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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 4 avril 2024, n° 23/00132

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

LMG Exploitation (SAS)

Défendeur :

Pierre et Pierre Immobilier (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meurant

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, M. Dusausoy

Avocats :

Me Dontot, Me Diagne, Me Hongre-Boyeldieu, Me Deshayes

TJ Nanterre, du 03 janv. 2022, n° 21/047…

3 janvier 2022

EXPOSÉ DES FAITS

Par acte authentique du 29 juillet 2010, la SCI Pierre et Pierre Immobilier a donné à bail commercial, pour une durée de 9 ans, à la société LMG Exploitation divers locaux dépendant d'un immeuble sis [Adresse 1] (92), moyennant un loyer annuel de 90.000 € HT et HC.

Par avenant du 13 janvier 2014, les parties ont ramené le montant du loyer, à compter du 1er octobre 2013, à la somme de 40.000 € HT et HC par an.

Par acte du 27 avril 2018, la société LMG Exploitation a fait assigner la SCI Pierre et Pierre Immobilier devant le tribunal judiciaire de Nanterre afin de voir fixer le montant du loyer révisé, celui du dépôt de garantie et des appels de charges.

Par jugement du 14 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- Condamné la SCI Pierre et Pierre Immobilier à restituer à la société LMG Exploitation les loyers indûment perçus au titre de la " révision " à compter du 1er octobre 2016, en deniers ou quittances ;

- Débouté la société LMG Exploitation de sa demande de remboursement de la somme de 6.941,11 € au titre des provisions sur charges versées ;

- Débouté la SCI Pierre et Pierre Immobilier de sa demande de paiement de la somme de 4.129,16 € au titre de l'avoir consenti par la gestionnaire ;

- Débouté la société LMG Exploitation de sa demande de remboursement de la somme de 1.869 € au titre des taxes foncières des années 2013 à 2016 ;

- Débouté la société LMG Exploitation de sa demande tendant à être autorisée à surseoir au paiement des provisions de charges exigibles jusqu'à la parfaite justification des charges locatives des années 2010 à 2017 ;

- Condamné la société LMG Exploitation à payer à la SCI Pierre et Pierre Immobilier les sommes de :

- 1.062 € au titre de la taxe foncière 2017,

- 1.057 € au titre de la taxe foncière 2018 ;

outre majoration de 10 % de ces sommes dues conformément au contrat, et intérêt au taux légal à compter du jugement ;

- Dit et jugé que le dépôt de garantie détenu par la SCI Pierre et Pierre Immobilier sera productif d'intérêts sur la somme de 13.333,32 €, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, et ce, à compter du 27 avril 2016 ;

- Déclaré la demande tendant à se voir reconnaître un droit à la production d'intérêt sur la somme de 13.333,32 €, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres prescrite pour la période antérieure au 27 avril 2016 ;

- Débouté la SCI Pierre et Pierre Immobilier de sa demande reconventionelle à caractère indemnitaire :

- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

- Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties ;

- Ordonné l'exécution provisoire.

Par acte extrajudiciaire du 27 septembre 2019, la société LMG Exploitation a sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2019 moyennant le loyer annuel de 23.000 € HT et HC.

Par acte extrajudiciaire du 17 décembre 2019, la SCI Pierre et Pierre Immobilier a accepté le principe de renouvellement du bail moyennant un loyer porté à 42.500 € annuel HT et HC.

Par acte du 21 mai 2021, la société LMG Exploitation a fait assigner la SCI Pierre et Pierre Immobilier devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nanterre afin de voir fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 23.000 € HT et HC à compter du 1er octobre 2019 et subsidiairement, voir ordonner une expertise.

Par jugement du 3 janvier 2022, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- Constaté le renouvellement du bail entre la société LMG Exploitation et la SCI Pierre et Pierre Immobilier portant sur des locaux situés [Adresse 1] (92) à compter du 1er octobre 2019 ;

- Débouté la SCI Pierre et Pierre Immobilier de sa fin de non recevoir ;

- Débouté la société LMG Exploitation de toutes ses demandes en ce compris la demande d'expertise avant dire droit ;

- Fixé le loyer du bail renouvelé à 42.500 € HT par an ;

- Dit que la différence entre ce loyer et les sommes effectivement acquittées par la société LMG Exploitation porteront intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2019 ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts ;

- Condamné la société LMG Exploitation à payer à la SCI Pierre et Pierre Immobilier la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- Ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 25 janvier 2022, la société LMG Exploitation a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance d'incident du 17 novembre 2022, le conseiller de la mise en état :

