CA Rennes, 3e ch. com., 2 avril 2024, n° 22/06862
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
7G (SAS)
Défendeur :
Agence Studio A (SARL), Goic & Associes (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Contamine
Conseillers :
Mme Clement, Mme Jeorger-Le Gac
Avocats :
Me Bourges, Me Kebe, Me Claeys
La société LE STUDIO A est une agence de marketing et de communication digitale.
La société 7G exerce une activité de conseil en gestion et financement des TPE/PME.
Souhaitant développer sa communication la société 7G s'est rapprochée de la société LE STUDIO A au cours du mois de juin 2019.
Une première réunion a eu lieu le 21 juin 2019 pendant laquelle la société 7G a présenté son activité et a fait part de ses attentes. La société LE STUDIO A a produit une approche le 24 juillet 2019.
Après de nouveaux échanges sur le projet, la société LE STUDIO A a présenté une première offre de prestation globale par courriel en date du 25 juillet 2019.
Le 6 août 2019, la société 7G a souhaité quelques modifications.
Après avoir obtenu un accord de financement la société 7G a informé la société LE STUDIO A, de son accord sur l'offre de prestations par courriel du 5 septembre 2019.
L'accord comprenait 3 volets :
- Un volet 'accompagnement stratégique et opérationnel en communication digitale';
- Un volet ' conception et développement site internet ';
- Un volet 'marketing digital opérationnel '.
Le coût des trois prestations était fixé à la somme totale de 20.000 euros HT (volet 1 : 5.000 euros HT ; volet 2 : 6.500 euros HT ; volet 3 : 8.500 euros HT) sur la première année puis à 13 500 euros HT par an pour les prestations de conseil.
Les parties ont signé la convention le 30 septembre 2019. Elle a pris effet le 1er octobre 2019, pour une durée initiale de 12 mois.
La société 7G a réceptionné le site internet le 20 octobre 2020 et a déclaré avoir reçu l'intégralité des fichiers sources du site ainsi qu'une copie de sauvegarde des données.
Les droits d'exploitation et d'utilisation du site internet ont été cédés le même jour à la société 7G.
Les parties ont clôturé leurs relations contractuelles, à l'issue d'une réunion de fin de projet du 17 mars 2021 la société LE STUDIO A estimant avoir exécuté ses prestations.
Le 24 mars 2021, la société LE STUDIO A a sollicité le paiement du solde des sommes qu'elle a estimé restant dues par la société 7G, soit une somme de 2.699,98 euros TTC.
Malgré plusieurs relances, la facture est restée impayée.
La société LE STUDIO A fait délivrer une sommation de payer à la société 7G le 18 juin 2021.
La société 7 G qui a répliqué que le contrat était nul en l'absence de notification préalable du droit de rétractation et que le site internet livré ne répondrait pas aux normes relatives à la réglementation européenne sur la protection des données personnelles. Elle a sollicité la restitution des sommes versées en exécution du contrat.
La société LE STUDIO A a contesté ces griefs .
La société 7G a assigné la société LE STUDIO A le 24 septembre 2021 devant le tribunal de commerce de Saint Brieuc en sollicitant la restitution de la somme de 16.941,57 euros TTC versée en exécution du contrat.
Par jugement du 24 octobre 2022, le tribunal a :
- Dit la société 7G mal fondée dans ses demandes au titre des dispositions protectrices du code de la consommation visées par l'article L.221-3 du code de la consommation ;
- Jugé que les dispositions relatives au droit de rétractation ne s'appliquent pas à cette affaire
- rejeté les demandes de la société 7G sur ce fondement ;
- Dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation des contrats établis entre les parties ;
- Débouté la société 7G de ses demandes au titre de l'annulation ou de la résolution des contrats ;
- Dit que la créance de 2.699,98 euros TTC détenue par la société LE STUDIO A, à l'encontre de la société 7G est liquide, réelle et exigible ;
-Condamné la société 7G à verser à la société LE STUDIO A la somme de 2699,98 euros TTC correspondant au solde restant dû au titre de la rémunération du contrat suivant facture du 24 mars 2021 ;
-Débouté la société 7G de sa demande de condamner la société LE STUDIO A à lui restituer la somme de 16.941,57 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation ;
-Dit que la société 7 G succombe pour l'essentiel dans cette affaire ;
- Condamné la société 7G à payer à la société LE STUDIO A la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société 7G aux entiers dépens ;
- Dit que l'exécution provisoire ne s'applique à la présente affaire ;
- Débouté les parties de leurs plus amples demande ou contraires aux dispositifs du présent jugement ;
- liquidé au titre des dépens les frais de greffe au titre du présent jugement à la somme de 69,59 euros TTC.
