CA Montpellier, 5e ch. civ., 2 avril 2024, n° 21/04158
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
SCI Gay Lo Sa (SCI)
Défendeur :
Picard Surgelés (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fillioux
Conseillers :
M. Garcia, Mme Strunk
Avocats :
Me Legros, Me Thai Thong, Me Schoenke, Me Riglet
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte authentique du 4 et 6 juillet 2007, la SCI Gay Lo Sa a donné à bail à la SAS Picard Surgelés un local commercial situé dans la [Adresse 10] à [Localité 7] pour une durée de neuf années à compter du 2 juillet 2007 pour se terminer le 30 juin 2016 moyennant un loyer annuel de 48.000 euros hors TVA et hors charges.
Par acte d'huissier remis le 23 juin 2016, la société Picard Surgelés a sollicité le renouvellement de son bail pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 2016.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 8 juin 2018, distribué le 9 juin 2016, le preneur a notifié à la société bailleresse un mémoire préalable à la saisine du juge des loyers.
Suivant acte d'huissier délivré le 14 septembre 2018, la société Picard Surgelés a fait assigner la société Gay Lo Sa devant le juge des loyers commerciaux pour voir fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 38.000 euros par an.
Par jugement avant-dire droit, une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée à M. [O] [R]. Le rapport a été déposé le 11 août 2020.
Le jugement rendu le 4 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier a :
Fixé le montant du loyer du bail renouvelé liant la SAS Picard Surgelés à la SCI Gay Lo Sa à compter du 1er juillet 2016 à la somme annuelle hors taxe et hors charges de 44.000 euros ;
Dit que les trop perçus de loyer porteront intérêts au taux légal à compter de la prise d'effet du bail renouvelé ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Fait masse des entiers dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire, et les partage par moitié entre les parties ;
Dit que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.
Le juge des loyers commerciaux a examiné la valeur locative en fonction des facteurs prévus à l'article L 145-33 du code de commerce.
S'agissant des facteurs locaux de commercialité, le premier juge a retenu une modification notable de ces facteurs pendant le cours du bail renouvelé, comme le proposait l'expert judiciaire, de nature à entraîner une incidence favorable pour la société Surgelés Picard de telle sorte que le déplafonnement du loyer est à envisager si la valeur locative est supérieure au loyer plafond.
Selon le premier juge, cette amélioration est liée au cours d'exécution du bail à l'émergence au c'ur de la zone commerciale du quartier des Grisettes résultant de la construction de 1500 logements, d'un groupe scolaire, d'une résidence étudiante, d'une maison médicale, de nombreux commerces de proximité, de la clinique [9] ainsi que d'une résidence senior. La présence de la ligne de tramway (2) a également permis une augmentation de la fréquentation du magasin au cours de l'exécution du bail tout comme l'accès à cette zone au moyen de deux lignes de bus permettant d'élargir la provenance de la clientèle. L'absence de magasin de cette enseigne à proximité assure une plus grande fréquentation tout comme l'augmentation de la population de St Jean de Védas de 17% pendant la durée du bail.
S'agissant des caractéristiques du local, le juge a retenu que le local occupé par la société Picard Surgelés d'une superficie de 370 m² occupe le devant du bâtiment, partagé avec la société Mobalpa, à proximité du rond-point, jouissant ainsi d'une visibilité de la route et bénéficie d'un parking de 30 places réservées à l'usage des deux enseignes. Cette configuration doit être conservée pendant l'exécution du bail.
En considération de cette surface, l'expert a fait application d'une pondération des locaux avec un coefficient de 1 à la surface de réception de la clientèle et de 0,20 à la surface non affectée afin de tenir compte de la nécessité pour le preneur de réserver certaines surfaces du local à l'usage d'une réserve, des sanitaires, d'un vestiaire ainsi que d'un bureau.
S'agissant des obligations respectives des parties, le premier juge a exclu l'application d'un abattement sur la valeur locative rejetant ainsi la demande présentée par la société Picard Surgelés justifiée selon elle par le fait qu'elle a financé tous les aménagements du local donné vide.
S'agissant des éléments de référence, l'expert s'est appuyé sur le local attenant exploité par la société Mobalpa rejetant tout autre élément de comparaison exploitable avec un loyer de 138 euros par an au m² qui se situe selon lui dans la fourchette des prix proposés par l'expert du preneur et celui du bailleur.
Sur le correctif d'augmentation à appliquer retenu par l'expert à hauteur de 9%, le premier juge a considéré que celui-ci a parfaitement pris en considération les caractéristiques spécifiques du local exploité par la société Picard Surgelés pour arrêter une valeur locative de 150 euros par an au m² soit une valeur locative pour le local exploité de 44.000 euros hors taxe et hors charge.
Pour finir, le premier juge a retenu que le loyer plafond est de 53.980 euros et donc supérieur à la valeur locative de telle sorte que le montant du loyer renouvelé a été arrêté à la somme de 44.000 euros par an à compter du 1er juillet 2016.
La SCI Gay Lo Sa a relevé appel du jugement en toutes ses dispositions par déclaration au greffe du 28 juin 2021.
Les dernières écritures pour l'appelant ont été déposées le 11 janvier 2024.
Les dernières écritures pour l'intimé, ont été déposées le 25 janvier 2024.
