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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 28 mars 2024, n° 23/14103

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Maison Lapergue (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pacaud

Conseillers :

Mme Leydier, Mme Perraut

Avocats :

Me Leroy, Me Peisse

TJ Toulon, du 6 nov. 2020, n° 20/00577

6 novembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 2 octobre 1998, reçu devant Maître [D] [H], Notaire à [Localité 5] (83), Monsieur [S] [R], aux droits duquel vient Monsieur [I] [P] a donné à bail commercial à la société à responsabilité limitée (la SARL), 'Lou Pastadou' aux droits de laquelle vient la société à responsabilité limitée (la SARL), 'Maison Lapergue', un local situé [Adresse 1] à [Localité 3] (83).

Le bail a été renouvelé par avenant du 30 juillet 2007.

Se prévalant que les loyers n'avaient pas été réglés, M. [P] a fait délivrer à la SARL Maison Lapergue, un commandement de payer visant la clause résolutoire le 18 novembre 2019, aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 7 071,04 euros au principal.

Considérant que les causes du commandement sont restées infructueuses, M. [P] a, par acte d'huissier de justice du 18 novembre 2019, fait assigner la SARL Maison Lapergue, devant le président du tribunal judiciaire de Toulon, statuant en référé, qui, par ordonnance réputée contradictoire en date du du 6 novembre 2020, a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire, et la résiliation du bail liant les parties à la date du 18 décembre 2019 ;

- ordonné à défaut de restitution volontaire des lieux, dans le mois de la signification de son ordonnance, l'expulsion de la SARL Maison Lapergue et de tout occupant de son chef des lieux loués avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- dit que, passé Ie délai susvisé, la SARL Maison Lapergue serait redevable d'une astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard, jusqu'à la parfaite libération des lieux ;

- condamné Ia SARL Maison Lapergue à payer à M. [I] [P] la somme de 1 420,51 euros à titre d'indemnité mensuelle d'occupation à compter du 18 décembre 2019 et jusqu'à libération effective des lieux ;

- condamné la SARL Maison Lapergue à payer à M. [I] [P] la somme provisionnelle de 12 743,08 euros correspondant aux loyers et charges impayés et indemnités d'occupation au 1er mars 2020 (terme de mars 2020 inclus), avec intéréts au taux légal à compter de l'assignation du 17 mars 2020 ;

- dit que les meubles et objet mobiliers se trouvant se place seraient régis par les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la SARL Maison Lapergue à payer à M. [I] [P], la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, comprenant le coût du commandement de payer du 18 novembre 2019.

Selon déclaration reçue au greffe le 21 décembre 2020, la SAS Maison Lapergue a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

L'affaire a été radiée par arrêt du 6 janvier 2022 puis rétablie suite à des conclusions aux fins de remise au rôle adressée au greffe le 16 novembre 2023 par le Conseil de la SAS Maison Lapergue.

Par dernières conclusions transmises le 15 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Maison Lapergue, sollicite de la cour qu'elle infirme la décision du premier juge en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, qu'elle :

- à titre principal :

- juge irrecevable l'action en résiliation du bail de M. [P] ;

- juge qu'elle est à jour du paiement de ses loyers ;

- à titre subsidiaire :

- juge que M. [P] se désiste de ses demandes aux fins de paiement d'arriérés de loyers et charges et de résiliation du bail ;

- juge qu'elle accepte ce désistement ;

- en tout état de cause :

- condamne M. [P] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

- à titre subsidiaire, juge que chaque partie conserve la charge de ses frais et dépens.

Sur l'irrecevabilité de l'action de M. [P] :

Elle indique avoir fait l'objet d'un plan de redressement judiciaire arrêté par le tribunal de commerce de Toulon le 16 mai 2023.

Elle précise que la clôture des opérations a été prononcée le 5 décembre 2023.

Elle déduit qu'à défaut d'ordonnance ayant acquis force de chose jugée avant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire constatant l'acquisition de la clause résolutoire, la résiliation du bail ne peut plus être poursuivie pour des loyers antérieurs. Elle estime que l'action de M. [P] doit être jugée irrecevable.

Sur le paiement de la dette locative :

Elle fait valoir avoir eu des retards de paiement et avoir régularisé sa situation, soulignant ne pas avoir comparu en première instance et donc ne pas avoir pu présenter ses arguments.

Elle ajoute être à jour de ses paiements et qu'elle a cédé son fonds de commerce à la SARL Valérie et que M. [P] a consenti à cette cession avec promesse d'un nouveau bail.

Elle accepte le désistement de M. [P].

Par dernières conclusions transmises le 15 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [P], sollicite de la cour qu'elle réforme l'ordonnance entreprise et :

- juge qu'il se désiste de ses demandes aux fins de paiement d'arriérés de loyers et charges et de résiliation du bail commercial ;

- condamne la société Maison Lapergue à lui régler la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, incluant le coût du commandement de payer.

Il considère que la carence de la société Maison Lapergue l'a contraint à engager un procès et qu'elle doit en supporter les conséquences.

MOTIFS

Sur l'appel principal

Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture (d'une procédure de sauvegarde) interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créancier dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 621-7 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (ou) à la résolution du contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

L'article L. 622-22 du même code dispose que sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de créance : elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ... dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Enfin, l'article L. 631-14 précise que les articles L. 622-3 à L. 622-9, à l'exception des articles L. 622-6-1, et L. 622-13 à L 622-33, sont applicables à la procédure de redressement judiciaire.

L'instance en cours visée par l'article L 622-22 précité est celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de cette créance, de sorte que la créance faisant l'objet d'une instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, présentant un caractère provisoire (et qui ne peut donc être fixée au passif), doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire. L'ouverture de la procédure collective pendant cette instance rend donc irrecevable, dans ce cadre procédural, la demande tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Il résulte de pièces versées au dossier que la SAS Maison Lapergue a été placée en redressement judiciaire le 13 septembre 2022 par jugement du tribunal de commerce de Toulon et donc postérieurement à la déclaration d'appel de l'ordonnance de référé entreprise.

M. [I] [P] doit donc être déclaré irrecevable en ses demandes visant à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion de sa locataire, la condamnation de cette dernière à lui verser la somme provisionnelle de 12 921,62 euros, correspondant à la dette locative, et la fixation d'une indemnité d'occupation jusqu'à complète libération des locaux loués.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée de ces chefs.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la SAS Maison Lapergue aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 18 novembre 2019 et à payer à M. [I] [P], la somme de 600 euros sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'infirmation de la décision de première instance résulte de l'évolution du litige et plus précisément d'une déclaration de cessation de paiement réalisée par le conseil de la SAS Maison Lapergue le 12 septembre 2022. Il s'agit donc d'un évènement postérieur, survenu à l'initiative de l'appelant et subi par l'intimé.

Il convient, dans ces conditions, de débouter chacune des parties de leurs demandes relatives aux frais irrépétibles.

Pour les mêmes raisons, chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Déclare M. [I] [P] irrecevable en ses demandes de constatation de l'acquistion de la clause résolutoire, d'expulsion de sa locataire et de condamnation de la SAS Maison Lapergue à lui verser la somme provisionnelle de 12 921,62 euros ainsi qu'une indemnité d'occupation jusqu'à complète libération des locaux loués ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.