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Décisions

CA Angers, ch. a civ., 2 avril 2024, n° 20/00299

ANGERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

GT Finance (SARL), Automobiles Peugeot (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Muller

Conseillers :

M. Wolff, Mme Elyahyioui

Avocats :

Me Rubinel, Me Pinier, Me Barbe

TGI Angers, du 16 déc. 2019, n° 17/01266

16 décembre 2019

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon une facture du 29 septembre 2012, M. [O] [B] a acheté ce jour-là à la société Adress Auto, aux droits de laquelle vient désormais la société GT Finance, société à responsabilité limitée, un véhicule d'occasion de marque Peugeot, modèle 3008, mis en circulation pour la première fois le 4 février 2010 et affichant 136 600 kilomètres au compteur, moyennant le prix initial de 12 490 euros.

Se plaignant que le véhicule était tombé en panne deux mois après la vente et qu'il avait dû faire procéder en urgence au remplacement de sa boîte de vitesses par un garagiste, M. [B] et son épouse, Mme [I] [V], ont fait assigner la société Adress Auto en référé devant le président du tribunal de grande instance d'Angers, par acte d'huissier de justice du 11 février 2014. Un expert a alors été désigné par ordonnance du 17 avril suivant. Saisi par un acte du 23 octobre 2014 délivré à la demande de la société Adress Auto, ce même magistrat a, par ordonnance du 20 novembre 2014, déclaré l'expertise commune à la société Automobiles Peugeot.

L'expert judiciaire a établi son rapport le 16 août 2016.

M. et Mme [B] ont ensuite fait assigner au fond la société GT Finance devant le même tribunal, par acte d'huissier de justice du 13 avril 2017. Cette dernière a appelé en garantie la société Automobiles Peugeot par acte d'huissier du 21 décembre 2017.

Par jugement du 16 décembre 2019, le tribunal, considérant que l'action de M. et Mme [B] résultant du défaut de conformité était prescrite, a :

Déclaré les demandes de M. et Mme [B] irrecevables ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de garantie formée par la société GT Finance contre la société Automobiles Peugeot ;

Rejeté la demande faite par M. et Mme [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté les demandes faites par les sociétés GT Finance et Automobiles Peugeot sur le même fondement ;

Condamné M. et Mme [B] aux dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire ;

Rejeté les autres demandes des parties.

Reprochant notamment au tribunal d'avoir omis de statuer sur leur demande de dommages et intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, et intimant la société GT Finance, M. et Mme [B] ont relevé appel de ce jugement en ce que celui-ci :

A déclaré leurs demandes irrecevables ;

Les a condamnés aux dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire ;

A rejeté leur demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

A rejeté l'ensemble de leurs prétentions.

La société GT Finance a formé un appel provoqué, intimant la société Automobiles Peugeot, par assignation du 20 novembre 2020.

La clôture de l'instruction a ensuite été prononcée par ordonnance du 5 juillet 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 février 2021, M. et Mme [B] demandent à la cour :

De les déclarer recevables en toutes leurs demandes ;

D'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

De condamner la société GT Finance à leur verser la somme de 10 838,12 euros, à titre principal sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, subsidiairement sur celui des articles L. 211-4 et L. 211-5 du code de la consommation, plus subsidiairement sur le fondement des articles 1641 et 1648 du code civil ;

De rejeter l'ensemble des demandes de la société GT Finance ;

De condamner la société GT Finance à leur verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

De condamner la société GT Finance aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire, avec distraction au profit de son avocat.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2021, la société GT Finance demande à la cour :

De confirmer le jugement en ce qu'il a :

Déclaré les demandes de M. et Mme [B] irrecevables ;

Rejeté les autres demandes de M. et Mme [B] ;

Rejeté leur demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Subsidiairement, de condamner la société Automobiles Peugeot à la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle et de rejeter les demandes de cette dernière ;

