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Décisions

Cass. com., 20 octobre 2021, n° 20-11.004

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Barbot

Avocat :

SCP Alain Bénabent

Saint-Denis de la Réunion, du 20 sept. 2…

20 septembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 20 septembre 2019), la société La Case en paille, mise en redressement judiciaire le 9 avril 2008, a bénéficié, le 28 janvier 2009, d'un plan de redressement d'une durée de sept ans qui mentionnait l'existence d'une créance de 130 000 euros détenue contre un tiers, la SCI Fatima (la SCI), et que la débitrice s'engageait à recouvrer dans les meilleurs délais, et dans un délai de « deux ans au plus », afin de désintéresser les créanciers.

2. Un jugement du 7 octobre 2015 a prononcé la résolution de ce plan et mis la société La Case en paille en liquidation judiciaire, la société Hirou étant nommée liquidateur.

3. Faisant valoir que la SCI avait bénéficié d'une somme sans cause, le liquidateur l'a assignée en remboursement de cette somme, par un acte du 12 janvier 2017. La SCI s'est opposée à cette demande, en soulevant la prescription de l'action.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action exercée par le liquidateur et de la condamner à payer à celui-ci la somme de 120 000 euros, alors « que tenu de respecter le principe de la contradiction et les droits de la défense, le juge ne peut relever d'office un moyen sans mettre les parties en mesure d'en débattre contradictoirement ; qu'en relevant d'office que la prescription, dont elle admettait que le point de départ remontait à "l'année 2005", avait été "suspendue par le fait même de la Sarl La Case en paille qui, au terme de son plan d'apurement, s'est engagée à rembourser la SCI Fatima", sans avoir provoqué les observations des parties sur ce moyen qui n'avait pas été invoqué ni débattu, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

5. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

6. Pour dire que l'action exercée par le liquidateur n'était pas prescrite, après avoir considéré que, dans le cadre de son plan arrêté le 28 janvier 2009, la société La Case en paille s'était engagée à recouvrer sa créance contre la SCI pendant les délais qui ont couru sur une période comprise entre l'adoption du plan et jusqu'à la résolution de celui-ci par le jugement du 7 octobre 2015, l'arrêt retient qu'au vu des dispositions de l'article 2238 du code civil, la prescription a été suspendue pendant cette même période, afin de permettre à la société La Case en paille d'apurer sa dette et de recouvrer sa créance contre la SCI.

7. En statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle relevait d'office, tiré de l'application de l'article 2238 du code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. La SCI fait le même grief à l'arrêt, alors « que si l'article 2238 du code civil prévoit la suspension du cours de la prescription en cas d'une convention de médiation, de conciliation ou de procédure participative, ou encore d'accord du débiteur, constaté par huissier, à une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, aucune disposition n'attache d'effet suspensif à "l'engagement" du créancier de recouvrer sa créance ; qu'en déduisant la suspension qu'elle retenait de ce que "ainsi, dans le cadre de la procédure collective, la Sarl La Case en Paille s'est engagée à rembourser le passif et à recouvrer sa créance sur la SCI Fatima pendant les délais qui ont couru à compter de l'adoption du plan d'apurement le 9 avril 2009 jusqu'au constat d'échec du plan et sa résolution par le jugement du 7 octobre 2015 prononçant la liquidation judiciaire", la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2238 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2238 du code civil et l'article L. 641-9 du code de commerce :

9. Il résulte du second de ces textes qu'à l'égard du liquidateur, qui exerce les droits et actions du débiteur relatifs à son patrimoine à la suite de son dessaisissement, la prescription commence à courir à compter de la même date qu'à l'égard de ce dernier. Selon le premier de ces textes, la prescription n'est suspendue que si les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation, ou si elles concluent une convention de procédure participative, ou encore si le débiteur a donné son accord pour participer à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, prévue par l'article L. 125-1 du code des procédures civiles d'exécution.

10. Pour dire que l'action exercée par le liquidateur n'était pas prescrite, l'arrêt relève que, pendant le cours du délai de prescription, qui a débuté en décembre 2005, la société La Case en paille a été mise en redressement judiciaire et a bénéficié, le 28 janvier 2009, d'un plan qui mentionne l'engagement de cette société de recouvrer sa créance de 130 000 euros contre la SCI à meilleur délai, et au plus tard dans un délai de deux ans. Il en déduit que, à l'occasion de sa procédure collective, la société La Case en paille s'est engagée à recouvrer cette créance pendant une période qui s'est étendue de l'arrêté du plan, le « 9 avril 2009 », jusqu'à la résolution de ce plan, le 7 octobre 2015, et que, un tel engagement interdisant au mandataire judiciaire d'agir en reconstitution de l'actif tant que le plan était en cours, il résulte de l'article 2238 du code civil que la prescription a été suspendue pendant cette période, afin de permettre à la société La Case en paille de recouvrer sa créance.

11. En statuant ainsi, alors qu'à l'égard du liquidateur, la prescription avait commencé à courir à compter de la même date qu'à l'égard de la société débitrice La Case en paille, et que l'engagement de cette dernière de recouvrer, pendant la durée de son plan, la créance qu'elle détenait contre la SCI ne constituait pas une cause de suspension de la prescription prévue par l'article 2238 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée.