Livv
Décisions

CA Angers, ch. a com., 2 avril 2024, n° 23/00752

ANGERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe Télégramme Media (SA)

Défendeur :

Morgane Groupe (SAS), C2G (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

M. Chappert, Mme Gandais

Avocats :

Me Dufourgburg, Me De Mascureau

CA Angers n° 23/00752

1 avril 2024

FAITS ET PROCÉDURE

Le Groupe Télégramme est un groupe de presse français, qui s'est développé en deux branches : un groupe médias qui constitue son pôle historique, et une branche 'diversification' portée par la société Groupe Télégramme Développement (GTD) se décomposant elle-même en un pôle service (communication et marketing) et un pôle événementiel.

La société (SAS) Morgane Groupe (MG) est un groupe indépendant qui réunit plusieurs filiales de production audiovisuelle et événementielle.

Les filiales desdites sociétés exerçaient pour certaines une activité de prestations de services pour l'événementiel ; d'autres filiales étaient propriétaires ou organisatrices d'événements culturels ou sportifs.

Les sociétés GTD et MG ont collaboré plusieurs années dans le domaine de l'événementiel.

Le 21 juin 2012, la société Bretagne multimédia dépendant du Groupe Télégramme Développement et la société MG ont conclu un protocole d'accord cadre afin de permettre, d'une part, à la société MG d'acquérir la participation de la société Bretagne multimédia dans une société Bleu Iroise Arsenal, pour 'conforter son activité de spécialiste de la 'production audiovisuelle'

et, d'autre part, au Groupe Télégramme Développement de s'inscrire plus fortement dans l'activité événementielle jouissant d'une importante présence dans le secteur culturel' en entrant au capital de la société C2G, sous-holding dans laquelle la société MG avait regroupé ses activités événementielles.

La prise de participation de la société GTD / Bretagne Multimédia dans la société C2G se décomposait en trois parties obéissant à un échéancier précis :

- une première phase, concomitante à la conclusion du protocole d'accord, au terme de laquelle il était prévu que la société GTD, après diverses opérations de cessions et d'apports de 2012, acquérait 47% du capital de la société C2G, le solde restant étant détenu par la société Morgane Groupe ;

- une deuxième phase, dans le cadre de laquelle la société MG consentait une promesse unilatérale de cession des titres de la société C2G à hauteur de 13% à la société GTD, de sorte que la participation de cette dernière atteigne 60%. Il était convenu que la levée d'option de la société GTD devait être effectuée dans les six mois à compter de la tenue de l'assemblée générale approuvant les comptes clos au 31 décembre 2015 ;

- une troisième phase en vue de laquelle les sociétés GTD et MG ont conclu une promesse synallagmatique de cession du solde des titres de la société C2G détenus par la société MG, sous condition suspensive de la réalisation des deux phases précédentes. Le délai de réalisation de cette troisième phase était fixé à compter de la tenue de l'assemblée générale approuvant les comptes clos au 31'décembre 2018.

Le protocole d'accord prévoit que les titres de la société C2G devaient être évalués selon la méthode des fonds propres réévalués afin de déterminer la valeur de ses actifs, notamment ses filiales. La valeur des filiales était déterminée sur la base d'un coefficient appliqué au résultat d'exploitation moyen des trois derniers exercices 2013-2014-2015, adjonction (ou déduction) faite de leur trésorerie nette (positive ou négative). Une modélisation de la valorisation des titres de la société C2G était annexée au protocole. Il était convenu qu'à l'occasion de l'approbation des comptes de la société C2G, dès l'exercice clos le 31 décembre 2012, les associés s'engageaient à déterminer ensemble la valeur totale des actions de la société C2G. En outre, 'dans l'hypothèse où un différend apparaîtrait tant dans l'exécution que l'interprétation' de la clause sur le prix, il est prévu que ce différend sera soumis à l'expertise définitive du président de l'ordre régional de Bretagne des experts-comptables, 'statuant en premier et dernier ressort dans le mois suivant le constat du différend'; que cet expert sera désigné par la partie la plus diligente et que, dans le cas où l'expert désigné ne voudrait ou ne pourrait pas statuer, les parties pourront demander au président du tribunal de commerce de Rennes la désignation d'un expert qui interviendra selon les dispositions de l'article 1592 du code civil.

Il est ajouté que le prix ainsi déterminé sera réglé comptant au jour de la cession.

Le protocole précise, concernant la levée de la promesse : 'la présente promesse unilatérale de vente pourra être levée par le bénéficiaire, la société Bretagne Multimédia dans les 6 mois à compter du jour de l'assemblée générale ordinaire annuelle qui statuera sur les comptes clos le 31 décembre 2015, étant précisé que les comptes clos au 31 décembre 2015 devront être arrêtés le 15 mars 2016 au plus tard. La levée de l'option devra être opérée par le bénéficiaire par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au promettant. Dans l'hypothèse où le promettant refuserait alors de s'exécuter dans le mois de la notification de la levée d'option, il pourra y être contraint judiciairement.'

La promesse synallagmatique prévue à la troisième phase contient une clause ainsi libellée : 'en cas de refus par le promettant ou le bénéficiaire de réaliser la vente avant le 30 décembre 2019, son cocontractant pourra demander au juge la constatation judiciaire de la vente des actions à son profit.'

Après la réalisation de la première phase en 2012, avant la réalisation de la deuxième phase, d'importantes dissensions sont apparues entre les société GTD et MG, en particulier s'agissant de la valorisation des titres de la société C2G.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 8 mars 2016, la société Morgane Groupe, constatant que les divergences des parties avaient sérieusement entaché la solidité et l'éthique de leur partenariat, s'est rétractée de sa promesse unilatérale de cession qui constituait la deuxième phase du protocole d'accord.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 6 avril 2016, la société GTD a considéré que la révocation de la société Morgane Groupe était 'inopérante et sans effet juridique' compte tenu des termes du protocole d'accord du 21 juin 2012.

L'assemblée générale approuvant les comptes clos au 31 décembre 2015 s'est tenue le 27 juin 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juin 2016, la société GTD a entendu notifier à la société Morgane Groupe son intention de lever l'option sur la promesse unilatérale de titres de la société C2G à hauteur de 13% au prix de 174 290 euros, en indiquant que ce prix avait été calculé selon les modalités figurant en annexe, conformément aux dispositions du protocole.

La société Morgane Groupe, mise en demeure par lettre de la société GTD du 5'octobre 2016, a refusé de procéder à la cession.

Par acte d'huissier du 16 mars 2017, la société Groupe Télégramme Développement a fait assigner la société Morgane Groupe, en présence de la société C2G, à comparaître devant le tribunal de commerce de Rennes, à titre principal, en exécution forcée de la cession des 13% du capital social de la société C2G conformément aux dispositions prévues à la deuxième partie du protocole d'accord cadre signé le 21 juin 2012 et en indemnisation du préjudice résultant de la réalisation tardive de la cession, à titre subsidiaire, en réparation du préjudice causé par l'inexécution de la cession.

La société GTD a sollicité l'exécution forcée de la promesse unilatérale de cession de 13% du capital de la société C2G en raison tant de la clause contractuelle prévue au protocole d'accord cadre, que de la restitution à la promesse de la qualification juridique de promesse synallagmatique, et de l'évolution du droit des obligations résultant de l'ordonnance du 10 février 2016 à l'origine du nouvel article 1124 du code civil ouvrant expressément droit pour le

bénéficiaire de la promesse de demander cette exécution forcée. Elle a demandé aussi des dommages et intérêts en réparation du préjudice allégué tiré d'un décalage dans le temps des synergies dont elle pouvait bénéficier. Subsidiairement, elle a estimé que le rejet de sa demande d'exécution forcée signifierait que le tribunal entend appliquer l'article 1142 ancien du code civil et a prétendu que dans cette hypothèse, sur le fondement de l'article 1134 ou 1142 anciens du code civil, la rétractation de la promesse était nécessairement fautive.