De condamner solidairement M. et Mme [B] ou, à défaut, la société Automobiles Peugeot aux dépens, comprenant ceux de première instance et d'appel ainsi que les frais de l'expertise judiciaire, et à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 février 2021, la société Automobiles Peugeot demande à la cour :

De juger irrecevables les actions en garantie des vices cachés engagées par M. et Mme [B] contre la société GT Finance et par cette dernière contre elle ;

De rejeter l'ensemble des demandes formées contre elle par la société GT Finance ;

De condamner la société GT Finance à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Motivation

MOTIVATION

Les dispositions applicables à la vente litigieuse, conclue le 29 septembre 2012, sont :

Pour le code civil, celles antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Pour le code de la consommation, celles antérieures à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Sur la responsabilité contractuelle de la société GT Finance

Moyens des parties

M. et Mme [B] soutiennent que :

Le vendeur mettait en exergue dans son offre qu'aucuns travaux n'étaient à prévoir sur le véhicule. Cette qualité a donc été expressément contractualisée, et une obligation de résultat a été promise. Or la panne est survenue deux mois seulement après la vente. D'une part, cela s'appelle un défaut d'information et une publicité trompeuse au sens des articles 1134 et 1147 du code civil. D'autre part, l'obligation de résultat n'ayant pas été respectée, cela caractérise une faute selon ces mêmes articles.

La société GT Finance soutient que :

Il appartient à M. et Mme [B] de rapporter la preuve d'une mauvaise exécution de ses obligations contractuelles, d'un préjudice, et d'un lien de causalité entre les deux. Or elle n'a commis aucune faute, l'expert judiciaire ayant clairement mis en évidence que la défectuosité de la boîte de vitesses était due à un défaut de fabrication. En outre, elle n'a proféré aucun mensonge à l'égard de M. et Mme [B]. Elle n'avait nullement connaissance du défaut. La mention « AUCUN TRAVAUX A PREVOIR » qui figurait dans l'offre de vente n'entraînait aucune obligation de résultat.

Réponse de la cour

Comme M. et Mme [B] le font valoir eux-mêmes dans leurs conclusions, l'expert judiciaire a conclu que la boîte de vitesses du véhicule litigieux présentait un défaut « dont tout le monde ignorait l'existence ». Il ressort en effet du rapport de l'expert que « le type de roulement à billes retenu par le constructeur ne [pouvait] assurer une bonne fiabilité de la boîte de vitesses », et qu'« il est à l'origine des désordres constatés », à savoir la destruction du « roulement ['] monté à l'extrémité de l'arbre primaire de la boîte de vitesses ».

Aucun autre désordre n'est invoqué par M. et Mme [B] au soutien de la responsabilité contractuelle de la société GT Finance.

Ainsi, dès lors que la société Adresse Auto, aux droits de la quelle vient la société GT Finance, ne pouvait qu'ignorer l'existence du défaut incriminé, on ne peut lui reprocher d'avoir omis d'informer M. et Mme [B] de l'existence de celui-ci, ni d'avoir cherché à les tromper en indiquant dans son annonce : « AUCUN TRAVAUX A PREVOIR ». Pour le reste, la survenance d'une panne peu de temps après la vente relève des garanties attachées à celle-ci et non de la responsabilité contractuelle de droit commun du vendeur.

La responsabilité contractuelle de droit commun de la société GT Finance n'est donc pas engagée.

Sur la garantie légale de conformité

Sur la prescription

Moyens des parties

M. et Mme [B] soutiennent notamment que :

La prescription biennale a commencé à courir à compter de la découverte du vice, soit à compter du 24 décembre 2012, date de la panne. Elle a été interrompue par l'assignation en référé du 11 février 2014. Le délai de prescription a ensuite été suspendu pendant les opérations d'expertise. Un nouveau délai de deux ans a donc recommencé à courir le 16 août 2016, date du rapport de l'expert, et ils n'étaient pas prescrits lorsqu'ils ont fait délivrer l'assignation du 13 avril 2017.

