CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 3 avril 2024, n° 22/10631
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Stellantis & You France (SAS), FCA France (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Coulange
Conseillers :
Mme Robin-Karrer, M. Patriarche
Avocats :
Me Navarro, Me Voisin-Moncho, Me Pierini, Me Krieger, Me Gazagnes, Me Gueremy, Me Juston, Me Bayle, Me Marin
Exposé du litige
***
Selon bon de commande du 28 avril 2018, Mme [I] [Z] a acquis de la société FCA MOTOR VILLAGE FRANCE, exerçant sous l'enseigne MOTOR VILLAGE [Localité 6], un véhicule, neuf, JEEP WRANGLER d'une valeur de 37 316,66 euros.
La livraison de ce véhicule a été réalisée le 12 juillet 2018.
Mme [Z] a exporté ce véhicule en TUNISIE.
Face à des dysfonctionnements allégués du véhicule, qui aurait présenté des tremblements importants à plusieurs reprises, contraignant à son immobilisation le 2 octobre 2018 et après contact avec le vendeur du véhicule, puis avec l'importateur de la marque sur le sol français, FCA FRANCE, en charge de la garantie constructeur, Mme [Z] a eu connaissance d'une circulaire du constructeur concernant son véhicule.
Le 30 mai 2018, la société FCA France a informé, notamment, la société [Localité 5] MOTORS, où se trouvait le véhicule, d'un blocage de la livraison de 10 véhicules de marque JEEP modèle WRANGLER MOPAR ONE aux clients finaux, dont celui de Mme [Z] en raison d'un contrôle devant nécessairement être effectué au niveau des suspensions avant.
FCA FRANCE a envoyé les pièces nécessaires à la réalisation de cette intervention au distributeur de la marque JEEP à [Localité 7], et l'intervention a pu être réalisée au cours du mois de janvier 2019.
Mme [Z] n'étant pas parvenue à obtenir de précisions quant aux réparations réalisées sur son véhicule, a fait délivrer assignation devant le juge des référés à la société FCA FRANCE et à la SA MOTOR VILLAGE FRANCE, afin d'obtenir une provision à valoir sur son préjudice, et de se faire communiquer sous astreinte les informations utiles quant à la campagne de rappel, quant aux réparations réalisées sur son véhicule et quant à sa fiabilité.
Par ordonnance de référé du 12 juillet 2019, il a été dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de ces demandes.
Par actes des 4 et 16 octobre 2019, Mme [Z] a fait délivrer assignation à la SASU FCA FRANCE, à la SA FCA MOTOR VILLAGE FRANCE et à la SAS [Localité 5] MOTORS, afin d'obtenir réparation de son préjudice, sur le fondement du défaut de délivrance conforme et des vices cachés.
Par ordonnance du 19 mars 2021, le juge de la mise en état a débouté Mme [Z] de sa demande d'expertise judiciaire, constatant la carence de la demanderesse dans l'administration de la preuve.
Par jugement rendu le 23 juin 2022, le Tribunal a :
Ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du ler mars 2022 et fixé la nouvelle clôture à la date de l'audience, avant l'ouverture des débats, soit au 17 mars 2022 ;
Débouté Mme [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes fondées sur le défaut de conformité;
Débouté Mme [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes fondées sur la garantie des vices cachés ;
Débouté en conséquence Mme [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Condamné Mme [I] [Z] à payer à la SASU FCA FRANCE, la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [I] [Z] à payer à la SA FCA MOTOR VILLAGE FRANCE, la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [I] [Z] à payer à la SAS [Localité 5] MOTORS, la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Débouté Mme [I] [Z] de sa demande formée en application des 'dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [I] [Z] aux entiers dépens de la présente procédure, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Par déclaration au greffe en date du 21 juillet 2022, Mme [Z] a interjeté appel de cette décision.
Elle sollicite:
DECLARER la demande de Mme [I] [Z] recevable et bien fondée en son action, et en conséquence :
DECLARER Mme [I] [Z] bien fondés et recevable en son appel.