En défense, la société Morgane Groupe a conclu au rejet des prétentions adverses. Elle a sollicité du tribunal qu'au vu des articles 1134, 1142, 1156 et 1184 anciens du code civil, à titre principal, il constate que sa rétractation est intervenue avant la levée d'option de la société GTD/Bretagne Multimédia excluant ainsi toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir 13% des titres de la société C2G, qu'aucune clause d'exécution forcée de la promesse unilatérale de cession des titres n'est prévue dans la phase 2 du protocole en cas de rétractation de sa part avant la levée d'option de la société GTD/Bretagne Multimédia, et qu'une rétractation fautive d'une promesse unilatérale de cession de titres avant la levée d'option par le bénéficiaire se résout, le cas échéant, en dommages et intérêts ; en conséquence, qu'il déboute la demanderesse de sa demande d'exécution forcée. A titre subsidiaire, elle a sollicité du tribunal qu'il constate le bien-fondé de la révocation de sa promesse unilatérale de cession au regard du désaccord entre les parties sur la méthode de valorisation des titres de la société C2G et en conséquence déboute la société GTD/Bretagne Multimédia de l'ensemble de ses prétentions. A titre très subsidiaire, elle lui a demandé de dire que la demanderesse ne justifie pas des préjudices dont elle sollicite la réparation, ni dans leur existence ni dans leur quantum, et en conséquence la déboute de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions. A titre encore plus subsidiaire, elle lui a demandé de dire que les préjudices avancés par celle-ci du fait de la perte de chance d'acquérir le solde d'actions de la société C2G ainsi que celui lié à la perte de chance de bénéficier des synergies prétendument attendues ne peuvent être constitués que d'une fraction des montants des préjudices constatés. Reconventionnellement, elle a sollicité que soit prononcée la caducité du protocole d'accord cadre signé le 21'juin 2012 entre les parties.

Par jugement du 17 avril 2018, le tribunal de commerce de Rennes a :

- débouté la société Groupe Télégramme Développement de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Groupe Télégramme Développement à verser à la société Morgane Groupe la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile déboutant cette dernière du surplus de sa demande,

- débouté les parties du surplus de leurs autres demandes,

- condamné la société Groupe Télégramme Développement aux dépens, les frais d'avocats et frais d'expertise restant à la charge de chacune des parties.

Le tribunal a relevé que la promesse unilatérale de vente consentie par la société MG au profit de la société GTD le 21 juin 2012 ne pouvait être exercée que dans les six mois à compter du jour de tenue de l'assemblée générale approuvant les

comptes clos au 31 décembre 2015 ; que la société MG avait rétracté sa promesse le 8 mars 2016, soit avant la date de cette assemblée qui s'est tenue le 27 juin 2016, veille de la date à laquelle la société GTD a notifié son intention de lever l'option sur ladite promesse. Il a fait application de la jurisprudence selon laquelle tant que le bénéficiaire n'a pas exercé la promesse unilatérale de vente consentie, la rétractation du promettant avant la levée d'option exclut toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir. Pour rejeter la demande subsidiaire indemnitaire de la société GTD, en écartant toute faute de la société MG dans sa rétractation, il a observé qu'il avait existé une divergence d'interprétation entre les parties sur la valorisation à retenir des filiales, débattue à plusieurs reprises entre elles, et que le calcul retenu par la société GTD conduisait selon l'expert-comptable mandaté par la société MG à une valorisation au 31 décembre 2012 très inférieure au montant des fonds propres certifiés par le commissaire aux comptes ; que si la valeur des filiales était aussi faible, la société C2G aurait dû constituer des provisions pour dépréciation. Il a retenu que la demanderesse ne démontrait pas d'intention de nuire ni de mauvaise foi dans la rétractation de la part de la défenderesse ; et a écarté, même si la rétractation est intervenue à peine quatre mois avant que la société GTD ne puisse lever l'option, toute légèreté blâmable dans la mesure où la société MG n'avait eu de cesse de prévenir la société GTD que les valorisations proposées n'étaient pas conformes à ses attentes.

La société (SA) Groupe Télégramme Médias (GTM) est venue aux droits de la société Groupe Télégramme Développement.

Par lettre du 26 juin 2019, réitérée le 9 octobre 2019, la société GTD a notifié à la société MG sa volonté de voir exécuter la promesse phase III.

La société MG a refusé en opposant la défaillance d'une des deux conditions suspensives prévues au protocole, tenant à la réalisation de phase II.

Par arrêt du 6 juillet 2021, sur l'appel de ce jugement interjeté le 17 mai 2018 par la société GTD, la cour d'appel de Rennes a rejeté les demandes de la société Groupe Télégramme Médias tendant à l'irrecevabilité des demandes de la société Morgane Groupe de nullité de la promesse portant sur la troisième partie du protocole d'accord cadre signé le 21 juin 2012 et de caducité de la promesse portant sur la troisième partie du protocole d'accord cadre signé le 21 juin 2012, a confirmé le jugement ; y ajoutant, a dit que la promesse de cession prévue à la troisième partie du protocole du 21 juin 2012 est considérée comme nulle et non avenue, a condamné la société Groupe Télégramme Médias à payer à la société Morgane Groupe la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Par arrêt du 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'il rejette les demandes de la société Groupe Télégramme Médias tendant à l'irrecevabilité des demandes de la société Morgane Groupe de nullité de la promesse portant sur la troisième partie du protocole d'accord cadre signé le 21 juin 2012 et de caducité de la promesse portant sur la troisième partie du protocole d'accord cadre signé le 21 juin 2012, l'arrêt rendu le 6 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; a remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, modifiant sa jurisprudence, a jugé, à l'instar de la troisième chambre civile (3e Civ., 23 juin 2021, pourvoi n°'20-17.554, en cours de publication ; 3e Civ., 20 octobre 2021, pourvoi n°'20-18.514, en cours de publication), que le promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente s'oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter, même avant l'ouverture du délai d'option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire.

En conséquence, elle a dit qu'en retenant, pour rejeter la demande de réalisation forcée de la vente, la demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la réalisation tardive de la vente et dire que la promesse de cession prévue à la troisième partie du protocole du 21 juin 2012 est nulle en raison du non-accomplissement de la condition suspensive relative à la réalisation de la deuxième partie du protocole, après avoir constaté que le contrat litigieux avait été conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, que, conformément au droit positif antérieur à la réforme, la levée de l'option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale postérieurement à la rétractation du promettant exclut toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, la cour d'appel avait violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

Par déclaration du 5 mai 2023, la SA Groupe Télégramme Médias (GTM) venant aux droits de la société Groupe Télégramme Développement a saisi la cour d'appel d'Angers, en suite du renvoi opéré par la Cour de cassation, intimant la société Morgane Groupe et la société C2G.

La SA Groupe Télégramme Médias, d'une part, les sociétés Morgane Groupe et C2G, d'autre part, ont conclu.

Une ordonnance du 22 janvier 2024 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SA Groupe Télégramme Médias demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

à titre principal,

- ordonner à la société Morgane Groupe de lui céder le nombre d'actions correspondant à 13% du capital social de la société C2G conformément aux dispositions prévues à la 2ème partie du protocole d'accord cadre signé le 21 juin 2012, et ce dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

- passé ce délai, dire et juger que la simple notification à la société C2G de l'arrêt à intervenir vaudra ordre de mouvement et ordonner à la société C2G, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, d'enregistrer dans son registre de mouvements de titres et dans les comptes d'associés la cession du nombre d'actions correspondant à 13% de son capital social à son profit,

- condamner la société Morgane Groupe à lui payer la somme de 431 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts,

à titre subsidiaire,

- condamner la société Morgane Groupe à lui payer la somme de 6 114 000 euros à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

- déclarer irrecevable la demande de la société Morgane Groupe tendant à faire prononcer la caducité de la promesse portant sur la deuxième phase d'acquisition du fait d'une caducité de la promesse portant sur la troisième phase d'acquisition,

- débouter la société Morgane Groupe de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- ordonner à la société Morgane Groupe de céder à la société Groupe Télégramme Médias le nombre d'actions correspondant au solde des titres composant le capital social de la société C2G conformément aux dispositions prévues à la 3ème partie du protocole d'accord cadre signé le 21 juin 2012, et ce dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1000 euros par jour de retard,

- passé ce délai, dire et juger que la simple notification à la société C2G de l'arrêt à intervenir vaudra ordre de mouvement et ordonner à la société C2G, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, d'enregistrer dans son registre de mouvements de titres et dans les comptes d'associés la cession du nombre d'actions correspondant au solde des titres composant son capital social au profit de la société Groupe Télégramme Médias,

- condamner la société Morgane Groupe à lui payer la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de Maître Sophie Dufourgburg.

