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Décisions

CA Douai, 3e ch., 28 mars 2024, n° 23/00435

DOUAI

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bertin

Conseillers :

Mme Belkaid, Mme Van Goetsenhoven

Avocats :

Me Laforce, Me Berne

TGI Douai, du 4 oct. 2018, n° 23/00435

4 octobre 2018

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [N] [M] exerçait en son nom propre, une activité commerciale de réparation de meubles et d'équipement du foyer sous l'enseigne « Ambiances d'époques » dans des locaux situés dans la zone commerciale de [Localité 7] sud à [Localité 8], dont elle était locataire suivant bail commercial conclu avec la société Daussy.

Par jugement du 23 avril 2007, le tribunal de commerce de Douai a notamment placé Mme [M] en redressement judiciaire, et désigné M. [J] [P] en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement du 31 mars 2008, ce même tribunal a notamment converti la procédure en liquidation judiciaire, et désigné M. [P] en qualité de liquidateur.

Par acte d'huissier du 3 février 2015, Mme [M] a fait assigner M. [P] en qualité de liquidateur judiciaire de ses biens devant le tribunal de grande instance de Douai aux fins de :

- dire recevable et bien fondée son action en recherche de responsabilité à l'encontre de celui-ci ;

- condamner M. [P] ès qualités à lui payer les sommes suivantes :

120 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique ;

20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Guy Foutry par application des dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Par acte d'huissier du 12 avril 2017, Mme [M] et M. [D] [X], agissant en qualité de mandataire ad hoc de la première, ont fait assigner M. [P] devant le tribunal de grande instance de Douai aux fins de :

- dire recevable et bien fondée l'instance engagée par Mme [M] ;

- dire et juger que M. [P], mandataire judiciaire pris en son nom personnel, avait commis des fautes dans l'exercice de sa mission, qui démontraient manifestement un manque de diligences, un défaut d'information, et étaient de nature à voir engager sa responsabilité professionnelle, invoquant alors :

'sa négligence dans le traitement de sa contestation de la créance du RSI ;

'les obstacles mis à la cession du droit au bail et du fonds de commerce ;

'la poursuite d'une procédure irrégulière de vente par adjudication de son immeuble d'habitation ;

- en conséquence, condamner M. [P], mandataire judiciaire pris en son nom personnel, à régler à Mme [M] les sommes de :

120 000 euros en réparation du préjudice économique subi ;

20 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bruno Bufquin par application des articles 696 et suivants du code de procédure civile ;

- dire et juger que le jugement à intervenir bénéficiera de l'exécution provisoire.

Les deux procédures ont été jointes suivant décision du 18 avril 2017 rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Douai.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 4 octobre 2018, le tribunal judiciaire de Douai a :

déclaré recevable l'action diligentée par Mme [M] prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. [X] ;

dit que M. [P] avait commis des fautes de nature délictuelle dans le cadre de ses fonctions de liquidateur judiciaire ;

condamné M. [P] en personne à verser la somme de 1 600 euros à Mme [M] prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. [X], en réparation du préjudice moral ;

débouté Mme [M] prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. [X], du surplus de ses demandes indemnitaires ;

débouté M. [P] en personne et en qualité de liquidateur de ses demandes au fond ;

condamné M. [P] en personne à verser la somme de 2 000 euros à Mme [M] prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. [X], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [P] en personne aux dépens de l'instance ;

ordonné l'exécution provisoire.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 12 novembre 2018, M. [P] a formé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement, dans des conditions de forme et de délai non contestées, et plus précisément des chefs du dispositif numérotés 2 ; 3 ; 6 ; et 7 ci-dessus.

4. La procédure :

Suivant l'arrêt du 7 mai 2020, ensemble l'arrêt rectificatif d'erreur matérielle du 9 juillet 2020, la cour d'appel de Douai a :

- rabattu l'ordonnance de clôture et fixé la nouvelle clôture au 12 mars 2020 ;

- dit recevables les demandes de Mme [M] tendant à la condamnation de M. [P] sur le fondement du dépassement du délai raisonnable à la clôture des opérations de liquidation, et sur le fondement de l'irrégularité alléguée de la procédure de vente de son immeuble ;

- confirmé en toutes ses dispositions le jugement querellé ;

y ajoutant,

- condamné M. [P] à payer à M. [X], mandataire ad hoc de Mme [M], la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [P] à payer les frais de M. [X], administrateur ad hoc, tels qu'ils seront fixés par ordonnance ;

- condamné M. [P] aux dépens d'appel ;

- autorisé Maître [G] à recouvrer directement les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Mme [M] et M. [X] agissant de qualité de mandataire ad hoc de la première ont formé pourvoi en cassation contre les deux arrêts susvisés.

Par arrêt du 23 mars 2022, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 7 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai, constaté l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt rectificatif rendu le 9 juillet 2020, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces deux arrêts, et les a renvoyées devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

La Cour de cassation a jugé que la cour d'appel avait violé les dispositions des articles 16 et 784, devenu 803, du code de procédure civile en retenant, pour révoquer l'ordonnance de clôture du 25 février 2020, fixer la nouvelle clôture au 12 mars 2020, jour de l'audience, et ainsi admettre la recevabilité des conclusions n° 5 et de la pièce n° 49, communiquées le 6 mars 2020 par M. [P], que l'opposition formée par Mme [M] contre l'ordonnance du juge-commissaire ordonnant la poursuite de la vente aux enchères publiques de son immeuble, dont M. [P] n'avait eu connaissance que postérieurement à l'ordonnance de clôture du 25 février 2020, était une cause grave de révocation de cette ordonnance, et en procédant ainsi sans ordonner la réouverture des débats.

Par déclaration au greffe enregistrée le 26 janvier 2023, Mme [M] et M. [X] agissant en qualité de mandataire ad hoc de la première ont saisi la cour d'appel de Douai du renvoi après cassation.

Par ordonnance du 23 mai 2023 du président du tribunal de commerce de Douai, M. [A] [C] a été désigné, en remplacement de M. [X], mandataire ad hoc de Mme [M], et s'est vu confier la même mission de la représenter dans le cadre de l'instance et de ses suites éventuelles.

