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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. civ., 2 avril 2024, n° 21/03507

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Gazoline Tribu (SARL)

Défendeur :

SofI (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fillioux

Conseillers :

M. Garcia, Mme Strunk

Avocats :

Me Plyer, Me Coq-Blanchi, Me Merlin

TJ Montpellier, du 13 avr. 2021, n° 20/0…

13 avril 2021

Faits, Procédure et Prétentions des parties :

Le 31 octobre 2013, la SARL Gazoline Tribu a pris à bail un local commercial situé [Adresse 2] à [Localité 4], propriété de la SARL Sofi moyennant un loyer annuel de 10 000euros HT, les sommes de 11 480euros et 2678,03euros ont été versées par la locataire lors de l'entrée dans les lieux au titre du dépôt de garantie.

Le 8 mars 2019, la société Foncia, gestionnaire du bien, a adressé un courrier au locataire indiquant qu'en 2017, des travaux importants ont été effectués dans la copropriété dont une part importante est récupérable sur le locataire.

Le 25 septembre 2019, la SARL Sofi a mis en demeure la SARL Gazoline Tribu de payer la somme de 24 246,92euros au titre des dits travaux

Le 5 octobre 2020, la SARL Gazoline Tribu a vendu son fonds de commerce, cession publiée le 22 octobre 2020.

Le 23 octobre 2020, la SARL Sofi a formé opposition au paiement du prix de cession pour un montant de 23 995,85euros correspondant au montant du prix des travaux, dont elle avait été sollicité paiement, diminué d'un trop perçu de 250,86euros.

Le 14 décembre 2020, la SARL Gazoline Tribu, autorisée par ordonnance du 9 décembre 2020, a assigné à jour fixe la SARL SOFI devant le tribunal judiciaire de Montpellier.

Par jugement contradictoire du 13 avril 2021, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

Rejeté l'exception d'incompétente matérielle,

Dit recevable la demande en paiement des intérêts sur le dépôt de garantie comme n'étant pas prescrite,

Dit que la demande en restitution des frais de quittance dirigée à l'encontre de la société Foncia est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir,

Dit que la SARL Gazoline Tribu est redevable à l'égard de la SARL Sofi de la somme de 20 242,71euros au titre des frais de réfection de la toiture,

Dit que la SARL Gazoline Tribu est redevable à l'égard de la SARL Sofi de la somme de 1 353,35euros au titre de l'arriéré de loyers et charges,

Débouté la SARL Sofi de sa demande en paiement des travaux réalisés sur la partie privative du local,

Débouté la SARL Gazoline Tribu de sa demande de dommages et intérêts,

Ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,

Condamné en conséquence la SARL Gazoline Tribu à payer la SARL Sofi la somme de 7 438,03euros,

Débouté la SARL Gazoline Tribu de sa demande de paiement d'intérêt sur le dépôt de garantie,

Dit que l'opposition au prix de vente du fonds de commerce de la SARL Gazoline Tribu effectuée le 23 octobre 2020 par la société Sofi entre les mains de Maître Yann Viguier, avocat, sera cantonnée à la somme de 7 438,03euros,

Ordonné la mainlevée de l'opposition pour le surplus,

Condamné la SARL Gazoline Tribu à payer à la SARL Sofi la somme de 3 000euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.

La juridiction a retenu que les demandes étant en lien avec le bail commercial conclu entre les parties, le tribunal judiciaire est compétent pour en connaître.

La juridiction a estimé que l'action fondée sur les dispositions de l'article 24 du décret du 30 septembre 1953 est soumise à la prescription biennale de l'article 33 dudit décret, qu'en l'espèce, l'action de la locataire, qui ne sollicite les intérêts sur le dépôt de garantie que sur les deux années précédant son assignation, n'est pas prescrite.

Sur les travaux de réfection effectués sur la toiture du bâtiment, elle a retenu que le contrat de bail, qui n'est pas soumis aux dispositions de la loi Pinel, met à la charge du locataire, les grosses réparations de l'article 606 du code civil dont les travaux de réfection de la toiture, fussent-ils rendus nécessaires par la vétusté.