La société GT Finance soutient que :

L'article L. 211-12 du code de la consommation dispose expressément que l'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien. En l'espèce, la vente, et donc la délivrance du véhicule, ont eu lieu le 29 septembre 2012, le véhicule ayant été remis à M. et Mme [B] le 6 octobre suivant. Se pose alors la question de savoir si une assignation en référé-expertise peut, comme M. et Mme [B] le sous-entendent, avoir à la fois un effet interruptif et un effet suspensif, ou si l'effet suspensif attaché à la mesure d'instruction doit primer. À cet égard, le tribunal a fait primer l'effet suspensif au détriment de l'effet interruptif. Ainsi, contrairement à ce que M. et Mme [B] soutiennent, le délai biennal de prescription n'a pas recommencé à courir de zéro. Il a simplement été suspendu pendant les opérations d'expertise. Or au jour de l'assignation en référé, un an quatre mois et cinq jours s'étaient déjà écoulés. Le délai restant à courir étant ainsi inférieur aux six mois prévus à l'article 2239 du code civil, M. et Mme [B] disposaient pour agir d'un délai de six mois à compter du dépôt du rapport d'expertise. Ce délai a pris fin le 16 février 2017, et M. et Mme [B] étaient en conséquence prescrits lorsqu'ils ont fait délivrer l'assignation au fond le 13 avril 2017.

Réponse de la cour

Selon l'article L. 211-12 du code de la consommation, l'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien.

Il résulte des articles 2231, 2241 et 2242 du code civil que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription. Cette interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. Elle efface le délai de prescription acquis, et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.

Aux termes de l'article 2239 du même code, la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence alors à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

En l'espèce, la délivrance du véhicule, c'est-à-dire sa mise à la disposition de M. et Mme [B], n'a pas eu lieu le 29 septembre 2012, jour de la commande. En effet, la société GT Finance indique elle-même qu'elle en disposait encore le 3 octobre 2012, date à laquelle elle l'a fait contrôler par la société Garage Quentin. Cette délivrance doit donc être fixée au 6 octobre 2012, qui est, selon la facture, la date d'expédition du véhicule, et, selon les parties, celle à laquelle M. et Mme [B] en ont pris possession.

Le délai de prescription de deux ans de l'article L. 211-12 du code de la consommation a donc commencé à courir le 6 octobre 2012, et n'était pas expiré lorsqu'il a été interrompu le 11 février 2014 par l'assignation en référé que M. et Mme [B] ont fait délivrer à la société Adresse Auto. En vertu de cette interruption, c'est un nouveau délai de deux ans, duquel le tribunal a déduit à tort le temps déjà écoulé, qui a recommencé à courir à la fin de l'instance de référé, marquée par l'ordonnance du 17 avril 2014. Ce délai a alors été immédiatement suspendu en raison de l'expertise décidée par cette ordonnance, puis est reparti le 16 août 2016 lorsque l'expert a fini d'exécuter sa mission en établissant son rapport. M. et Mme [B] n'étaient donc pas prescrits lorsque, moins de deux ans plus tard, le 13 avril 2017, ils ont fait assigner au fond la société GT Finance.

En conséquence, le jugement sera infirmé et M. et Mme [B] seront déclarés recevables en leur demande en ce qu'elle est fondée sur la garantie légale de conformité.

Sur le fond

Moyens des parties

M. et Mme [B] soutiennent que :

La panne est survenue bien avant le délai de six mois prévu à l'article L. 211-4 du code de la consommation. L'absence de conformité du bien au moment de la vente est donc présumée. Aucune preuve n'est rapportée pour combattre cette présomption, qui est confirmée par le rapport d'expertise judiciaire. Leur préjudice est constitué des frais de réparation restés à leur charge (3838,12 euros), de la perte de jouissance (500 euros), et de l'exécution de mauvaise foi du contrat (6 500 euros).