La société Morgane Groupe et la société C2G prient la cour de :

vu les articles 1134, 1142, 1156, 1170, 1174, 1184 et 1589 du code civil (dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016),

vu la loi de ratification du 20 avril 2018,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 17 avril 2018 en ce qu'il a débouté la société Groupe Télégramme Développement, aux droits de laquelle vient la société Groupe Télégramme Médias, de l'ensemble de ses demandes ;

- le confirmer en ce qu'il a condamné la société Groupe Télégramme Développement, aux droits de laquelle vient la société Groupe Télégramme Médias, aux dépens et à payer à la société Morgane Groupe la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmer en ce qu'il a débouté la société Morgane Groupe de sa demande tendant à voir prononcer la caducité du protocole d'accord signé le 12 juin 2012,

et statuant à nouveau,

- juger que la rétractation par la société Morgane Groupe de sa promesse unilatérale de cession est efficace et non fautive,

- constater que la rétractation de la société Morgane Groupe est intervenue avant la levée d'option de la société GTD/GTM, excluant ainsi toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir 13% des titres de la société C2G,

en conséquence,

- prononcer la caducité de la promesse unilatérale prévue en phase II du protocole d'accord cadre du 21 juin 2012 ;

à titre subsidiaire,

- constater que la promesse synallagmatique de cession prévue à la troisième partie et la promesse unilatérale prévue à la deuxième partie du protocole d'accord cadre du 21 juin 2012 sont indivisibles ;

- En conséquence, prononcer la caducité de la promesse unilatérale prévue en phase II du protocole du 21 juin 2012 en conséquence de la nullité de la promesse synallagmatique prévue en phase III du fait qu'elle est fondée sur une condition purement potestative.

Plus subsidiairement :

- constater l'inexistence de la promesse unilatérale de cession, faute de consentement réciproque des parties sur le prix de la cession, ou à défaut, prononcer sa nullité ou à défaut, prononcer sa caducité ;

encore plus subsidiairement :

- juger que la levée d'option de la société GTD est irrégulière et dénuée de tout effet ;

- constater, en conséquence, qu'aucune rencontre de volontés réciproques de vendre et d'acquérir 13% des titres de la société C2G n'est intervenue dans les délais impartis par la promesse unilatérale de cession ;

- prononcer en conséquence la caducité de la promesse unilatérale prévue en phase II du protocole du 21 juin 2012

à titre très subsidiaire :

- constater l'inexistence de la vente réalisée par la levée d'option de la société GTD pour défaut d'un prix sérieux, ou à défaut, prononcer sa nullité ou à défaut prononcer sa caducité ;

à titre infiniment subsidiaire :

- juger que la 'rétractation' de la promesse unilatérale de cession de Morgane Groupe doit être requalifiée en 'résolution unilatérale',

- constater que la résolution unilatérale de cession par Morgane Groupe est valablement intervenue,

- constater que l'exécution forcée de la promesse unilatérale de cession est impossible,

en conséquence,

- débouter la société Groupe Télégramme Médias de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ordonnerait à la société Morgane Groupe de céder à la société Groupe Télégramme Médias le nombre d'actions correspondant à 13% du capital social de la société C2G, fixer le prix de la cession conformément à l'annexe IV du protocole d'accord cadre du 21 juin 2012, sans application de REX négatifs, et sur la base des résultats de C2G des 3'derniers exercices précédant la cession des actions,

à titre reconventionnel,

à titre principal,

- prononcer la nullité de la promesse synallagmatique de cession prévue à la troisième partie (pages 15 à 18) du protocole d'accord cadre du 21 juin 2012 en application des prévisions contractuelles du fait de la défaillance de la condition suspensive.

Subsidiairement,

- Prononcer la nullité de la promesse synallagmatique de cession prévue à la troisième partie (pages 15 à 18) du protocole d'accord cadre du 21 juin 2012 en raison de la potestativité de la condition suspensive dont elle dépend ;

- constater que la promesse synallagmatique de cession prévue à la troisième partie et la promesse unilatérale prévue à la deuxième partie du protocole d'accord cadre du 21 juin 2012 sont indivisibles ;

- En conséquence, prononcer la caducité de la promesse unilatérale prévue en phase II du protocole du 21 juin 2012 du fait de l'anéantissement de la promesse synallagmatique prévue en phase III.

Encore plus subsidiairement,

- prononcer la caducité de la promesse synallagmatique de cession prévue à la troisième partie (pages 15 à 18) du protocole d'accord cadre signé le 21 juin 2012 et portant sur le solde des titres de la société C2G ;

en tout état de cause,

- juger la société Morgane Groupe recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- constater que GTD/GTM ne justifie pas des préjudices dont elle sollicite la réparation, ni dans leur existence, ni dans leur quantum,

-déclarer irrecevable la demande de la société GTM tendant à « Ordonner à la société Morgane Groupe de céder à la société Groupe Télégramme Médias le nombre d'actions correspondant au solde des titres composant le capital social de la société C2G conformément aux dispositions prévues à la 3ème partie du protocole d'accord cadre signé le 21 juin 2012, et ce dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; passé ce délai, Dire et juger que la simple notification à la société C2G de l'arrêt à intervenir vaudra ordre de mouvement et ordonner à la société C2G, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, d'enregistrer dans son registre de mouvements de titres et dans les comptes d'associés la cession du nombre d'actions correspondant au solde des titres composant son capital social au profit de la société Groupe Télégramme Médias» sur le fondement des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, subsidiairement, au nom du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui et du principe de loyauté des débats ;

- débouter la société Groupe Télégramme Médias de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Groupe Télégramme Médias à payer à la société Morgane Groupe la somme de 89 170 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dire la décision à intervenir opposable à la société C2G.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 19 janvier 2024 pour la SA Groupe Télégramme Médias venant aux droits de la société GTD,

- le 22 janvier 2024 pour les sociétés Morgane Groupe et C2G.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'efficacité de la rétractation de la promesse :

La clause d'exécution forcée dont se prévaut la société GTM, figurant dans le protocole d'accord cadre, qui prévoit que la promesse de vente pourra être levée par le bénéficiaire dans les conditions qu'elle détermine et que 'dans l'hypothèse où le promettant refuserait alors de s'exécuter dans le mois de la notification de la levée d'option, il pourra y être contraint judiciairement', à défaut de viser expressément l'hypothèse dans laquelle le promettant se serait rétracté avant la levée de l'option, ne peut être interprétée comme étant une clause par laquelle les parties à une promesse unilatérale de vente ont prévu que le défaut d'exécution par le promettant de son engagement de vente par suite d'une rétractation intervenue avant la levée de l'option pouvait se résoudre en nature par la constatation judiciaire de la vente.

La société GTM soutient qu'un fois dressé le constat de la réalisation de la première phase d'acquisition, dès 2012, prévue à titre de condition suspensive de la deuxième phase, la promesse unilatérale de la cession prévue à la phase II était ainsi devenue irrévocable.

Au contraire, la société MG fait valoir qu'elle était libre de se rétracter au moment où elle s'est engagée et où elle a effectivement rétractée sa promesse, ce à quoi l'y autorisait tant la jurisprudence alors constante et ancienne de plus de vingt ans, selon laquelle tant que le bénéficiaire n'a pas exercé son option, la rétractation du promettant exclut toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, ce qui conduisait à écarter l'exécution forcée de la vente, que les dispositions transitoires de l'ordonnance du 10 février 2016 excluant toute rétroactivité de l'article 1124 nouveau du code civil, issu de l'ordonnance du 10'février 2016 portant réforme du droit des obligations. Elle rappelle que selon le droit positif à l'époque, la sanction de la rétractation par le promettant de la promesse unilatérale de vente avant la levée d'option du bénéficiaire, à la supposer fautive, ne se résolvait pas en exécution forcée mais en dommages et intérêts.

Elle reproche à la Cour de cassation d'avoir méconnu le principe de la non-rétroactivité des lois, sous couvert d'un revirement de jurisprudence au visa des anciens textes du code civil, la conduisant à appliquer, en réalité, la solution issue du nouvel article 1124 alinéa 2 du code civil à un contrat conclu avant le 1er' octobre 2016.

Certes, la Cour de cassation, dans son arrêt du 15 mars 2023, a rappelé qu'elle jugeait depuis de nombreuses années que la levée de l'option par le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée.