Sur les travaux effectués sur la partie privative de la toiture, elle a estimé que la cour intérieure de l'immeuble dénommée 'ciel ouvert ' dans le cahier des charges est une partie privative incluse dans le lot n°1, propriété de la société Sofi, mais que faute d'avoir informé en temps utile le preneur des travaux entrepris sur ce local conformément aux dispositions contractuelles, le bailleur en conservera la charge.

Sur la clause pénale, elle a retenu que le montant de la clause pénale est excessif eu égard aux circonstances de la cause et qu'il convient de le réduire à 0euros.

Sur l'obligation de loyauté, elle a retenu que lors de la conclusion du contrat de louage le 31 octobre 2013, il ne peut être reproché au bailleur un défaut d'information sur les travaux de réfection de la toiture puisque la décision de faire réaliser de tels travaux n'a été prise en assemblée générale qu'ultérieurement.

Concernant les frais de quittances perçus par la société Foncia dont la locataire sollicite la restitution, elle a estimé qu'une telle demande formulée à l'encontre de la bailleresse est irrecevable, cette dernière n'ayant pas reçues ces sommes, conservées par la société Foncia qui n'est pas dans la cause.

Concernant l'opposition, elle a retenu que l'opposition formée par la bailleresse est légale, les dispositions de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 n'étant pas applicables.

Le 1er juin 2021, la société Gazoline Tribu a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées le 17 février 2022, la SARL Gazoline Tribu demande à la cour de

Vu l'article L145-40 du code de commerce

Vu les articles 1134 et 1147 dans leur version applicable à la cause et 1755 du code civil,

CONFIRMER le jugement du 13 avril 2021 en ce qu'il a :

« DÉBOUTÉ la SARL SOFI de sa demande en paiement des travaux réalisés sur la partie privative du local,

REJETTE les demandes plus amples ou contraires [à savoir le rejet de la demande portant sur la clause pénale] »

INFIRMER le jugement du 13 avril 2021 en ce qu'il a :

« DIT que la demande en restitution des frais de quittance dirigée à l'encontre de FONCIA est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir,

DIT que LA SARL GAZOLINE TRIBU est redevable, à l'égard de la SARL SOFI de la somme de 20242,71€ au titre des frais de réfection de la toiture,

DIT que LA SARL GAZOLINE TRIBU est redevable, à l'égard de la SARL SOFI de la somme de 1353,35 € au titre d'arriérés de loyers et charges,

DÉBOUTÉ la SARL GAZOLINE TRIBU de sa demande de dommages et intérêts,

ORDONNE la compensation entre les créances réciproques des parties,

CONDAMNE en conséquence, la SARL GAZOLINE TRIBU à payer à la SARL SOFI la somme de 7438,03€.

DÉBOUTÉ la SARL GAZOLINE TRIBU de sa demande de paiement d'intérêts sur le dépôt de garantie,

DIT que l'opposition au prix de vente du fonds de commerce de la SARL GAZOLINE TRIBU, effectuée le 23 octobre 2020 par la société SOFI, entre les mains de Maître Yann VIGUIER, avocat, sera cantonnée à la somme de 7 438,03 €.

CONDAMNE la SARL GAZOLINE TRIBU à payer à la SARL SOFI la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

CONDAMNE la SARL GAZOLINE TRIBU aux entiers dépens

REJETTE les demandes plus amples ou contraires. »

ET, STATUANT A NOUVEAU :

REJETER la demande du bailleur en paiement de la somme de 20 242,71 € au titre des frais de réfection de la toiture en partie commune, et subsidiairement, le condamner au paiement de la somme de 24 246,71 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas contracter et de ne pas poursuivre une activité déficitaire,

CONDAMNER la SARL SOFI à payer à la SARL GAZOLINE TRIBU :

- la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de l'opposition injustifiée du 23 octobre 2020,

- la somme de 14 158,03 € avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 novembre 2020, à titre de restitution des deux garanties conservées indûment deux fois,