REFORMER le jugement rendu le 23 juin 2022 par le Tribunal Judiciaire de GRASSE en date en ce qu'il a :
- Débouté de Mme [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes fondées sur le défaut de conformité
- Débouté Mme [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes fondées sur la garantie des vices cachés
- Débouté en conséquence Mme [I] [Z] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires
- Condamné Mme [I] [Z] à payer à la SASU FCA FRANCE la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
- Condamné Mme [I] [Z] à payer à la SA FCA MOTOR VILLAGE FRANCE la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
- Condamné Mme [I] [Z] à payer à la SAS [Localité 5] MOTORS la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile Condamné
- Débouté Mme [I] [Z] de sa demande formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile
- Condamné Mme [I] [Z] aux entiers dépens de la présente procédure qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
ET STATUANT A NOUVEAU ET FAISANT CE QUE LES PREMIERS JUGES AURAIENT DU FAIRE :
JUGER que la Société FCA France, la Société [Localité 5] MOTORS, et la FCA MOTOR VILLAGE FRANCE (DEVENUE STELLANTIS & YOU) ont manqué incontestablement à leurs obligations.
JUGER que la Société FCA France, la Société [Localité 5] MOTORS et la FCA MOTOR VILLAGE FRANCE (DEVENUE STELLANTIS & YOU) ont engagé leur responsabilité sur le fondement du défaut de délivrance conforme en raison non seulement de l'existence de la circulaire mais également en raison de l'erreur sur le numéro de châssis dans les documents afférents au véhicule remis lors de la vente du véhicule en vue de son exportation.
Si par extraordinaire, la Cour devait considérer que la responsabilité des sociétés défenderesses n'est pas engagée sur le terrain du défaut de délivrance conforme, il n'en demeure pas moins qu'il devra :
JUGER que la Société FCA France, la Société [Localité 5] MOTORS et la FCA MOTOR VILLAGE FRANCE (DEVENUE STELLANTIS & YOU) ont engagé leur responsabilité sur le fondement des vices cachés.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
JUGER que Mme [I] [Z] a subi un préjudice matériel et moral du fait des manquements commis par la Société FCA France, la Société [Localité 5] MOTORS et la FCA MOTOR VILLAGE FRANCE (DEVENUE STELLANTIS & YOU).
CONDAMNER la Société FCA France, la Société [Localité 5] MOTORS et la FCA MOTOR VILLAGE FRANCE (DEVENUE STELLANTIS & YOU) solidairement au paiement de la somme de 14.892,09 € à Mme [I] [Z] en réparation du préjudice matériel subi
CONDAMNER la Société FCA France, la Société [Localité 5] MOTORS et la FCA MOTOR VILLAGE FRANCE (DEVENUE STELLANTIS & YOU) solidairement au paiement de la somme de 50.000 € à Mme [I] [Z] en réparation du préjudice moral et psychologique subi.
CONDAMNER la Société FCA France, la Société [Localité 5] MOTORS et la FCA MOTOR VILLAGE FRANCE (DEVENUE STELLANTIS & YOU) solidairement au paiement de la somme de 8.000 € à Mme [I] [Z] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en ce compris les frais irrépétibles versés aux intimés en exécution de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état.
CONDAMNER la société FCA France, la Société [Localité 5] MOTORS et la FCA MOTOR VILLAGE FRANCE (DEVENUE STELLANTIS & YOU) solidairement aux entiers dépens, en ce compris les entiers dépens de première instance.
ORDONNER l'exécution provisoire de droit de la décision à intervenir.