5. Les prétentions et moyens des parties :

5.1. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2023, Mme [M] et M. [C] en qualité de mandataire ad hoc de la première demandent à la cour, au visa des articles 73, 74, 771, 909 du code de procédure civile, 6-1 de la convention européenne des droits de l'Homme, 11 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, 1240 et 1241 du code civil, L. 624-1 du code de commerce, de :

- donner acte à Maître [H] [K] qu'il se constitue devant la cour au nom et pour le compte de M. [C] intervenant volontairement en sa qualité de mandataire ad hoc de Mme [M] en remplacement de M. [X] ;

- dire Mme [M] et M. [C] ès qualités recevables et fondés en leurs demandes ;

y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu le 4 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Douai en ce qu'il :

'n'a pas reconnu toutes les fautes reprochées à M. [P] par Mme [M] ;

'a limité à la somme de 1 600 euros le montant de l'indemnisation de Mme [M] en réparation de son préjudice moral ;

'a débouté Mme [M] et son mandataire ad hoc du surplus de leurs demandes indemnitaires ;

statuant à nouveau, sur le fond,

- juger que M. [P] a commis plusieurs fautes dans sa mission de liquidateur qui démontrent manifestement un manque de diligences, un défaut d'information, et engagent sa responsabilité professionnelle ;

- en conséquence, condamner M. [P], à titre personnel, à régler à Mme [M] la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi ainsi que la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- enjoindre à M. [P] de restituer les sommes versées par l'adjudicataire, et de confirmer l'annulation de l'adjudication auprès du service des publicités foncières ;

- condamner M. [P], à titre personnel, à régler à Mme [M] la somme de 350 000 euros en réparation de la perte de son domicile et 50 000 euros en réparation des conséquences, s'il refuse de se soumettre à l'injonction ci-dessus ;

- dire que ces sommes sont des biens propres qui doivent revenir directement à Mme [M], et non pas sur les comptes de la liquidation judiciaire ;

- débouter M. [P], à titre personnel comme en qualité de liquidateur judiciaire des biens de Mme [M], de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [P], à titre personnel, à régler à Mme [M] représentée par M. [C], mandataire ad hoc, la somme de 20 486,45 euros pour les frais irrépétibles précédents la présente instance, et la somme de 6 000 euros pour les frais relatifs à l'instance sur renvoi de cassation et ce, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [P] aux entiers dépens d'instance et d'appel, outre au paiement de la somme de 3 600 euros représentant les honoraires du mandataire ad hoc, M. [X], ainsi que des honoraires de M. [C], qui seront déterminés par une ordonnance ultérieure.

A l'appui de leurs prétentions, Mme [M] et M. [C] ès qualités font valoir que :

- M. [P] a refusé d'entreprendre voire de poursuivre les diligences normales, utiles et raisonnables inhérentes à sa mission pour procéder à la réalisation des actifs de l'activité professionnelle de Mme [M], dans les conditions les plus favorables à l'ensemble de ses créanciers et à celle-ci ;

- M. [P] a outrepassé ses droits, en décidant comme unique solution au dédommagement des créanciers, la vente du bien immobilier personnel de Mme [M] ;

- ils reprochent au liquidateur le traitement fautif de la vérification de la créance déclarée par le RSI, laquelle a été finalement écartée suivant arrêt de la cour d'appel de Douai du 12 décembre 2011, le fait de s'être abstenu d'accomplir les diligences nécessaires pour céder le droit au bail ou le fonds de commerce, le fait d'avoir commis une faute dans la procédure de vente de l'immeuble d'habitation, et le fait de n'avoir pas procédé aux opérations de clôture de la liquidation judiciaire dans un délai raisonnable ;

- c'est grâce à la seule ténacité de Mme [M] qu'a finalement été reconnue l'absence de créance du RSI, alors qu'elle avait fait valoir, dès le 23 août 2007, au mandataire judiciaire le caractère infondé de celle-ci ; la réticence de M. [P] à la soutenir dans une réclamation fondée est fautive, et lui a causé un préjudice, dès lors qu'elle a dû engager seule une procédure d'appel et exposer des frais de justice pour défendre les intérêts légitimes de la liquidation ;

- pendant la période d'observation, sa liquidation judiciaire aurait pu être évitée, si le mandataire judiciaire avait donné suite à l'offre de rachat du droit au bail, formulée par la société Vet affaires moyennant le prix de 120 000 euros, avec pour seule condition le rachat des murs que le bailleur voulait vendre ;

- après la liquidation judiciaire, la société Vet affaires a confirmé par lettre du 14 avril 2008 son intention d'acquérir le fonds de commerce, mais s'est heurtée au silence et à l'impossibilité de contacter le liquidateur ;

- Mme [M] reproche notamment au liquidateur de ne pas avoir répondu à sa lettre du 2 octobre 2008 par laquelle elle l'informait que son bailleur était prêt à régulariser la vente de l'immeuble au profit de la société Vet affaires sous réserve de l'obtention de l'expertise amiante et de l'autorisation de la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) pour l'exploitation du local à usage commercial sur 1 500 m² ;

- tenu d'une obligation de moyens dans l'exécution de sa mission de réalisation des actifs, le liquidateur n'a lui-même effectué aucune démarche de mise en vente du bail ou du fonds de commerce, actif principal de l'entreprise, ni recherché d'autres acquéreurs potentiels ; le 11 janvier 2010, le propriétaire bailleur a finalement vendu l'immeuble commercial à un autre exploitant qui s'est dispensé de tout rachat du droit à bail, M. [P] ayant écrit au notaire que le bâtiment était libre de toute occupation et que le bail pouvait être considéré comme résilié à la date de son courrier ;

- dans le jugement de liquidation judiciaire simplifiée, M. [P] a reçu pour mission uniquement de réaliser ses actifs mobiliers, et il a donc outrepassé ses droits en demandant la vente aux enchères de son immeuble personnel, alors que le passif était limité à une somme de 2 540,23 euros en principal, et que la cession du droit au bail ou du fonds aurait suffi à le couvrir ;

- par jugement du 12 mai 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Arras a annulé la procédure de vente sur adjudication de l'immeuble d'habitation, considérant que le liquidateur avait commis une faute, dès lors que la procédure qu'il avait diligentée était irrégulière ;

- par suite, M. [P] a multiplié à quatre reprises les requêtes auprès du juge de l'exécution aux fins de vendre l'immeuble alors qu'il était dans l'impossibilité de le faire depuis le jugement du 12 mai 2016 ;

- par ordonnance du 23 janvier 2020, le juge-commissaire a rendu une ordonnance autorisant M. [P] à procéder à la vente de son domicile, à l'encontre de laquelle elle a formé opposition ; cette ordonnance a été confirmée par jugement du tribunal de commerce de Douai rendu le 27 janvier 2021, et les opérations d'adjudication se sont poursuivies ; par jugement du 17 février 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Arras a déclaré la société DPMG patrimoine, marchand de biens, adjudicataire de sa maison à usage d'habitation moyennant le prix principal de 174 000 euros ;

- elle considère que c'est par la faute du liquidateur que la procédure de saisie immobilière a été lancée et poursuivie, et qu'un mandataire n'en a le droit que s'il y a des créanciers à dédommager ;

- M. [P] commet une nouvelle fraude en lui faisant signifier le jugement d'adjudication non exécutoire le 30 mars 2022, soit huit jours après l'arrêt de cassation du 23 mars 2022 ; elle argue qu'il existe un lien de dépendance entre son action en responsabilité contre le liquidateur et la procédure d'adjudication, et que les jugements du tribunal de commerce de Douai du 27 janvier 2021, du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Arras du 21 octobre 2021 aux fins d'orientation et du 17 février 2022 aux fins d'adjudication, sont annulés sans ambiguïté par l'arrêt de la Cour de cassation du 23 mars 2022 ;

- elle considère que l'absence de clôture de sa procédure de liquidation judiciaire dans un délai raisonnable constitue une faute lourde au sens de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'Homme, et de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

- le jugement du 31 mars 2008 prononçant sa liquidation judiciaire prévoyait une clôture de la procédure dans les douze mois à compter de sa date ; la durée de sa liquidation judiciaire que le liquidateur refuse toujours de clôturer est déraisonnable, et constitue un déni de justice ; l'arrêt de cassation du 23 mars 2022 remet en cause le jugement du 16 décembre 2021 du tribunal judiciaire de Douai qui a condamné l'agent judiciaire de l'Etat pour déni de justice à lui payer une somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- elle indique que M. [P] a frauduleusement diligenté sa dernière procédure de saisie immobilière alors que les créances de la liquidation sont éteintes depuis plusieurs années.