Le dispositif des écritures de la SCI Gay Lo Sa énonce :
Au visa des articles L 145-33, L 145-34 et R 145-7 du code de commerce,
Sur la modification notable des facteurs de commercialité :
Confirmer le jugement et juger qu'une modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant des effets positifs sur l'activité du preneur est intervenue au cours du bail renouvelé ;
Infirmer le jugement pour le surplus ;
Vu les références disponibles,
Vu les caractéristiques du local et les clauses du bail,
A titre principal,
Considérant une surface pondérée de 370 m² ;
Constater que la valeur locative du local loué s'élève à 64.750 €HT/an au jour du renouvellement du bail ;
En conséquence,
Fixer le loyer annuel du bail liant les parties, à compter du 1er juillet 2016 à 64.750 €HT ;
A titre subsidiaire,
Considérant une surface pondérée de 321,5 m² ;
Constater que la valeur locative du local loué s'élève à 56.263 €HT/an au jour du renouvellement du bail ;
En conséquence,
Fixer le loyer annuel du bail liant les parties, à compter du 1er juillet 2016 à 56.263 €HT/an ;
En toute hypothèse,
Juger que la variation de loyer sera appliquée selon le dispositif prévu par l'article L145-34 dernier alinéa à raison d'augmentations pour une année de 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ;
Dire que les autres clauses, charges et conditions du bail sont inchangées sauf l'application des dispositions légales contraires nouvelles ;
Infiniment subsidiairement,
Dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement sur le montant du loyer,
Réformer le jugement relativement au point de départ des intérêts sur les trop-perçus ;
Dire qu'ils porteront intérêt au taux légal à compter du jour de délivrance de l'assignation ;
Condamner le demandeur à 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.
L'appelante fait valoir à titre liminaire que depuis la décision entreprise, le local voisin, précédemment occupé par la société Mobalpa, a été libéré et fait l'objet d'un nouveau contrat de bail commercial retenant une valeur au m² bien supérieure à celle fixée par l'expert. Celui-ci ayant construit son analyse exclusivement par référence au loyer du local contigu, il est évident que le prix du loyer doit être revu dans le cadre de l'appel.
Elle critique par ailleurs les constatations de l'expert judiciaire, qui a appréhendé de manière partielle l'environnement commercial du local, et elle se prévaut d'un rapport établi à sa demande par un expert judiciaire près de la cour d'appel de Montpellier, M. [T], qui a constaté une modification notable des facteurs de commercialité au cours du bail renouvelé et a proposé une valeur locative à 64.767,50 euros par an.
Pour finir, à titre d'introduction, l'appelante souligne l'incohérence manifeste entre le constat d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité et la fixation d'un loyer renouvelé moindre que le loyer contractuel initial.
Sur les facteurs de commercialité, elle souligne l'augmentation considérable de l'habitat dans l'environnement du local lié à l'édification du quartier des Grisettes, ainsi que les mutations du quartier consécutives à l'ouverture d'une ligne de tramway outre un accroissement important de la population de la commune de St Jean de Védas, le tout ayant un impact indéniable sur l'activité du preneur à destination d'une clientèle locale constituée de particuliers. Elle souligne sur ce point que la société intimée a refusé de communiquer à l'expert judiciaire des pièces comptables fiables qui auraient pu témoigner d'une augmentation de son chiffre d'affaires.
Selon elle, les conditions légales du déplafonnement sont indiscutablement réunies et la valeur locative du local litigieux est nécessairement supérieure au loyer plafond.
Sur les valeurs de référence, l'appelante critique l'approche de l'expert judiciaire qui a pris en compte une seule référence issue du bail concernant la société Mobalpa mais également l'application d'un correctif d'augmentation limité à 9%.
Elle relève que le loyer du local pris par Mobalpa n'est pas révélateur de la valeur locative dans la mesure où les locaux litigieux étaient vides. Elle se prévaut encore du bail commercial conclu le 21 décembre 2023 portant sur le local libéré par Mobalpa pour un loyer annuel hors taxe de 135.000 euros rappelant à cet égard que ce local présente une superficie de 625 m² soit un prix au m² de 216 euros. Ainsi, le loyer exigible au 1er juillet 2016 est de 175,19 euros le m².
Pour finir, le bailleur ajoute que l'expert judiciaire devait étudier plusieurs éléments de référence comme cela lui était proposé par les parties.
Selon les éléments donnés par l'expert respectif des parties, la valeur moyenne pour le preneur est de 154 euros par m² et pour le bailleur de 159 euros le m². Elle soutient encore que d'autres locaux situés à proximité et dont l'activité se rapproche n'ont pas été considérés par l'expert. Il se réfère ainsi au local loué par l'enseigne Bio et Sens avec un loyer de 167,44 euros le m².
Il critique enfin l'absence de communication des loyers réglés par les autres magasins Picard Surgelés situés en périphérie de [Localité 4], qui sont des références de loyers incontournables, bien que ces pièces aient été exigées par l'expert judiciaire.
Ces éléments justifient la fixation d'un prix au m² de 175 euros.
L'appelante critique enfin la pondération de la superficie du local commercial opérée par le premier juge, qui selon elle ne se justifie pas comme étant strictement soumise au bon-vouloir du preneur dans la distribution du local. Elle demande donc la prise en compte d'une superficie de 370 m² ou à défaut de 321,50 m² afin de considérer l'ensemble de la surface commerciale mise à disposition par le bail.
La société Gay Lo Sa demande enfin que le point de départ des intérêts soit fixé au jour de l'assignation en application d'une jurisprudence constante en la matière.