La société 7G a fait appel du jugement le 25 novembre 2022.
Suivant jugement du tribunal de commerce de Saint-Brieuc du 5 juillet 2023, la société LE STUDIO A a été placée en liquidation judiciaire, avec la désignation de la SELARL [M] - Goic Et Associés (Me [W] [M]), en qualité de liquidateur judiciaire.
Le liquidateur judiciaire a été mis en cause par assignation du 7 août 2023.
Il n'a pas constitué.
L'ordonnance de clôture est en date du 1er février 2024.
Par une note en délibéré du 15 mars 2024 la cour a invité les parties pour le 20 mars 2024 au plus tard à :
- produire la déclaration de créance de la société SAS 7G à l'égard de la société LE STUDIO A liquidée le 5 juillet 2023 ;
- en cas d'absence de déclaration de créance, faire toutes observations utiles sur les suites de la procédure.
Le 15 mars 2024 la société 7G a versé sa déclaration de créance pour un montant de 16 941,57 euros.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses écritures notifiées le 18 août 2023 la société 7 G demande à la cour au visa des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation, L. 242-1 du code de la consommation, 1130 et suivants du code civil, 1194 et suivants du code civil, 1178, 1128, 1163 du code civil, du Règlement général sur la protection des données personnelles, et des articles 226-16 et suivants du code pénal, de :
- Infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions et ce, dans la limite des chefs du jugement critiqués.
Statuer à nouveau.
A titre principal :
- Annuler le contrat litigieux ;
En conséquence,
- Infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions et dans les limites des chefs de jugement qui lui sont déférés,
Statuant à nouveau,
- Annuler le contrat litigieux pour les différents motifs invoqués,
- Constater la créance de restitution de la société 7G à l'encontre de la société LE STUDIO, à hauteur de 16.941,57 euros,
- Fixer au passif de la société LE STUDIO A, la somme de 16.941,57 euros due à la société 7G - Débouter la société LE STUDIO A et le liquidateur judiciaire de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de la société 7G.
Premier niveau de subsidiarité :
- Prononcer la résolution du contrat litigieux et ce, avec effet rétroactif à la date de sa conclusion,
En conséquence,
- Constater la créance de restitution de la société 7G à l'encontre de la société LE STUDIO, à hauteur de 16.941,57 euros,
- Fixer au passif de la société LE STUDIO A, la somme de 16.941,57 euros due à la société 7G
- Débouter la société LE STUDIO A et le liquidateur judiciaire de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de la société 7G ;
En tout état de cause :
- Condamner la société LE STUDIO A à désactiver le site internet sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15 ième jour suivant la signification de la décision à intervenir ;
- Condamner le liquidateur judiciaire de la société LE STUDIO A, ès qualité, à verser à la société 7G, la somme de 7200 euros au titre des frais d'avocat ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure depuis la première instance.