- la somme de 688,88 € à parfaire au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir au titre des intérêts dus pour la période du 14 décembre 2018 au 14 août 2021 sur les sommes retenues à titre de dépôt de garantie excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes,

- la somme de 456 € à titre de restitution sur le trop-perçu relatif à la facturation du service avis d'échéance, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 août 2020,

- la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 14/08/20,

- la somme de 7438,03 € à titre de restitution de la condamnation principale du jugement attaqué infirmée dans la décision à intervenir, avec intérêt au taux légal à compter du paiement du 1er juillet 2021,

- la somme de 3 000 € à titre de restitution de la condamnation fondée sur l'article 700 du jugement attaqué infirmé dans la décision à intervenir avec intérêt au taux légal à compter du paiement du 20 mai 2021,

CONSTATER que la compensation est intervenue au 5 novembre 2020 condamner à qu'il en résulte suite à l'exécution réalisée au titre de l'exécution provisoire du jugement dont les chefs de dispositif seront infirmés, une somme due en principal par la société SOFI d'un montant de 26 387,60 € et au besoin la condamner à la payer,

CONDAMNER la société SOFI à payer à la société GAZOLINE TRIBU la somme de 5 000€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers dépens de ces instances dont distraction au profit de l'avocat soussigné.

Elle expose que le bail contient une clause mettant à la charge du locataire, toutes les réparations y compris celles de l'article 606 du code civil, que le 8 mars 2019, il a été sollicité le paiement d'une somme de 24 246,71euros TTC correspondant à la part de la bailleresse dans les travaux de réfection de la toiture, qu'elle conteste devoir cette somme au motif que seule une clause expresse en ce sens peut permettre de faire assumer par la locataire de tels travaux qu'en l'espèce le contrat souscrit entre les parties ne contient pas de clause en ce sens.

A titre subsidiaire, elle soutient que les réparations dues à vétusté ne peuvent être mises à la charge de la locataire, sauf à violer les dispositions de l'article 1755 du code civil qui impose au bailleur de prendre en charge les réparations dues à la vétusté sauf clause contraire, qu'en l'espèce aucune stipulation contractuelle ne vise la vétusté à l'exception de celle des éléments garnissant ou composant les lieux loués, que les stipulations mettant des travaux à la charge du locataire doivent s'interpréter strictement.

A titre infiniment subsidiairement, elle soutient que la bailleresse a manqué son obligation de loyauté en ne l'informant pas de l'état de la toiture et pour avoir refusé de lui communiquer les PV d'AG s'y référant pour dissimuler sciemment les difficultés évoquées dès l'AG du 16 mars 2014 et qu'elle ne communique toujours pas les PV des AG précédentes ne permettant pas de vérifier l'absence de connaissance dont elle se prévaut, que ce manque d'information a causé un préjudice à la locataire qui a perdu la chance de ne pas souscrire un tel bail.

Sur l'opposition, elle sollicite la somme de 5 000euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'opposition injustifiée.

Sur les garanties, elle expose que la société Mexibocou, venue aux droits de la SARL Gazoline Tribu, a fourni deux chèques de garantie et qu'il convient que la bailleresse lui restitue les garanties versées lors de la prise à bail initiale.

Sur le fondement de l'article L145-15 du code de commerce, elle sollicite que la somme de 11 480euros versée à titre de garantie porte intérêt depuis le début du bail. Elle soutient que la dénomination donnée par les parties pour qualifier cette somme est sans conséquence juridique sur l'application de l'article L145-5 du code de commerce. Elle précise que la compensation n'est acquise qu'en fin de bail alors que le dépôt de garantie produit des intérêts au fur et à mesure du bail, de sorte qu'ils sont dus nonobstant l'éventuelle compensation ultérieure.

Elle ajoute que les frais injustifiés de quittances facturés par la société Foncia l'ont été au profit de son mandant, que la bailleresse doit être condamnée à lui restituer ces sommes, quitte à se retourner contre son mandataire ultérieurement.