5.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 1er décembre 2023, M. [P] demande à la cour, au visa des articles 564, 914 du code de procédure civile, L. 641-9 du code de commerce, 1382 ancien du code civil, L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, de :

- infirmer le jugement critiqué en ce qu'il :

a jugé qu'il avait commis des fautes de nature délictuelle dans le cadre de ses fonctions de liquidateur judiciaire ;

l'a condamné en personne à verser la somme de 1 600 euros à Mme [M] prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. [X], en réparation du préjudice moral ;

l'a condamné en personne à verser la somme de 2 000 euros à Mme [M] prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. [X], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

l'a condamné en personne aux dépens de l'instance ;

statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables les demandes tendant à sa condamnation sur le fondement du dépassement du délai raisonnable à la clôture des opérations de liquidation, de la prétendue irrégularité de la procédure de vente de l'immeuble de Mme [M], et sur le fondement de négligences dans la vérification du passif ;

- subsidiairement, l'en débouter ;

- déclarer irrecevables les demandes de Mme [M] et M. [C] tendant à la restitution des sommes versées par l'adjudicataire et à la confirmation de l'annulation de l'adjudication auprès du service des publicités foncières et, à défaut, sa condamnation du fait de la vente aux enchères publiques de l'immeuble de Mme [M], aux sommes de 350 000 euros et de 50 000 euros ;

- subsidiairement, l'en débouter ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [M] du surplus de ses demandes ;

- débouter Mme [M] et M. [C] ès qualités de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner Mme [M] et M. [C] ès qualités à lui verser la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;

- condamner Mme [M] et M. [C] ès qualités à lui verser à la somme de 5 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile devant le premier juge ;

en tout état de cause,

- condamner Mme [M] et M. [C] ès qualités à lui verser la somme de 7 500 euros au titre des frais irrépétibles devant la cour ;

- condamner Mme [M] et M. [C] ès qualités aux entiers dépens, de première instance et d'appel, avant et après cassation, qui pourront être recouvrés directement par Maître Olivier Berne, avocat au barreau de Lille, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, M. [P] fait valoir que :

- seule la carence de Mme [M], qui n'a apporté ni au juge-commissaire ni au liquidateur les éléments d'information de nature à écarter plus tôt la créance du RSI, est à l'origine de la décision ayant nécessité un appel ;

- la créance du RSI ayant été finalement rejetée, et même abandonnée par le créancier, la proposition d'admission, qui lui est imputée comme fautive, validée initialement par le juge-commissaire, n'est la cause d'aucun préjudice ;

- il a travaillé pour qu'intervienne la cession du fonds, celle-ci n'ayant pas eu lieu en raison des tergiversations des éventuels acquéreurs ;

- pendant la période d'observation, Mme [M], n'étant pas dessaisie de ses droits sur son patrimoine, pouvait continuer à le gérer, et mettre elle-même en 'uvre la cession de son droit au bail ou de son fonds de commerce avec l'autorisation du tribunal ;

- l'éventuel repreneur du fonds souhaitait lier cette cession à l'achat de l'immeuble abritant le fonds, mais les parties à la négociation ne se sont jamais accordées sur le contenu du contrat de cession ;

- dès le 2 avril 2008, nommé comme liquidateur par jugement du 31 mars 2008, il a contacté la société Vet affaires pour connaître ses intentions ; le 24 avril 2008, la société Vet affaires a confirmé son intention d'acquérir le fonds à la condition de pouvoir acquérir les murs ; par courrier du 18 novembre 2008, les représentants de la société Vet affaires ont finalement confirmé ne pas vouloir donner suite au projet d'acquisition de l'immeuble ; après cette date, plus aucun repreneur ne s'étant manifesté, il a résilié le bail de Mme [M] le 20 novembre 2009, et le propriétaire de l'immeuble l'a cédé ;

- il est logique que Mme [M] n'ait pas bénéficié d'un droit de préemption sur l'immeuble commercial, puisqu'elle n'en était plus locataire le 11 janvier 2010 à la date de la vente ;

- Mme [M] ne s'est jamais plainte de son inertie pendant les négociations, et son revirement est opportuniste ;

- dans le cadre de la liquidation judiciaire, il était tenu de faire procéder à la vente aux enchères publiques de l'immeuble propriété de la débitrice, et en avait confié l'exécution à un avocat ; ce dernier a par erreur fait délivrer à Mme [M] une sommation de comparaître à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution au lieu d'une assignation, mais il s'agit d'une erreur purement formelle qui n'est pas personnellement imputable au liquidateur ; la faute commise par un avocat dans la gestion de la procédure immobilière ne peut pas engager la responsabilité du liquidateur judiciaire

- en réalité Mme [M] n'a eu de cesse de retarder la procédure d'adjudication de son immeuble ;

- l'erreur procédurale de l'avocat, qui a conduit à l'annulation de la procédure d'adjudication par jugement du 12 mai 2016, n'a entraîné aucun préjudice pour Mme [M], qui s'est maintenue plus longtemps dans son immeuble sans payer de loyer ; elle n'a subi aucun préjudice moral en lien avec la durée de la procédure de saisie immobilière ;

- il soulève, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des demandes nouvelles de Mme [M] tirées d'un prétendu dépassement du délai raisonnable à la clôture des opérations de liquidation, et de prétendus manquements à l'occasion de la vente immobilière, lesquelles ne se rattachent pas aux prétentions initiales par un lien suffisant ;

- la demande d'indemnisation relative à la durée de la procédure vise à engager la responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice, et non la sienne, et a déjà été réparée par le jugement du tribunal judiciaire de Douai du 16 décembre 2021, qui a alloué à Mme [M] 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi pour déni de justice ; - le jugement de liquidation judiciaire du 31 mars 2008 ne mentionne pas le caractère simplifié de la procédure, une liquidation judiciaire simplifiée étant conditionnée, en application de l'article L. 641-2 du code de commerce, à l'absence de bien immobilier dans le patrimoine du débiteur ; depuis la liquidation judiciaire, prononcée le 6 mai 2003, de la société Troc Artois dont elle était gérante, Mme [M] exerçait une nouvelle activité commerciale en son nom personnel, de sorte que l'ensemble de son patrimoine personnel constituait le gage de ses créanciers ;