Dans ses écritures notifiées le 24 février 2023 la société LE STUDIO A demande à la cour au visa des articles L. 221-1, 221-3, 221-18, 221-28 du code de la consommation, 1103, 1104, 1128, 1162, 1172, 1178 1224, 1228, 1229, 1352, 1353, 1352-8 alinéa 1 du code civil, 82 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, de la délibération n° 2020-091 du 17 septembre 2020 portant adoption de lignes directrices relatives à l'application de l'article 82 de la loi du 6 janvier 1978 de :
- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
- Si la nullité était prononcée sur le fondement de l'article L. 242-1 du Code de la consommation,
- Juger que si la nullité était prononcée sur le fondement de l'article L. 242-1 du code de la consommation elle serait, en tout état de cause, limitée aux prestations « volet 1 : Accompagnement stratégique et opérationnel en communication digitale » et « volet 3 :
Marketing digital opérationnel », à l'exception du « volet n° 2 : conception et développement site internet » ;
- Juger que le volet n° 2 du contrat « conception et développement site internet» ne saurait être annulé ;
- Condamner la société 7G à restituer à la société LE STUDIO A, une somme de 13.500 euros HT (volet 1 : 5.000 € HT + volet 3 : 8.500 euros HT) au titre de la créance de restitution par équivalent pour les prestations « volet 1 : Accompagnement stratégique et opérationnel en communication digitale » et « volet 3 : Marketing digital opérationnel » elle ne peut pas demander ..;
-Si la nullité était prononcée sur le fondement de l'article 1162 du code civil - Juger que si la nullité était prononcée sur le fondement de l'article 1162 du code civil, elle serait, en tout état de cause, limitée à la prestation « volet n° 2 : conception et développement site internet », à l'exception des « volet 1: Accompagnement stratégique et opérationnel en communication digitale » et « volet 3 : Marketing digital opérationnel »
- Juger que les « volet 1 : Accompagnement stratégique et opérationnel en communication digitale » et « volet 3 : Marketing digital opérationnel », ne sauraient être annulés
- Condamner la société 7G à restituer à la société LE STUDIO A, une somme de 6.500 euros HT au titre de la créance de restitution par équivalent pour la prestation « volet n°2 : conception et développement site internet »
A titre infra-subsidiaire,
- Accorder sur le fondement de l'article 1228 du code civil, un délai de six mois à la société LE STUDIO A afin de mettre à jour l'extension « Complianz» du site internet de la société 7G et ce faisant, assurer la mise en conformité du site internet avec la réglementation relative à la protection des données personnelles.
A titre infiniment subsidiaire
- Condamner la société 7G à restituer par équivalent les prestations exécutées par la société LE STUDIO A dans l'hypothèse d'un anéantissement rétroactif et intégral du contrat
- Condamner la société 7G à restituer à la société LE STUDIO A, une somme de 20.000 euros au titre de la créance de restitution par équivalent pour les prestations « volet 1 : Accompagnement stratégique et opérationnel en communication digitale », « volet 2 :Conception et développement site internet » et « volet 3 : Marketing digital opérationnel » intégralement exécutées.
En tout état de cause :
- Ordonner la compensation des dettes et créances réciproques
- Condamner la société 7G à verser à la société LE STUDIO A la somme de 2.699,98 euros TTC correspondant au solde restant dû au titre de la rémunération du contrat suivant facture en date du 24 mars 2021 ;
- Condamner la société 7G à verser à la société LE STUDIO une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et d'appel ;
- Condamner la société 7G aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
Motivation
DISCUSSION
Le droit de rétractation
La société 7G estime que le contrat est nul en raison de l'absence de notification préalable de son droit de rétractation conformément aux dispositions du code de la consommation.
La société LE STUDIO A considère que les conditions d'application du code de la consommation ne sont pas réunies.
L'article L 221-3 du code de la consommation précise :
Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Pour que le professionnel bénéficie de ce droit de rétractation, les conditions mentionnées à l'article L. 221-3 du code de la consommation doivent être cumulativement remplies :
- le nombre de salariés employés par le professionnel doit être inférieur ou égal à 5 ;
- le contrat (dont le professionnel souhaite se rétracter) ne doit pas entrer dans le champ de son activité principale.
En l'espèce la société 7G verse une attestation de son expert-comptable qui indique qu'au 30 septembre 2019 elle n'employait qu'un apprenti (pièce 10).
Le détail de sa déclaration sociale de septembre 2019 le confirme (pièce 11).
La première condition est donc remplie.
L'extrait Kbis de la société 7G indique qu'elle est spécialisée dans la recherche et le développement, la conception de systèmes d'informations, le conseil en gestion et organisation d'entreprises, l'analyse financière et la gestion de base de données.
Elle a régularisé une convention tendant à développer sa communication autour de ses services.