La société GT Finance soutient que :

Il existe un principe constant de non-cumul de l'action en garantie des vices cachés et de la garantie de non-conformité. Le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants du code civil. Le véritable problème pour M. et Mme [B] tient à la défectuosité la boîte de vitesses et non à la présentation en elle-même du véhicule. Or la jurisprudence rappelle que le défaut affectant une boîte de vitesses constitue un vice au sens de l'article 1641 du code civil, et non un défaut de conformité.

La société Automobiles Peugeot soutient que :

Le désordre ne saurait aucunement relever des dispositions du code de la consommation. Le débat, relatif à la défectuosité la boîte de vitesses du véhicule litigieux, relève de la seule notion de vice caché définie à l'article 1641 du code civil.

Réponse de la cour

Selon l'article L. 211-4 du code de la consommation, le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

Aux termes de l'article L. 211-5 du même code, pour être conforme au contrat, le bien doit :

Être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :

Correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;

Présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;

Ou présenter les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.

Il ressort de ces dispositions que la conformité qui est garantie par le code de la consommation recouvre à la fois l'obligation de délivrance des articles 1604 et suivants du code civil, et la garantie des vices cachés définie aux articles 1641 et suivants du même code. Ainsi, s'il existe effectivement un principe de non-cumul de ces deux dernières obligations, tel n'est pas le cas entre la garantie légale de conformité du code de la consommation et la garantie des vices cachés du code civil, la première pouvant être exercée quand bien même le défaut constituerait un vice caché au sens de la seconde. L'article L. 211-13 prévoit d'ailleurs, qu'inversement, les dispositions du code de la consommation ne privent pas l'acheteur du droit d'exercer l'action résultant des articles 1641 à 1649 du code civil, ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi.

Cependant, la garantie légale de conformité du code de la consommation est un régime particulier qui ouvre des droits spécifiques au consommateur et institue une hiérarchie entre ces derniers. Il résulte en effet des articles L. 211-9 et L. 211-10 de ce code les éléments suivants.

L'acheteur qui met en jeu la garantie légale de conformité doit en principe choisir tout d'abord entre la réparation et le remplacement du bien. Le vendeur peut toutefois ne pas procéder selon le choix de l'acheteur si celui-ci entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut. Le vendeur est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acheteur. Par exception, si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix. La même faculté lui est ouverte si la solution demandée, proposée ou convenue en application des dispositions précédentes ne peut être mise en 'uvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur, ou si cette solution ne peut l'être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l'usage qu'il recherche. La résolution de la vente ne peut néanmoins être prononcée si le défaut de conformité est mineur.

Or en l'espèce, si M. et Mme [B] se fondent sur cette garantie légale de conformité, force est de constater qu'ils n'invoquent aucun des droits ' réparation du bien, remplacement de celui-ci, réduction du prix ou résolution de la vente ' qui leur sont ouverts par cette garantie. Ils demandent uniquement des dommages et intérêts qui, s'ils restent possibles selon l'article L. 211-11 du code de la consommation, l'article L. 211-13 préservant le droit pour l'acheteur d'exercer toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi, ne relèvent pas du régime de garantie institué par ce code.

La demande de M. et Mme [B] ne peut donc prospérer sur ce fondement.

3. Sur la garantie des vices cachés

3.1. Sur la recevabilité de l'action en garantie

Moyens des parties

La société GT Finance soutient que :

L'action résultant des vices rédhibitoires est soumise un délai de prescription (sic) de deux ans à compter de la découverte du vice. En l'espèce, la défectuosité de la boîte de vitesses a été découverte entre le 24 et le 26 décembre 2012, dates auxquelles le diagnostic a été établi et le remplacement de la boîte de vitesses effectué. S'il est constant que l'assignation en référé-expertise du 11 février 2014 a interrompu ce délai, celui-ci a recommencé à courir à compter de l'ordonnance ayant désigné l'expert, laquelle n'a pas eu pour effet de suspendre le délai de forclusion (sic). M. et Mme [B] sont donc forclos (sic).