- le délai de la procédure collective de Mme [M] s'explique par le nombre d'actes rendus nécessaires à la réalisation de ses actifs, notamment la tentative de cession du fonds jusqu'en juin 2009, la vérification des créances dont celle du RSI jusqu'en 2011, l'opposition manifestée dès l'origine par la débitrice à la vente de sa résidence personnelle, l'obstruction à la vente immobilière par adjudication ayant abouti en 2016 à l'annulation de la procédure pour vice de forme ;

- la demande formée par Mme [M] devant la cour de renvoi, tendant à lui enjoindre de restituer les sommes versées par l'adjudicataire et de confirmer l'annulation de l'adjudication auprès du service des publicités foncières, et à défaut de lui verser une indemnité de 350 000 euros correspondant à la valeur de l'immeuble et de 50 000 euros pour les autres conséquences liées à la perte de son bien, est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel ;

- sur le fond, il a encaissé le prix de cession pour le compte de la liquidation judiciaire et non à titre personnel ;

- l'arrêt de cassation du 23 mars 2022 n'a pas pour effet d'annuler l'ensemble des décisions de justice ayant abouti à la vente aux enchères publiques, contrairement aux allégations de Mme [M].

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur l'intervention volontaire du mandataire ad hoc

Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Par ordonnance du 23 mai 2023 du président du tribunal de commerce de Douai, M. [A] [C] a été désigné, en remplacement de M. [X], mandataire ad hoc de Mme [M], et s'est vu confier la même mission de la représenter dans le cadre de l'instance et de ses suites.

En conséquence, il convient de déclarer recevable en appel l'intervention volontaire de M. [C] pris en qualité de mandataire ad hoc de Mme [M].

II - Sur la recevabilité des demandes nouvelles en appel

Aux termes des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La lecture du jugement critiqué enseigne que dans leurs dernières conclusions de première instance notifiées le 5 mars 2018, Mme [M] et son mandataire ad hoc n'ont invoqué, au soutien de leur action en responsabilité, ni l'absence de délai raisonnable à la clôture des opérations de liquidation, ni l'ensemble des manquements reprochés au liquidateur lors de la procédure de vente immobilière ; pour autant, il s'agit de simples moyens nouveaux, et non de prétentions nouvelles, de sorte que ces moyens sont recevables en cause d'appel en application des textes susvisés.

S'agissant de l'annulation alléguée de la vente par adjudication, s'il s'agit bien d'une prétention nouvelle en cause d'appel, il reste que celle-ci tend à faire juger une question née de la survenance ou de la révélation d'un fait apparu en cours de procédure, à savoir l'achèvement de la procédure d'adjudication, et qu'elle est par conséquent recevable en cause d'appel.

III - Sur les fautes reprochées au mandataire judiciaire

Aux termes des articles 1240 et 1241, anciens 1382 et 1383, du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La responsabilité du mandataire de justice, tenu à une obligation de prudence et de diligence dans l'exécution des missions légales qui lui sont confiées, notamment la vérification du passif et la réalisation des actifs, s'apprécie selon les règles de la responsabilité civile délictuelle.

A - Sur la faute alléguée lors de la vérification du passif

Il résulte des arrêts de la 2ème chambre section 2 de la cour d'appel de Douai rendus le 14 avril et 12 décembre 2011 que :

- le RSI a déclaré une créance provisionnelle de 5 015 euros à titre privilégié, et ce dans l'attente de connaître les revenus de Mme [M] pour l'année 2007 ;

- Mme [M] a contesté cette déclaration par courrier du 23 août 2007, considérant qu'elle ne devait aucune créance au RSI ;

- par ordonnance du 2 juin 2009, le juge-commissaire a néanmoins admis cette créance provisionnelle privilégiée pour un montant de 5 015 euros ;

- Mme [M] a interjeté appel de cette ordonnance.

Dans son arrêt avant dire droit du 14 avril 2011, la cour a ordonné la réouverture des débats, invité M. [P], en qualité de mandataire liquidateur, à verser aux débats la déclaration de créance, les pièces justificatives qui y étaient jointes, la contestation de la débitrice et/ou la sienne sur cette déclaration, à préciser si la caisse avait procédé à sa déclaration définitive de créance dans le délai de l'article L. 624-1 du code de commerce en application de l'article L. 622-24 alinéa 3 du même code, à conclure sur la déclaration de créance en précisant s'il proposait son admission, et dans ce cas sous quelle forme et pour quel montant, ou bien son rejet.

Dans l'arrêt du 12 décembre 2011, la cour a infirmé l'ordonnance entreprise et rejeté la déclaration de créance du RSI, retenant notamment que le RSI avait, par attestation du 12 janvier 2008, certifié que Mme [M] était à jour des cotisations exigibles au 31 décembre 2007, et ne produisait aucun élément justifiant d'un rappel de cotisations.

Mme [M] reproche à M. [P] de ne pas avoir soutenu sa contestation de la créance du RSI, puis de l'avoir contrainte à exercer un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire du 2 juin 2009.

La lecture de l'ordonnance du 2 juin 2009 (pièce 17/5 de Mme [M]) enseigne que Mme [M] et le mandataire judiciaire, bien que ceux-ci s'en défendent, ont comparu devant le juge-commissaire à l'audience de contestation, ce qui démontre que M. [P], prenant en considération la contestation de sa débitrice, en avait valablement saisi le juge-commissaire, et il ne peut lui être fait grief de ce que le juge-commissaire n'a pas entendu suivre Mme [M] dans sa contestation, la contraignant à en interjeter appel.

Il n'apparaît pas, à la lecture de l'ordonnance du 2 juin 2009, que Mme [M] ait versé au débat l'attestation du RSI du 12 janvier 2008, dont elle disposait, et qui certifiait qu'elle était à jour des cotisations exigibles au 31 décembre 2007. Mme [M] ne démontre pas davantage avoir volontairement communiqué ce document à M. [P] pour qu'il puisse faire valoir ses droits.

Cependant, M. [P], qui a déclaré s'en rapporter à la justice sur les mérites de l'appel portant sur la vérification de la créance du RSI, et s'est abstenu, au mépris des obligations légales mises à sa charge par les articles L. 621-4 et L. 622-24 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 applicable au litige, de produire la déclaration de créance, les pièces justificatives y afférentes, la contestation de la débitrice, de préciser si la caisse avait déclaré sa créance à titre définitif dans le délai qui lui était imparti, et de donner son avis motivé sur l'admission ou le rejet de ladite créance, a contraint la cour à ordonner la réouverture des débats.

En agissant ainsi, M. [P] s'est montré négligent dans le suivi de la procédure d'appel eu égard à la mission complète de vérification du passif qui lui était confiée.