Mais la Cour de cassation a souligné, d'abord, qu'à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un contrat, préalable au contrat définitif, qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l'exercice de la faculté d'option du bénéficiaire et à la date duquel s'apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s'agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien, ensuite, que le législateur était intervenu, par l'ordonnance du 10 février 2016, non amendée sur ce point par la loi de ratification du 20 avril 2018, pour modifier la sanction de la rétractation illicite du promettant, en prévoyant à l'article 1124, alinéa 2, du code civil que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis et que, si conformément à son article 9, les dispositions de l'ordonnance du 10'février 2016 ne sont applicables qu'aux contrats souscrits postérieurement à son entrée en vigueur, il apparaissait nécessaire de tenir compte de l'évolution du droit des obligations.

Ces considérations conduisent la cour de céans à adopter la nouvelle jurisprudence affirmée par la Cour de cassation, en retenant, sans faire une application rétroactive de la loi nouvelle, que dès lors que le promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente s'oblige définitivement à vendre dès cette promesse, en l'absence de stipulation contraire, la rétractation de cette promesse ne fait pas obstacle à la rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir qui intervient lorsque le bénéficiaire lève l'option, et ce, même si la rétractation intervient avant l'ouverture du délai accordé au bénéficiaire pour lever l'option.

La société MG conteste l'application au cas présent du revirement de jurisprudence qu'elle estime porter une atteinte injustifiée et disproportionnée au principe de sécurité juridique ainsi qu'au droit à un procès équitable en ce que :

- la promesse unilatérale de cession a été consentie il y a plus de dix ans, en juin 2012, et rétractée il y a plus de sept ans, en mars 2016, dans un contexte juridique parfaitement clair, acquis depuis 1993 et constamment réaffirmé par la Cour de cassation jusqu'en janvier 2021 ;

- les effets de la rétractation intervenue avant la levée d'option par la société GTM ont été confirmés par les juges tant en première instance qu'en appel ;

- la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, intervenue antérieurement à la rétractation par la société MG de sa promesse, le 8 mars 2016, avait vocation à s'appliquer aux seuls contrats postérieurs et ne présageait aucunement un revirement de jurisprudence pour les contrats antérieurs comme l'affirme la Cour de cassation. Au contraire, si le législateur a jugé nécessaire de modifier la loi pour mettre un terme à la jurisprudence antérieure, c'est qu'il a considéré que les dispositions anciennes du code civil ne permettaient pas de priver d'effet la rétractation d'une promesse unilatérale de vente.

Toutefois, les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante (CEDH, Unédic c. France, n° 20153/04, § 74, 18 décembre 2008 ; CEDH, Legrand c. France, n° 23228/08, § 36, 26 mai 2011 ; CEDH, Allègre c. France, n° 22008/12, § 52, 12 juillet 2018). En effet, une évolution de jurisprudence n'est pas en soi contraire à une bonne administration de la justice, dans la mesure où l'absence d'une approche dynamique et évolutive serait susceptible d'entraver tout changement ou amélioration (CEDH, Atanasovski c. « l'ex-République yougoslave de Macédoine », n° 36815/03, § 38, 14 janvier 2010'; Legrand c. France, précité, § 37 ; Allègre c. France, précité, § 52).

Ainsi que la Cour de cassation l'a rappelé, en l'espèce, la société MG ne peut se prévaloir d'un droit définitivement acquis, dès lors que l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, qui a rejeté la demande d'exécution forcée en nature de la vente, était, en tout état de cause, susceptible d'un pourvoi en cassation selon les formes et délais prévus par le code de procédure civile. En outre, le nouvel état du droit, issu du revirement de la troisième chambre civile, n'était pas imprévisible au jour où la société GTM a formé son pourvoi. En effet, la jurisprudence ancienne était critiquée par une grande majorité de la doctrine, bien avant la conclusion du protocole du 21 juin 2012, et la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, intervenue antérieurement à la rétractation par la société MG de sa promesse, y a mis fin pour les contrats conclus à compter de son entrée en vigueur. Le revirement consacré par la décision n'a donc pas pour effet de priver, même rétroactivement, la société MG de son droit à un procès équitable.

Le revirement opéré permet d'assurer la pleine force de l'engagement pris par le promettant et renforce donc la sécurité juridique des parties à l'acte. Il ne vise qu'à substituer une sanction à une autre à la rétractation de la promesse qui constitue une faute. Il ne porte donc pas une atteinte excessive aux droits du promettant à qui n'a jamais été reconnu un droit libre à se rétracter et le contraint seulement à respecter la parole donnée par une exécution forcée de la cession au lieu de compenser l'inexécution par des dommages et intérêts difficiles à évaluer.

La société MG soutient que l'application au cas présent du revirement de jurisprudence porte également une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit au respect des biens, tels que garantis par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 1er du Protocole n° 1 à cette Convention.

Elle expose qu'au cas présent, la réalisation forcée de la cession des titres de la société C2G aurait pour effet de la priver de la propriété de l'un de ses principaux actifs, ainsi que de l'espérance légitime de continuer à pouvoir exploiter cet actif en accord avec une stratégie de développement économique conçue et mise en 'uvre depuis plus de sept ans ; qu'elle perdrait la propriété et le contrôle de sociétés constituant une part essentielle de son activité, la société C2G et les filiales objets du protocole d'accord du 21 juin 2012 représentant la quasi-totalité de son activité événementielle et près de la moitié de l'activité globale du Groupe Morgane ; que depuis sa rétractation de la promesse unilatérale de cession, soit depuis plus de sept ans, elle a construit l'ensemble de sa stratégie d'entreprise sur la base d'un équilibre et de synergies entre une activité audiovisuelle et une activité événementielle, cette dernière étant entièrement exercée via la société C2G et ses filiales. Elle ajoute que cette stratégie a été conçue et mise en 'uvre avec une légitime certitude, en l'état constant du droit positif, qu'elle conserverait son activité événementielle dans la mesure où la rétractation de la promesse constituait un obstacle rédhibitoire à la réalisation du contrat promis et continuerait donc à bénéficier des synergies entre les activités événementielles de ces sociétés et les activités audiovisuelles des autres sociétés du groupe.

La société GTM répond que la société MG perd de vue le fait qu'elle avait consenti une promesse de vente à la société GTD et qu'elle a finalement décidé de violer cet engagement en imaginant s'en rétracter. Elle affirme qu'il n'y a à l'évidence aucune atteinte au droit de propriété ou à la sécurité juridique dans le fait pour un cédant de se dessaisir de la chose qu'il vend, en contrepartie d'un prix qu'il a accepté, en application même des obligations volontairement consenties en vertu du contrat de vente. La rétractation d'un engagement contractuel, en violation de celui-ci et dans l'objectif de faire échec à son exécution, ne saurait, à cet égard, être considérée comme une espérance « légitime » protégée par l'article 1er du premier protocole additionnel. Espérer recueillir le fruit d'une inexécution contractuelle qui a duré sept années n'est en effet pas une attente légitime. L'espérance légitime est en l'espèce du côté de la société GTD, qui attendait que cet engagement pris soit honoré. C'est à cette espérance légitime que répond la solution posée par la Cour de cassation, qui se résume à contraindre le débiteur d'un engagement à l'honorer.

La Cour de cassation a retenu que le grief soulevé par la société MG sous l'angle de l'article 1er du Protocole n° 1 se confond dans une très large mesure avec celui tiré de l'article 6 de la Convention ; que la société MG ne dispose pas en l'espèce d'une créance exigible, dans la mesure où l'arrêt de la cour d'appel n'a pas acquis de caractère irrévocable, et n'a pas davantage une « espérance légitime » de ne pas être condamnée à l'exécution forcée du contrat conclu, compte tenu de la controverse qui existait sur la jurisprudence antérieure et de la réforme du droit des contrats qui y a mis fin pour l'avenir.

Surtout, la Cour de cassation a retenu que les conséquences du revirement de jurisprudence pour la société MG n'apparaissent pas disproportionnées dès lors qu'en l'état de la jurisprudence antérieure, celle-ci aurait dû, en tout état de cause, payer des dommages et intérêts pour réparer le préjudice causé par sa faute, d'un montant destiné à replacer, autant que possible, la société GTM dans la situation qui aurait été la sienne si la société MG ne s'était pas rétractée de façon illicite. Si la société MG perçoit comme une injustice le fait qu'il soit donné gain de cause à la société GTM, cette situation est inhérente à tout changement de solution juridique et l'application du revirement a pour seule conséquence de faire subir à la société MG, plutôt qu'à la société GTM, les conséquences de sa rétractation illicite, en lui imposant de céder ses titres pour respecter ses engagements.

