Livv
Décisions

Cass. com., 4 avril 2024, n° 22-21.322

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

Cass. com. n° 22-21.322

4 avril 2024

COMM.

MB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 avril 2024

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 184 F-D

Pourvoi n° F 22-21.322

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 AVRIL 2024

1°/ M. [V] [M], domicilié [Adresse 3],

2°/ la société Proxia Groupe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° F 22-21.322 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2022 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige les opposant à M. [Y] [F], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller doyen, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [M], de la société Proxia Groupe, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller doyen rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 juillet 2022), en septembre 2011, la société Financière Proxia, ayant notamment pour associés MM. [M] et [F], a été constituée en vue d'acquérir la totalité du capital social de la société Proxia Groupe.

2. Le 3 octobre 2011, ces mêmes personnes ont conclu un pacte d'associés prévoyant qu'en cas de révocation d'un mandataire social associé, celui-ci s'engageait à céder ses actions aux autres associés, lesquels s'engageaient à les lui racheter.

3. Le 31 décembre 2015, il a été procédé à la fusion par voie d'absorption de la société Financière Proxia par la société Proxia Groupe, M. [M] en étant le président et M. [F] le directeur général.

4. Le 28 septembre 2017, M. [F] a été révoqué de ses fonctions de directeur général par décision de l'assemblée générale. Se prévalant des dispositions du pacte, il a demandé le rachat de ses titres par les autres signataires de ce pacte et, face à leur refus, a demandé la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil. L'expert a déposé son rapport, fixant la valeur des droits sociaux à une certaine valeur, dont M. [F] a poursuivi le recouvrement.

5. Soutenant que l‘expert avait commis une erreur grossière, la société Proxia Groupe et M. [M] ont assigné M. [F] en annulation du rapport.

Sur le premier moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Proxia Groupe et M. [M] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir juger que l'expert avait commis une erreur grossière dans l'évaluation des actions détenues par M. [F] en retenant comme date d'évaluation celle de la révocation de ce dernier, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, en retenant, pour écarter le moyen de la société Proxia Groupe et de M. [M] pris de l'erreur grossière commise par l'expert s'agissant de la date d'évaluation des actions de M. [F], que la société Proxia Groupe aurait "entendu de manière délibérée agir sur le prix de cession pour le minorer", de sorte que l'expert aurait "[…] à juste titre, afin de pallier les conséquences de cette tentative de diminution de la valeur des parts, décidé de fixer celle-ci à la date de la révocation de M. [F], cette date apparaissant comme étant la plus proche possible de la cession", la cour d'appel, qui a relevé d'office ce moyen nouveau, mélangé de droit et de fait, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations à son sujet, a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du Code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

9. Pour décider que l'expert n'avait pas commis d'erreur grossière en évaluant les droits sociaux de M. [F] à la date de sa révocation et non à la date la plus proche de leur remboursement et condamner, en conséquence, la société Proxia Groupe et M. [M] à lui racheter ses titres à la valeur fixée par l'expert, l'arrêt énonce que le principe de l'évaluation des droits sociaux à la date la plus proche du versement du prix de la cession souffre une exception lorsqu'il est démontré que les bénéficiaires de la cession ont entendu de manière délibérée agir sur le prix de cession pour le minorer. Il retient que tel a été le cas en l'espèce, où une augmentation de capital a été décidée moins de trois mois après la révocation de M. [F] et malgré ses protestations, ayant eu pour conséquence de faire passer la participation de celui-ci de 49,92 % à 21,91 % du capital de la société, et de lui faire subir une décote de minorité plus importante.

10. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes de la société Proxia Groupe et de M. [M] tendant à faire constater la caducité du pacte d'associé du 13 octobre 2011, l'arrêt rendu le 5 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne La société Proxia Groupe et M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Proxia Groupe et M. [M] et les condamne à payer à M. [F] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.