Le jugement critiqué est confirmé en ce qu'il a retenu une faute de M. [P] dans la procédure de vérification de la créance du RSI.

B - Sur la faute relative à l'absence de cession du droit au bail ou du fonds de commerce

=> Pendant la période de redressement judiciaire, Mme [M] considère que sa liquidation judiciaire aurait pu être évitée si le mandataire judiciaire avait apporté tous les moyens nécessaires à la réalisation de la cession du droit au bail ou du fonds, dès lors qu'elle était en contact avec un repreneur potentiel, la société Vet affaires, dès l'ouverture de la procédure collective.

Pendant la période d'observation, en application de l'article L. 622-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005, applicable au litige, Mme [M] a continué à assurer l'administration de son entreprise, en l'absence de nomination d'un administrateur ; elle n'était pas dessaisie de ses droits sur son patrimoine et assurait tous les actes de gestion de l'entreprise en redressement. En application de l'article L. 622-20 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 M. [P] nommé mandataire judiciaire avait seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers.

Mme [M] produit à l'appui de ses prétentions :

- une lettre du 9 mai 2007 intitulée « sous-location » dans laquelle elle propose à la société Vet affaires, à titre principal, la sous-location d'une partie de son local commercial et, à titre subsidiaire, le « rachat de son bail », la société Vet affaires lui sous-louant dans cette seconde hypothèse une partie de ses locaux (pièce 101) ; - un courrier du 14 mai 2007 de la société Vet affaires réclamant à Mme [M] de lui envoyer le contrat de bail (pièce 102) ;

- un courrier du 25 juin 2007 adressé à son conseil, Maître [B], pour qu'il accepte d'assurer la défense de ses intérêts dans le litige l'opposant à son bailleur, la société Daussy (pièce 103) ;

- un courrier de Maître [B] du 22 novembre 2007 par lequel il informe sa cliente, Mme [M], d'une éventuelle proposition de la société Vet affaires pour l'acquisition du droit au bail au prix de 120 000 euros, dans l'hypothèse où celle-ci pourrait acquérir l'immeuble (pièce 104) ;

- une lettre du 25 mars 2008 adressée par Mme [M] à M. [P], dans laquelle elle déclare s'opposer à la liquidation judiciaire (pièce 105) ;

- une lettre du 26 mars 2008 de Maître [B], qui informe sa cliente que la société Vet affaires n'a pas obtenu l'accord du propriétaire pour la vente de l'immeuble, de sorte que la proposition du 22 novembre 2007 n'était plus d'actualité, mais qu'il avait repris contact avec la société Vet affaires pour une cession de droit au bail qui n'avait pu aboutir, son dirigeant craignant le non-renouvellement du bail à son terme (pièce 106) ;

- un courrier du 28 mars 2008 de Maître [B] à Mme [M] l'informant que la société Vet affaires refusait la solution de reprise du fonds de commerce avec changement d'activité (pièce 107).

Dans ce courrier du 28 mars 2008, l'avocat rappelle à Mme [M] que rien ne permet d'obliger la société Vet affaires à acheter, et qu'il n'a reçu à ce jour aucune offre écrite d'achat du fonds ou du bail ; il se déclare « excédé par les remises en cause permanentes » qu'elle porte sur le travail de ses différents conseils, et indique que ni M. [P] ni lui ne sont responsables du retard de paiement des loyers ayant conduit à la procédure l'opposant au bailleur, ni de l'absence de rentabilité de l'activité ayant conduit à la procédure collective, ni de la position finale de la société présentée comme acquéreur potentiel.

L'absence d'accord entre la société Vet affaires et Mme [M] résulte en réalité du fait que par jugement du 6 avril 2006 du tribunal de grande instance de Cambrai, qui avait prononcé la résiliation du bail consenti à Mme [M] pour l'exercice de son activité commerciale, n'a été réformé sur ce point que par arrêt rendu le 26 février 2008 par la 2ème chambre section 2 de la cour d'appel de Douai (pièce 117 de Mme [M]), qui a jugé que l'ouverture du redressement judiciaire faisait obstacle au prononcé de la résiliation du bail commercial. Or la cession du droit au bail de Mme [M] ne pouvait s'envisager que sous la condition de son existence, et sous réserve de l'accord du bailleur.

De l'ensemble de ces éléments, il ne peut être tiré une quelconque faute de la part du mandataire judiciaire ayant conduit à une absence d'accord avec la société Vet affaires, et au prononcé de liquidation judiciaire.

=> Après la liquidation judiciaire, Mme [M] reproche au liquidateur de s'être désintéressé des négociations lors la cession du droit au bail ou du fonds, de ne pas avoir recherché d'autres acquéreurs potentiels, et enfin de ne pas s'être ultérieurement intéressé à la reprise du droit au bail par le preneur lors de la vente de l'immeuble.

En application de l'article L. 641-9 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005, par l'effet du jugement de liquidation judiciaire du 31 mars 2008, Mme [M] a été dessaisie de l'administration et de la disposition de ses biens, et il appartenait à M. [P], désigné comme liquidateur, de procéder aux opérations de cession de ses actifs.

Dès le 2 avril 2008, M. [P] s'est rapproché de la société Vet affaires l'informant qu'il devait poursuivre la réalisation de l'actif de la liquidation judiciaire, dont le fonds de commerce ou le droit au bail, et l'interrogeant sur ses intentions (pièce 5 de M. [P]).

Par lettre du 14 avril 2008, Maître [B] a informé M. [P] des pourparlers toujours en cours avec les sociétés Vet affaires et Daussy, et a transmis les coordonnées de leurs conseils respectifs (pièce 38 de Mme [M]).

Suivant lettre du 24 avril 2008, dont il résulte que M. [P] a pris attache téléphonique le jour même avec Maître [V], conseil de la société Vet affaires, ce dernier a confirmé le maintien de l'intérêt de sa cliente pour l'acquisition du fonds de commerce et/ou du droit au bail de la liquidation judiciaire de Mme [M] ; toutefois, comme l'établit une lettre du 25 avril 2008, cette proposition était toujours conditionnée à l'acquisition à la fois du fonds et des murs (pièces 39 et 40 de Mme [M]).

Par lettre du 16 mai 2008, M. [P] a relancé Maître [V] l'informant que l'arrêt du 26 février 2008 n'était pas frappé de pourvoi, l'invitant à finaliser sa proposition dans la mesure où les loyers postérieurs à la liquidation judiciaire n'étaient pas réglés, ainsi qu'à préciser l'identité de l'acquéreur, le prix de cession, et ses modalités de financement. Par télécopie du même jour, Maître [V] a différé sa réponse à fin mai 2008 (pièces 41, 42 de Mme [M]).

Par lettre du 30 mai 2008, Maître [V] a confirmé l'offre de la société Vet affaires d'acquérir le fonds de commerce au prix de 80 000 euros sous deux conditions suspensives, d'abord la justification de l'absence de pourvoi en cassation contre l'arrêt du 26 février 2008, ensuite la finalisation des accords avec le propriétaire pour l'acquisition de l'immeuble (pièce 44 de Mme [M]).

