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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 25 mars 2024, n° 22/02790

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Juventus (SAS)

Défendeur :

Kronenbourg (SAS), Elmasse 2 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fabreguettes

Conseillers :

Mme Deshayes, M. Laethier

Avocats :

Me Clausmann, Me Renaud

TJ Strasbourg, du 8 avr. 2022

8 avril 2022

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 9 juin 2017 dénommé « accord commercial bière », la société Elmasse 2 (qualifiée « le débitant ») exploitant un débit de boissons sous l'enseigne « [3] » situé [Adresse 1], s'est engagée à s'approvisionner en bière en fûts exclusivement auprès de la Sas Kronenbourg (qualifiée « le brasseur ») pour un volume minimal de 275 hectolitres sur une durée de cinq ans à compter du 7 juin 2017, en contrepartie de la mise à disposition par le brasseur d'une installation de tirage-pression d'une valeur de 2 491 euros HT et d'une enseigne d'une valeur de 407 euros HT, outre une prestation financière de 3 138,47 euros HT.

Par acte sous seing privé signé le 25 juin 2020, la société Elmasse 2 a cédé son fonds de commerce à la Sas en formation Juventus, qui a officiellement commencé son activité à la date du 4 août 2020.

Suite à la publication de cette cession au Bodacc (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) en date du 15 septembre 2020, la Sas Kronenbourg a adressé à la Sas Juventus, le 18 septembre 2020, un courrier formant opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce, pour un montant de 7 243,76 euros au titre du remboursement des prestations accordées dans l'accord commercial bière, non repris par l'acquéreur.

Elle a adressé à la Sas Juventus un nouveau courrier en date 7 octobre 2020 rappelant l'obligation de cette dernière d'accuser réception de son opposition puis une relance par avocat, en date du 19 janvier 2021, portant demande de ne pas libérer les fonds auprès du vendeur sous peine d'engager sa responsabilité.

Par courrier du même jour, en date du 19 janvier 2021, elle a fait sommation à la Sarl Elmasse 2 de s'acquitter du règlement de la somme de 7 243,76 euros ou d'autoriser la société Juventus à libérer cette somme à son profit.

En l'absence de règlement, la société Kronenbourg a, par acte du 8 septembre 2021, fait citer la Sarl Elmasse 2 et la Sas Juventus devant le tribunal judiciaire de Strasbourg afin de voir prononcer la résiliation de l'accord commercial bière du 9 juin 2017, aux torts et griefs exclusifs de la Sarl Elmasse 2, et en conséquence, condamner solidairement les défenderesses à lui payer la somme de 7 243,76 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ainsi que 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Les sociétés Elmasse 2 et Juventus ne se sont ni présentées ni fait représenter dans la procédure.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 8 avril 2022, la chambre civile des contentieux de proximité et de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg a condamné solidairement la Sarl Elmasse 2 et la Sas Juventus à payer à la Sas Kronenbourg les sommes de 6 000 euros à titre principal, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021 et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que :

la Sarl Elmasse 2 n'ayant pas démontré que la Sas Juventus, acquéreur du fonds de commerce, avait repris à son compte l'accord commercial conformément au contrat signé, le contrat était résilié aux torts exclusifs de celle-ci ;

la Sas Juventus était informée de l'opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce formée par la société Kronenbourg, elle ne pouvait donc se prévaloir du principe de non-transmission forcée des contrats de fournitures de biens ou de services lors de la cession d'un fonds de commerce et devait être désignée solidairement responsable en exécution du contrat conclu avec la société cédante ;

l'indemnité prévue au contrat, qui constituait une clause pénale, apparaissait excessive en raison de l'exécution dudit contrat pendant plus de trois cinquième de la durée prévue contractuellement et devait donc être réduite à 6 000 euros.

Le jugement a été signifié à la société Juventus par remise à étude en date du 16 juin 2022.