- S'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d'expertise formulée par la société LMG Exploitation ;

- A prononcé la radiation de l'appel formé par la société LMG Exploitation à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 3 janvier 2022 ;

- A Condamné la société LMG Exploitation aux dépens de l'incident, dont distraction au profit de Me Patrice Amiel ;

- A Condamné la société LMG Exploitation à payer à la SCI Pierre et Pierre Immobilier la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LMG Exploitation ayant exécuté le jugement, l'affaire a été réinscrite le 6 janvier 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 septembre 2023, la société LMG Exploitation demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du juge des loyers du tribunal judiciaire de Nanterre du 3 janvier 2022, en ce qu'il :

- Déboute la société LMG Exploitation de toutes ses demandes en ce compris la demande d'expertise avant dire droit ;

- Fixe le loyer du bail renouvelé à 42.500 € HT par an ;

- Dit que la différence entre ce loyer et les sommes effectivement acquittées par la société LMG Exploitation porteront intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2019 ;

- Ordonne la capitalisation des intérêts ;

- Condamne la société LMG Exploitation à payer à la SCI Pierre et Pierre Immobilier la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Rejette toute demande plus ample ou contraire ;

Statuant à nouveau,

- Rejeter la fin de non-recevoir invoquée par la société Pierre et Pierre Immobilier ;

- Fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2019 à la somme annuelle de 28.329€ HT, correspondant à la valeur locative, inférieure au loyer plafond d'un montant de 43.908,46€ HT par an ;

Et subsidiairement,

- Ordonner, avant dire droit, une mesure d'instruction sur le loyer du bail renouvelé, en application de l'article R.145-30 du code de commerce ;

- Fixer le loyer provisionnel à la somme annuelle de 28.329 € HT dans l'attente de la fixation définitive du loyer par la cour ;

En tout état de cause,

- Débouter la société Pierre et Pierre Immobilier de toutes ses demandes contraires ou plus amples ;

- Condamner la société Pierre et Pierre Immobilier à payer à la société LMG Exploitation la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Pierre et Pierre Immobilier en tous les dépens, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 août 2023, la société Pierre et Pierre Immobilier demande à la cour de :

- Recevoir la SCI Pierre et Pierre Immobilier en son appel incident et y faire droit ;

A titre principal,

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Pierre et Pierre Immobilier ;

Statuant à nouveau,

- Déclarer la société LMG Exploitation irrecevable en son action devant le juge des loyers commerciaux ;

À titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

À titre infiniment subsidiaire,

- Fixer le loyer provisoire à somme de 42.500 € hors taxes et hors charges par an ;

En toute hypothèse,

- Condamner la société LMG Exploitation à verser à la SCI Pierre et Pierre Immobilier la somme de 12.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, qui viendront s'ajouter aux condamnations prononcées en première instance et à celles prononcées par Mme le conseiller de la mise en état.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

La bailleresse fait valoir qu'en application de l'article R.145-23 alinéa 2 du code de commerce, le champ de compétence du tribunal judiciaire s'étend aux demandes en fixation du loyer dès lors qu'il est saisi, à titre principal, d'une autre contestation relative au bail. Elle explique que l'instance introduite en 2018 concernant les clauses du bail et la fixation du prix du bail à compter du 1er octobre 2016 était en cours lorsque le bail a été renouvelé, de sorte qu'il appartenait à la locataire de présenter sa demande de fixation du prix du bail renouvelé au tribunal judiciaire. La SCI Pierre et Pierre Immobilier conclut donc à l'irrecevabilité de l'action de la société LMG Exploitation à défaut d'intérêt à agir.

La bailleresse ajoute que le jugement du 14 juin 2021 a tranché la contestation relative au montant du loyer, de sorte qu'en application du principe de concentration des moyens, la demande est également irrecevable. Elle dénonce les intentions dilatoires et le comportement déloyal de la locataire.

La société LMG Exploitation répond que le tribunal judiciaire n'a jamais été saisi d'une demande de fixation du loyer du bail renouvelé mais du loyer du bail révisé. Elle soutient avoir un intérêt à agir quant à la fixation du prix du bail renouvelé. Elle conteste toute intention dilatoire. Elle conclut donc à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir.

*****

L'article R.145-23 du code de commerce dispose que : " Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.

Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.

La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble ".

Ces dispositions confèrent compétence exclusive au juge des loyers commerciaux pour connaître des contestations relatives à la fixation du prix du bail. Cette compétence est d'ordre public.

