte que les autres, même dans le silence du bail, incombent au bailleur ;

- le bail développe la clef de répartition des charges entre les deux locataires, celle-ci étant appliquée dans les appels de fonds ;

- un récapitulatif annuel a été communiqué au locataire, outre les décomptes détaillés figurant dans les commandements de payer successifs ;

- les charges de ravalement de l'immeuble incombent au locataire, en vertu du bail, et aucune charge n'a été appelée au titre de l'entretien des escaliers.

L'intimée approuve les motifs du jugement et ajoute que le contrat de bail et les appels de fonds ne répondent pas aux exigences légales des articles L145-40-2 et R145-35, R145-36 du code de commerce, de sorte que cette non-conformité prive le bailleur du droit de prétendre au paiement des charges et doit être condamné à rembourser toutes les charges perçues dans ces conditions.

Cela posé, la Cour constate que le litige est circonscrit aux seules charges de copropriété récupérables.

Ensuite, il incombe à la société Calley, demanderesse à l'action en répétition de l'indu, de prouver le caractère indu du paiement, soit que la dette ne lui était pas imputable, soit que la dette n'était pas exigible.

En matière de bail commercial, les parties peuvent convenir librement de la répartition des charges, dans les conditions et limites des articles L145-40-2, R145-35 et R145-36 du code de commerce.

Le litige soumis à la cour ne commande pas de vérifier si le bail liant les parties comporte l'inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire, prévu à l'article L145-40-2 du code de commerce mais de vérifier que les charges de copropriété figurent bien au titre des charges récupérables énoncées dans le bail.

Par ailleurs, la Cour n'est pas saisie d'une demande tendant à voir annuler ou réputée non-écrite telle clause du bail liant les parties.

Ledit bail précise, d'abord, que le lot n°1 représentant 709,08 euros m² est donné à bail à la société Graganni et que les parties conviennent de répartir de la manière suivante les 3.079/10.000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales attachées au lot n°1, soit :

- pour les biens loués à la société Calley : 22,7% des 3.079/10.000èmes, soit 698/10.000èmes ;

- pour les biens loués à la société Graganni : 77,3% des 3.079/10.000èmes, soit 2.381/10.000èmes.

Le règlement de copropriété et l'état descriptif de division sont annexés au bail.

La clause relative au loyer précise que, 'en sus, le preneur [...] remboursera au bailleur la quote-part de charges de copropriété [...]'.

La clause relative aux 'impôts-taxes-et-charges divers' stipule encore que le preneur devra rembourser au bailleur [...] les charges locatives afférentes aux locaux loués sur justificatifs ainsi que les charges de copropriété.

Il ressort des clauses précitées que les charges de copropriété du lot n°1 figurent bien comme catégorie de charges locatives et que le bail les met à la charge de la société Calley, selon la clef de répartition à hauteur de 22,7%, à proportion de la superficie de la fraction du lot n°1 louée à la société Calley, le surplus étant imputé à l'autre locataire.

Les tantièmes du lot n°1 sont également précisés.

Par conséquent, les clauses du bail relatives aux charges de copropriété répondent aux prescriptions de L145-40-2 du code de commerce.

Et, les seules charges de copropriété imputables au bailleur, par dérogation à la clause du bail, sont celles visées à l'article R145-35 du code de commerce.

Par conséquent, la SCI Domench Soustons tient du bail le droit de réclamer à sa locataire les charges de copropriété du lot n°1, à l'exception de celles visées à l'article précité.

A cet égard, la société Calley conteste spécialement le paiement des dépenses relatives aux travaux de ravalement de la façade de l'immeuble en copropriété.

Mais, les dépenses de ravalement de façade de l'immeuble dont dépend le local loué ne constituent pas des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil.

Et, s'agissant de la contestation relative à l'entretien des escaliers, le bailleur n'a jamais réclamé de contribution de ce chef.

Enfin, la SCI Domench Soustons a procédé par voie d'appel de fonds, accompagnés des appels de fonds du syndic de copropriété mentionnant l'objet et le montant de la dépense et son imputation sur le lot n°1, chaque appel de fonds du bailleur précisant la ventilation entre les deux locataires selon la clef de réparation fixée dans le bail.

Il est exact que le bailleur, doit, en application de l'article R145-36 du code de commerce, établir un état récapitulatif annuel aux fins de régularisation des charges de copropriété.

Cependant, d'une part, l'inexécution de cette obligation ne prive pas le bailleur du droit d'obtenir le paiement, sous réserve de justifier des charges arrêtées annuellement.

D'autre part, en l'espèce, la SCI Domench Soustons a communiqué les relevés de décompte annuel des charges de copropriété.

En définitive, il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que la société Calley ne rapportent pas la preuve de l'indu allégué.

Le jugement sera donc infirmé des chefs critiqués par l'appel principal, et la société Calley déboutée de ses demandes.

La Cour rappelle que le présent arrêt infirmatif sur ces points constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de restitution.

Le jugement sera confirmé du chef de l'appel incident, d'autant que la Cour n'est pas saisie d'une demande d'infirmation de la disposition critiquée par l'intimée.

La société Calley sera condamnée aux entiers dépens et les parties déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confime le jugement entrepris en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'exception de compte arrêté, sur le fondement de l'article 1268 du code de procédure civile ;

- débouté la société Calley de sa demande au titre des charges de copropriété en cours de procédure.

Infirme le jugement entrepris pour le surplus,

et statuant à nouveau,

Déboute la société Calley de sa demande de restitution des sommes versées au titre des charges de copropriété du 10 mai 2016 au 31 mars 2021 et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Calley aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.