Par lettre du 2 juin 2008, Mme [M] a informé M. [P] de ce que M. [W], le dirigeant de la société Vet affaires, lui avait offert verbalement 120 000 euros, et non 80 000 euros, pour « acheter son bail », et que la société Daussy avait donné oralement son accord pour vendre l'immeuble au dernier prix proposé par M. [W] (pièce 45 de Mme [M]).

Le 17 juin 2008, Maître [V] a confirmé au liquidateur que le montant de l'offre s'élevait bien à 120 000 euros aux conditions précédemment exprimées, et qu'un projet de compromis était à l'étude avec le notaire du bailleur (pièce 49 de Mme [M]).

Si Maître [V] a pu déplorer, dans deux courriels du 13 et 17 juin 2008, ses difficultés à joindre le liquidateur, il reste que ce dernier lui a répondu le 7 juillet 2008 qu'il avait soumis à la débitrice la proposition de la société Vet affaires avant de saisir le juge-commissaire puis, le 6 août 2008, qu'il avait reçu l'accord de Mme [M], et l'interrogeait sur la levée des conditions suspensives, insistant sur le caractère urgent de sa demande (pièces 48, 49, 51, 52 de Mme [M]).

Dans des courriers du 4 septembre et 1er octobre 2008 adressés à M. [P], Maître [V] a temporisé puis évoqué des « difficultés en voie de règlement » (pièces 53, 54 de Mme [M]).

Mme [M] reproche ensuite au liquidateur de ne pas avoir répondu à sa lettre du 2 octobre 2008 par laquelle elle l'informait que son bailleur était prêt à régulariser la vente de l'immeuble au profit de la société Vet affaires sous réserve de l'obtention de l'expertise amiante et de l'autorisation de la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) pour l'exploitation du local à usage commercial sur 1 500 m² (pièce 55 de Mme [M]).

Or par un courrier du 18 novembre 2008 adressé au notaire de la société Daussy, M. [W], représentant la société Vet affaires, a renoncé purement et simplement à son projet d'acquisition de l'immeuble (pièces 59 et 60 de Mme [M]).

Ce déroulement des faits permet d'écarter toute inertie fautive du liquidateur dans les opérations de cession du fonds ou du droit au bail, ce dernier ayant travaillé dans des délais normaux et répondu aux sollicitations des parties et de leurs conseils pour qu'une telle cession soit finalisée, celle-ci ayant échoué en raison des tergiversations du repreneur qui, depuis l'origine, liait son offre à la condition suspensive d'acquisition du local commercial, sans qu'un accord définitif ne soit jamais intervenu entre le bailleur et lui.

Par la suite, Mme [M] a relancé M. [P], par lettres du 3 et 17 mars 2009, prétendant que la société Daussy était toujours d'accord pour vendre l'immeuble et la société Vet affaires pour l'acheter. Le liquidateur a alors une dernière fois interrogé le conseil de la société Vet affaires sur une éventuelle intention de rachat du fonds et/ou du droit au bail, par lettres du 18 mai et 22 juin 2009 restées sans réponse (pièces 108, 61, 64, 65, 66 de Mme [M]).

Hormis les courriers rédigés de sa main, Mme [M] n'apporte aucun élément probant à la cour permettant de conclure que la société Vet affaires était toujours intéressée courant 2009 par l'acquisition de son fonds ou son droit au bail.

Si la débitrice reproche au liquidateur de n'avoir pas recherché un autre acquéreur, il est ici rappelé que la procédure collective de Mme [M] a fait l'objet d'une publicité dans un journal d'annonces légales, et qu'aucun autre repreneur ne s'est manifesté.

Dans un rapport adressé le 22 septembre 2009 au juge-commissaire, M. [P] a expliqué que la vente du fonds de commerce ou du droit au bail avait été poursuivie avec un seul contact, la société Vet affaires, qui n'avait finalement formulé aucune proposition, et qu'aucun loyer n'avait été réglé au bailleur depuis le prononcé de la liquidation (pièce 73 de Mme [M]).

Si l'immeuble a été vendu par acte notarié du 11 janvier 2010 à une SCI Montesquieu 170, et si les pourparlers à cette fin ont bien commencé durant l'été 2009, il reste pour autant que Mme [M] ne saurait reprocher à M. [P] de ne pas avoir à cette date cherché à céder le droit au bail, alors même que les loyers échus depuis la liquidation restaient impayés, et qu'il n'avait aucune chance d'obtenir l'accord de la propriétaire pour une telle cession, compte tenu du litige existant sur le montant des loyers échus (pièce 99 de Mme [M]). Si Mme [M] n'a pas bénéficié d'un droit de préemption sur le local commercial, c'est parce qu'elle n'en était plus locataire à la date de la vente.

Mme [M] et son mandataire ad hoc échouent à démontrer une faute de M. [P] ayant contribué à l'échec des opérations de cession du fonds de commerce ou du droit au bail, étant rappelé que celui-ci était tenu d'une obligation de moyens dans l'exécution de sa mission de réalisation des actifs.

Le jugement dont appel est confirmé sur ce point.

C - Sur la prétendue irrégularité de la procédure de vente de l'immeuble de Mme [M],

=> En premier lieu, Mme [M] argue que le liquidateur a outrepassé la mission qui lui avait été confiée dans le jugement de liquidation judiciaire simplifiée en sollicitant la vente de son immeuble d'habitation personnel, alors qu'il avait reçu pour mission uniquement de réaliser ses actifs mobiliers.

Sur ce, par jugement du 31 mars 2008, le tribunal de commerce de Cambrai a prononcé la liquidation judiciaire de Mme [M] prévue par l'article L. 641-1 du code de commerce, dit notamment que l'actif mobilier, hormis le fonds de commerce, serait réalisé en vente publique.

Ce jugement ne mentionne nullement qu'il s'agisse d'une liquidation judiciaire simplifiée, le caractère simplifié de la procédure étant, en vertu des dispositions de l'article L. 641-2 du code de commerce, conditionné à l'absence de tout bien immobilier dans l'actif de la débitrice.

C'est par erreur que le tribunal a, dans son dispositif, visé l'article L. 644-5 du code de commerce, qui se rapporte au délai de clôture d'une liquidation judiciaire simplifiée, et dit qu'il devrait prononcer la clôture de la procédure dans les douze mois à compter du jugement, dès lors qu'il prononce en même temps une « liquidation judiciaire » de droit commun, et que le tribunal n'ignorait pas que la débitrice était propriétaire d'un bien immobilier.

Le jugement du 31 mars 2008 demande au liquidateur de lui remettre un rapport annuel sur le déroulement des opérations de réalisation des actifs sans prévoir aucune restriction à cet égard, puis précise que l'ensemble de l'actif mobilier, hormis le fonds de commerce, sera réalisé en vente publique, de sorte qu'il est inexact de prétendre que le liquidateur avait reçu pour seule mission la réalisation des actifs mobiliers.