Cette convention bien que régularisée entre deux sociétés commerciales pour les besoins de l'activité de la société 7G n'entre cependant pas dans le champ de son activité principale. Le conseil dans la gestion des entreprises se distingue de la conception de supports digitaux (site internet, réseaux sociaux, news letters) conçus pour améliorer ses actions de communication sur le web.
Cette condition n'est pas contestée par la société LE STUDIO A.
Les dispositions protectrices du code de la consommation supposent également que le contrat soit conclu hors établissement.
L'article L. 221-1 du code de la consommation applicable aux faits précise :
I. - Pour l'application du présent titre, sont considérés comme :
1° Contrat à distance : tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat ;
2° Contrat hors établissement : tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur
a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;
b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;
c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur ;
3° Support durable : pour l'application du chapitre Ier du présent titre, tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir s'y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l'identique des informations stockées ;
4° Contenu numérique : des données produites et fournies sous forme numérique.
II - Les dispositions du présent titre s'appliquent aux contrats portant sur la vente d'un ou plusieurs biens, au sens de l'article 528 du code civil, et au contrat en vertu duquel le professionnel fournit ou s'engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s'engage à en payer le prix. Le contrat ayant pour objet à la fois la fourniture de prestation de services et la livraison de biens est assimilé à un contrat de vente.
La société 7 G revendique l'application de l'article L. 221-1 I 2°a).
Les échanges entre les parties établissent que la société LE STUDIO A s'est déplacée dans les locaux de 7G à Cap Entreprises :
- le 24 juillet 2019 pour la présentation du plan ;
- le 26 septembre 2019 dans la cadre de la réunion de démarrage.
Cependant en l'espèce ce sont les dispositions de l'article L. 221-2° b) qui doivent s'appliquer puisque le contrat a été régularisé au moyen d'une technique de communication à distance comme les étapes ayant conduit à la régularisation de la convention le montrent.
Plusieurs réunions préparatoires ont eu lieu à compter du mois de juin 2019, la société LE STUDIO A présentant sa stratégie d'intervention en juillet 2019 (pièce 46 STUDIO A).
La société LE STUDIO A a émis une offre de prestation par courriel en date du 25 juillet 2019 accompagnée d'un devis et d'une proposition commerciale (pièce 3 et 47).
Faisant suite à la demande de la société 7G, elle lui a adressé deux devis le 8 août 2019 comprenant :
- une proposition commerciale référencée PRCL-038 et portant sur les missions 'Conception et développement site internet' et 'Marketing digital opérationnel' pour un coût global de 15.000 euros ;
- une proposition commerciale référencée PRCL-039 et portant sur la mission ' Accompagnement stratégique et opérationnel en communication digitale' pour un montant de 5.000 euros mentionnant qu'il s'agit d'un contrat de 12 mois à compter du 16 septembre 2019 selon un planning défini en annexe.
Ces deux propositions comportent le détail des prestations, leurs coûts unitaires et la durée d'exécution.
Par courriel en date du 5 septembre 2019, la société 7G a fait part de son accord définitif pour la conclusion du contrat :
Nous avons eu un accord de notre banque sur le financement de votre prestation, je vous confirme donc que nous allons travailler ensemble sur la base de vos devis.
Il convient maintenant d'organiser tout cela.
Ce courriel manifeste donc l'acceptation par la société 7G de l'offre de la société LE STUDIO A.
C'est bien à cette date que le contrat s'est formé par la voie électronique.
Le contrat signé le 30 septembre 2019 ne visait qu'a compléter les conditions générales d'exécution. Il reprend du reste mot pour mot le détail des prestations sur lesquelles la société 7G a manifesté son accord le 5 septembre 2019.
En revanche il ne peut être considéré que ce contrat a bien été régularisé hors établissement, la condition d'immédiateté visée au texte faisant défaut.
En effet à compter du mois de juin la société 7G a bénéficié de plusieurs semaines pour préciser ses attentes et analyser les propositions de la société LE STUDIO A. Elle a même profité de ce délai pour faire modifier la propostion commerciale avant de s'engager.
Le contrat hors établissement ne vise pas les situations dans lesquelles le professionnel et son client discutent aux fins d'affiner les prestations attendues, le contrat n'étant conclu que plus tard, au moyen de la communication à distance, sur la base de la proposition du prestataire.