Devant la cour de céans, la société MG n'invoque aucun moyen de fait nouveau auquel la Cour de cassation n'aurait pas répondu.

Pour les motifs retenus par la Cour de cassation et que la cour de céans adopte, il y a lieu d'appliquer à la présente espèce la règle selon laquelle la révocation de la promesse avant l'expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis, sauf stipulation contraire.

Il est donc retenu, en l'absence de stipulation contraire, que la rétractation de sa promesse par la société MG est inefficace, en ce sens qu'elle ne ferait pas obstacle à la réalisation de la cession dans le cas où l'option aurait été valablement levée.

Sur la caducité de la promesse unilatérale consentie en vue de la deuxième phase d'acquisition, fondée sur l'interdépendance des trois phases :

Invoquant la nullité de la promesse synallagmatique prévue en phase III en ce qu'elle serait fondée sur une condition purement potestative et partant de ce que les deux promesses prévues à la deuxième et troisième parties du protocole d'accord cadre sont indivisibles, la société MG soutient que la promesse unilatérale prévue en phase II est caduque en conséquence de la nullité de la promesse synallagmatique prévue à la phase III.

La société GTM s'oppose à cette prétention qui repose sur ce qu'elle qualifie de raisonnement 'antichronologique'.

Sur la recevabilité de la demande de caducité de la promesse unilatérale de la phase II :

La société GTM conteste la recevabilité de cette demande au nom du principe d'estoppel.

Mais il n'existe pas de contradiction au détriment d'autrui à invoquer l'interdépendance des trois phases prévues au protocole d'accord cadre et dire que les parties ont entendu diviser les opérations d'acquisition en trois phases de natures distinctes (une cession, une promesse unilatérale de cession et une promesse synallagmatique de cession), obéissant chacune à des modalités distinctes.

Sur la nullité de la promesse synallagmatique de la phase III en raison de la potestativité d'une des conditions :

Selon la société MG, la condition suspensive à la réalisation de laquelle est subordonnée la promesse prévue pour la phase III, tenant à 'la réalisation définitive de l'opération de cession de titres de la société C2G à la société Bretagne Multimedia, telle que visée à la 2ème partie', est potestative en ce qu'elle dépendrait du seul choix de la société GTD de lever ou non l'option prévue à la promesse unilatérale de cession dans le cadre de la phase II, de sorte que si la société GTD décidait de lever l'option qui lui était accordée en phase 2, la condition était réalisée, à l'inverse, si la société GTD renonçait à lever l'option, elle se voyait aussitôt déchargée de ses obligations prévues au titre de la phase III, sans être redevable d'aucune indemnité au profit de MG.

La société GTM conteste toute potestativité. Elle estime que la société MG confond la levée d'option, qui dépendait effectivement de la seule volonté de la société GTD, et la réalisation définitive de l'opération de cession de titres prévue à la deuxième phase qui constitue la condition suspensive telle qu'elle est stipulée et qui ne dépendrait pas uniquement de la société GTD. Elle observe, d'ailleurs, que la présente procédure le démontre puisque, bien que la société GTD veuille acquérir, cette deuxième phase ne s'est pas encore réalisée en raison du refus de la société MG.

La société MG réplique que la société GTM s'est précisément pourvue en cassation pour voir juger que MG n'avait pas la possibilité de se rétracter de sa promesse et, ainsi, voir juger que seule la société GTD, bénéficiaire de l'option, disposait de la faculté de choisir de mettre en 'uvre, ou non, la phase II des opérations.

La société GTM ajoute que dans le cadre de la phase III, 'la partie qui s'oblige', au sens de l'ancien article 1174 du code civil, selon lequel 'toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige' serait uniquement la société MG , ce que conteste celle-ci en faisant valoir que la phase III dont la nullité est sollicitée est une promesse synallagmatique, aux termes de laquelle la société MG s'est engagée à vendre et la société GTM s'est engagée à acquérir, pour en déduire que la société GTM s'est bien 'obligée' dans la phase III.

Enfin, la société GTM considère que la solution adoptée par un arrêt ayant jugé que ne revêt pas un caractère potestatif une condition dont la réalisation dépend, non de la seule volonté du créancier de l'obligation mais de circonstances objectives susceptibles d'être contrôlées judiciairement serait transposable au cas d'espèce puisque les circonstances objectives dont dépendent la réalisation de la troisième phase d'acquisition, à savoir les première et deuxième phases d'acquisition, sont judiciairement contrôlées dans le cadre du présent débat initié il y a sept ans et ayant donné lieu à trois décisions de justice d'ores et déjà, transposition que conteste, là aussi, la société MG.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1170 code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher.

Dans le cas présent, la réalisation définitive de l'opération de cession de titres de la société C2G à la société Bretagne Multimedia prévue à la deuxième phase doit être une cession réellement réalisée, ce qui exigeait que non seulement ses conditions juridiques soient remplies mais que les parties aillent au bout du processus, ce qui supposait, d'abord, que le promettant respecte sa promesse. En outre, si la cession, devant être le résultat d'une rencontre des volontés sur la cession des 13 % des actions de la société C2G, dépendait juridiquement, dès lors que la promesse ne pouvait pas être efficacement rétractée, de la levée de l'option, celle-ci dépendait en réalité des performances des différentes filiales qui restaient sous le contrôle de la société MG, de la valorisation des titres de la société C2G qui dépendait de ces performances, du succès des négociations engagées entre les parties pour arrêter le prix et éviter de devoir faire régler leur différend par un tiers. Il s'ensuit que la levée de l'option, si elle était laissée au choix de la société GTM, était néanmoins soumise à différents facteurs extérieurs, lesquels dépendaient en partie de la société MG. La cession effective ne reposait donc pas sur la seule volonté de l'acquéreur.

Sur la caducité ou la nullité de la promesse unilatérale pour défaut de détermination du prix

Sur la détermination du prix :

La société MG affirme que le prix de cession prévu à la promesse unilatérale de cession des 13 % des actions ne serait ni déterminé ni déterminable dans la mesure où la formule de prix comporte une imprécision majeure sur le point de savoir si un coefficient multiplicateur doit être appliqué aux résultats d'exploitation des sociétés déficitaires. Elle explique que cette question a été la cause de graves dissensions entre les parties dès 2014 ; qu'elle considérait, pour sa part, que dans le cas où une filiale présentait un résultat d'exploitation négatif, il convenait de le porter à zéro et d'indiquer «N/A», faute de précision expresse et conformément aux usages en matière de valorisation, quand la société GTD considérait qu'il fallait appliquer les coefficients multiplicateurs aux résultats d'exploitation même négatifs en l'absence d'indication contraire, même si cela entraînait des décotes significatives par rapport à la valeur réelle des titres. Elle indique que la différence de valorisation selon l'option retenue est de plusieurs millions d'euros et la méthode proposée par la société GTD aboutit à diminuer le prix des titres d'au moins 500% par rapport à la méthode proposée par elle ; que le rapport [Z] produit par la société GTM elle-même estime que, pour les seuls 13% objets de la promesse unilatérale, le différentiel de prix serait a minima de 720 000 euros (174 290 euros, par application de la méthode préconisée par la société GTM, contre 902 000 euros, sans application des coefficients aux résultats d'exploitations négatifs).

Elle soutient que la lacune du contrat sur un aspect essentiel de la valorisation n'aurait pas pu être palliée par l'intervention d'un expert mais que seul un nouvel accord s'imposait dans la mesure où le désaccord des parties ne porte pas sur la valeur des éléments de calcul mais bien sur la définition d'un critère essentiel de la méthode de valorisation ; qu'un expert ne saurait compléter cette lacune sans ajouter au contrat un élément essentiel et, partant, sans dénaturer l'expression de la volonté des parties.

Elle précise que des discussions se sont engagées entre les parties et que la société GTD a reconnu à un moment donné que la méthode qu'elle voulait appliquer conduisait à des 'effets pervers' mais n'a, finalement, pas voulu revoir sa position. Elle affirme que c'est principalement ce désaccord sur la détermination du prix qui l'a conduite à rétracter sa promesse.