A l'appui de son recours, elle fait valoir:
-qu'à l'arrivée du véhicule à [Localité 7] au passage en douane, il est apparu que le numéro de châssis renseigné sur la facture n'était pas conforme au véhicule, de même que sur l'ensemble des éléments remis au transporteur par la Société MOTOR VILLAGE [Localité 6], sans qu'il s'agisse d'une simple erreur de frappe, ce qui a occasionné sa retenue à la douane, des démarches et un nouveau déplacement pour obtenir l'immatriculation sur place,
-qu'alors que le véhicule avait 300 km au compteur, sur l'autoroute il s'est mis à trembler brutalement et fortement l'obligeant à s'arrêter sur la bande d'arrêt d'urgence, ce dysfonctionnement s'est reproduit à 3reprises avant son immobilisation, le 2 octobre 2018,
-qu'après contact avec le vendeur, elle a appris l'existence d'une campagne de rappel mais les précisions lui ont été refusées,
-qu'elle a reçu le 22 janvier 2019 un email de la part du constructeur l'informant que les pièces nécessaires à la compagne de rappel avaient été adressées au garage et que l'intervention était en cours,
-qu'elle n'a reçu aucune information sur la nature et la cause de l'avarie pas plus que sur le moyen mis en 'uvre pour y remédier,
-que pour tout dédommagement il lui a été proposé une extension de garantie,
-qu'il résulte d'une circulaire en date du 30 mai 2018, obtenue en première instance, qu'il n'y a pas eu de campagne de rappel postérieurement à la vente du véhicule, qui avait fait l'objet d'un signalement préalablement à la vente qui n'a pas été suivi d'effet par les
professionnels de l'automobile,
-qu'elle a pu constater, lors de son retour de TUNISIE, que les désordres sur le véhicule étaient toujours présents en dépit de l'intervention de JEEP [Localité 7] et a donc été contrainte de nouveau d'immobiliser le véhicule,
-qu'elle a rapatrié le véhicule en France et l'a fait expertisé par un expert qui retient les désordres et la dangerosité de ce véhicule,
-qu'elle invoque le défaut de conformité dans la mesure où le véhicule lui a été livré,
alors qu'une circulaire du 30 mai 2018 avait été diffusée concernant ledit véhicule, obligeant les distributeurs à procéder à un contrôle des suspensions avant, préalablement à la livraison aux clients,
-que le véhicule acquis n'était pas conforme à ce qu'elle en attendait eu égard à ce vice de construction non pas en raison de l'existence cachée de cette circulaire mais en raison de l'existence des défauts techniques que présentaient son véhicule,
-que dès lors que le véhicule a fait l'objet des réparations préconisées par le Cabinet BME EXPERTISES 06, les désordres ont pris fin,
-que, qui plus est, il est acquis que la véhicule n'était pas conforme aux dispositions contractuelles puisque le numéro de châssis sur la facture était erroné ce qui a lui valu d'être bloquée plusieurs heures à la douane tunisienne,
-qu'en outre, elle a appris à l'occasion de l'expertise menée sur son véhicule que celui-ci avait subi des modifications et comporte des éléments non conformes aux préconisations du constructeur,
-que l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour est insuffisant pour démontrer l'existence de vices antérieurs à la vente, de nature à rendre le véhicule impropre à sa destination ou à en diminuer considerablernent1'usage,
-qu'elle a subi un préjudice important du fait des manquements commis par le constructeur et les concessionnaires, qui doit être indemnisé.
La société FCA France conclut:
RECEVOIR la société FCA France en ses conclusions, Y faisant droit,
A titre liminaire
Révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 23 janvier 2024 afin de respecter le principe du contradictoire et les droits de la défense,
Vu les articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation,
Vu les articles 1603 et suivants du Code civil,
Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,
A titre principal,
CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de GRASSE le 23 juin 2022 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant
CONDAMNER Mme [Z] à verser à la société FCA France la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER Madame [Z] aux entiers dépens.
A titre subsidiaire,
DEBOUTER purement et simplement Mme [Z] de sa demande tendant à voir les sociétés FCA France, [Localité 5] MOTORS et MOTOR VILLAGE [Localité 6] condamnées solidairement à lui verser la somme de 14 892,09 € au titre de son prétendu préjudice matériel ;
DEBOUTER purement et simplement Mme [Z] de sa demande tendant à voir les sociétés FCA France, [Localité 5] MOTORS et MOTOR VILLAGE [Localité 6] condamnées solidairement à lui verser la somme de 50 000 € au titre de son prétendu préjudice moral ;
DEBOUTER purement et simplement la société MOTOR VILLAGE [Localité 6] tendant à voir la société FCA France condamnée à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
CONDAMNER Mme [Z] à verser à la société FCA France la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER Mme [Z] aux entiers dépens.
