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Décisions

CA Rouen, ch. soc., 7 septembre 2023, n° 23/01813

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Saltimbanques de l'Impossible (Association)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bideault

Conseillers :

Mme Pouget, Mme De Brier

Avocats :

Me Ogel, Me Roth

Cons. Prud'h. Dieppe, du 3 sept. 2020

3 septembre 2020

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par jugement du 3 septembre 2020 le conseil de prud'hommes de Dieppe a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme [S] s'analysait en une démission, a requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, a condamné l'association Les Saltimbanques de l'Impossible à payer à Mme [S] la somme de 1 474,20 euros à titre d'indemnité de requalification, a ordonné la remise d'une attestation Pôle Emploi conforme au jugement, a débouté la salariée de ses demandes et l'employeur de sa demande reconventionnelle, a condamné l'association à verser à la salariée la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné l'employeur aux dépens.

Mme [S] a interjeté appel le 29 septembre 2020 à l'encontre de cette décision.

Une convention de procédure participative de mise en état a été conclue entre les parties le 21 décembre 2020.

Par ordonnance en date du 9 février 2021, le président de la chambre sociale, chargé de la mise en état a ordonné le retrait du rôle de la cour de l'affaire compte tenu de la convention de procédure participative signée, en application de l'article 1546-1 alinéa 1 du code de procédure civile.

Par conclusions remises au greffe le 21 février 2022, l'appelante a sollicité le rétablissement de l'affaire en raison de l'échec de la procédure participative.

L'intimée a remis ses conclusions le 21 avril 2023.

Par ordonnance en date du 17 mai 2023, la présidente de la chambre sociale, chargée de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions remises par l'association Les Saltimbanques le 21 avril 2023 au motif qu'elles avaient été remises hors délai, le délai pour conclure ayant expiré le 21 mai 2022.

Il a en effet été considéré qu'aux termes de l'article 1546-2 du code de procédure civile, l'interruption des délais produit ses effets jusqu'à l'information donnée au juge de l'extinction de la procédure participative ; que cette information a été donnée par la remise des conclusions de l'appelant au greffe le 21 février 2022, que les délais ont à nouveau couru à compter de cette date, que l'association Les Saltimbanques de L'Impossible disposait donc d'un délai expirant le 21 mai 2022 pour conclure.

Par requête en date du 25 mai 2023 adressée par la voie électronique, l’association Les Saltimbanques de l'Impossible a déféré cette ordonnance à la cour, lui demandant son infirmation et sollicitant ,à titre principal de déclarer ses conclusions recevables et, à titre subsidiaire, de déclarer les conclusions de Mme [S] irrecevables et de la condamner aux dépens.

Elle fait valoir que les conclusions de Mme [S] déposées à la cour le 21 février 2022 soit 8 mois après l'extinction de la convention de procédure participative ne lui ont pas été notifiées, que seul un avis de fixation de la cour d'appel lui a été adressé par voie de RPVA mentionnant un nouveau numéro de répertoire général le 10 février 2023, qu'elle était en conséquence dans l'impossibilité de conclure avant la réception de cet avis.

En ayant conclu le 21 avril 2023, elle soutient avoir respecté les délais impartis.

A titre subsidiaire, elle indique qu'en application de l'article 1563 du code de procédure civile, Mme [S] disposait d'un délai pour conclure de 3 mois après l'expiration de la convention, soit le 1er septembre 2021 et pour informer l'intimée du dépôt de ses conclusions. N'ayant pas respecté ces obligations, l'association sollicite que ses conclusions soient déclarées irrecevables.

Par dernières conclusions déposées à la cour le 14 juin 2023 et signifiées par voie électronique, Mme [S] demande à la cour de juger recevables les conclusions de l'association Les Saltimbanques de l'Impossible.

Elle indique que la réinscription sollicitée ne pouvait se faire qu'au moyen du logiciel RPVA, sous un nouveau numéro de rôle communiqué par le greffe, qu'elle a notifié ses conclusions sous ce nouveau numéro de rôle, que cependant l'association Les Saltimbanques de l'Impossible n'était pas constituée sous ce nouveau numéro de rôle, qu'elle n'a en conséquence pas été destinataire de ses écritures, qu'il appartenait au greffe de la chambre sociale de lui adresser un avis aux fins de constitution, qu'à défaut d'avis adressé, aucun délai n'était opposable à l'association intimée.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour le rappel complet des prétentions et moyens soutenus.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 1546-2 du code de procédure civile dispose que devant la cour d'appel, l'information donnée au juge de la conclusion d'une convention de procédure participative entre toutes les parties à l'instance d'appel interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910. L'interruption de ces délais produit ses effets jusqu'à l'information donnée au juge de l'extinction de la procédure participative.

A l'issue de la procédure, l'article 1563 du code de procédure civile dispose que la requête est déposée au greffe par l'avocat de la partie la plus diligente. A peine d'irrecevabilité, elle est présentée dans un délai de trois mois suivant le terme de la convention de procédure participative.

Outre les mentions prescrites, à peine de nullité, par l'article 58, la requête contient un exposé des moyens de fait et de droit et est accompagnée de la liste des pièces mentionnées au troisième alinéa de l'article 1560.

L'avocat qui procède au dépôt en informe la partie adverse elle-même ainsi que l'avocat l'ayant assisté au cours de la procédure conventionnelle, selon le cas, par notification ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

En l'espèce, il résulte des éléments du dossier qu'à la suite de la conclusion par les parties d'une convention de procédure participative, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné par décision du 9 février 2021 le retrait de l'affaire du rôle de la cour, les délais impartis aux parties pour conclure étant suspendus.

Si Mme [S], appelante, a effectivement informé le greffe de l'échec de la convention par remise de conclusions le 21 février 2022, il résulte des conclusions concordantes des parties qu'elle n'a pas informé la partie adverse de cette demande de remise au rôle de la procédure.

L'affaire ayant été réinscrite au greffe de la cour sous un nouveau numéro de répertoire général, l'association Les Saltimbanques de l'Impossible n'a pas été informée de ce nouveau numéro et n'a pas été destinataire des conclusions par voie électronique, de sorte qu'elle n'a pas eu connaissance de la reprise de l'instance et du délai pour conclure.

Seul un avis de fixation a été adressé à l'intimé le 10 février 2023.

Il ressort de ces éléments que la partie intimée n'a pas été régulièrement informée de la reprise de l'instance, de sorte que les délais mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 n'ont pas commencé à courir avant l'avis émis par le greffe le 10 février 2023.

En déposant ses conclusions le 21 avril 2023 soit dans le délai de 3 mois après l'avis du 10 février 2023, l'intimé a respecté les délais sus-visés, de sorte que, par infirmation de l'ordonnance entreprise, ses conclusions doivent être déclarées recevables.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;

Infirme l'ordonnance du conseiller chargé de la mise en état du 17 mai 2023 ;

Statuant à nouveau :

Déclare recevables les conclusions remises par l'association Les Saltimbanques de l'Impossible le 21 avril 2023 ;

Rejette toute autre demande ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens de la présente instance.