=> En deuxième lieu, Mme [M] reproche au liquidateur d'avoir déposé une requête aux fins de vendre l'immeuble laquelle s'avérait disproportionnée par rapport au passif de la liquidation.

L'article L. 640-1 du code de commerce fait de la réalisation des actifs l'objectif majeur de la liquidation judiciaire, et il appartient dans ce cadre au liquidateur de mettre en 'uvre la réalisation du bien immobilier appartenant à la débitrice, l'ensemble de son patrimoine personnel constituant alors le gage de ses créanciers.

Par jugement du 6 mai 2015 devenu définitif, le tribunal de commerce de Douai a rejeté l'opposition formée par Mme [M] contre l'ordonnance du juge-commissaire du 10 septembre 2014, qui avait fait droit à la requête de M. [P] aux fins d'obtenir l'autorisation de vendre l'immeuble aux enchères publiques (pièces 10, 12, 13 de Mme [M]).

Si Mme [M] soutient que son passif était limité à une somme de 2 540,23 euros en principal et que la cession du droit au bail ou du fonds aurait suffi à le couvrir, ce qu'elle ne démontre pas, la lecture dudit jugement enseigne, en premier lieu, que la société Troc Artois, dont elle était la gérante, avait déjà fait l'objet le 6 mai 2003 d'une liquidation judiciaire qui avait été clôturée pour insuffisance d'actifs, les dettes déclarées s'élevant à la somme de 138 498,91 euros, et en second lieu, que son passif de liquidation s'élevait à la somme de 87 759,50 euros, qu'elle n'était pas en mesure de le solder, et qu'exerçant en nom personnel, elle était propriétaire d'un immeuble saisissable dans le cadre des opérations de liquidation.

Aucune faute ne peut être reprochée à M. [P] pour avoir déposé une requête pour vendre son immeuble personnel.

=> En troisième lieu, Mme [M] reproche à M. [P] l'irrégularité de la saisie immobilière finalement annulée par jugement du 12 mai 2016.

S'agissant de la cession isolée d'un immeuble appartenant à la débitrice, le liquidateur est tenu personnellement, en tant qu'organe de la procédure de veiller à la régularité des opérations de réalisation des actifs de la débitrice sous peine d'engager sa responsabilité.

Par jugement du 12 mai 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Arras a annulé la procédure de vente sur adjudication de l'immeuble d'habitation, considérant que le liquidateur avait porté atteinte à une formalité substantielle imposée par l'article R. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution, en délivrant à Mme [M] une simple sommation d'assister à la vente et de prendre connaissance du cahier des conditions de vente au lieu d'une assignation en vue d'une audience d'orientation (pièce 14 de Mme [M]).

Si M. [P] soutient qu'il a confié l'exécution de la procédure d'adjudication à un avocat, et que l'erreur purement formelle ayant conduit à l'annulation de la procédure ne lui est pas personnellement imputable, il reste pour autant que l'avocat n'a agi qu'en qualité de mandataire du liquidateur, qu'il appartenait au premier chef au mandant de s'assurer de la régularité de la procédure d'adjudication menée contre la débitrice.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu une faute de M. [P] de ce chef.

=> En quatrième lieu, Mme [M] reproche à M. [P] d'avoir multiplié les requêtes aux fins de vendre auprès du juge de l'exécution.

Du procès-verbal d'audition de Mme [M] par le juge-commissaire le 19 octobre 2016, il ressort que celle-ci avait bien sollicité un entretien avec lui, de sorte que M. [P] n'est pas fautif d'avoir présenté une telle requête au juge-commissaire (pièces 19, 20, 22 de Mme [M]).

Il ne peut ensuite être reproché à M. [P] d'avoir réitéré puis poursuivi jusqu'à son terme la procédure d'adjudication.

En effet, le juge-commissaire a rendu une ordonnance du 23 janvier 2020 (pièce 95/11 de Mme [M]) autorisant M. [P] à procéder à la vente de la maison d'habitation, et constatant que le passif antérieur au redressement judiciaire s'élevait encore à la somme de 57 629,51 euros, et le passif postérieur à la somme de 37 164,79 euros, à l'encontre de laquelle Mme [M] a formé opposition.

Cette ordonnance a été confirmée par jugement du tribunal de commerce de Douai rendu le 27 janvier 2021. Les opérations d'adjudication se sont poursuivies, et il importe peu que l'état des inscriptions joint à l'extrait Kbis du 2 juin 2021 ne mentionne pas l'existence de créances privilégiées (pièce 122 de Mme [M]). Contrairement à ses allégations, Mme [M] ne démontre pas l'extinction du passif de la liquidation, notamment chirographaire.

Par jugement du 17 février 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Arras a déclaré la société DPMG patrimoine, marchand de biens, adjudicataire de la maison à usage d'habitation moyennant le prix principal de 174 000 euros (pièce 129 de Mme [M]).

Il s'ensuit que Mme [M] ne démontre pas d'autre faute commise par le liquidateur dans le cadre de la procédure de vente aux enchères.

D - Sur le dépassement du délai raisonnable à la clôture des opérations de liquidation

Mme [M] considère que la durée de sa procédure collective, qui n'est toujours pas clôturée, est déraisonnable, ce qui constitue une faute lourde au sens de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'Homme, et de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ; elle argue que l'arrêt de cassation du 23 mars 2022 remet en cause le jugement du 16 décembre 2021 du tribunal judiciaire de Douai qui a condamné l'agent judiciaire de l'Etat pour déni de justice à lui payer une somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Sur ce, aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce dans sa version applicable au litige, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

En application de ces dispositions, pèse une obligation particulière de diligence sur le mandataire judiciaire qui se retrouve, par l'effet de la loi, en charge de la cession des actifs, qui permettra de diminuer ou solder le passif de la débitrice, et a donc des conséquences sur la situation financière personnelle de celle-ci.

S'il n'est pas contestable que la procédure de liquidation judiciaire de Mme [M] apparaisse d'une exceptionnelle durée puisque, prononcée le 31 mars 2008, elle n'est pas clôturée à ce jour, il reste que la responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice a été déjà été retenue par jugement du tribunal judiciaire de Douai rendu le 16 décembre 2021, lequel a alloué à Mme [M] une somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour déni de justice, étant ici précisé que, contrairement aux allégations de Mme [M], l'arrêt de cassation du 23 mars 2022 n'a pas pour effet de remettre en cause cette décision.

Dans le cadre de l'instance en responsabilité délictuelle qu'elle dirige contre le liquidateur, encore faut-il que Mme [M] puisse démontrer que l'exceptionnelle durée de la procédure collective soit la conséquence d'un comportement fautif personnellement imputable à celui-ci.

Or les deux seules fautes retenues contre M. [P], à savoir le défaut de diligence dans la procédure de vérification de la créance du RSI et l'irrégularité de la procédure de saisie immobilière sanctionnée par le jugement du 12 mai 2016, ne peuvent expliquer les seize années de procédure collective.