Elle soutient:
-que l'action fondée sur la garantie de conformité prévue par le Code de la consommation est irrecevable dans la mesure où Mme [Z] n'a pas contracté directement avec elle,
-qu'en effet Mme [Z] a acquis son véhicule auprès d'un professionnel, la
société MOTOR VILLAGE [Localité 6], ce dernier ne peut invoquer à son encontre la garantie légale de conformité issue du Code de la consommation, il n'a donc pas pu transmettre une telle garantie à Mme [Z] qui est donc irrecevable à agir à son encontre sur ce fondement,
-que l'action fondée sur l'obligation de délivrance conforme est manifestement infondée, aucune non-conformité aux stipulations contractuelles n'étant caractérisée en l'espèce,
-qu'en effet, l'action fondée sur la non-conformité de la marchandise commandée s'apprécie au regard des caractéristiques convenues par les parties, ainsi, la non-conformité de la chose aux spécifications contractuelles constitue un manquement à l'obligation de délivrance conforme, tandis que la non-conformité de la chose à sa destination normale est constitutive d'un vice caché, au surplus, la réception sans réserve de la chose vendue couvre ses défauts apparents de conformité, en l'espèce l'existence d'une non-conformité aux stipulations contractuelles n'est aucunement caractérisée, s'agissant d'un correctif technique à effectuer sur dix modèles de véhicules avant leurs ventes aux clients finaux, il ne s'agit manifestement pas d'une non-conformité aux stipulations contractuelles,
-que l'action fondée sur la garantie contre les vices cachés est également infondée dans la mesure où aucun vice caché n'a affecté le véhicule de Mme [Z] et qu'au surplus ce prétendu vice n'était aucunement caché lors de la vente du véhicule par la société FCA France, ce qui ne permet pas à Mme [Z] d'agir contre elle sur ce fondement,
-qu'il est de jurisprudence constante que l'existence de seuls dysfonctionnements affectant la chose vendue ne saurait en elle-même suffire à caractériser un vice caché et que le défaut doit présenter une gravité suffisante qui empêche ou diminue gravement l'usage de la chose vendue,
-que l'expertise amiable non contradictoire ne peut permettre à elle seule d'établir le vice caché sans explication technique,
-que elle ne saurait voir sa responsabilité engagée du fait de l'absence d'exécution de ses instructions par la société [Localité 5] MOTORS, cela constituant au contraire pour elle une cause exonératoire de responsabilité,
-qu'aucune règle n'impose à un constructeur automobile de procéder au retrait d'un véhicule en raison d'un éventuel défaut mineur, les circulaires avant livraison et les campagnes de rappels étant précisément conçues pour remédier à cette situation,
-que l'expert amiable mandaté par Mme [Z] a mis en exergue que des modifications ont été réalisées sur le véhicule postérieurement à sa vente par la société FCA France, sans qu'il puisse être exclu que ces modifications soient à l'origine des désordres allégués par Mme [Z],
-qu'elle ne saurait être tenue à garantir la société MOTOR VILLAGE [Localité 6] d'une éventuelle condamnation,
-que les demandes indemnitaires formées par Mme [Z] sont, en tout état de cause, injustifiées.
STELLANTIS & YOU France SAS venant aux droits de la Société FCA MOTOR VILLAGE FRANCE, exerçant sous l'enseigne « MOTOR VILLAGE [Localité 6] » conclut:
Liminairement,
DONNER ACTE à STELLANTIS & YOU France SAS de ce qu'elle vient aux droits de la Société FCA MOTOR VILLAGE FRANCE, exerçant sous l'enseigne « MOTOR VILLAGE [Localité 6] », dans le cadre de la présente procédure.