La société GTM répond que le désaccord sur le valorisation des titres n'est qu'un prétexte à la rétractation de la promesse par la société MG qui s'explique par un opportunisme économique de sa part, résultat d'un changement de stratégie. Elle expose que la promesse comporte de façon très détaillée la manière dont le prix doit être déterminé : la méthode de valorisation est indiquée, les multiples ainsi que la base de calcul sont indiqués, les notions sont définies, et une illustration est même fournie. Surtout, la promesse envisage le cas d'un désaccord entre les parties sur l'application de la formule de prix et permet de régler ce désaccord comme cela est traditionnellement prévu, par le recours à un expert, de sorte que le fait que les parties ne soient pas d'accord sur ce prix ne le rend pas indéterminable. Il s'agit d'une simple difficulté d'exécution, qui correspond précisément au cas prévu de recours à un expert afin de purger ce désaccord.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1591 du code civil, le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. Toutefois, l'article 1592 du code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, précise que le prix peut être laissé à l'arbitrage d'un tiers ; si le tiers ne veut ou ne peut faire l'estimation, il n'y a point de vente.

Il résulte de ces textes que la promesse de vente doit comporter un prix qui, s'il n'est pas déterminé, est déterminable.

Ainsi, les parties peuvent confier à un tiers le soin d'évaluer le prix en lui donnant ou non des indications sur la méthode d'évaluation des droits sociaux et sur les éléments à prendre en compte. Si elles fixent à l'avance les éléments qui devront être retenus par l'expert comme base de calcul du prix, ces indications doivent être précises et être respectées par le tiers.

Le défaut de détermination du prix constitue une cause de nullité de la vente.

Le juge n'a pas le pouvoir de déterminer un prix qui ne serait pas déterminable ni celui de se substituer au tiers que les parties ont désigné. La prétention en ce sens présentée très subsidiairement par la société MG ne peut qu'être rejetée.

Dans le cas présent, la promesse indique que la méthode retenue est celle dite des fonds propres réévalués, comporte une formule précise sur la base d'éléments précis, bien identifiés et indépendants de la seule volonté des parties. Il existe seulement une difficulté tenant à la formulation de la clause, dans sa partie qui, après avoir dit que le prix des actions de la société G2G sera déterminé en application de la méthode dite des fonds propres réévalués, est rédigée en ces termes :

'Dans ce cadre, les actifs de la société C2G (les titres de participation des différentes filiales) seront évalués sur la base d'un coefficient (fonction des filiales) appliqué au résultat d'exploitation moyen des trois derniers exercices comptables rapportés à douze mois le cas échéant, retraité selon les filiales et adjonction ou déduction faite de la trésorerie nette (positive ou négative) des sociétés concernées'.

Il apparaît dans cette formulation qu'il n'est pas précisé s'il faut appliquer le coefficient prévu même lorsque le résultat d'exploitation moyen est négatif.

Il y a là non pas une lacune qui rendrait le prix indéterminable alors que tous les éléments de détermination du prix sont précisés mais seulement matière à interprétation.

Or, les parties ont expressément prévu de soumettre les éventuelles divergences d'interprétation de la clause à l'expertise d'un tiers. De ce fait, l'imprécision dénoncée peut être levée par la décision du tiers grâce au pouvoir d'interprétation que les parties ont confié à celui-ci. Dans ces conditions, le prix est parfaitement déterminable, le tiers n'ayant qu'à respecter la méthode arrêtée par les parties sur la base d'éléments objectifs et précis et décider, dans le silence de la clause à ce sujet, s'il y a lieu d'appliquer ou non un coefficient multiplicateur aux résultats d'exploitations négatifs.

Sur la caducité de la clause de désignation du tiers ou la renonciation à cette clause

La société MG expose que, malgré leur désaccord ancien, persistant et majeur, aucune des parties n'a fait diligence pour saisir le président de la chambre régionale de l'ordre des experts-comptables de Bretagne, qui devait être saisi dans le mois suivant 'le constat du différend'. Elle soutient que, dès lors qu'aucune des parties n'a fait diligence pour saisir l'expert dans le délai prévu par la clause, elle doit être considérée caduque.

Elle ajoute qu'ordonner la cession à charge pour les parties de saisir un expert reviendrait à faire d'une simple faculté, une obligation à la charge de la société MG, ce qui procéderait d'une dénaturation du contrat.

Elle demande à la cour de constater, au-delà, que les parties ont sans équivoque renoncé au bénéfice de cette clause qu'elle qualifie de compromissoire. Elle tire de cette qualification la conséquence qu'il a suffi à la société GTD de saisir la juridiction commerciale pour que cela emporte renonciation manifeste à ladite clause. Elle rappelle que, dès l'introduction de l'instance, la société GTM a demandé au juge de fixer le prix de la vente des titres objets de la promesse unilatérale à 174 290 euros, alors même que ce prix a toujours été contesté par la société MG, tout en indiquant que le désaccord sur le prix existant entre les parties correspond précisément au cas de recours à un expert prévu par la promesse, comportement procédural qui démontre, selon elle sans équivoque, que la société GTM a irrévocablement renoncé à la clause.

La société GTM répond que l'expertise prévue par la promesse ne pouvait prendre place qu'après l'exercice de ladite promesse. Elle conteste y avoir renoncé en rappelant que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes de son titulaire manifestant sans équivoque sa volonté de renoncer.

Sur ce,

D'abord, la clause de désignation d'un expert a pour objet la détermination du prix dans le cadre prévu à l'article 1592, texte d'ailleurs expressément visé au cas où l'expert désigné à l'acte par les parties ne pourrait ou ne voudrait pas statuer sur le prix ; il ne s'agit pas d'une clause compromissoire même s'il est dit que l'expert statuera en premier et dernier ressort. En effet, le tiers évaluateur n'est pas un

arbitre, n'étant pas chargé de trancher une contestation entre les parties, par une

décision juridictionnelle ayant autorité de chose jugée. Dans le cas présent, le tiers désigné par les parties a reçu de celles-ci mission, non d'exercer un pouvoir juridictionnel, mais d'obtenir, à partir de la méthode donnée de valorisation des actions, un résultat s'imposant à elles, dont elles ont préalablement tiré les conséquences juridiques.

Ensuite, la société GTD expose, à juste titre, que tant que la rétractation de la promesse de vente n'était pas jugée inefficace, la vente n'était pas certaine, ce qu'elle pouvait estimer être un obstacle à la désignation d'un expert. Ainsi, le fait qu'elle n'a pas mis en oeuvre ladite clause avant d'engager la présente procédure ne peut être vue comme une renonciation par elle de s'en prévaloir.

Enfin, la société GTD ayant calculé le prix qui, selon elle, correspond à celui qui est contractuellement fixé, la saisine du tiers pouvait également revenir à la société MG.

Il est stipulé à ladite clause que le différend doit être soumis à l'expertise du tiers ainsi désigné lequel statuera 'dans le mois suivant le constat du différend'. Il ne s'agit-là que d'un délai qui est imposé à l'expert et non pas aux parties pour le désigner et qui, quoi qu'il en soit, n'est pas assorti de sanction.

Il résulte de ce qui précède que même si, comme le souligne la société MG, le désaccord des parties sur le calcul du prix en application de la formule prévue entre elles est apparu dès 2014, la saisine de l'expert pour trancher leur différend est encore possible, étant précisé qu'il suffit que l'une des parties exerce cette faculté pour qu'elle s'impose à l'autre.

Sur la requalification de la rétractation de la promesse en résolution unilatérale de la cession

Pour s'opposer aux prétentions adverses, la société MG demande à la cour de considérer que la rétractation de sa promesse doit pouvoir s'analyser en l'exercice par elle d'une faculté de résolution de la cession dont la mise en oeuvre serait justifiée par un comportement fautif du cessionnaire à qui elle reproche d'avoir oeuvré déloyalement en vue d'influer négativement sur le prix de la cession et d'avoir persisté dans sa volonté de valoriser négativement les filiales déficitaires, ce qui contrecarrait toute perspective de développement de nouveaux projets dont le démarrage s'accompagne bien souvent de déficit les premières années.

La société GTM relève que la partie adverse ne vise aucune disposition légale ni référence jurisprudentielle au soutien de sa prétention.