Le dispositif des écritures de la SAS Picard Surgelés énonce :
Au visa des articles L 145-33, L 145-34, R 145-7 et R 145-8 du code de commerce,
- Débouter la SCI Gay Lo Sa de l'ensemble de ses demandes, en ce compris sa demande de fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 64.750 euros par an hors charges et hors taxes à compter du 1er juillet 2016,
- Infirmer le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Montpellier du 4 mai 2021 en toutes ses dispositions ;
En conséquence et statuant à nouveau,
A titre principal,
- Fixer à compter du 1er juillet 2016, le montant du bail du loyer renouvelé pour une durée de neuf ans à la somme de 33.253 euros par an hors charges et taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expirant demeurant inchangées, à l'exception des dispositions contraires à la loi Pinel n°2014-626 du 18 juin 2014 ;
- Juger que les restitutions des loyers trop perçus porteront intérêts au taux légal à compter rétroactivement de chacune des échéances contractuelles et ce à compter de la prise d'effet du bail renouvelé,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour considérait que la valeur locative est supérieure au loyer plafond,
- Fixer à compter du 1er janvier 2015, le montant du loyer du bail renouvelé pour une durée de neuf ans à la somme de 53.980 euros par an hors charges et taxes, correspondant au loyer plafond, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expirant demeurant inchangées, à l'exception des dispositions contraires à la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 ;
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour retenait l'existence d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité et considérait que la valeur locative est supérieure au loyer plafond,
- Dire et juger que la fixation du loyer à la valeur locative se fera dans la limite d'une augmentation maximale de 10% par an par rapport au loyer acquitté l'année précédente conformément aux dispositions de l'article L.145-34 alinéa 4 du code de commerce,
En tout état de cause,
- Condamner la SCI Gay Lo Sa aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée soutient en premier lieu l'absence de modification notable des facteurs de commercialité contestant sur ce point l'analyse opérée tant par l'expert judiciaire que par le premier juge. Selon elle, les facteurs de commercialité concernés n'ont aucune incidence notable sur le commerce considéré, qui n'est d'ailleurs pas démontrée par l'expertise judiciaire.
Elle relève en premier lieu que la création de la ligne de tramway mise en service le 16 décembre 2006 est antérieure à la conclusion du bail et ne peut de ce fait être considérée comme entraînant une modification des facteurs de commercialité. En outre, cette ligne dessert des zones comprenant déjà des magasins Picard. Elle fait donc valoir que l'incidence de la ligne de tramway est limitée.
Elle ajoute que les produits surgelés sont destinés à une clientèle de proximité si bien que le développement du réseau des transports est sans incidence sur leur commercialisation. De même, le maillage des magasins existants dans la périphérie de [Localité 4] évite tout déplacement important de la clientèle.
Le preneur soutient enfin que le développement du quartier des Grisettes a débuté en 2014, soit deux ans avant la fin du bail, limitant également son incidence sur l'activité du magasin. Il ajoute que le chiffre d'affaires ne révèle pas de modification notable avec un montant en 2016 équivalent à celui de 2007.
La société Picard Surgelés demande en second lieu que soit retenue une surface pondérée de 293 m² comme proposé par l'expert judiciaire ce qui est conforme aux préconisations de la charte de l'expertise en évaluation immobilière. Elle rappelle sur ce point que si le local a été livré d'un seul tenant, elle devait nécessairement le cloisonner afin de tenir compte de la spécificité de son activité ce qui n'a rien de discrétionnaire (bureau, chambre froide, sanitaires').
S'agissant des éléments de référence, l'intimée fait valoir que la comparaison faite avec le local Mobalpa, situé dans le même ensemble immobilier, aurait dû conduire le premier juge à fixer une valeur locative au m² moindre puisque le local Mobalpa est loué au prix de 138 euros le m² qui est inférieur à la valeur retenue (150 euros le m²) alors que les deux magasins bénéficient de la même visibilité. Elle ajoute que les loyers pratiqués dans le secteur de l'alimentation sont traditionnellement moindres que ceux d'autres secteurs.
La société Picard Surgelés relève encore que l'expert ne cite aucune référence d'un renouvellement judiciaire et qu'il n'est pas possible dans le cadre du présent litige de prendre en considération les renouvellements amiables ou les nouvelles locations qui représentent une valeur de marché supérieure à celle d'un renouvellement judiciaire. Elle conteste pour cette raison la référence faite à la conclusion d'un nouveau bail commercial portant sur le local attenant libéré par la société Mobalpa.
Elle s'oppose enfin à la prise en compte comme élément de référence des autres baux commerciaux conclus par la société Picard Surgelés, les magasins étant situés dans des secteurs très différents excluant de ce fait tout élément de comparaison utile.
En appel, la société Picard Surgelés réclame l'application de facteurs de minoration de la valeur locative écartée par le premier juge. Elle considère que le transfert au preneur des obligations incombant normalement au bailleur constitue un facteur de diminution de la valeur locative. C'est le cas de la répercussion de l'impôt foncier sur la société locataire qui justifie un abattement de 3%.
C'est la même chose pour la clause d'accession en fin de jouissance prévue dans le bail qui justifie l'application d'un abattement forfaitaire. La société intimée fait valoir à ce titre qu'elle a fait réaliser des travaux d'aménagement pour une somme de 377.610,60 euros hors taxes ce qui motive un abattement de 10%.
Au vu de ces éléments, elle sollicite la fixation du prix de bail renouvelé comme suit :
(293 m² x 130 euros le m² par an) ' 3% - 10% : 33.253 euros hors taxes et hors charges.
De manière subsidiaire, si la cour retenait la modification notable des facteurs de commercialité, elle réclame l'application du loyer plafond.