Elle s'oppose aux demandes de la bailleresse concernant la prise en charge des travaux portant sur la toiture des WC du local commercial, partie privative, que lors de la réfection de la toiture partie commune, il a été également procédé à la réfection de la toiture partie privative que le bailleur a accepté de prendre à sa charge, qu'il n'a pas préalablement à ces travaux mis en demeure le locataire de réaliser lui-même les dits travaux, ni justifier de façon objective de la nécessité de les entreprendre et qu'il n'a pas fait chiffrer le coût des dits travaux par expertise, de sorte que si les travaux de toiture devaient être mis à la charge du locataire, il conviendrait d'en exclure ceux afférents à cette partie privative.

Par conclusions déposées et notifiées le 23 novembre 2021, la société Sofi demande à la cour de :

Vu l'article 1103, 1231-1 du Code civil et l'ancien article 1134 alinéa 3 du Code civil,

Vu l'article L 145-40 et L 145-60 du Code de commerce,

Vu la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014,

Vu le Décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014,

REJETANT L'APPEL PRINCIPAL :

CONFIRMER l'ensemble des chefs de jugements du 13 avril 2021 critiqués par la société GAZOLINE TRIBU ;

DÉBOUTER la société GAZOLINE TRIBU de l'ensemble de ses demandes ;

Et en conséquence ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GAZOLINE TRIBU à payer au bailleur la somme de 20.242,71 € TTC au titre des travaux de toiture, honoraires de bureau d'étude et de maîtrise d'oeuvre, outre celle de 1.353,35 € au titre des arriérés de loyers et charges, le tout sous déduction du dépôt de garantie de 14.158,03 € que la société SOFI a été autorisée à conserver ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GAZOLINE TRIBU aux dépens de première instance, outre une somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Débouter la société GAZOLINE TRIBU de ses demandes d'appel tendant à :

. condamner la société SOFI au paiement de la somme de 24246,71 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas contracter et de ne pas poursuivre une activité déficitaire,

. condamner la SARL SOFI à payer à la SARL GAZOLINE TRIBU :

- la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de l'opposition injustifiée du 23 octobre 2020,

- la somme de 14 158,03 € avec intérêt au taux légal à compter de l amise en demeure du 18 novembre 2020, à titre de restitution des deux garanties conservées indûment deux fois,

- la somme de 688,88 € à parfaire au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir au titre des intérêts dus pour la période du 14 décembre2018 au 14 août 2021 sur les sommes retenues à titre de dépôt de garantie excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes,

- la somme de 456 € à titre de restitution sur le trop-perçu relatif à la facturation du service avis d'échéance, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 août 2020,

- la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêt au taux légal à compter del'assignation du 14/08/20,

- la somme de 7438,03 € à titre de restitution de la condamnation principale du jugement attaqué infirmée dans la décision à intervenir, avec intérêt au taux légal à compter du paiement du 1er juillet 2021,

- la somme de 3 000 € à titre de restitution de la condamnation fondée sur l'article 700 du jugement attaqué infirmé dans la décision à intervenir avec intérêt au taux légal à compter du paiement du 20 mai 2021,

- CONSTATER que la compensation est intervenue au 5 novembre 2020 et qu'il en résulte suite à l'exécution réalisée au titre de l'exécution provisoire du jugement dont les chefs de dispositif seront infirmés, une somme due en principal par la société SOFI d'un montant de 26 387,60 € et au besoin la condamner à la payer,

- CONDAMNER la société SOFI à payer à la société GAZOLINE TRIBU la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers dépens de ces instances dont distraction au profit de l'avocat soussigné.

ACCUEILLANT L'APPEL INCIDENT :

REFORMER le jugement du 13 avril 2021, en ce qu'il a :

'DÉBOUTÉ la SARL SOFI de sa demande en paiement des travaux réalisés sur la partie privative du local ;

DÉBOUTÉ la SARL SOFI de sa demande de paiement correspondant au paiement de la clause pénale.'