La Sas Juventus a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 18 juillet 2022.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 23 octobre 2023, la Sas Juventus demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, réformer le jugement entrepris et débouter la société Kronenbourg de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, et en conséquence, statuant à nouveau, voir :

à titre principal :

juger que la société Juventus n'a pas été valablement informée de l'opposition formée par la société Kronenbourg  ;

juger que l'opposition de la société Kronenbourg a été effectuée « sans titre ni cause »;

juger que la créance de la société Kronenbourg n'était ni certaine, ni liquide ni exigible à la date de l'opposition ;

en conséquence, débouter la société Kronenbourg de ses demandes ;

à titre subsidiaire :

juger que l'indemnité sollicitée par la société Kronenbourg est excessive compte tenu de l'exécution du contrat pendant plus de 70% de sa durée ;

ramener la créance de la société Kronenbourg à de plus justes proportions soit la somme de 2 173,12 euros ;

en tout état de cause :

condamner la société Kronenbourg à payer à la société Juventus la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Kronenbourg aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, la société Juventus fait essentiellement valoir :

la somme mise en compte correspondait à une indemnité de résiliation qui n'était pas encore née, faute pour le brasseur d'avoir résilié le contrat à cette date, dans les conditions prévues conventionnellement, à savoir après une mise en demeure à la partie adverse de respecter son engagement, restée sans effet plus de 8 jours ;

le courrier adressé par la société Kronenbourg à la société Elmasse 2 le 19 janvier 2021 ne portait pas mise en demeure de s'exécuter mais réclamation de paiement et était en outre intervenu plus de quatre mois après l'opposition, qu'il ne pouvait donc fonder ;

la société Kronenbourg ne justifie toujours pas avoir résilié le contrat et ne peut donc solliciter paiement d'une indemnité de résiliation ;

son défaut d'information quant à l'opposition formée par la société Kronenbourg aux motifs que :

l'acte de cession ne portait aucune mention de l'accord commercial bière du 9 juin 2017 dont la société Juventus ignorait l'existence et le non-respect et qui n'a donc pu faire l'objet d'une transmission forcée ;

la société Juventus n'a jamais eu connaissance des courriers recommandés adressés par la société Kronenbourg, que ce soit celui formant opposition ou le courrier de son conseil du 19 janvier 2021, étant rappelé que la cession est intervenue pendant la crise sanitaire du Covid 19 et qu'elle n'a commencé réellement son activité qu'en juin 2021 ;

le fonctionnement de la Poste était fortement perturbé durant cette période et la mention « refusé par son destinataire » n'a aucune valeur alors qu'il est impossible que la société Juventus ait refusé le pli puisqu'elle était, à cette date, fermée en raison des contraintes administratives et que personne n'était présent sur place ;

la société Kronenbourg n'a tenté par aucun autre moyen extra judiciaire de l'informer de son opposition ;

elle n'aurait pas libéré le prix de vente entre les mains de la société Elmasse 2 si elle avait eu connaissance de l'opposition et il est injuste que, par l'effet de la radiation de la société Elmasse 2 du registre des sociétés, elle se trouve désormais tenue au paiement total d'une indemnité de résiliation d'un contrat qu'elle n'a jamais souscrit et dont elle n'a jamais été informée ;

à titre subsidiaire, le montant excessif de la créance sollicitée par la société Kronenbourg alors que le contrat a été exécuté pendant plus de 70 % de sa durée, ce qui ramènerait l'indemnité due, dans une proportion similaire, à la somme de 2 173,12 euros.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2023, la société Kronenbourg demande à la cour de dire et juger l'appel principal mal fondé, débouter la société Juventus de l'intégralité de ses demandes, et en conséquence confirmer le jugement rendu le 8 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a condamné solidairement la Sarl Elmasse 2 et la Sas Juventus à l'indemniser et à lui payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des frais et dépens.