CONFIRMER le Jugement du Tribunal judiciaire de GRASSE du 23 juin 2022 en toutes ses dispositions,
EN CONSEQUENCE,
DEBOUTER Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la Société FCA MOTOR VILLAGE FRANCE.
Si, par impossible, la concluante devait être condamnée,
CONDAMNER les Sociétés FCA FRANCE et [Localité 5] MOTORS à relever et garantir
de toutes les condamnations la Société FCA MOTOR VILLAGE FRANCE.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDAMNER in solidum les parties succombantes à payer à la concluante la somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER in solidum les parties succombantes aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître E. VOISIN-MONCHO, Avocat associé sur son offre de droit.
Elle fait valoir:
-qu'elle n'avait aucunement connaissance de cette lettre informant d'un avis de blocage du véhicule,
-que Mme [Z] fait état d'une erreur sur le numéro de châssis pour autant la modification de la facture a été réalisée dans un délai court, soit le 26 juillet 2018,
-qu'alors que le défaut de conformité provient d'une différence entre la chose convenue et la chose livrée trahissant l'inexécution, par le vendeur, de son obligation de délivrance, le vice caché concerne une chose qui, quoique conforme à celle convenue, se révèle atteinte d'un défaut affectant son usage normal,
-que Mme [Z] ne justifie nullement l'existence d'une non-conformité aux stipulations du contrat,
-que l'acquéreur qui invoque la garantie des vices cachés doit prouver la diminution significative de son usage du fait d'un vice caché,
-qu'aucun expert ni amiable ni judiciaire n'étant intervenu dans ce dossier, il est impossible de démontrer que le vice invoqué soit antérieur au jour de la vente,
-que Mme [Z] ne justifie pas avoir totalement immobilisé son véhicule, elle a pu continuer à faire certains trajets, ainsi le véhicule n'était donc pas impropre à son usage et le désordre invoqué n'était pas d'une gravité suffisante, ne mettant pas en danger sa sécurité,
-qu'en outre, rien ne démontre que le vice invoqué ait été caché aussi bien lors de la vente initiale que de l'ultime,
-qu'il convient de rappeler que ledit véhicule avait fait l'objet de toutes les réparations nécessaires,
-que l'appelante ne justifie pas des préjudices qu'elle invoque,
-que si par impossible, Mme [Z] devait obtenir gain de cause, elle ne pourra être condamnée solidairement avec les co-intimés dans la mesure où aucune faute ne peut lui être reprochée, en tout état de cause, elle devra être relevée et garantie, aussi bien par la Société FCA FRANCE qui avait adressé un avis de blocage des véhicules de même modèle et même marque que le véhicule litigieux, que par la Société [Localité 5] MOTORS,
-que si un vice de construction devait être retenu, la Société FCA FRANCE aurait dû procéder au retrait définitif de ces véhicules du marché ou faire procéder aux réparations utiles.
La société [Localité 5] MOTORS conclut:
A TITRE PRINCIPAL,
Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE du 23 juin 2022 en ce qu'il a débouté Mme [Z] de l'intégra1ité de ses demandes à l'encontre de la société [Localité 5] MOTORS.
En conséquence,
Débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes à 1'encontre de la société [Localité 5] MOTORS sur le fondement du défaut de conformité et sur celui de la garantie des vices cachés.
A TITRE SUBSIDIAIRE,
Si par extraordinaire la Cour venait à retenir l'une des demandes de Mme [Z] sur le fondement du défaut de conformité ou de la garantie des vices cachés,
Constater que la société [Localité 5] MOTORS est un tiers à la procédure de vente du véhicule Jeep au bénéfice de Mme [Z] de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée.
En conséquence,
Prononcer la mise hors de cause de la société [Localité 5] MOTORS.
Débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société [Localité 5] MOTORS.