La clôture a été prononcée par l'ordonnance du 31 janvier 2024.
DECISION
1/ Sur le déplafonnement du prix du loyer :
L'article L 145-34 du Code de Commerce précise que :
« A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1 à 4 de l'article L 145-33 cité, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail renouvelé, si la durée n'est pas supérieure à 9 ans, ne peut excéder la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de construction.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite reconduction, la durée du bail excède 12 ans ».
L'article L 145-33 du Code de Commerce précise également que :
« Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1 Les caractéristiques du local considéré ;
2 La destination des lieux ;
3 Les obligations respectives des parties ;
4 Les facteurs locaux de commercialité ;
5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;
Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments ».
Il résulte donc de la combinaison de ces deux textes que, pour que le plafonnement soit écarté, il doit être démontré une modification notable de l'un des quatre premiers éléments déterminant la valeur locative au cours du bail expiré.
L'article R 145-6 du Code de commerce définit les facteurs locaux de commercialité comme dépendant « principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peuvent présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire. » .
Il ressort des textes et de la jurisprudence en la matière, que l'évolution des facteurs locaux de commercialité, pour justifier la fixation du loyer à la valeur locative et, partant, le déplafonnement, doit être notable et avoir une incidence sur le commerce tel qu'il est effectivement exercé par le preneur.
Par ailleurs, selon la jurisprudence, l'évolution des facteurs locaux de commercialité doit être appréciée sur la zone de chalandise naturelle du locataire qui dépend de l'importance de la localité où se situe le fonds de commerce.
En l'espèce, le loyer annuel acquitté par la SARL Surgelés Picard, à la date du renouvellement, soit au 1er juillet 2016, était de 55.476 € hors taxe et hors charges du fait de l'indexation sur l'ILC.
L'examen du déplafonnement du loyer nécessite l'examen des facteurs de commercialité évoqués par le bailleur sur la période du 4 juillet 2007 au 1er juillet 2016.
Sur l'augmentation de la population :
Le local litigieux se trouve dans une zone commerciale située sur la commune de [Localité 8] dans la périphérie de [Localité 4].
Le bailleur se réfère au rapport d'expertise judiciaire, qui fait état d'une augmentation de la population de cette commune de 17% au cours de l'exécution du bail, celle-ci étant effectivement passée de 8.653 habitants en 2007 à 10.008 en 2017, ainsi que celle de Montpelier à hauteur de 6,24%.
L'expert relève que la clientèle du magasin Picard Surgelés étant constituée de particuliers a nécessairement bénéficié de cette hausse pour conclure en faveur d'une évolution favorable des facteurs locaux de commercialité. Il a également précisé que le local profite d'une clientèle constituée des habitants de la ville de [Localité 8] mais également de la population résidant dans les quartiers les plus proches du sud-ouest montpelliérain dont le déplacement est facilité par un réseau de transport conséquent.
Cette analyse doit être confirmée en présence d'une augmentation de la population locale objective qui ne peut être sérieusement contestée par la société Picard Surgelés qui a profité de cette croissance par une augmentation évidente d'une clientèle potentielle (+1400 habitants).
Il convient également de se référer au rapport d'expertise produit par le bailleur qui démontre l'émergence de quartiers entiers accueillant des collectifs d'habitation, à proximité du bien expertisé sur la durée du bail écoulé.
Cet élément sera donc retenu.
Sur le développement du quartier les Grisettes:
Pour conclure à une hausse de la fréquentation du magasin, l'expert judiciaire soutient que le développement du quartier des Grisettes a contribué à une augmentation de l'activité du magasin.
Cet élément est contesté par le locataire qui relève au contraire un faible impact en présence de constructions ayant débuté en 2014 de telle sorte que l'édification de ce quartier est toujours en cours au moment du renouvellement du bail et ne peut de ce fait être impactante pour son activité.
Le développement du quartier des grisettes, projet d'habitat participatif à [Localité 4], situé à proximité de la [Adresse 10], a débuté en 2014. Il s'agit pour l'essentiel d'un quartier résidentiel dans lequel est prévu l'édification de 1500 habitations ainsi que de nombreux équipements et magasins annexes tels qu'un groupe scolaire de 15 classes, une résidence étudiante (182 chambres), un pôle EHPAD, et des commerces de proximité (pizzeria, tabac-presse, restaurant).
Si le développement du quartier a effectivement débuté en 2014, la société Picard Surgelés a profité de la création de cette zone de chalandise par le bénéfice de premières constructions dès l'année 2015 et ce jusqu'au 1er juillet 2016. Le rapport d'expertise produit par le bailleur évoque l'installation des premiers habitants dès le mois de mars 2015.
Il ne peut dès lors être contesté qu'un tel projet d'aménagement entraînant l'arrivée de nombreux habitants a nécessairement eu une incidence sur le commerce considéré qui est à destination d'une clientèle de particuliers.
L'augmentation de la clientèle étant effective, cet élément sera retenu en faveur d'une amélioration des facteurs locaux de commercialité.
Sur l'impact de la ligne 2:
L'expert judiciaire considère que la ligne 2 du tramway mise en service le 16 décembre 2006 a produit des effets par une augmentation de la clientèle au cours de l'exécution du bail relevant sur ce point une fréquentation en augmentation avec 45.000 passagers en 2017 contre 32.000 en 2014.