Si l'alinéa 2 du texte précité permet au tribunal judiciaire de connaître d'une contestation relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé lorsqu'il en est saisi accessoirement à une autre demande, encore faut-il qu'il soit saisi d'une telle demande. Or, en l'espèce, dans le cadre de l'instance introduite par la société LMG Exploitation par assignation du 27 avril 2018, le tribunal judiciaire de Nanterre n'était pas saisi d'une demande de fixation du loyer du bail renouvelé puisque la demande était limitée à la fixation du montant du loyer révisé, comme accessoire d'une contestation relative aux conditions d'application de la clause d'indexation.

La bailleresse soutient que la locataire avait l'obligation de présenter sa demande de fixation du prix du bail renouvelé au tribunal, dès lors que l'instance introduite par assignation du 27 avril 2018 était toujours en cours à la date de saisine du juge des loyers commerciaux. Toutefois, comme l'a pertinemment relevé le premier juge, une telle obligation ne ressort pas des dispositions de l'article R.145-23 précité, qui n'octroie au tribunal qu'une possibilité de déroger à la compétence exclusive et d'ordre public du juge des loyers commerciaux pour statuer sur une demande de fixation du prix du bail.

Enfin, l'article 1355 du code civil énonce que : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement.

Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ".

Comme l'a justement considéré le premier juge, le principe de concentration des moyens ne peut trouver application en l'espèce, dès lors que l'objet de la demande portée devant le tribunal était distinct de celui dont la société LMG Exploitation a saisi le juge des loyers commerciaux. S'il s'agissait dans les deux cas de fixer le montant du loyer, il incombait au tribunal, après avoir tranché la contestation relative à l'application de la clause d'indexation, d'en tirer les conséquences quant au montant du loyer révisé, alors que le juge des loyers commerciaux s'est prononcé sur le montant du loyer de renouvellement.

Enfin, la saisine du juge des loyers commerciaux par la société LMG Exploitation n'apparaît ni tardive, ni dilatoire et la locataire justifie d'un intérêt évident à voir fixer le prix du bail renouvelé.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir.

Sur la fixation du loyer du bail renouvelé

La société LMG Exploitation reproche au juge des loyers d'avoir méconnu le régime de fixation du loyer du bail renouvelé qui est déterminé par les articles L.145-33 et L.145-34 du code de commerce. Elle soutient que la valeur locative est inférieure au loyer plafond et qu'elle doit donc être retenue comme étant le loyer du bail renouvelé. L'appelante indique que le loyer plafond s'élève à la somme de 43.908,46 € ; que le jugement n'a donc pas, contrairement à ce qu'il affirme, fixé le loyer sur la base du loyer résultant de l'application des indices, de sorte qu'il doit être réformé. La société LMG Exploitation, au regard des rapports d'expertise amiables établis par M. [S] et M. [V], soutient que la valeur locative s'établit à la somme de 30.932 €, qui doit être affectée d'un abattement de 5 % au regard de la clause d'accession sans indemnité en fin de bail et de l'impôt foncier transféré au preneur. Subsidiairement, elle sollicite une mesure d'expertise.

La SCI Pierre et Pierre Immobilier critique les rapports d'expertise dont se prévaut l'appelante. Elle soutient que le loyer plafond s'élève à la somme de 42.629,29 €, de sorte que le loyer du bail renouvelé fixé par le premier juge à la somme de 42.500 € est inférieur au loyer plafond. La bailleresse s'oppose à la mesure d'instruction sollicitée par la locataire. Elle se prévaut du rapport d'expertise amiable de M. [B] et soutient qu'il est corroboré par les pièces produites par la locataire, notamment le rapport de M. [S]. Elle conclut donc à la confirmation du jugement ayant fixé le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 42.500 €. Subsidiairement, si une mesure d'expertise était ordonnée, elle s'oppose à la fixation du loyer provisoire à la somme de 28.329 € sollicitée par la locataire en indiquant qu'elle est injustifiée et largement inférieure aux conclusions de l'expert de la locataire. Elle demande donc de fixer ce loyer à la somme de 42.500 €.

*****

L'article L.145-33 du code de commerce dispose que :

" Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;

2 La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ;

5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments ".

Par ailleurs, l'article L.145-34 du même code énonce que : " A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L.112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.

En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.

Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.

En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ".

Si les parties ne s'accordent pas sur le montant du loyer plafond que la locataire évalue à la somme de 43.908 € tandis que la bailleresse l'estime à la somme de 42.629,29 €, cette discussion est sans objet, dès lors que le premier juge a fixé le montant du loyer renouvelé à la somme de 42.500 €, inférieure au loyer plafond, conformément aux dispositions de l'article L.145-34 précité. S'il a précisé, de manière erronée, que cette somme résulte de l'application de l'indice des loyers commerciaux, ce seul élément n'est pas de nature à justifier l'infirmation du jugement.