EN TOUTE ETAT DE CAUSE,
Condamner Mme [Z] à verser à la société [Localité 5] MOTORS la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner Mme [Z] aux entiers dépens.
Elle soutient:
-que préalablement à sa livraison au sein du concessionnaire MOTOR VILLAGE [Localité 6], le véhicule a été livré et placé en stock au sein du garage [Localité 5] MOTORS le 7 février 2018, jusqu'à sa livraison au sein de la concession MOTOR VILLAGE [Localité 6],
-que le manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme est constitué par la non-conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles.
-que la demanderesse invoque l'absence de contrôle du véhicule en suite de la circulaire du constructeur comme étant un défaut de conformité, or le défaut de vérification ne peut être considéré comme un défaut de conformité,
-que s'agissant du vice caché dont la preuve incombe à l'appelante, l'expertise versée aux débats outre qu'elle n'est pas contradictoire, n'apporte aucune information technique sur l'origine des tremblements du véhicule, alors que ce dernier comptabilisait plus de 17.600 kilomètres bien qu'acquis neuf et immobilisé aux dires de l'appelante,
-qu'en tout état de cause, elle n'a jamais été le cocontractant de Mme [Z], ni en qualité de vendeur, ni en qualité d'acquéreur du véhicule Jeep, en effet, si effectivement le véhicule Jeep de Mme [Z] a transité au sein du garage [Localité 5] Motors, le véhicule était présent uniquement en stock au sein de ce garage comme en atteste le document de suivi du véhicule daté du 6 février 2018, elle n'aurait pas à respecter les instructions du constructeur relatives à la circulaire du 30 mai 2018,
-qu'il appartenait ainsi à la société FCA MOTOR VILLAGE [Localité 6] de contrôler le véhicule de Mme [Z] puisque la livraison à cette dernière a eu lieu postérieurement au courrier du constructeur FCA France à savoir le 12 juillet 2018 comme en atteste la facture,
-que la facture de vente éditée par la société [Localité 5] Motors à la société MOTOR VILLAGE [Localité 6] a été établie le 2 mai 2018, soit antérieurement au courrier de la société FCA France,
-qu'elle est tiers à la vente et doit être mise hors de cause.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024.
Motivation
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture
Il résulte de l'article 803 du code de procédure civile que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
En l'espèce, l'appelante a communiqué le 9 janvier 2024, soit moins de 15 jours avant le prononcé de l'ordonnance de clôture, des conclusions avec neuf pièces complémentaires en raison notamment de la revente du véhicule, ce qui change ses demandes, qui quant aux demandes indemnitaires ont été significativement augmentées, de sorte que pour assurer le caractère contradictoire des débats, il convient de révoquer l'ordonnance de clôture et de prononcer la clôture à l'audience.
Sur le défaut de conformité
Il résulte de l'article 1604 du code civil que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
L'article L. 217-4 du code de la consommation stipule que le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
La non conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles constitue un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme.
S'il est acquis que le constructeur du véhicule a diffusé une circulaire à l'attention de l'ensemble du réseau afin de bloquer la livraison de 10 véhicules neufs au client final, dont celui de l'appelante, aux fins de procéder à un contrôle des suspensions avant et que le véhicule a été livré sans que cette circulaire ait été respectée, cette nécessité de vérification ne constitue pas une caractéristique du bien livré dont le non respect entraînerait la responsabilité du vendeur pour défaut de conformité.
En effet, l'appelante n'avait pas connaissance de cette circulaire lors de la vente , aucune mention n'était portée sur l'acte de vente relativement à la nécessité d'un contrôle des suspensions avant, de sorte que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que Mme [Z] ne peut se prévaloir d'une non conformité contractuelle, d'autant qu'elle n'établit pas le lien entre la non réalisation du contrôle des suspensions avant la vente et des défauts techniques allégués de son véhicule.
Mme [Z] soulève que le véhicule serait non conforme parce que livré avec un numéro de châssis sur la facture erroné.