Le délai de la liquidation judiciaire de Mme [M] s'explique à l'évidence par le nombre d'actes rendus nécessaires à la réalisation de ses actifs, notamment la tentative avortée de cession du fonds, la procédure de vérification des créances, le refus de la débitrice manifesté dès le 14 avril 2008 (pièce 44 de M. [P]) de vendre son immeuble personnel, et enfin la multiplication des recours contentieux initiés par celle-ci, lesquels ont eu pour effet non seulement de retarder la liquidation et la vente de ses actifs, mais également de la maintenir dans son immeuble d'habitation.

Ce moyen est écarté.

IV - Sur la demande tendant à la restitution du prix à l'adjudicataire et à la confirmation de l'annulation de l'adjudication auprès du service des publicités foncières

Mme [M] estime que M. [P] commet une nouvelle fraude en lui faisant signifier le jugement d'adjudication non exécutoire le 30 mars 2022, soit huit jours seulement après l'arrêt du 23 mars 2022 (pièce 141 de Mme [M]) ; elle prétend qu'il existe un lien de dépendance entre son action en responsabilité contre le liquidateur et la procédure d'adjudication, et que les jugements du tribunal de commerce de Douai du 27 janvier 2021, du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Arras du 21 octobre 2021 aux fins d'orientation et du 17 février 2022 aux fins d'adjudication, se trouvent annulés par suite de l'arrêt de cassation du 23 mars 2022.

Sur ce, aux termes de l'article 625 du code de procédure civile, sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.

Elle entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application, ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. [']

La procédure de vente immobilière aux enchères publiques n'est pas la suite, ni l'application, ni l'exécution de l'arrêt rendu le 7 mai 2020 faisant l'objet d'une cassation ; il n'existe aucun lien de dépendance nécessaire, au sens de l'article 625 précité, entre l'action en responsabilité délictuelle dirigée contre le liquidateur par la débitrice et la procédure de vente aux enchères publiques de l'immeuble, gage des créanciers de la procédure collective, ces procédures constituant à l'évidence deux litiges distincts.

En effet, le jugement d'adjudication du 17 février 2022 renvoie à l'ordonnance du 23 janvier 2020 du juge-commissaire autorisant le liquidateur à procéder à la vente immobilière, au jugement du 27 janvier 2021 du tribunal de commerce de Douai confirmant ladite ordonnance, et au jugement d'orientation du 21 octobre 2021 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Arras ordonnant la vente forcée de l'immeuble, mais ne fait nulle mention de l'arrêt du 7 mai 2020.

Contrairement aux allégations de Mme [M], l'arrêt de cassation du 23 mars 2022 n'a pas pour effet d'annuler l'ensemble des décisions de justice ayant abouti à la vente aux enchères publiques.

En tout état de cause, le liquidateur a perçu le prix de cession de l'immeuble à hauteur de 174 000 euros pour le compte de la liquidation judiciaire, et non pour son compte personnel.

En conséquence, la demande de Mme [M] tendant à enjoindre à M. [P] de restituer les sommes versées par l'adjudicataire et à confirmer l'annulation de l'adjudication auprès du service des publicités foncières, et à défaut à lui verser une indemnité de 350 000 euros correspondant à la valeur de l'immeuble et de 50 000 euros pour les autres conséquences liées à la perte de son bien, est rejetée comme mal fondée.

V - Sur le lien de causalité et l'indemnisation du préjudice

La cour rappelle ici que M. [P] a légitimement rempli la mission qui lui était confiée en réalisant l'actif immobilier appartenant à la débitrice, lequel constituait le gage des créanciers de la procédure collective, et qu'il n'est retenu à son égard qu'une faute de négligence dans le suivi de la procédure de vérification de la créance du RSI, ainsi qu'une erreur liée à l'irrégularité procédurale de la saisie immobilière initiée en 2014.

Mme [M] ne justifie subir aucun préjudice économique en lien de causalité avec ces deux seuls manquements, la somme de 120 000 euros qu'elle réclame correspondant à l'échec de la cession du fonds de commerce ou du droit au bail, lequel n'est pas imputable à une faute du liquidateur.

La créance du RSI ayant finalement été abandonnée par le créancier, et l'irrégularité procédurale ayant déjà été sanctionnée par l'annulation de la procédure d'adjudication, le préjudice moral subi par Mme [M], représentée par son mandataire ad hoc, en lien de causalité avec les deux manquements imputables au liquidateur est exactement indemnisé par la somme de 1 600 euros de dommages et intérêts.

Le jugement critiqué est confirmé sur ce point.

VI - Sur les autres prétentions

M. [P] qui succombe n'est pas fondé en sa demande tendant à voir condamner Mme [M] à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement attaqué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

M. [P] en personne, qui succombe, est condamné aux entiers dépens d'appel.

Il est également fait droit à la demande tendant à voir condamner M. [P] en personne à payer les frais des mandataires ad hoc, M. [X] à hauteur de 3 600 euros, et M. [C] tels qu'ils seront fixés ultérieurement par voie d'ordonnance.

L'équité et le sens de l'arrêt conduisent à condamner M. [P] pris en son nom personnel à payer à Mme [M] prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. [C], la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'indemnisation accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne peut concerner que des frais afférents à l'instance en cours. Dès lors que les « frais irrépétibles précédents la présente instance », réclamés par Mme [M] à hauteur de 20 486,45 euros, sont intervenus pour les besoins de procédures antérieures, elle sera déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu le jugement rendu le 4 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Douai,

Vu l'arrêt rendu le 7 mai 2020 par la 3ème chambre civile de la cour d'appel de Douai, ensemble l'arrêt rectificatif rendu le 9 juillet 2020 par cette même juridiction,

Vu l'arrêt de cassation rendu le 23 mars 2022 par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation,

Déclare recevable en cause d'appel l'intervention volontaire de M. [A] [C] en qualité de mandataire ad hoc de Mme [N] [M] ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 octobre 2018 par le tribunal judiciaire de Douai, sauf à préciser que les dommages et intérêts et les frais irrépétibles mis à la charge de M. [J] [P] pris en sa personne seront versés à Mme [N] [M] prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. [A] [C] ;

Y ajoutant,

Déclare recevables mais mal fondées les demandes nouvelles formulées en cause d'appel par Mme [N] [M] prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. [A] [C], et l'en déboute ;

Déboute les parties de leurs autres prétentions ;

Condamne M. [J] [P] pris en son nom personnel aux dépens d'appel, en ce compris les honoraires des mandataires ad hoc, M. [D] [X] à hauteur de 3 600 euros, et M. [A] [C] tels que ces honoraires seront fixés par voie d'ordonnance ;

Déboute Mme [M] prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. [A] [C], de sa demande au titre des frais irrépétibles précédents la présente instance ;

Condamne M. [J] [P] pris en son nom personnel à payer à Mme [M] prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. [A] [C], la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.