Les conditions d'application de l'article L 221-1 du code de la consommation ne sont donc pas réunies et le contrat n'encourt aucune nullité sur ce moyen.
Le contenu du contrat
La société 7G considère que le contrat est nul pour indétermination de son contenu à défaut de cahier des charges.
L'article 1163 du code civil précise :
L'obligation a pour objet une prestation présente ou future.
Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable.
La prestation est déterminable lorsqu'elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu'un nouvel accord des parties soit nécessaire.
Le contrat du 30 septembre 2019 comporte un article 1
OBJET DU CONTRAT ET MISSIONS DU PRESTATAIRE
Le présent Contrat a pour objet les prestations de conseil et d'accompagnement stratégique et opérationnel en communication digitale, telles qua définie ci-dessous :
Volet 1 :Accompagnement stratégique et opérationnel en communication digitale
- Conseil en stratégie de communication/ stratégie de marque / stratégie de marketing digital
- Conseil en Direction Artistique pour supports Print I Web / Video
- Animation d'atelier UX I marketing
- Gestion de projet/Suivi / Analyse & Reporting
Volet 2 : Conception et développement site internet
- Elaboration du cahier des charges
- Réalisation des maquettes graphiques (templating)
- Intégration & développement pour le CMS Open Source Wordpress
- Paramétrage SEO de l'ensemble des pages du site
- Mise en conformité RGPD
- Configuration des outils de sécurité du site (SSL, irewall, sauvegardes automatisées de la base dedonnées)
- Webmastering pour une durée de 1 an
- (Hébergementnon-compris)
Volet 3 : Marketing digital opérationnel
-Définition et configuration sur le site des indicateurs clés de performance (KPI)
- Conception et rédaction des contenus pour le site intemet
- Création et paramétrage des comptes réseaux sociaux
- Conception et rédaction des publications social médias
- Analyse, ciblage et configuration opérationnelle des campagnes sponsorisées
- Social médias management sur les plateformes retenues.
Il reprend à l'identique les prestations visées dans les propositions commerciales transmises à 7 G le 8 août 2019.
Un cahier des charges permet au client d'exprimer ses besoins c'est à dire les caractéristiques fonctionnelles et techniques attendues de la solution informatique qu'il entend obtenir.
En l'espèce l'objet du contrat est clairement déterminé.
Les parties ont échangé avant de déterminer les contours de la mission de la société LE STUDIO A. La société 7G a pu lui livrer ses besoins et attentes. Il n'était donc pas utile qu'elles conviennent de la rédaction d'un cahier des charges.
La société 7G a réceptionné le site internet le 20 octobre 2020. Elle a ensuite profité des prestations de la société LE STUDIO A sans se plaindre jusqu'à la demande du paiement du solde des factures.
Le contrat ne peut donc encourir de nullité pour indétermination de son objet.
Les qualités essentielles du site
La société 7 G fait valoir que le site internet WWW.7-g.fr installé par LE STUDIO A comporte des cookies et collecte illégalement des données personnelles sans recueillir le consentement des internautes en contravention avec les dispositions de l'article 82 de la loi du 6janvier 1978 et du Règlement UE 20106/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD).
Elle considère qu'au regard des dispositions des articles 1132 et suivants du code civil le contrat est nul pour erreur sur une qualité essentielle du site internet.
L'article 82 de la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 dispose que ' Tout abonné ou utilisateur d'un service de communications électroniques doit être informé de manière claire et complète, sauf s'il l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant :
1° De la finalité de toute action tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations déjà stockées dans son équipement terminal de communications électroniques, ou à inscrire des informations dans cet équipement ;
2° Des moyens dont il dispose pour s'y opposer. Ces accès ou inscriptions ne peuvent avoir lieu qu'à condition que l'abonné ou la personne utilisatrice ait exprimé, après avoir reçu cette information, son consentement qui peut résulter de paramètres appropriés de son dispositif de connexion ou de tout autre dispositif placé sous son contrôle'.
Cet article impose le recueil du consentement avant toute action visant à stocker des informations ou à accéder à des informations stockées dans l'équipement d'un abonné ou d'un utilisateur (ordinateur, smartphone, tablette etc.)