Or il résulte des pièces versées aux débats que cette erreur a été rectifiée par l'envoi d'une facture avec le bon numéro de châssis, de sorte que cette simple erreur rectifiée ne saurait constituer un défaut de conformité.
En outre, s'il résulte du rapport d'expertise réalisée par Mme [Z] le 18 novembre 2021 que le montage des pneumatiques n'est pas conforme aux préconisations constructeur que les amortisseurs ne sont pas d'origine Fiat ainsi qu'un défaut de positionnement de tuyaux hydrauliques, ce rapport non contradictoire, réalisé plus de 3 ans après la vente, alors que le véhicule a parcouru plus de 17 000km, n'est pas de nature à établir les défauts de conformité allégués.
Sur les vices cachés
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destinait, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1642 du même code précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
L'article 1645 du même code indique que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En l'espèce, Mme [Z] allègue que son véhicule présente des vices cachés en raison du défaut de prise en compte de la circulaire du constructeur et d'importants tremblements ressentis lors de sa conduite.
Or il lui appartient de rapporter la preuve des vices cachés qu'elle allègue.
Sur les tremblements
Si l'appelante établit que son véhicule a été remorqué le 11 août 2020 et le 11 août 2021 par deux attestations de son assureur, ces attestations ne donnent aucune précision sur le motif de ces remorquages.
En outre, elle produit un constat d'huissier du 21 janvier 2021 qui a constaté sur une video enregistrée sur le téléphone portable de Mme [Z] en date du 13 octobre 2020:
- qu'il s'agit d'un enregistrement audio et vidéo montrant le tableau de bord d'une voiture noire de type 'JEEP',
- qu'un tremblement de la voiture et un prompt mouvement de la main du conducteur dans le but de la contrôler et maintenir son équilibre
- que l'incident s'est déroulé sur l'autoroute.
Ce constat ne permet pas d'établir qu'il s'agit bien du véhicule objet du litige.
Par ailleurs, face au rejet de sa demande d'expertise judiciaire, Mme [Z] a mandaté le cabinet BME EXPERTISES CAGNES, qui a rendu un rapport le 18 novembre 2021, non contradictoire, les autres parties n'ayant pas été convoquées (leur simple convocation quoiqu'elle n'ait pas entraîné leur présence ayant rendu cette expertise contradictoire) , réalisés plus de trois ans après la vente, alors que le véhicule acquis neuf présentait plus de 17 000km.
Ce rapport, s'il confirme la réalité des tremblements du véhicule, n'apporte aucune information technique sur leur origine et émet l'hypothèse, que les modifications constatées, par rapport au modèle d'origine, pourraient correspondre aux caractéristiques de la série limitée acquise par Mme [Z].
Ainsi, ce rapport ne saurait rapporter la preuve des vices allégués, d'autant que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties.
Sur le défaut de vérification des suspensions avant préalablement à la vente en application de la circulaire constructeur
Il est établi que cette vérification a été faite courant janvier 2019 par un garagiste tunisien, mandaté par FCA FRANCE, sans que Mme [Z] ne démontre les conséquences néfastes de cette vérification 'tardive' sur son véhicule ou encore son inefficacité.
Aussi, le premier juge est confirmé en ce qu'il a retenu que Mme [Z] est défaillante dans l'administration de la preuve, à défaut d'établir la réalité des vices, leur gravité, leur origine et leur antériorité à la vente et en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes.
Sur les autres demandes
Mme [Z] est condamnée à payer à chacun des intimés la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Me VOISIN-MONCHO pour la part lui revenant.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
ORDONNE la révocation de l'ordonnance de clôture et prononce la clôture au 23 janvier 2024 date de l'audience avant l'ouverture des débats,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 juin 2022 par le Tribunal judiciaire de GRASSE,
Y ajoutant
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE Mme [Z] à régler à la société FCA France, STELLANTIS & YOU France SAS et à la SAS [Localité 5] MOTORS à chacune la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE Mme [Z] aux entiers dépens de l'appel avec distraction au profit de Me VOISIN-MONCHO pour la part lui revenant.