STATUANT A NOUVEAU :

CONDAMNER la société GAZOLINE TRIBU à payer à la société SOFI la somme de 4.004 € au titre des travaux de réfection de l'étanchéité du lot privatif avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25/09/2019 ;

CONDAMNER la société GAZOLINE TRIBU à payer à la société SOFI la somme de 2.560 € en application de la clause pénale contractuelle ;

ET Y AJOUTANT :

CONDAMNER la société GAZOLINE TRIBU au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER la société GAZOLINE TRIBU aux entiers dépens de l'appel.

Elle expose que le bail en son article 6 prévoit que toutes les réparations sont à la charge du preneur, ainsi que les travaux rendus nécessaires par la vétusté, que les travaux de réfection de la toiture sont de gros travaux au sens de l'article 606 du code civil, que contrairement aux dires de la locataire, les clauses du bail ne laissent aucun doute de son engagement à assumer tous les travaux. Elle rappelle que le contrat de bail a été souscrit antérieurement à la loi Pinel et que c'est à bon droit qu'elle a facturé les travaux à sa locataire.

Elle souligne qu'elle a été d'une parfaite bonne foi dans les relations contractuelles, que la société Gazoline Tribu n'est pas la locataire initiale mais a acquis le fond de commerce comprenant le droit au bail, de sorte qu'elle n'a pas négocié directement avec elle, que la locataire a acquis le fond à la condition qu'un nouveau bail soit signé aux clauses et conditions du précédent, que donc elle avait une parfaite connaissance de son engagement, qu'elle a toujours communiqué dès qu'elle en a eu connaissance les documents à sa locataire et qu'en 2013, aucun travaux n'avait été voté, que la quote part des travaux n'a été appelée qu'en 2017 soit plus de 4 ans après la conclusion du bail, que la locataire ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.

Elle fait valoir que la main levée partielle a été ordonnée, que la demande à ce titre est sans objet.

Elle s'oppose à la restitution totale du dépôt de garantie eu égard au solde débiteur de sa locataire et ce nonobstant le versement d'un dépôt de garantie par le cessionnaire du fond, que la compensation a été opérée à juste titre entre les sommes dues et le dépôt de garantie, que l'opposition pratiquée n'était pas abusive en l'état du décompte locatif.

Elle souligne que l'action en paiement des intérêts sur la fraction du dépôt de garantie excédant deux termes de loyers en application de l'article L145-40 du code de commerce, est soumise au délai de prescription biennale, que la demande formulée par la locataire est prescrite.

Enfin elle soutient qu'elle n'a jamais facturé les services de rédaction des quittances et qu'elle n'a perçu aucune somme à ce titre.

Sur l'appel incident, elle demande à la cour de faire supporter par la locataire les travaux de réfection de la toiture du lot privatif occupé par le preneur pour une somme de 4 004euros TTC que la clause visant la mise à la charge du preneur tous les travaux vise même ceux rendus nécessaire par la vétusté, que l'absence de notification préalable n'est pas sanctionnée par l'impossibilité pour le bailleur de récupérer les sommes engagées, que le preneur n'a nullement contesté l'utilité ou la nécessité des travaux entrepris, que les travaux ont été approuvés par l'assemblée générale des copropriétaires, qu'il convient de condamner la société Gazoline Tribu à lui payer la somme de 4004 euros à ce titre avec intérêts au taux légal depuis le 25 septembre 2019.

Elle se prévaut de la validité de la clause pénale de 10% qu'il doit recevoir application selon elle en raison de la dette locative puisque après décompte établi de façon précise, la locataire reste redevable de la somme de 6 564euros même après déduction des dépôts de garantie.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2024.

Motifs

1 Sur la prise en charge des travaux de réfection de la toiture, partie commune :

Les parties ont le 31 octobre 2013 souscrit un bail commercial portant sur des locaux sis [Adresse 2] à [Localité 4] qui comprend en son article 6 ' le preneur s'engage à tenir les lieux loués en bon état des réparations pendant toute la durée du bail et effectuer, le cas échéant, toutes répartions, petites ou grosses, sans distinction, notamment celles prévues par l'article 606 du code civil, constituant une liste énonciative et non limitative de telle sorte que les lieux doivent être restitués en fin de jouissance en parfait état de réparation et d'entretien'.