Cet élément sera écarté car d'une part la création de la ligne est antérieure à la conclusion du bail litigieux de telle sorte que son impact a pu être pris en compte par les parties lors de la conclusion du bail, et d'autre part l'impact sur l'exploitation du magasin n'est pas démontrée, puisque rien n'assure que ces passagers plus nombreux entrainent une hausse de la fréquentation d'un magasin de produits surgelés qui s'adresse à une clientèle de proximité.
Cet élément ne sera donc pas retenu dans l'appréciation des critères de commercialité.
Sur le renforcement du pôle commercial et de son attractivité :
Le bailleur se réfère, au visa du rapport d'expertise privée sollicité auprès de M. [T], expert immobilier, à la modernisation et l'autorisation d'importantes surfaces commerciales à compter de 2008 dans la ZAC des Condamines qui est une zone proche de celle du Mas de Grille, pour en conclure une augmentation de la chalandise profitant au local litigieux.
S'il est certain que la présence d'un bâtiment commercial occupé par six enseignes (Casa, la Halle), situé à proximité du magasin en cause, attire une clientèle plus nombreuse, aucun élément ne permet de retenir que celle-ci bénéficiera à la société Picard Surgelés dont l'activité est très différente des magasins évoqués.
Cet élément ne sera pas retenu.
En conséquence, vu les éléments susvisés, l'évolution démographique et urbanistique de la zone d'implantation du local expertisé entre 2007 et 2016 ont eu une incidence positive sur l'activité exercée par le preneur de telle sorte qu'il sera retenu une modification notable des facteurs de commercialité pouvant motiver un déplafonnement du loyer du bail renouvelé.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
2/ Sur le montant du loyer :
La valeur locative du local est déterminée, selon l'article L 145-33 du code de commerce, par les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Il s'ensuit que le débat relatif à l'absence de production du chiffre d'affaires par la société intimée est inopérant, tout comme celui de défaut de remise des autres baux conclus par la société Surgelés Picard dans la périphérie de [Localité 4].
Sur les caractéristiques du local considéré et destination des lieux :
Le bail commercial fait référence à un local à usage commercial d'une surface de 367 m2, situé dans un grand immeuble, lequel bénéfice de 30 places de parking situées à l'extérieur du bâtiment, réservées à l'usage commun de la clientèle des deux preneurs à bail des deux locaux dépendant de l'entier immeuble qui abritait au moment de la réalisation de l'expertise judiciaire le magasin Mobalpa.
Le magasin Surgelés Picard est situé dans la zone commerciale de [Localité 8] ; l'expert judiciaire indique que ce local se situe au niveau d'un rond-point qui offre une assez bonne visibilité.
Cette description, qui reste valable dans le cadre du renouvellement du bail, n'a pas fait l'objet de critique de la part des parties et doit en conséquence être considérée comme acquise.
S'agissant de la partie descriptive, l'expert judiciaire observe que la superficie du local est de 370 m² dont une partie n'est pas accessible à la clientèle qui comprend le bloc sanitaire, un espace réserve intégrant une chambre froide, un bureau, une réserve d'appoint et un vestiaire pour le personnel, cette partie correspondant à une surface de 97 m².
L'expert a fait application d'une pondération des différentes parties du local loué en référence à la charte de l'expertise en évaluation immobilière applicable depuis le 1er juillet 2015 qui distingue en rez-de-chaussée, les surfaces de vente, auxquelles il applique un coefficient de 1, des surfaces annexes et réserves attenantes au local, auxquelles il applique un coefficient de 0,20.
Il en déduit une superficie pour l'aire de vente de 273 m² et pour les surfaces annexes de 19,35 m² (97 m² x 0,20), soit une surface totale de 293 m².
Le bailleur critique la pondération opérée par l'expert judiciaire quant à la surface du local.
Il est acquis que le local pris à bail par la société Surgelés Picard était vide et qu'elle a réalisé un certain nombre de travaux d'aménagements dont l'effet a été de réduire la surface de vente, laissant une partie de cet espace inutilisé.
L'aménagement du magasin, même s'il résulte de la seule initiative du preneur ce que critique la SCI Gay Lo Sol, est néanmoins justifié par la commune volonté des parties quant à la destination des lieux définie dans le bail comme « l'exploitation exclusive de son activité de vente et livraison de tous produits alimentaires conservés par le froid ou autre technologie de conservation, ainsi que tous produits et prestations complémentaires annexes ou connexes ».
Contrairement à ce que soutient le bailleur, cette activité nécessite l'usage de réserves, bureau, sanitaires et vestiaire étant souligné qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que l'ensemble des pièces sont utilisées.
Le bailleur considère pour sa part que cette surface doit être qualifiée de surface de vente car la décision du preneur tendant à ne pas exploiter cette surface de 97 m² lui est inopposable. Il se fonde pour dire cela, sur un arrêt rendu par la cour de cassation le 3 avril 2012 (3ème chambre, pourvoi n°10-21008) qui ne peut inspirer la solution du cas d'espèce. En effet, la cour de cassation a censuré une cour d'appel qui avait totalement exclu une surface des locaux donnés à bail du calcul de la surface pondérée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
En l'état, la charte de l'expertise différencie 3 types de surface de rez-de-chaussée : la surface de vente (coefficient 1), les locaux techniques (coefficient 0) et les réserves/laboratoires/préparation/
annexes/débarras/chaufferie (coefficient 0,20).
En l'occurrence, l'expert a pris en compte l'intégralité des locaux devant servir à l'exploitation effective du commerce du preneur et a appliqué à bon escient un coefficient de pondération sur la partie inutilisée qui présente un moindre intérêt commercial.