Elle demande à voir accueillir son appel incident et infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation solidaire des sociétés Elmasse 2 et Juventus à la somme de 6 000 euros et sollicite de la cour, statuant à nouveau, la condamnation solidaire des défenderesses à lui payer la somme de 7 243,76 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2021, date de l'assignation, outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la société Juventus aux entiers dépens de la procédure d'appel principal et incident.

A l'appui de ses conclusions, la société Kronenbourg se prévaut essentiellement de ce que :

son opposition était fondée et régulière :

l'article L. 141-14 du code de commerce autorise le créancier du précédent propriétaire à former opposition sur le prix de vente pour une créance exigible ou non, sans imposer qu'elle soit certaine ;

les dispositions contractuelles prévoyaient expressément que le brasseur puisse former opposition en cas de non-respect par le débitant de boissons de mettre les obligations du contrat à la charge de son acquéreur ;

son opposition est intervenue dans le délai légal et satisfaisait à toutes les exigences légales de forme ;

l'accord commercial bière du 9 juin 2017 constitue un titre fondant la créance de la société Kronenbourg dès lors qu'il est établi et non contesté que la société Elmasse 2 a manqué à ses engagements contractuels, autorisant ainsi la société Kronenbourg à faire application de la sanction prévue à l'article « échéance ' non-respect ' rupture de l'accord » ;

au jour de l'opposition, les manquements contractuels de la société Elmasse 2 étant acquis, la société Kronenbourg disposait d'une créance certaine à échoir, peu important que la somme ait été réduite par le juge et que la mise en demeure ait été postérieure puisque celle-ci ne conditionnait, éventuellement, que le caractère définitif de sa créance ;

aux termes du contrat, la résiliation opérait de plein droit sans qu'il y ait lieu d'engager une quelconque action judiciaire ;

la société Juventus était parfaitement informée de l'opposition formée entre ses mains :

le courrier d'opposition a été présenté au siège social de la société Juventus et refusé par son destinataire, selon la mention apposée par les services postaux ;

il a été suivi d'un courrier envoyé en recommandé et lettre simple, en date du 7 octobre 2020, informant la société Juventus de ce que ce refus d'accepter le courrier du 18 septembre 2020 témoignait de son intention de faire obstacle aux droits de la société Kronenbourg puis d'une ultime mise en demeure par avocat en date du 19 janvier 2021 ;

la société Kronenbourg a donc accompli toutes les diligences nécessaires à la parfaite information de la société Juventus et ne saurait se voir priver de ses droits aux motifs de prétendues défaillances de la Poste, qui ne sont pas avérées et dont les services ont, en outre, repris normalement à compter du 15 mai 2020 ;

l'assignation délivrée le 8 septembre 2021 a également été remise à étude par suite du refus de la personne rencontrée de recevoir l'acte, ce qui atteste de la mauvaise foi de l'appelante ;

les manquements de la Sarl Elmasse 2 et l'absence de reprise des engagements par le cessionnaire de fonds de commerce justifient la résiliation de l'accord commercial bière aux torts et griefs exclusifs de cette dernière et la restitution en valeur d'origine des avantages qui lui avaient été consentis conformément au contrat ;

informée de l'opposition, qui constitue une mesure conservatoire, c'est en méconnaissance des droits de la société Kronenbourg et de manière fautive que la société Juventus a libéré le prix de vente du fonds de commerce entre les mains de la société Elmasse 2.

La société Kronenbourg, sur appel incident, conteste le caractère manifestement excessif de l'indemnité de résiliation sollicitée alors que la prise en compte des volumes non réalisés pour établir le préjudice des brasseurs est admise par la jurisprudence et que la société Elmasse 2 avait les moyens de supporter la somme réclamée, au vu de la vente du fonds de commerce pour un montant de 120 000 euros.

La société Juventus a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à la société Elmasse 2 par acte du 14 octobre 2022 conformément aux modalités de l'article 659 du code de procédure civile. La société Elmasse 2 n'a pas constitué avocat.