En vertu de l'article 606 du Code civil, 'les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien.'Selon l'article 1719-2°, le bailleur est obligé « d'entretenir (la chose louée) en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée », et selon l'article 1720, alinéa 2 le bailleur est tenu de « faire, pendant toute la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives ».

Ces textes n'étant pas d'ordre public, il est constant que pour les baux antérieurs à la loi dite Pinel du 18 juin 2014, le bailleur, à qui incombe de par les textes la charge des travaux de réparations autres que celles locatives qui intéressent la structure et la solidité de l'immeuble loué, peut, par une clause claire et précise dont la portée doit être interprétée façon restrictive, en transférer la charge au preneur.

Toutefois, la clause du bail mettant à la charge du preneur les grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil n'exonère pas le bailleur de la réfection totale de la chose louée, dès lors que les travaux nécessaires touchent au gros 'uvre et consistent en une modification de la structure de la chose louée.

En l'espèce, eu égard à son caractère général, la clause litigieuse ne peut inclure la réfection de la totalité de la toiture du bâtiment, faute de mention claire et précise en ce sens.

De surcroît et de façon surabondante, il convient de relever que l'article 1755 du code civil dispose qu'aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.

Or il est admis par les parties que les travaux de réfection totale de la toiture sont occasionnés par la vétusté de la couverture. Le contrat de bail prévoit que le preneur 's'engage à remplacer à ses frais quelle que soit l'importance des travaux et réparations (fût ce par vétusté ) toutes installations, canalisations, appareils, fermetures et plus généralement tous les éléments garnissant ou composant les lieux loués'.

Une telle clause n'inclut nullement la réfection de la toiture, partie commune de l'immeuble qui ne constitue pas un élément 'garnissant ou composant les lieux loués'. Dès lors faute de clause contraire, les dispositions de l'article 1755 du code civil doivent recevoir application et la société Gazoline Tribu ne peut être tenue d'assumer le coût de réfection totale de la toiture atteinte par la vétusté en l'absence d'une clause expresse figurant au bail.

Il convient d'infirmer la décision de première instance à ce titre et de dire que le coût des travaux de réfection de la toiture pour un montant de 20 242,71euros ne doit pas être supporté par la SARL Gazoline Tribu qui n'est redevable au 5 novembre 2020 que de la somme de 1 353,35euros au titre des charges courantes.

2 Sur la réfection de l'étanchéité de la partie privative de la toiture :

Ainsi que l'admettent les parties, la cour intérieure dénommée 'Ciel ouvert ' est une partie privative incluse dans le lot n°1 propriété de la SARL Sofi. Lors de l'assemblée générale du 2 mai 2016, une résolution concernant l'acceptation d'un devis visant à la réfection de l'étanchéité de cette cour pour un montant de 4 404euros, dont le propriétaire doit assumer seul la charge, a été approuvée.

Le bail prévoit que 'le preneur accepte à défaut d'avoir effectué lui-même tous travaux d'entretien, de réparation et de remplacement mis à sa charge que le bailleur entreprenne trente jours après l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception restée infructueuse et sauf cas d'urgence d'effectuer en ses lieux et place lesdites réparations et travaux, le preneur s'engageant à en rembourser le coût effectif en ce compris tous frais et honoraires s'y rapportant dans les 15 jours de l'état adressé par le bailleur '.

Il n'est fourni aux débats aucun élément sur l'état de la verrière dont l'étanchéité a fait l'objet d'une réfection. Même à considérer que la réfection de l'étanchéité d'une verrière est une réparation locative ou pour le moins à la charge du locataire en application des clauses du présent bail, il incombe au bailleur afin de pouvoir revendiquer l'application de la clause du bail sus visée, de justifier de la défectuosité de l'installation qui nécessiterait réparation, de l'envoi d'une lettre recommandée pour aviser le locataire des désordres dont la réparation par les soins du bailleur envisagée, en l'absence d'intervention du locataire dans un délai de 30 jours.