La société Automobiles Peugeot soutient que :

M. et Mme [B], qui avaient abandonné en première instance toute demande sur le fondement de la garantie des vices cachés, sont irrecevables à l'invoquer en appel, et ce, en vertu du principe de concentration des moyens.

M. et Mme [B] sont prescrits. La suspension de la prescription n'est pas applicable au délai biennal de la garantie des vices cachés. Si la cour considérait qu'elle l'était, elle devrait faire application d'une jurisprudence constante selon laquelle la suspension ne s'applique pas en cas d'extension de la mesure d'instruction. Or en l'espèce, l'expert judiciaire a rendu ses conclusions définitives dès le 19 septembre 2014. Il avait donc, à cette date, d'ores et déjà exécuté sa mission en se prononçant sur l'existence de désordres affectant le véhicule. La suite des opérations d'expertise a eu pour seule vocation de les lui rendre opposables. M. et Mme [B] avaient donc jusqu'au 19 septembre 2016 pour assigner la société GT Finance.

M. et Mme [B] soutiennent que :

La prescription court à compter de la découverte du vice, et ce, en application de l'article 1648 du code civil. En l'espèce, la panne a eu lieu le 24 décembre 2012. Néanmoins, personne ne savait si elle était imputable à des vices cachés antérieurs à la vente. C'est le rapport d'expertise judiciaire qui l'a révélé. C'est donc à compter du 16 août 2016 que le délai de prescription doit commencer à courir.

Réponse de la cour

S'il est effectivement constant qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, cela n'est qu'en présence de demandes successives, au sens de l'article 53 du code de procédure civile, ce qui n'est pas le cas en l'espèce où il n'est toujours question que de la demande par laquelle M. et Mme [B] ont saisi les premiers juges. Or selon l'article 563 du même code, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux. M. et Mme [B] sont donc recevables à invoquer devant la cour la garantie des vices cachés au soutien des prétentions pécuniaires qu'ils avaient formulées en première instance.

Selon l'article 1648 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Il est constant que ce délai est un délai de prescription susceptible de suspension en application de l'article 2239 de ce code (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-15.809, publié).

Ainsi, en l'espèce, même en retenant le 24 décembre 2012, date de la panne du véhicule litigieux, comme celle de la découverte du vice par M. et Mme [B], l'action de ces derniers est, pour les mêmes raisons que celles qui ont conduit à écarter la prescription de même durée de l'action fondée sur la garantie légale de conformité (interruption par l'assignation en référé du 11 février 2014, puis suspension jusqu'au rapport d'expertise judiciaire du 16 août 2016 qui seul a caractérisé l'exécution de la mesure), recevable.

3.2. Sur le fond

Moyens des parties

M. et Mme [B] soutiennent que :

L'existence d'un vice caché est démontrée par le rapport d'expertise judiciaire. Leur préjudice est constitué des frais de réparation restés à leur charge (3 838,12 euros), de la perte de jouissance (500 euros), et de l'exécution de mauvaise foi du contrat (6 500 euros).

La société GT Finance soutient que :

Les prétentions indemnitaires sont mal fondées. Il est constant que le véhicule a été réparé. Le prétendu vice ne présente donc plus les caractères obligatoires de l'action. Le véhicule n'est plus impropre à son usage. Sur ce seul constat, les demandes de M. et Mme [B] ne pourront qu'être rejetées.

L'expert judiciaire ne s'est pas prononcé sur la légitimité et la conformité du coût des réparations qui ont été pratiquées. Surabondamment, elle n'est nullement responsable des désordres subis par la boîte de vitesses et il n'existe aucune raison de lui en faire supporter le coût.

M. et Mme [B] ne rapportent pas la preuve de leur perte de jouissance.

Elle a exécuté ses obligations contractuelles de manière loyale et de bonne foi.