Sur interrogation de la cour, la société Kronenbourg a, par note du 13 mars 2024, indiqué ne pas avoir assigné la Sarl Elmasse 2, celle-ci ayant été radiée du RCS.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024 et l'audience de plaidoiries fixée au 15 janvier 2024 pour une mise en délibéré au 25 mars 2024.

MOTIFS

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les pièces régulièrement communiquées ;

Aux termes de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ses prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à « dire et juger » ou «constater », en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour ne statuera pas sur ces demandes dans le dispositif de l'arrêt.

À titre liminaire, il sera constaté que la société Kronenbourg n'ayant pas fait signifier ses conclusions en appel incident auprès de la Sarl Elmasse 2, toute demande à l'encontre de cette dernière est irrecevable.

Par suite, la condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière est acquise.

Il sera à cet égard rappelé que le premier juge a condamné la Sarl Elmasse 2 au paiement envers la Sas Kronenbourg de la somme de 6 000 euros correspondant à l'indemnité prévue au contrat en cas de résiliation aux torts et griefs du débitant de boisson, le premier juge ayant ainsi tiré les conséquences de la résiliation du contrat commercial d'approvisionnement de bière implicitement mais nécessairement actée.

Il sera d'ailleurs relevé que la Sarl Elmasse 2 n'a jamais remis en cause le principe de sa créance et a d'ailleurs reconnu, dans son courrier du 5 avril 2021, adressé au conseil de la société Kronenbourg, avoir conscience « de ne pas avoir été au bout de l'accord en question » et proposé de trouver « une entente » ou « une proposition plus réaliste afin de purger l'arriéré ».

Les arguments de la Sas Juventus sur les conditions éventuelles de la résiliation sont inopérants sur l'issue du litige alors que sa responsabilité est fondée, non sur les termes de l'accord commercial bière auquel elle n'était pas partie, mais sur sa responsabilité délictuelle résultant du non-respect de l'opposition qui lui a été envoyée.

Aux termes de l'article L. 141-14 du code de commerce, dans les dix jours suivant la dernière en date des publications prévues à l'article L. 141-12, tout créancier du précédent propriétaire, que sa créance soit ou non exigible, peut former au domicile élu, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, opposition au paiement du prix. L'opposition, à peine de nullité, énonce le chiffre et les causes de la créance et contient une élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds. Le bailleur ne peut former opposition pour loyers en cours ou à échoir, et ce, nonobstant toutes stipulations contraires. Aucun transport amiable ou judiciaire du prix ou de partie du prix n'est opposable aux créanciers qui se sont ainsi fait connaître dans ce délai.

L'article R. 141-2 du même code précise que la date de l'opposition formée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception est celle de l'expédition de la lettre par le créancier.

En l'espèce, la publication effectuée au Bodacc le 15 septembre 2020 porte expressément mention que les oppositions doivent être adressées « au fond vendu pour la validité et la correspondance ».

La société Kronenbourg justifie de l'envoi de son courrier d'opposition en date du 18 septembre 2020, dans lequel elle énonce, conformément aux exigences légales rappelées supra, le montant et les causes de sa créance et porte domicile élu sur [Localité 4] pour les besoins de l'opposition, respectant ainsi les exigences formelles.

La société Juventus conteste le bien-fondé et la réception de cet acte d'opposition.

L'opposition étant réservée au titulaire d'une créance, il s'ensuit que celle-ci doit être certaine, tout au moins dans son principe. Elle peut toutefois être conditionnelle et non encore exigible, aucun titre exécutoire ni autorisation du juge n'étant obligatoire.

Comme indiqué supra, il est acquis que la société Elmasse 2 a manqué à ses obligations contractuelles et était tenue au versement d'une indemnité de résiliation.

L'accord commercial bière du 9 juin 2017 contient un paragraphe intitulé « pérennité de l'accord » ainsi rédigé :

Le débitant de boissons s'engage à mettre à la charge de son acquéreur, locataire ou successeur, les obligations du présent accord et d'en justifier au brasseur. Il demeurera, en tout état de cause, garant de l'exécution de ses obligations par son successeur.