Faute d'avoir respecté le formalisme prescrit par le bail, le bailleur, qui a fait réaliser les travaux de réfection de l'étanchéité sans en avoir informé au préalable le locataire et sans avoir été avisé par ce dernier d'une quelconque défectuosité, ne peut de facto mettre à sa charge des travaux dont il n'est nullement établi qu'il s'agit de travaux de réparation ou d'entretien exigés par l'état de la chose.

Il convient de confirmer le jugement de première instance à ce titre.

3 Sur la demande de restitution des sommes versées au titre du dépôt de garantie :

Le bail souscrit le 31 octobre 2013 stipule que 'le preneur verse entre les mains du bailleur la somme de 2 500euros correspondant à 3 mois de loyer principal. Ce dépôt est versé en garantie du paiement du loyer et des charges ainsi que de la parfaite exécution des clauses du bail. Cette somme sera conservée par le bailleur pendant toute la durée du bail jusqu'au règlement définitif de toute indemnité que le preneur pourrait devoir au bailleur à l'expiration du bail et à a sorite des lieux loués. Cette somme ne sera productive d'aucun intérêt...' De surcroît, la locataire a versé une somme de 11480euros au 'titre d'une garantie versée au profit du propriétaire et détenue directement par lui'.

En vertu des clauses du bail, la bailleresse a été fondée à opérer une compensation entre les sommes dues par la locataire c'est à dire la somme de 1 353,35euros et les sommes versées au titre du dépôt de garantie, c'est à dire 13 980euros lors de sa sortie des lieux le 5 novembre 2020. La bailleresse était redevable de la somme de 12 626,65euros à cette date au titre de la restitution du dépôt de garantie après déduction des charges restant dues.

L'article L 145-40 du code de commerce, dont la locataire sollicite l'application, est entré en vigueur le 21 septembre 2000. De sorte, que cette rédaction ne trouve pas à s'appliquer concernant le présent bail conclu le 31 décembre 2013 qui est soumis à l'article 24 du décret du 30 septembre 1953 qui énonce que : 'Les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêt au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes.'

La demande en versement d'intérêt sur la part du dépôt de garantie excédant les deux termes de loyers pour la période postérieure au 14 décembre 2018 est recevable, l'assignation datant du 18 décembre 2020. Le bailleur doit être condamné au paiement de la somme de 11 480euros x 0,25% x 31/12 = 688,88euros au titre des intérêts dus sur le dépôt de garantie.

La bailleresse est redevable de la somme de 12 626,65euros au titre de la restitution du dépôt de garantie après déduction des charges restant dues, à laquelle s'ajoute la somme 688,88euros au titre des intérêts c'est à dire une somme totale de 13 315,53euros avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 novembre 2020.

4 Sur la main levée de l'opposition :

Il ressort des écritures des parties que la demande relative à la main levée de l'opposition formulée lors de la cession du fonds de commerce n'a plus lieu d'être puisque dans le cadre de l'exécution de la décision de première instance, le séquestre du prix de cession a réglé entre les mains du bailleur la somme de 7 438,03euros.

La locataire sollicite l'indemnisation du préjudice subi selon elle en raison du caractère injustifié de l'opposition. Toutefois, il convient de constater que le 5 novembre 2020, le décompte locatif établi par la bailleresse faisait état d'un solde négatif et cette dernière a pu, de bonne foi, estimé fondée et légale l'opposition pratiquée.

De surcroît, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent constituent dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure sauf à prouver la mauvaise foi du débiteur du retard. La preuve d'une éventuelle attitude fautive de la part de la bailleresse n'étant nullement établie, aucune somme ne sera allouée à ce titre.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la locataire de sa demande de dommages et intérêts.