La société Automobiles Peugeot soutient que :

L'expert judiciaire ne fait aucune démonstration technique et ne détermine pas la nature du vice dont la boîte de vitesses serait atteinte. Son rapport ne peut dès lors être considéré comme une preuve. En outre, l'expert ne s'est pas prononcé sur l'impact que le nombre important de kilomètres qui ont été parcourus depuis la première mise en circulation du véhicule a pu avoir sur sa boîte de vitesses. Enfin, dès lors que l'expertise a eu lieu alors que les réparations avaient d'ores et déjà été effectuées, l'expert judiciaire n'a pas été en mesure d'examiner d'éventuelles autres causes pouvant expliquer la panne.

En tout état de cause, les désordres affectant le véhicule ne sont pas constitutifs d'un vice rédhibitoire. La boîte de vitesses a été remplacée. M. et Mme [B] ont donc retrouvé l'usage de leur véhicule qui n'est, dès lors, plus impropre à l'usage auquel il était destiné.

Réponse de la cour

Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Aux termes de l'article 1642 du même code, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Il résulte de ces textes que la garantie des vices cachés peut être mise en 'uvre si la chose vendue est affectée d'un vice remplissant les trois conditions, cumulatives, suivantes :

Il affectait déjà la chose au moment de sa vente ;

Il n'était alors ni connu de l'acheteur ni apparent pour celui-ci ;

Il présente une certaine gravité.

La réparation du vice caché par un tiers, qui n'a pas d'incidence sur les rapports contractuels entre l'acquéreur et le vendeur, ne supprime pas l'action de l'acquéreur, et notamment pas l'action estimatoire lui permettant d'obtenir la restitution du prix à hauteur du coût des travaux mis à sa charge pour remédier au vice (3e Civ., 8 février 2023, pourvoi n° 22-10.743, publié).

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire que le véhicule litigieux était affecté d'un vice lié au « type de roulement à billes retenu par le constructeur », lequel « ne [pouvait] assurer une bonne fiabilité de la boîte de vitesses ». Contrairement à ce que la société Automobiles Peugeot affirme, l'expert judiciaire a abouti à cette conclusion après avoir détaillé, dans son rapport, les neuf points de son raisonnement, que la société ne discute pas.

Ce vice de construction, qui concernait le roulement à billes monté à l'extrémité de l'arbre primaire de la boîte de vitesses, était, par nature, déjà présent au moment où M. et Mme [B] ont acheté le véhicule, et invisible pour eux. En outre, il a causé la destruction de cette boîte, ce qui a rendu le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné, et engendré des réparations, effectuées dans les règles de l'art selon l'expert judiciaire, pour un coût total de 6773,18 euros TTC qui souligne la particulière gravité de ce vice. Il s'agit donc bien d'un vice caché au sens des articles 1641 et suivants du code civil, ce que la société GT Finance ne discute d'ailleurs pas.

Selon l'article 1644 du même code, l'acheteur a alors le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Aux termes de l'article 1645, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En l'espèce, la société Adress Auto est, en tant que vendeur professionnel, présumée avoir connu les vices de la chose vendue.

En conséquence, la société GT Finance, qui vient à ses droits, sera condamnée à payer à M. et Mme [B] les sommes de :

3 838,12 euros, au titre de la restitution du prix à hauteur du coût des travaux restés à la charge de M. et Mme [B] pour remédier au vice, ce à quoi correspond en réalité leur demande ;

250 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance qu'ils ont subi du fait de l'immobilisation du véhicule entre sa panne, non contestée, du 24 décembre 2012, et sa réparation, selon la facture n° 822777 du garage Ugo Tombini, le 17 janvier 2013, M. et Mme [B] n'invoquant à cet égard aucune circonstance particulière qui justifierait qu'une somme supérieure leur soit allouée.

La demande faite par M. et Mme [B] sur le fondement d'une « exécution de mauvaise foi du contrat », qui n'est pas explicitée ni motivée dans leurs conclusions, sera quant à elle rejetée.