La rétractation de la promesse, alors que l'option n'était pas encore levée, ne peut s'analyser en une résolution unilatérale d'un contrat qui n'était pas encore formé.

Par ailleurs, le caractère prétendument non fautif de la rétractation de la promesse ne peut faire obstacle à la vente en dehors d'une cause d'annulation.

Sur la formation du contrat et la régularité de la levée de l'option

La société MG soutient que la cour ne peut ordonner la cession des titres sans s'assurer de la détermination du prix de vente ; que cela s'impose d'autant plus, en l'espèce, que les parties ont contractuellement prévu que le prix devait être déterminé et réglé au jour de la cession ; qu'il faut, en outre, s'assurer que la levée d'option est régulière, ce qui impose de vérifier qu'elle correspond au prix. Elle rappelle que la société GTM a levé l'option en manifestant sa volonté d'acquérir les titres objets de la promesse pour un prix de cession désigné de 174 290 euros, prix qu'elle savait contesté par la société MG ; qu'il est de jurisprudence constante que la levée d'option ne peut emporter perfection de la vente si elle vise un prix inférieur au prix contractuel, la levée d'option ne pouvant dans ce cas s'analyser que comme un refus de lever l'option et comme une nouvelle offre de contracter. Elle en déduit que, dans le cas présent, l'option ayant été levée à un certain prix, la cour ne peut s'assurer de l'efficacité de la levée d'option en l'absence d'un prix de vente déterminé. Elle estime que la levée d'option est irrégulière dès lors que la société a fixé unilatéralement le prix en violation des conditions prévues à la promesse, sur la base d'une méthode de valorisation contestée dès 2014, sans se fonder sur le prix de l'ensemble des actions de la société C2G qui devait être déterminé chaque année par les parties lors de l'assemblée générale ordinaire pour faciliter la fixation du prix de l'opération et sans mettre en 'uvre la procédure prévue au protocole dans le cas où un 'différend apparaîtrait tant dans l'exécution que l'interprétation' de la clause de détermination de prix.

Du fait que l'expert n'a pas été saisi pour déterminer le prix, la société MG considère que la société GTM ne justifie pas avoir levé l'option pour le prix prévu par la promesse unilatérale cession, preuve dont la charge lui incombe ; qu'en conséquence, elle ne démontre pas qu'une rencontre de volonté est intervenue dans le délai de levée d'option prévu à peine de caducité de la promesse unilatérale. A l'inverse, la société MG prétend démontrer que la méthode de valorisation retenue par la société GTD pour arrêter unilatéralement le prix de 174'290 euros est inique, injustifiée et n'est nullement corroborée par les termes du protocole d'accord.

Subsidiairement, la société MG invoque l'inexistence, et à défaut, la nullité de la vente pour défaut d'un prix sérieux, en soutenant que le prix de 174 290 euros est dérisoire, quand bien même il serait jugé qu'il résulte d'une bonne application de la méthode de valorisation prévue au protocole.

La société GTM, qui déclare ne faire que rappeler le prix auquel aboutit la formule contractuellement convenue sans demander à la cour de fixer le prix de cession, prétend, au contraire, que la méthode qu'elle a retenue permet de refléter la valeur réelle des titres cédés, sans les survaloriser ; que ce débat est en tout état de cause sans emport puisque les parties ont pris soin de prévoir qu'en cas de désaccord sur le prix prévu à la promesse, c'est un expert qui le fixerait en application des dispositions de l'article 1592 du code civil, de sorte qu'il n'y a aucun risque d'aboutir à un prix dérisoire, d'autant moins qu'il faut tenir compte, sur ce point, de ce que la phase II, qui ne portait que sur 13 % des titres, s'intègre dans une opération globale.

En réponse aux autres moyens, la société GTM, tout en déclarant que si une difficulté existe sur le prix de cession, il convient alors d'appliquer l'accord des parties, à savoir recourir à un expert comme le prévoit le protocole de 2012, demande à la cour d'ordonner la cession forcée au prix de 174 290 euros et, pour ce faire, d'ordonner à la société MG d'avoir à procéder à la cession stipulée par la promesse, et ce sous huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte et, passé ce délai, de dire et juger que l'arrêt à intervenir vaudra ordre de mouvement à l'égard de la société C2G.

La société GTM ajoute que le désaccord des parties sur le prix constitue une simple difficulté d'exécution, qui correspond précisément au cas prévu de recours à un expert afin de purger ce désaccord. Elle soutient que ce désaccord sur le prix ne l'empêchait pas de lever l'option ; que pour qu'une cession intervienne en exécution de la promesse, encore fallait-il qu'elle lève l'option dont elle bénéficiait, pour expliquer que l'expertise prévue par la promesse ne pouvait prendre place qu'après l'exercice de ladite promesse, et non avant. Elle conclut que la cour peut parfaitement ordonner la cession des titres objets de la promesse, à charge pour les parties de régler, devant le président du conseil régional de l'ordre des experts comptables ou devant un expert, voire devant le juge de l'exécution, la question du prix.

Sur ce,

La valorisation des titres au cours des années antérieures à la levée de l'option n'est prévue au contrat que pour faciliter la fixation du prix. C'est donc exactement que la société GTM fait valoir qu'il ne s'agit pas d'une condition à la levée d'option, en faisant observer, en outre, à juste titre, qu'en juger autrement conduirait à retenir qu'il s'agirait alors d'une condition potestative puisqu'il suffirait dans ce cas à la société MG de refuser de valoriser les titres au cours des années antérieures pour empêcher automatiquement la société GTD de lever l'option.

L'article 1583 du code civil, qui énonce que la vente est parfaite dès qu'il y a accord sur la chose et sur le prix, n'interdit pas aux parties à un accord de prévoir que la cession interviendra même si le prix n'est pas encore arrêté à ce stade. La seule condition à la perfection de la vente est que les modalités de fixation de la vente soient arrêtées, comme l'exige l'article 1591 du code civil, qui impose seulement que le prix soit déterminable et non qu'il soit déterminé lors de l'échange des consentements.

La promesse unilatérale de vente ne se transforme en vente parfaite que par le concours, avec la volonté déjà exprimée du promettant, de la volonté entièrement concordante du bénéficiaire de cette promesse, dans le délai convenu. La levée de l'option doit exprimer une volonté ferme et précise de conclure la vente aux conditions prévues dans la promesse. Elle doit être pure et simple. A défaut, la vente ne sera pas formée.

Par suite, la promesse unilatérale de vente se transforme en vente parfaite dès que le bénéficiaire de cette promesse a, dans le délai imparti, manifesté, en la portant à la connaissance du promettant, sa volonté d'acquérir la chose aux conditions proposées. La vente se forme au moment où la levée régulière de l'option parvient au promettant.

Dans le cas présent, l'option a été levée par la société GTD au prix de 174'290'euros qui correspond, selon elle, au prix calculé conformément à la formule convenue.

Dès lors que les parties sont en désaccord sur ce point, seul le recours à l'expert permettra la complétude du contrat ; il ne s'agit là à proprement parler pas de la formation du contrat, puisque le contrat est formé par la rencontre des volontés sur la cession dès lors que le prix était déterminable dès le jour de la promesse, pour les motifs qui précèdent.

Le contrat de vente s'est donc formé le 28 juin 2016, jour de la levée de l'option.

Le prix de cession ne saurait être dérisoire puisqu'il sera fixé par l'expert sur la base d'une méthode d'évaluation convenue entre les parties et qu'elles s'accordent à juger la plus pertinente, et qu'il lui revient d'ajuster dans la limite de son pouvoir d'interprétation, pour tendre au juste prix.

Le dernier moyen qu'oppose la société MG à la demande d'exécution forcée est que celle-ci serait impossible compte tenu des man'uvres qu'elle accuse la société GTM d'avoir mises en 'uvre aux fins d'influer négativement sur le chiffre d'affaires de C2G, que ce soit par l'acquisition de sociétés concurrentes ou la rupture de contrats qui la liait aux filiales de C2G. Elle en conclut qu'il restera désormais en tout état de cause impossible de déterminer quel aurait été le prix des titres de C2G si GTM avait loyalement exécuté ses engagements.

Mais ce moyen n'est pas de nature à faire obstacle à la vente en l'absence de remise en cause de la validité de la rencontre des consentements. Et, au cas où l'expert ne pourrait pas déterminer le prix, la cession serait alors caduque.