Les parties produisent, au total, cinq rapports d'expertise amiable :

- un premier rapport de M. [S] du 20 septembre 2013,

- un second rapport de M. [S] du 1er octobre 2019,

- un rapport de M. [B] du 23 décembre 2020,

- un premier rapport de M. [V] du 23 février 2022,

- un second rapport de M. [V] du 4 avril 2023.

A la lumière de ces différents rapports, la cour s'estime suffisamment éclairée pour fixer le montant de la valeur locative sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise.

Il ressort du rapport établi par le cabinet de Quenetain, géomètre-expert, du 11 septembre 2013 et des rapports d'expertise précités, que la surface utile totale des locaux loués s'établit à 126,10 m², décomposée comme suit :

- Zone 1 :

espace de vente : 45,65 m²

- Zone 2 :

salle de restauration : 12,45 m²

cuisine : 13,65 m²

- Zone 3 :

Sanitaires / vestiaires : 8,80 m²

Locaux techniques : 2,50 m²

Dégagements : 4,55 m²

Sous-sol (laboratoire de pâtisserie et chambre froide) : 38,50 m².

Au regard des règles de pondération issues de la 5ème édition de la Charte de l'expertise et des rapports d'expertise susvisés, la surface pondérée des locaux en cause s'établit à 78,5 m²p, décomposée comme suit :

- Zone 1 :

espace de vente : 45,65 m² x 1 = 45,65 m²p,

- Zone 2 :

salle de restauration : 12,45 m² x 0,8 = 9,96 m²p

cuisine : 13,65 m² x 0,5 = 6,82 m²p

- Zone 3 :

Sanitaires / vestiaires : 8,80 m² x 0,5 = 4,40 m²p,

Locaux techniques : 2,50 m² x 0,3 = 0,75 m²p,

Dégagements : 4,55 m² x 0,3 = 1,36 m²p

Sous-sol (laboratoire de pâtisserie et chambre froide) : 38,50 m² x 0,25 = 9,62 m²p.

Il ressort encore des rapports d'expertise produits par les parties que les locaux sont situés au rez-de-chaussée d'un immeuble à usage d'habitation de bonne facture comportant 6 étages, sur le [Adresse 4] à [Localité 3], qui est une voie à forte circulation automobile à double sens permettant le stationnement de chaque côté. La zone est essentiellement occupée par des immeubles à usage de bureaux, ce qui n'apparaît toutefois pas défavorable à l'activité exploitée par la société LMG Exploitation de boulangerie, pâtisserie et petite restauration. M. [S] précise en page 10 de son rapport du 1er octobre 2019 que la locataire a aménagé une salle de restaurant située en second jour, dont la locataire indique, en réponse à un avis d'un client sur Google (pièce n°32 de l'intimée), qu'elle peut accueillir 32 convives. M. [B] a par ailleurs relevé que la locataire bénéficie d'un " droit de terrasse sur le domaine public " d'environ 30 places. Les photographies jointes aux rapports d'expertise permettent de confirmer l'existence de cette terrasse, qui certes améliore la visibilité du commerce, mais ne figure pas au bail, n'est exploitable qu'aux beaux jours et donne directement sur le boulevard à forte circulation. Comme le soutient la bailleresse, l'Ecole de formation du Barreau de [Localité 5] est située à proximité et M. [V] précise qu'une résidence étudiante est implantée sur le même trottoir, alors que l'offre de restauration est limitée dans le secteur à un restaurant classique, deux petits établissements de restauration rapide dans le même immeuble que les locaux loués et un restaurant japonais, ce qui est favorable à l'activité de la société LMG Exploitation. Si l'appelante a fait le choix de fermer son commerce le week-end et à 15 heures en semaine, alors qu'elle est installée au pied d'un immeuble d'habitation, cette décision de gestion de la locataire ne peut avoir d'effet sur la valeur locative. Les locaux sont situés à environ 500 mètres de stations de RER et de tramway. Les photographies jointes aux rapports d'expertise permettent de constater que les locaux sont en bon état d'entretien.

