Cass. com., 4 avril 2024, n° 22-20.482
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Lefeuvre
Avocats :
SAS Hannotin Avocats, SCP L. Poulet-Odent
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 20 juillet 2022) et les productions, le 31 janvier 2017, M. [F] a été nommé directeur général de la société par actions simplifiée Morning.
2. Le 8 avril 2019, M. [F] a notifié sa démission au président de la société Morning.
3. Le 15 avril 2019, l'assemblée générale de la société Morning a révoqué M. [F] de ses fonctions.
4. M. [F] a assigné la société Morning aux fins de voir annuler la délibération du 15 avril 2019 le révoquant de ses fonctions. La société Morning a soulevé l'irrecevabilité de la demande de M. [F] pour défaut de qualité à agir.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société Edel, venant aux droits de la société Morning à la suite de sa dissolution et de la transmission universelle de son patrimoine, fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de M. [F] à soulever la nullité de la délibération de l'assemblée générale du 15 avril 2019 faute de qualité à agir, alors « que, selon l'article L. 227-9 du code de commerce, les statuts de la société par actions simplifiée déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient, étant précisé que les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé ; qu'il en résulte qu'un tiers à la société n'a pas qualité pour agir en annulation d'une décision collective sur le fondement de ce texte dérogatoire au droit commun des sociétés, s'il n'invoque pas une contrariété de la décision avec les statuts ; qu'en considérant que M. [F], bien que tiers à la société, avait qualité pour agir, cependant qu'il invoquait la nullité de la délibération pour défaut d'objet à raison de sa démission préalable, vice sanctionné par la nullité relative, et non pour méconnaissance des statuts, la cour d'appel a violé l'article L. 227-9 du code de commerce, ensemble les articles 1105, 1179, 1844-10 du code civil et 31 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 227-9 et L. 235-1 du code de commerce, 1179 et 1181 du code civil et 31 du code de procédure civile :
6. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action en annulation d'une délibération de l'assemblée générale d'une société par actions simplifiée pour défaut d'objet relève d'une cause de nullité des contrats en général, de sorte que sa recevabilité doit être appréciée au regard du droit commun.
7. En conséquence, le directeur général démissionnaire d'une telle société n'est pas recevable à demander l'annulation, pour défaut d'objet, de la délibération de l'assemblée générale qui l'a ultérieurement révoqué de son mandat, la nullité encourue étant relative et ne pouvant être demandée que par les personnes que la loi a entendu protéger.
8. Pour déclarer recevable l'action en nullité formée par M. [F], l'arrêt, après avoir retenu qu'il convenait de faire application des dispositions de l'article L. 227-9 du code de commerce, relève qu'en vertu de l'article 23.2 des statuts de la société Morning, le directeur général est nommé, renouvelé ou remplacé par une décision collective des associés en assemblée générale ordinaire, que l'article 26 des statuts de la société Morning stipule expressément que la révocation des dirigeants relève de la compétence de la collectivité des associés mais qu'en revanche aucun article ne prévoit, comme pour la révocation du président ou pour les membres du conseil de surveillance, une révocation ad nutum du directeur général ni ne précisent les modalités de sa révocation. L'arrêt en déduit que M. [F], en sa qualité de directeur général non associé, est intéressé au sens de l'article L. 227-9 du code de commerce à ce que sa révocation ait été décidée dans le respect des statuts de la société.
9. En statuant ainsi, alors que, au soutien de sa demande de nullité de la délibération l'ayant révoqué de son mandat de directeur général, M. [F] invoquait exclusivement le défaut d'objet de cette délibération, en raison de sa démission préalable, et non une méconnaissance des statuts, ce dont il résulte que la recevabilité de sa demande devait être appréciée au regard des règles régissant les contrats en général, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. M. [F] ayant démissionné de ses fonctions de directeur général de la société Morning le 8 avril 2019, il n'est pas recevable, faute d'intérêt, à demander l'annulation de la délibération de l'assemblée générale du 15 avril 2019 l'ayant révoqué de son mandat.
13. L'action en nullité formée par M. [F] est donc irrecevable.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.