Aussi, la surface utile pondérée du local en cause est bien de 293 m², dont 273 m² consacrée à l'espace de vente, comme l'a indiqué le premier juge. La décision déférée sera confirmée sur ce point.
Sur les obligations respectives de parties :
Selon l'article 145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
En l'espèce, le bail litigieux met à la charge du locataire les réparations locatives et d'entretien, les grosses réparations des « tôles de bardage venant au droit de son local » ainsi que les travaux prescrits par les autorités administratives. Le preneur doit également supporter les charges communes (impôts et charges) à hauteur de sa quote-part, ainsi que 40% du montant de l'impôt foncier avec cette précision que la prise en charge par le preneur de 40% de la taxe foncière a été une des conditions essentielles sans laquelle le bailleur n'aurait pas consenti aux présentes. Enfin, le bail comporte une clause d'accession bénéficiant au bailleur sans indemnité jouant à la fin de jouissance.
Le preneur fait valoir en appel qu'il a supporté le coût des travaux d'aménagement du local loué vide qu'il chiffre à la somme de 377.610,60 euros, qui bénéficieront en fin de jouissance du bail à la SCI Gay Lo Sa, ainsi que la prise en charge partielle de la taxe foncière le tout justifiant selon lui l'application d'un abattement.
A titre liminaire, il sera relevé que l'expert judiciaire n'a pas proposé dans la fixation de la valeur locative du local que soit appliqué un abattement en fonction des éléments sus énoncés.
Au soutien de sa demande, la société Picard Surgelés produit un listing reprenant l'ensemble des travaux réalisés dont le montant n'a pas été contesté par le bailleur (pièce 5).
En l'état, le bail commercial prévoit que « tous travaux, embellissements et améliorations quelconques » effectués par le locataire seront acquis en fin de jouissance au propriétaire et non en fin de bail, sans que celui-ci puisse se prévaloir d'une quelconque indemnité. Il n'est pas indiqué que le bailleur participe au financement de ces travaux qui incombe donc dans leur intégralité au preneur.
S'il n'est pas contestable que l'intimée a procédé à un certain nombre d'aménagements utiles à l'exploitation de son activité, pour autant le contrat de bail a fixé un prix initial tenant compte de la livraison d'un local nu.
Les aménagements réalisés correspondent en outre à des travaux d'adaptation des locaux à la destination du bail correspondant à l'objet de la société locataire avec cette précision que le bail a bien spécifié que le preneur ne pourra réclamer aucun aménagement au bailleur qui a livrés les locaux nus, celui-ci se déchargeant ainsi de son obligation de livrer des locaux en état de servir immédiatement.
Il est également prévu qu'ils font accession au bailleur à la fin de la jouissance.
Ils ne peuvent dès lors donner lieu à un abattement de la valeur locative lors du renouvellement.
La société Picard Surgelés n'est donc pas légitime à réclamer une diminution du loyer fondée sur la clause d'accession.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Pour le surplus, la taxe foncière, dont le paiement incombe normalement au bailleur, a été mise contractuellement à la charge du locataire à hauteur de 40% sans contrepartie, ce qui justifie en application de l'article R 145-8 du code de commerce, qu'elle soit retenue comme un facteur de diminution de la valeur locative.
L'expert judiciaire ne propose pas dans la valeur locative de retenir cet élément de minoration considérant que cette prise en charge de la taxe foncière est également présente dans le bail bénéficiant à la société Mobalpa, qui est l'élément de référence retenu dans la fixation du loyer.
Cette analyse ne saurait être retenue, dans la mesure où la prise en compte de ce seul élément de référence est critiquée par les parties qui produisent d'autres éléments de comparaison dont il n'est pas démontré qu'ils intègrent le règlement de cette taxe.
Il conviendra dès lors d'appliquer cette minoration.
L'intimée sollicite un abattement de 3% sur la valeur locative qui sera retenu en l'absence d'éléments pertinents de nature à remettre en cause le taux réclamé.
Il convient par conséquent d'appliquer un abattement de 3% sur la valeur locative fixée.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur les loyers de référence :
L'article R 145-7 du code de commerce dispose que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernant les locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R 145-3 à R 145-6. A défaut d'équivalence, ils peuvent être, à titre indicatif, utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatés entre le local loué et les locaux de référence.
Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et des modalités de cette fixation.
L'expert judiciaire indique que l'élément de référence incontournable est constitué du loyer du local Mobalpa, exploité dans le même immeuble, puisqu'il bénéficie des mêmes caractéristiques que le local litigieux (emplacement, desserte').
Il s'agit d'un bail conclu le 1er septembre 2013 portant sur un local d'une superficie de 600 m² avec en sus 100 m² de réserves et un bureau de 25 m², ce qui représente une surface pondérée de 625 m².
Le bail prévoyait un droit d'entrée de 50.000 euros, situation équivalente pour le contrat liant l'intimée, et un loyer de 86.400 euros HT et HC soit 138,25 euros au m² de la surface pondérée.
L'expert relève par ailleurs que les commerces présents dans la [Adresse 10] sont à usage industriel ou artisanal et ne peuvent de ce fait servir d'éléments de comparaison exploitables.
Il se réfère néanmoins aux éléments obtenus par les parties dans le cadre de rapports d'expertise privés estimant que les zones commerciales périphériques présentent des valeurs locatives identiques.
Il retient ainsi :
pour l'expert du preneur une moyenne de 130 euros le m² avec une fourchette basse de 104 euros et haute de 370 euros ;
pour l'expert du bailleur une fourchette basse de 138 euros et haute de 184 euros le m².