Les experts ont relevé que le bail comporte obligation pour la locataire de prendre en charge les gros travaux de l'article 606 du code civil et la taxe foncière. Néanmoins, à compter du renouvellement, les travaux relevant de l'article 606 du code civil ne peuvent plus être récupérés en application de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, dite loi Pinel, de sorte qu'il n'y a pas lieu à abattement de ce chef. Si le bail fait obligation au preneur d'assumer les travaux de mise aux normes, la locataire ne sollicite pas d'abattement de ce chef. La récupération de la taxe foncière est susceptible de justifier un abattement. La société LMG Exploitation sollicite un abattement au réel d'un montant de 1.057 €. Toutefois, elle ne communique pas de justificatif de cette somme, de sorte que sa demande ne peut aboutir. Par ailleurs, aux termes du bail, les travaux et améliorations réalisés par le preneur deviennent la propriété du bailleur " à la fin de la jouissance " sans indemnité. M. [V] souligne en page 11 de son rapport que la locataire a réalisé d'importants travaux dans le fonds. Toutefois, il ressort du bail conclu par les parties le 29 juillet 2010 que la bailleresse a consenti une franchise de loyer d'un montant de 22.500 € et la société LMG Exploitation ne conteste pas les dires du bailleur suivant lesquels cette franchise a été accordée du fait des travaux d'aménagement du local, contribuant ainsi à leur financement. L'appelante ne justifiant pas de la réalisation de travaux excédant cette somme, il n'y a pas lieu à abattement de loyer de ce chef. Si la société LMG Exploitation évoque encore le remboursement des charges de copropriété, le jugement précité du 14 juin 2021 l'a limité aux seules charges locatives issues du décret n°87-713 du 26 août 1987 et applicable aux baux d'habitation.

Enfin, s'agissant des prix pratiqués dans le voisinage, la cour constate que les références invoquées par la locataire sont très anciennes, tandis que celles citées par les experts, pour la majorité d'entre elles, ne correspondent pas à la situation de l'espèce, dès lors que l'activité exploitée, la surface, la date du bail, celle de son renouvellement, sa durée ou l'environnement des locaux loués sont très différents.

Néanmoins, il doit être rappelé que par avenant du 13 janvier 2014, les parties ont convenu de fixer le montant du loyer annuel à la somme de 40.000 € HT et HC en précisant que " ce loyer correspond à la valeur locative " à la date du 1er octobre 2013.

Si la société LMG Exploitation sollicite la fixation du loyer de renouvellement à la somme de 28.329 € HT en évoquant un " état du marché locatif des boutiques qui s'inscrit à la baisse depuis la prise d'effet du bail ", elle ne justifie d'aucun élément justifiant une baisse de près de 30 % du montant du loyer en l'espace de 5 ans. M. [S] et M. [V], dans leur dernier rapport respectivement actualisé au 1er octobre 2019 et au 4 avril 2023, retiennent une valeur locative de 32.800 € HT et HC pour le premier et de 28.600 € HT et HC pour le second, représentant ainsi une baisse de la valeur locative par rapport à janvier 2014 de près de 20 % pour le premier et de près de 30 % pour le second. M. [S] ne fournit aucune explication à cette diminution, tandis que le recours au télétravail évoqué par M. [V] ne s'est développé qu'à l'occasion de la pandémie de Covid-19 qui est postérieure à la date de renouvellement du bail. La cour constate que trois des quatre références de comparaison que M. [S] a jugé les plus pertinentes sont évaluées à une somme excédant 570 €/m²p/an. Les références s'approchant le plus du bail en cause se rapportent à des baux respectivement datés et renouvelés en janvier 2015 et novembre 2018 et portent sur des locaux de 133,5 m²p et 208 m²p, dans lesquels une activité de restauration rapide et traditionnelle est exploitée moyennant un loyer de 588 et 574 €/m²p/an. Néanmoins, les surfaces sont très supérieures à celle des locaux en cause et il ressort des explications fournies par M. [V] en page 21 de son rapport que ces deux références sont situées dans des zones présentant une meilleure commercialité, soit en centre-ville et dans la zone " gare RER et centre commercial ".

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de retenir la somme de 545 €/m²p/an, soit, compte tenu de la surface pondérée, un loyer de renouvellement arrondi à la somme de 42.500€ HT et HC. Le jugement sera par conséquent confirmé sur ce point et en ce qu'il a dit que la différence entre ce loyer et les sommes effectivement acquittées par la société LMG Exploitation porteront intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2019, avec capitalisation.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au regard de la solution du litige, le jugement déféré sera confirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles. La société LMG Exploitation, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Condamne la société LMG Exploitation aux dépens d'appel ;

Condamne la société LMG Exploitation à payer à la SCI Pierre et Pierre Immobilier la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.