A défaut, le brasseur pourra se prévaloir des dispositions convenues entre les parties en cas de non-respect des obligations souscrites par le débitant de boissons, notamment par le biais d'opposition sur le paiement du prix de cession pour le montant qui lui serait dû.

Il résulte de ce texte, articulé avec le paragraphe « échéance ' non-respect ' rupture de l'accord » prévu en page 2 sanctionnant la résiliation du contrat aux torts et griefs exclusifs du débitant de boisson par l'obligation pour ce dernier de restituer en valeur d'origine, à titre d'indemnité, tous les avantages consentis par le brasseur, que le brasseur a la faculté de recourir à une opposition en cas de manquement du débitant-cédant à son obligation de transférer les obligations de l'accord commercial bière à son acquéreur.

La société Kronenbourg disposait donc, au jour de l'opposition, d'une créance certaine en son principe et fondée sur une cause résultant de la violation d'un engagement contractuel.

S'agissant de la réception de l'acte d'opposition, il ressort de l'avis de passage que le pli a été présenté et refusé par le destinataire.

La société Juventus ne saurait contester la validité de cette mention au prétexte des conditions sanitaires en se prévalant des adaptations apportées au régime de distribution des courriers alors que les adaptations concernaient l'absence de signature des recommandés par leurs destinataires mais pas la valeur des mentions apposées par les agents postaux ; qu'en outre l'état d'urgence sanitaire avait pris fin le 10 juillet 2020 avant d'être réinstauré le 17 octobre 2020 et ne concernait donc pas la date litigieuse et qu'elle ne justifie aucunement de la réalité de la fermeture de son établissement.

Elle est en tout état de cause d'autant plus malvenue à contester la présentation du courrier du 18 septembre 2020 qu'elle savait, par l'effet de la publication effectuée par ses soins, qu'elle était susceptible de recevoir des lettres recommandées d'opposition à l'adresse figurant à cette publication. Il sera en outre observé que tant l'assignation que la signification du jugement, pourtant présentées par huissier, ont fait l'objet d'un refus de réception par la personne rencontrée sur place.

La société Kronenbourg justifie enfin avoir adressé un second courrier daté du 7 octobre 2020, adressé en lettres simple et recommandée, réitérant son acte d'opposition, sans que la lettre simple ne lui soit retournée, ce qui confirme l'adresse, peu important que la lettre recommandée n'ait pas été retirée.

Par suite, la société Juventus, en ne tenant pas compte de l'acte d'opposition dont elle a été destinataire, a préjudicié aux droits de la société Kronenbourg en n'assurant pas l'indisponibilité des fonds en résultant et en privant ainsi la société Kronenbourg de la faculté de recevoir paiement de sa créance directement sur le prix de vente.

Elle doit en conséquence être tenue à indemniser la société Kronenbourg à hauteur de la somme due par la société Elmasse 2 elle-même, à savoir 6 000 euros, sans qu'elle puisse faire valoir de quelconques motifs de réduction de la créance, le préjudice subi par la société Kronenbourg étant équivalent à la somme dont elle n'a pu obtenir un paiement simplifié grâce à la mesure conservatoire que constituait l'acte d'opposition.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé.

Sur les frais et dépens

Le jugement qui a condamné les défenderesses aux dépens de première instance et au paiement d'une indemnité de procédure sera confirmé.

La Sas Juventus succombant en appel, elle sera condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel et à verser à la société Kronenbourg une somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera en outre déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,

DECLARE irrecevables les demandes formées par la Sas Kronenbourg à l'encontre de la Sarl Elmasse 2 ;

CONFIRME le jugement rendu le 8 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg ;

Y ajoutant :

DEBOUTE la Sas Juventus de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sas Juventus à payer à la Sas Kronenbourg la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sas Juventus aux entiers dépens de la procédure d'appel.