4. Sur la garantie de la société Automobiles Peugeot

Moyens des parties

La société GT Finance soutient que :

Les désordres dénoncés par l'expert engagent la responsabilité délictuelle de la société Automobiles Peugeot à son égard, ainsi que sa responsabilité au titre des produits défectueux.

La société Automobiles Peugeot soutient que :

En l'absence de démonstration d'une faute distincte qui lui serait imputable, la société GT Finance n'est pas fondée à invoquer alternativement et simultanément des régimes de responsabilité différents.

Réponse de la cour

La prétention, formulée par la société Automobiles Peugeot dans le dispositif de ses conclusions, tendant à ce que soit jugée prescrite l'action engagée contre elle par la société GT Finance sur le fondement de la garantie des vices cachés, est sans objet, la société GT Finance n'agissant pas à son égard sur ce fondement.

Il résulte des articles 1386-1 et 1386-2 du code civil que la responsabilité, qui pèse sur le producteur, du fait du dommage causé par un défaut de son produit ne s'applique qu'à la réparation du dommage, soit qui résulte d'une atteinte à la personne, soit qui, étant supérieur à un montant déterminé par décret, résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même. Elle ne peut donc s'appliquer en l'espèce, où le dommage résulte d'une atteinte au produit lui-même.

Pour le reste, c'est l'existence d'un vice caché qui a finalement été retenue et il est constant que l'action directe dont dispose le sous-acquéreur contre le fabricant, pour la garantie du vice caché affectant la chose vendue dès sa fabrication, est de nature contractuelle, et que le principe de non-cumul des deux ordres de responsabilité ainsi que l'article 1648 du code civil interdisent que les principes de la responsabilité quasi-délictuelle soit appliqués à une telle action (1re Civ., 9 octobre 1979, pourvoi n° 78-12.502, publié). Ainsi, que la société Adress Auto ait acquis le véhicule litigieux directement auprès de la société Automobiles Peugeot, à laquelle elle serait alors directement liée par un contrat, ou auprès d'un vendeur intermédiaire, la demande de garantie formée par la société GT Finance ne peut prospérer sur le terrain de la responsabilité délictuelle, la seule qu'elle invoque pourtant expressément.

La demande sera donc rejetée.

5. Sur les frais du procès

Compte tenu de l'issue du procès, les dispositions du jugement sur les dépens et les frais irrépétibles seront infirmées.

Perdant le procès, la société GT Finance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, qui comprennent les frais d'expertise judiciaire. Le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé à l'avocat de M. et Mme [B].

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société GT Finance sera également condamnée à verser les sommes de :

4 000 euros à M. et Mme [B] ;

2 000 euros à la société Automobiles Peugeot.

La demande faite par la société GT Finance sur le fondement de ce même article sera quant à elle rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La cour :

INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare M. [O] [B] et Mme [I] [V] épouse [B] recevables en leur demande ;

Dit que le véhicule vendu par la société Adress Auto, aux droits de laquelle vient la société GT Finance, à M. [O] [B] et Mme [I] [V] épouse [B] était affecté d'un vice caché ;

Condamne en conséquence la société GT Finance à payer à M. [O] [B] et Mme [I] [V] épouse [B] les sommes de :

3 838,12 euros, au titre de la restitution du prix ;

250 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;

Rejette les autres demandes indemnitaires de M. [O] [B] et Mme [I] [V] épouse [B] ;

Rejette la demande de garantie faite par la société GT Finance contre la société Automobiles Peugeot ;

Condamne la société GT Finance aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais de l'expertise judiciaire ;

Accorde le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile à l'avocat de M. [O] [B] et Mme [I] [V] épouse [B] ;

Condamne, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la société GT Finance à verser les sommes de :

4 000 euros à M. [O] [B] et Mme [I] [V] épouse [B] ;

2 000 euros à la société Peugeot Automobiles ;

Rejette la demande faite par la société GT Finance sur le fondement de ce même article.