Il en déduit que ces analyses rejoignent la valeur locative la plus pertinente et propose une valeur au m² de 150 euros, soit un loyer arrondi de 44.000 euros (293 m² x 150 euros).
La société preneuse conteste l'approche de l'expert judiciaire à qui elle reproche une insuffisance de termes de comparaison et produit à cet égard un rapport établi le 20 décembre 2016 par Mme [M], expert immobilier, laquelle se réfère à plusieurs éléments de comparaison tout en procédant à une analyse détaillée des facteurs positifs et négatifs offerts par le local litigieux (pièce 3) :
Trois locations nouvelles :
Bail du 30 juin 2010 pour un local de 1.448 m² situé dans la [Adresse 12] (équipement de la personne) : 134 euros le m² ;
Bail du 10 septembre 2010 pour 385 m² situé dans la [Adresse 12] au profit du magasin Casa (équipement maison) : 173 euros le m² ;
Bail du 1er juillet 2016 pour 214,40 m² situé dans la [Adresse 12] au profit du magasin Jean's machine (équipement de la personne) : 370 euros le m² ;
Deux loyers avec versement d'un droit au bail :
Bail du 1er novembre 2020 pour 550 m² situé dans la ZAC La [Localité 5] à St Jean de Védas au profit du restaurant La pataterie : 104 euros le m² ;
Bail du 1er juillet 2016 pour 413,20 m² situé dans la [Adresse 12] au profit du magasin Celio/Jennifer (équipement de la personne) : 204 euros le m² ;
Deux renouvellements de baux amiables :
Bail du 1er janvier 2016 pour 472 m² situé dans la [Adresse 11] au profit du magasin la Halle aux chaussures (équipement de la personne) : 129 euros le m² ;
Bail du 1er octobre 2015 pour 320 m² situé dans la [Adresse 11] au profit du magasin la Générale d'Optique : 191 euros le m² .
L'examen de ces loyers révèle une oscillation entre 104 et 370 euros le m² ; en isolant la fourchette haute et basse, l'écart se resserre entre 129 et 204 euros le m² soit une moyenne de 166 euros le m².
L'expert mandaté par le preneur relève par ailleurs plusieurs éléments favorables tenant à:
Implantation au niveau du rond-point qui dessert la zone commerciale et confère aux locaux une assez bonne visibilité ;
La configuration relativement rationnelle des locaux ;
Les activités autorisées par le bail à savoir « l'exploitation exclusive de son activité de vente et livraison de tous produits alimentaires conservés par le froid ou autre technologie de conservation, ainsi que tous produits et prestations complémentaires annexes ou connexes ».
La bonne adéquation et la bonne complémentarité de l'activité avec les activités représentées sur le secteur ;
L'existence d'une clause de non-concurrence au profit du preneur, le bailleur s'interdisant en effet d'exploiter dans l'immeuble un commerce similaire.
Sont relevés des éléments négatifs tenant à :
La situation moyennement recherchée en raison d'un positionnement relativement excentré par rapport aux autres enseignes présentes sur la zone ainsi qu'aux implantations qui jouent le rôle de locomotive telles que Carrefour, Decathlon'
Accès peu aisé aux locaux depuis le rond-point ;
Le caractère vieillissant du bâtiment le rendant assez peu attractif ;
La mise à la charge du preneur de l'entretien « des espaces verts communs et des parkings ainsi que les grosses réparations des « tôles de bardage venant au droit de son local » ;
L'état de la demande qui n'est pas particulièrement soutenue pour ce type d'emplacement
Il est ainsi proposé par l'expert [M] une valeur locative de 130 euros le m².
La société bailleresse, qui se montre également critique à l'égard de l'analyse de l'expert judiciaire, produit un rapport établi le 21 novembre 2018 par M. [T], expert immobilier, dont il résulte les éléments suivants :
facteurs positifs liés à l'emplacement du local dans une zone d'activité et de bureaux, le long d'un axe de circulation très emprunté, desservi par le tram, avec une partie de la zone immédiatement dédiée à l'activité commerciale avec la présence de nombreuses enseignes et restaurants (Mobalpa, salle de sports') ; une visibilité de premier ordre, résultant d'un local d'angle et de son positionnement au rond-point, lui permettant de capter les flux de clientèle compte-tenu de la présence d'un parking ;
emplacement commercial prime dans une zone commerciale de qualité lui permettant de bénéficier d'une zone de chalandise importante ;
S'agissant des termes de référence, il reprend certains éléments évoqués par l'expert [M] sauf à proposer une valeur locative prenant en compte la pondération de la surface louée. Il en résulte les références suivantes :
Bail du 30 juin 2010 pour un local loué brut de 1.410 m² situé dans la [Adresse 12] (équipement de la personne) : 138 euros le m² ;
Bail pour un local loué brut de 575,7 m² situé dans la [Adresse 11] au profit du magasin Casa (équipement maison) : 138 euros le m² ;
Bail du 1er juillet 2016 pour un local aménagé de 294 m² situé dans la [Adresse 12] au profit du magasin Jean's machine (équipement de la personne) : 294 euros le m² avec taxe foncière à la charge du preneur ;
Bail du 1er novembre 2020 pour 550 m² situé dans la ZAC La [Localité 5] à St Jean de Védas au profit du restaurant La pataterie : 112 euros le m² avec taxe foncière à la charge du preneur;
Bail du 1er juillet 2016 pour 460 m² situé dans la [Adresse 12] au profit du magasin Celio/Jennifer (équipement de la personne) : 184 euros le m² avec taxe foncière à la charge du preneur ;
Bail du 1er janvier 2016 pour un local loué brut de 472 m² situé dans la [Adresse 11] au profit du magasin la Halle aux chaussures (équipement de la personne) : 145 euros le m² ;
Bail du 1er octobre 2015 pour un local loué brut de 360 m² situé dans la [Adresse 11] au profit du magasin la Générale d'Optique : 169 euros le m² ;
Bail conclu au profit de Bio§sens en 2018 sur un local de 1039 m² avec un loyer de 174.000 euros, soit un prix au m² de 167,44 euros, situé à proximité immédiate du local en cause.