Il résulte des développements qui précèdent que la société GTM est en droit d'obtenir la constatation judiciaire de la perfection du contrat consécutive à la levée de l'option. Le jugement sera donc infirmé.

En conséquence, la cour constate que l'option a été régulièrement levée et qu'elle est efficace, que le contrat de cession des 13 % des actions de la société C2C a été valablement formé sur un prix devant être déterminé par l'expert conformément à la clause sur le prix.

Le prix offert par la société GTM devra être payé le jour de la cession, le réajustement du prix aura lieu le cas échéant après la décision de l'expert.

Sur la cession forcée :

Il y a lieu d'ordonner la cession forcée de la cession portant sur les 13 % de titres.

Conformément au droit commun, à savoir, l'article 1138 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 1er octobre 2016, le transfert de propriété des parts sociales s'opère dès l'échange des consentements, soit au jour de la cession, soit à une date postérieure si le cédant et le cessionnaire en ont convenu.

Sur la demande d'indemnisation du préjudice causé par le retard dans la réalisation de la cession des 13 % des actions

Le promettant qui refuse de donner suite à la levée d'option commet une faute contractuelle, sauf si une clause de dédit ou si une faculté de repentir a été stipulée dans la promesse.

Le bénéficiaire devenu acheteur du fait de la levée de l'option peut donc demander, outre l'exécution en nature de la vente, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, sur le fondement de l'article'1142 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10'février 2016.

La société GTM déclare que les synergies qu'elle attendait de l'acquisition des titres de la société C2C étaient très fortes en exposant que dans le cadre du développement de son pôle événementiel, l'acquisition de la société C2G allait lui permettre de réunir au sein du même groupe les activités culturelles et les activités sportives entre lesquelles de très nombreuses synergies existent, tant au niveau des partenaires et sponsors privés et publics, que des clients ou encore des prestataires. Elle demande l'indemnisation du préjudice que lui causerait le décalage dans le temps des synergies dont elle devait bénéficier grâce à l'acquisition de la société C2G.

La société MG affirme qu'aucune synergie entre les activités sportives et événementielles n'a été concrètement constatée depuis 2012, date du début du partenariat.

Pour justifier d'un préjudice invoqué, la société GTM ne produit qu'un rapport établi à sa demande par un expert réalisées par le management de la société GTM, sans que ces estimations ne soient confortées par quelconque élément. Les perspectives de synergies exprimées en pourcentage de chiffre d'affaires attendu pour les pôles sportif et événementiel ne reposent donc que sur les seules affirmations de la société GTM sans aucune justification. La préjudice tenant dans le retard que lui causerait la perte d'avantages du fait du décalage dans le temps de l'opération, qui ne pourrait qu'être une perte de chance, n'est pas démontré.

La société GTM sollicite l'indemnisation d'un autre préjudice qui découlerait également du refus d'exécution de la promesse, tenant aux frais qu'elle aurait exposés en pure perte dans le cadre du projet de levée de fonds qu'elle a initié en avril 2015 et dont l'échec serait imputable à son absence de participation majoritaire dans le capital de la société C2G.

Mais là encore, la société GTM n'apporte aucune preuve de ses allégations selon lesquelles une levée de fonds aurait échoué du fait de l'incertitude pesant sur sa prise de contrôle de la société C2G. De plus, elle n'apporte pas la preuve qu'elle aurait bien exposé les frais allégués.

A défaut de démontrer l'existence de ces préjudices, la demande d'indemnisation est rejetée.

Sur la nullité ou la caducité de la promesse synallagmatique prévue en phase III

Aux termes du Protocole du 21 juin 2012, la société MG, Promettante, s'est irrévocablement engagée à réaliser au profit de la société GTD, bénéficiaire, la vente du nombre d'actions de la société C2G pour permettre au Bénéficiaire d'être détenteur à terme de 100% du capital social de la société C2G.

.

Cet engagement était subordonné à la réalisation, avant le 15 mars 2019, de la condition suspensive tenant à la réalisation définitive de l'opération de cession de titres de la société C2G, telle que visée à la deuxième partie de la promesse.

La société MG invoque la défaillance de cette condition suspensive.

Mais la société GTM est fondée à opposer les dispositions de l'article 1178 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 aux termes desquelles la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement.

En effet, la non-réalisation de la cession de 13 % des titres dans le délai convenu est due au refus de vendre de la société MG à la suite de la rétractation de sa promesse unilatérale. La cour ne peut donc accueillir la demande de caducité de la promesse de la phase III.

Dès lors que par le présent arrêt, la cession forcée de la cession prévue à la phase II est ordonnée, le moyen tenant à ce que la non-réalisation de la phase II a entraîné la disparition de la cause de la phase III, élément essentiel à la formation de la promesse synallagmatique, ne peut qu'être écarté.

Et, par les motifs qui précèdent, il a été retenu que la condition tenant à la réalisation de la cession prévue à la phase II n'est pas potestative, ce qui conduit au rejet de la demande de nullité de la promesse synallagmatique de vente prévue à la phase III.

Sur la demande d'exécution forcée de la cession prévue à la phase III :

Sur la recevabilité de cette demande :

La société MG soulève l'irrecevabilité de cette demande comme étant une prétention nouvelle formée au mépris des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et, au surplus, comme contrevenant au principe d'estoppel et de loyauté des débats judiciaires, ayant été formée la veille de la clôture.

La société GTD a saisi, en 2020, le tribunal de commerce de Rennes de l'exécution de la troisième phase d'acquisition.

Partant de ce que la cour d'appel de Rennes a, par décision non atteinte par la cassation, déclaré recevables les demandes de nullité et de caducité de la promesse portant sur la troisième partie du protocole d'accord cadre signé le 21'juin 2012, et au regard de l'évolution du litige la société GTM expose qu'elle est conduite, comme le fait la société MG, à estimer que la troisième phase d'acquisition relève désormais également de la compétence de la cour de renvoi, raison pour laquelle elle sollicite l'exécution forcée de la cession de titres prévue à la troisième phase d'acquisition.

Mais la notion d'évolution du litige est étrangère à la recevabilité des demandes formées en appel contre une personne qui était partie au procès devant les premiers juges.

La demande d'exécution forcée de la phase III n'a pas été présentée en première instance. Il ne s'agit pas d'une prétention qui tend aux mêmes fins que celles qui ont été soumises aux premiers juges et elles n'en sont pas davantage l'accessoire, la conséquence ou le complément puisqu'il s'agit de l'exécution d'une autre promesse même si elle est intégrée dans le même acte et qu'elle est liée à la précédente pour parachever l'opération globale dans laquelle elle s'inscrit.

Il s'ensuit que cette demande est irrecevable.

Sur les frais et dépens

La société Morgane Groupe, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société GTM la somme de 25'000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande formée par la société Morgane Groupe au même titre est rejetée.

PAR CES MOTIFS :

la cour, statuant contradictoirement, et dans la limite de la cassation intervenue, par mise à disposition au greffe

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le contrat de cession des 13 % des actions de la société C2C a été valablement formé sur un prix devant être déterminé par l'expert conformément à la clause sur le prix.

Ordonne à la société Morgane Groupe de céder à la société Groupe Télégramme Médias le nombre d'actions correspondant à 13% du capital social de la société C2G conformément aux dispositions prévues à la deuxième partie du protocole d'accord cadre signé le 21 juin 2012, et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Dit que passé ce délai, la simple notification à la société C2G de l'arrêt à intervenir vaudra ordre de mouvement et ordonne à la société C2G, dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, d'enregistrer dans son registre de mouvements de titres et dans les comptes d'associés la cession du nombre d'actions correspondant à 13% de son capital social à son profit.

Rejette la demande de la société GTM en paiement de la somme de 431 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le retard dans la réalisation de la phase II.

Rejette la demande de nullité de la promesse synallagmatique de vente prévue pour l'exécution de la phase III.

Déclare irrecevable la demande de la société GTM tendant à voir ordonner à la société Morgane Groupe de lui céder le nombre d'actions correspondant au solde des titres composant le capital social de la société C2G conformément aux dispositions prévues à la troisième partie du protocole d'accord cadre signé le 21'juin 2012,

Condamne la société Morgane Groupe à payer à la société Groupe Télégramme Médias la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Morgane Groupe aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux la concernant au profit de Maître Sophie Dufourgburg.

Rejette les autres demandes.