Le consentement prévu par ces dispositions doit être conforme à la définition et aux conditions prévues du RGPD (réglement général sur la protection des donées). L'utilisateur doit toujours bénéficier d'un véritable choix. ll doit pouvoir avoir la possibilité d'accepter ou de refuser les cookies en fonction de la finalité des opérations qui seront effectuées au moyen des cookies. ll doit pouvoir accepter toutes les finalités ou seulement certaines d'entre-elles. Une mise à jour des sites Internet et applications (bandeau d'acceptation ou de refus des cookies, de tout ou partie des traitements effectués au moyen de ces cookies, panneau de configuration, modalités d'archivage du consentement) est donc indispensable.
La société 7G verse un constat d'huissier du 2 juillet 2021 qui établit que des cookies sont installés sur l'ordinateur de l'huissier (internaute qui visite le site) sans son consentement (pièce 17 7G).
Il indique en effet :
Je constate à mon arrivée la présence d'un bandeau relatif aux cookies. Il n'est possible que d'acquiescer totalement aux cookies ou d'acquiescer partiellement aux cookies pour les cookies fonctionnels uniquement. Je ne clique sur aucune des propositions et poursuit mes constatations sur le site internet en l'état. Je ne clique pas non plus dans l'immédiat sur En savoir plus.
Parmi ces cookies certains sont des cookies analytiques lesquels collectent des informations sur le comportement des visiteurs du site et les performances du site.
La société LE STUDIO A se défend de toute contravention en rappelant que les données collectées sont anonymisées.
Les hébergeurs de site web sont en effet amenés à utiliser des outils de mesure d'audience, entraînant le traitement de nombreuses données personnelles. Ces traitements sont soumis au RGPD et à la directive ePrivacy en matière de cookies (transposée dans la loi Informatique et Libertés).
La Délibération de la CNIL n° 2020-091 du 17 septembre 2020 portant adoption de lignes directrices relatives à l'application de l'article 82 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée aux opérations de lecture et écriture dans le terminal d'un utilisateur (notamment aux « cookies et autres traceurs ») et abrogeant la délibération n° 2019-093 du 4 juillet 2019 applicable au moment de la livraison du site internet précisait à l'époque s'agissant des traceurs de mesure d'audience, que :
La gestion d'un site web ou d'une application requiert presque systématiquement l'utilisation de statistiques de fréquentation et/ou de performance. Ces mesures sont dans de nombreux cas indispensables au bon fonctionnement du site ou de l'application et donc à la fourniture du service. En conséquence, la Commission considère que les traceurs dont la finalité se limite à la mesure de l'audience du site ou de l'application, pour répondre à différents besoins (mesure des performances, détection de problèmes de navigation, optimisation des performances techniques ou de l'ergonomie, estimation de la puissance des serveurs nécessaires, analyse des contenus consultés, etc.) sont strictement nécessaires au fonctionnement et aux opérations d'administration courante d'un site web ou d'une application et ne sont donc pas soumis, en application de l'article 82 de la loi « Informatique et Libertés », à l'obligation légale de recueil préalable du consentement de l'internaute.
Afin de se limiter à ce qui est strictement nécessaire à la fourniture du service, la Commission souligne que ces traceurs doivent avoir une finalité strictement limitée à la seule mesure de l'audience sur le site ou l'application pour le compte exclusif de l'éditeur. Ces traceurs ne doivent notamment pas permettre le suivi global de la navigation de la personne utilisant différentes applications ou naviguant sur différents sites web. De même, ces traceurs doivent uniquement servir à produire des données statistiques anonymes, et les données à caractère personnel collectées ne peuvent être recoupées avec d'autres traitements ni transmises à des tiers, ces différentes opérations n'étant pas non plus nécessaires au fonctionnement du service.
Plus généralement, la Commission rappelle que les traitements de mesure d'audience sont des traitements de données à caractère personnel qui sont soumis à l'ensemble des dispositions pertinentes du RGPD.
La société LE STUDIO A devait donc livrer un site évitant le suivi de la navigation de l'internaute.
Pour le démontrer elle verse en pièce 48 le justificatif de l'anonymisation des cookies analytiques sur le site 7G par Google.