L'expert [T] note que les loyers oscillent entre 112 et 270 euros le m² ; il précise qu'en isolant la fourchette haute et basse, l'écart se resserre entre 138 et 184 euros le m² soit une moyenne de 159 euros le m².
Il propose d'autres valeurs pour des magasins situés dans [Localité 4] ou dans sa périphérie. Ces références ne seront pas reprises, ces locaux étant situés dans des zones qui ne représentent pas les mêmes caractéristiques que la ZAC de la Condamine (centre-ville, centre commercial, autre ville').
Il retient également que plus la surface du local est importante moins le loyer au m² est élevé.
En conclusion, il propose eu égard à la surface du local en angle expertisé, de sa situation dans un rond-point sur un axe très fréquenté, de son caractère partiellement aménagé et de l'évolution démographique très importante de la zone que la valeur locative de renouvellement soit comprise entre 150 à 200 euros le m². Il suggère au regard du caractère partiellement aménagé du local et de la faible surface utile que le prix au m² soit arrêté à la somme de 175 euros.
La société bailleresse produit par ailleurs un bail commercial signé le 19 juillet 2013 avec la société Espace Design, qui reprend le local précédemment occupé par Mobalpa, faisant état d'un loyer annuel hors charge et hors taxe de 86.400 euros (144 euros le m²) avec prise en charge de la taxe foncière à hauteur de 60% ainsi que du règlement de la somme de 50.000 euros à titre de pas de porte. (pièce 14).
En appel, elle verse au débat un nouveau bail portant sur le même local conclu le 21 décembre 2023 par la SARL Réflexion Fêtes pour un loyer de 135.000 euros (225 euros le m²). ( pièce19).
En l'état, la fixation du loyer commercial se fera en référence aux termes de comparaison repris tant par l'expert judiciaire que dans les autres rapports d'expertise dont le mérite est de proposer plusieurs éléments comparatifs pour des locaux situés dans un secteur équivalent, le rapport d'expertise judiciaire pouvant sur ce point être considéré comme insuffisant.
A titre liminaire, il sera dit que la proposition de l'expert [T] basée sur un prix de 175 euros le m² ne peut être retenue car elle intègre l'aménagement partiel du local qui a été supporté entièrement par le preneur.
Il est en effet constant que les améliorations apportées au cours du bail par le locataire à ses frais ne sont pas prises en compte pour la détermination de la valeur locative du nouveau bail et ne peuvent constituer un motif de déplafonnement. (cass, 3e civ, 17 septembre 2013 n°12-18910).
Par ailleurs, si la référence retenue par l'expert judiciaire présente un intérêt, il doit être cependant considéré dans l'appréciation de la valeur locative le fait que la surface louée par Mobalpa et ses successeurs est bien supérieure à celle mise à disposition de la société Surgelés Picard et que la destination des locaux est différente.
Pour le surplus, il conviendra de prendre en considération l'amélioration des facteurs de commercialité, les caractéristiques du local litigieux à savoir la surface pondérée, le local d'angle, la visibilité offerte par le rond-point, la présence d'un parking, la localisation dans une ZAC offrant une zone de chalandise du fait de la présence d'autres commerces et située à proximité de zones habitées, ainsi que de la situation du magasin Surgelés Picard dans une ville et un secteur en pleine expansion démographique.
L'ensemble de ces éléments conduit à la fixation d'une valeur locative de 175 euros le m².
Il résulte, après application de la pondération et de l'abattement de 3%, un loyer de :
(175 euros le m² - 3%) x 293 m² = 49.736 euros HC et HT.
En présence d'un loyer plafond fixé par le premier juge à hauteur de 53.980 euros, dont le montant n'est pas contesté par les parties, et d'une valeur locative inférieure à ce plafond, il y a lieu de fixer le montant du loyer renouvelé à la somme de 49.736 euros par an à compter du 1er juillet 2016.
Il sera dit au besoin que la différence entre les sommes dues au titre du nouveau loyer par rapport à l'ancien produira intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2016, puis au fur et à mesure de l'exigibilité des loyers,
La décision déférée sera en conséquence infirmée sur ces points.
3/ Sur les demandes accessoires :
L'équité commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Surgelés Picard au paiement d'une somme de 1.500 euros.
Il convient de condamner la société Surgelés Picard aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a retenu une amélioration des facteurs de commercialité et une pondération du local,
Et statuant à nouveau,
Fixe à 49.736 € HT/HC, le montant annuel du loyer du bail renouvelé entre les parties à la date du 1er juillet 2016,
Dit au besoin que la différence entre les sommes dues au titre du nouveau loyer par rapport à l'ancien produira intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2016, puis au fur et à mesure de l'exigibilité des loyers,
Y ajoutant,
Condamne la société Surgelés Picard à payer la société Gay Lo Sa à la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Surgelés Picard aux dépens d'appel.