5 Sur la facturation des frais d'établissement des quittances :

Le bail souscrit entre les parties mentionne en son article XX sur les frais ' le service d'avis d'échéance sera facturé 2,30euros par terme. Cette somme variera en fonction du tarif d'affranchissement sur la base du tarif en vigueur en mai 2009"

Le bail ayant été conclu entre la SARL Gazoline Tribu et la SARL Sofi, cette dernière ne peut se prévaloir de la perception par son mandataire des sommes réclamées, alors que ce dernier, la société Foncia, est un tiers au contrat de bail auquel elle n'est intervenue qu'en qualité de représentant de la SARL Sofi. Les frais de quittance ont été perçus en application du contrat conclu entre les deux cocontractants à savoir la locataire et la bailleresse. Le fait que le mandataire ait conservé par-devers lui des sommes versées par la locataire concerne les accords existants entre le mandataire et son mandant qui sont inopposables à la locataire.

La locataire sollicite la restitution de la somme de 456 euros correspondant selon elle à un trop perçu en raison d'une facturation augmentée à 9,9euros alors qu'elle était fixée à 2,30euros dans le contrat de bail.

Toutefois il est constant que l'accord des parties a prévu une indexation du coût de la prestation sur la base du tarif d'affranchissement postal en prenant comme base le tarif de l'année 2009. Or ce tarif a augmenté en moyenne de 3,91% par an de 2009 à 2013 d'où une augmentation corollaire de la prestation conformément aux dispositions contractuelles.

Il convient d'infirmer la décision de première instance qui a déclaré la demande irrecevable et d'en débouter la locataire.

6 Sur la demande de dommages et intérêts :

La locataire sollicite des dommages et intérêts en dénonçant l'attitude abusive de la bailleresse qui lui aurait causé un préjudice moral certain.

Toutefois, la bailleresse s'estimant lésée dans ses droits a pu légitimement résister aux demandes de la locataire. Faute de démontrer le caractère abusif de cette démarche et le dessein de nuire qui aurait animé la bailleresse, la demande de la locataire, qui ne justifie d'aucun préjudice particulier, ne peut prospérer.

Il convient de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a débouté la locataire de sa demande à ce titre.

7- Sur la clause pénale :

Cette demande est devenue sans objet puisqu'en raison de la compensation, la locataire n'est plus redevable de sommes au profit du bailleur.

8- Sur la restitution des sommes versées au titre l'exécution provisoire :

La locataire sollicite que soit ordonnée la répétition des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement de première instance assorti de l'exécution provisoire avec intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2021.

Cependant le présent arrêt infirmatif sur certains chefs du jugement de première instance constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées en exécution du jugement. Les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de restitution des sommes de 7 438,03euros au titre de la condamnation prononcée en première instance

9- Sur les demandes accessoires :

L'équité commande d'allouer la somme de 1 500euros à la SARL Gazoline.

Par ces motifs, la cour statuant par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement rendu le 13 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Montpellier en ce qu'il a débouté la SARL Sofi de sa demande en paiement de travaux sur la partie privative du local et la SARL Gazoline Tribu de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et pour opposition injustifiée et a dit que la SARL Gazoline Tribu est redevable de la somme de 1 353,35euros au titre de l'arriéré de loyers et charges et a ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,

Infirme pour le surplus,

Déboute la SARL Gazoline Tribu de sa demande en restitution des frais d'établissement de quittance,

Déboute la SARL Sofi de sa demande en condamnation de la SARL Gazoline Tribu à lui verser la somme de 20 242,71euros au titre des frais de réfection de la toiture partie commune,

Condamne la SARL Sofi a versé à la SARL Gazoline Tribu, après compensation entre les créances réciproques des parties, la somme de 13 315,53euros avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 novembre 2020,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la main levée de l'opposition, sur l'application de la clause pénale et sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,

Condamne la SARL Sofi à payer à la SARL Gazoline Tribu la somme de 1 500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Sofi aux entiers dépens y compris ceux de première instance avec distraction au profit de Maître Plyer avocat sur son affirmation de droit.