Ce document de 2022 montre en effet :
Fonctionnalité de publicité
Activer les rapports de données démographiques et les centre d'intérêt : DESACT (désactivé)
Analyse des pages Web
Utiliser l'attribution améliorée des liens : DESACT (désactivé)
Analyse des utilisateurs
Activer la métrique Utilisateurs dans les rapports : ACTIVE
Ce document peu exploitable, ne permet pas d'assurer l'anonymisation de l'utilisateur.
En revanche le constat d'huissier du 2 juillet 2021 démontre que la navigation sur le site permet un renvoi à la politique de gestion des cookies qui précise qu'elle a été mise à jour le 22 mai 2020.
Elle indique s'agissant des cookies analytiques que les statistiques sont suivies de façon anonyme et qu'aucune permission n'est demandée pour placer des cookies analytiques.
Elle renvoie également à la politique du consentement, aux droits de l'internaute concernant les données personnelles ainsi que les procédés pour activer/désactiver les cookies (page 30 et 31 du constat)
A l'époque de la livraison du site le 20 octobre 2020 la société 7G ne démontre pas que la société LE STUDIO A ne respectait pas la réglementation relative aux cookies. Elle ne verse pas non plus de griefs à ce sujet avant la fin des relations contractuelles en mars 2021.
Les informations tirées de la navigation par l'huissier le 2 juillet 2021 ne sont pas suffisantes pour établir le contraire puisqu'elles sont postérieures à la cession des droits d'auteur de la société LE STUDIO A sur le site à la société 7G du 20 octobre 2020.
A compter de cette date la société 7G était responsable de la mise à jour du site. C'est bien ce que signale le contrat régularisé avec LE STUDIO A qui prévoit que les prestations de WEBmastering ne seront assurées par cette dernière que pour un an à compter du 1er octobre 2019 soit jusqu'au 1er octobre 2020.
La société 7G reproche à la société LE STUDIO A de ne pas l'avoir informée de la nécessité de mettre à jour le site.
Pour autant hébergeur du site elle avait connaissance de l'existence d'une politique de gestion des cookies à propos de laquelle il est indiqué sur le site lui même, qu'elle est mise à jour. Il lui appartenait donc de s'assurer de ces mises à jour. Son activité de conseils en gestion des entreprises la portait à cette vigilance.
En tout état de cause la société 7G ne démontre pas que sa responsabilité aurait été engagée en raison de contraventions aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 et que l'absence de respect de son obligation d'information par la société LE STUDIO A lui aurait fait perdre une chance d'éviter la mise en cause de sa responsabilité.
La société 7G n'établit pas que le contrat encourt la nullité pour erreur sur les qualités essentielles du site internet.
La délivrance d'un produit complexe
La société 7G reproche à la société LE STUDIO A de n'avoir pas respecté les obligations découlant de la livraison d'un produit complexe (site internet) le site n'ayant jamais été référencé.
Cette affirmation n'est pas exacte.
La société LE STUDIO A communique en pièce 55 une analyse GoogleLightHouse ( outil de mesure de la satisfaction des utilisateurs) du site internet de la société 7G, lui attribuant différents scores et notamment un score de 100 au SEO (Search Engine Optimization suivi des conseils de base concernant le référencement naturel)
Il est donc établi que le site a fait l'objet d'un référencement.
La société 7G ne démontre aucun des manquements qu'elle reproche à la société LE STUDIO A.
La désactivation du site
La société LE STUDIO A ne peut désactiver un site dont elle ne possède plus les droits d'auteur et ce d'autant que liquidée elle n'a plus les moyens de le faire.
La société 7G est déboutée de toutes ses demandes.
Le jugement est confirmé.
Les demandes de la société LE STUDIO A
La société LE STUDIO A a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugment du 5 juillet 2023.
Le mandataire n'a pas constitué. La société LE STUDIO A est donc irrecevable à présenter des demandes devant la cour.
Toutes ses demandes doivent être rejetées.
Les demandes annexes
Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société 7G est condamnée aux dépens d'appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour ,
- Confirme le jugement.
Y ajoutant :
-Rejette toutes les demandes des parties ;
- Condamne la société 7G aux dépens d'appel.