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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 4 avril 2024, n° 21/20197

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SCI Pardes Patrimoine (SCI)

Défendeur :

Cremy Moda (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Cohen, Me Fage, Me Pineau-Braudel

TJ Bobigny, ch. 5 sect. 3, du 10 nov. 20…

10 novembre 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 09 juillet 2004, la SCI Aubervilliers, aux droits de laquelle vient la SCI Pardes Patrimoine, a donné à bail à la société Gadgets 21 des locaux situés [Adresse 2]), lot n° F2, d'une surface d'environ 130 m², pour une durée de 9 années à compter du 1er septembre 2004, et contre paiement d'un loyer de 54.900 euros hors charges et hors taxes par an, en vue d'y exercer « tous commerces à l'exclusion de toutes activités de restauration, traiteur, plats à emporter, activités réglementées ou illicites, activité de sex-shop, peep show, activités pornographiques ou portant atteinte aux bonnes m'urs ».

La société Gadgets 21 a cédé son bail à la société Victoria shoes.

Par acte du 31 mars 2008, la société Victoria shoes a cédé son fonds de commerce à M. [U] [T], en son compte et celui de la SARL Cremy Moda en cours de formation.

La SCI Pardes Patrimoine a donné congé à la SARL Cremy Moda par acte d'huissier signifié le 28 juin 2013, avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction à effet du 31 décembre 2013.

Par acte en date du 10 avril 2014, la SARL Cremy Moda a fait assigner la bailleresse devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de voir fixer une indemnité d'éviction de 2.842.902 €.

Par jugement du 04 mars 2015, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise pour déterminer le montant de l'indemnité d'éviction, nommant Monsieur [S] [W] en qualité d'expert.

Par ordonnance du 26 octobre 2016, le juge de la mise en état a désigné en remplacement de Monsieur [S] [W] empêché, Monsieur [X] [K].

Le rapport d'expertise a été déposé le 23 juillet 2020.

Par jugement du 10 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- déclaré la demande de péremption d'instance formée par la SCI Pardes Patrimoine recevable ;

- débouté la SCI Pardes Patrimoine de sa demande relative à la péremption de l'instance ;

- condamné la SCI Pardes Patrimoine à verser à la SARL Cremy Moda la somme de 188.926 € au titre de l'indemnité d'éviction se décomposant comme suit :

* 178.780 € au titre de l'indemnité principale,

* 10.146 € au titre des indemnités accessoires :

* 7.146 € au titre du trouble commercial,

* 3.000 € au titre des frais juridiques liés aux formalités de changement de siège social,

- condamné la SCI Pardes Patrimoine à verser à la SARL Cremy Moda la somme 140.244,86 € correspondant au trop versé au titre de l'indemnité d'occupation ;

- condamné la SCI Pardes Patrimoine à verser à la SARL Cremy Moda la somme 2.189,83 € correspondant à la différence entre le dépôt de garantie conservée par la SCI Pardes Patrimoine et les sommes dues par le preneur au titre des réparations locatives ;

- débouté la SCI Pardes Patrimoine de ses demandes au titre de la remise en l'état primitif des locaux ;

- condamné la SCI Pardes Patrimoine à payer à la SARL Cremy Moda la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI Pardes Patrimoine aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 19 novembre 2021, la SCI Pardes Patrimoine a interjeté appel partiel du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes et l'a condamnée au paiement des indemnités d'éviction et d'occupation.

Par conclusions déposées le 10 mai 2022, la SARL Cremy Moda a interjeté appel incident partiel du jugement des chefs de l'indemnité d'éviction et indemnité accessoires, ainsi que des travaux de remise en l'état, frais de licenciement et dépôt de garantie.

Par ordonnance du 27 mars 2023, le conseiller de la mise en état a débouté la SARL Cremy Moda de sa demande de radiation du rôle de l'affaire, ordonné la consignation de la somme de 192.303,13 € due par la SCI Pardes Patrimoine à la SARL Cremy Moda sur un compte ouvert auprès de la caisse des règlements pécuniaires des avocats du barreau de Paris, et désigné Madame le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris en qualité de séquestre.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 décembre 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 08 février 2023, par lesquelles la SCI Pardes Patrimoine, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il l'a condamnée à verser à la SARL Cremy Moda la somme de 188.926 € au titre de l'indemnité d'éviction se décomposant comme suit :

* 178.780 € au titre de l'indemnité principale,

* 10.146 € au titre des indemnités accessoires,

* 7.146 € au titre du trouble commercial,

* 3.000 € au titre des frais juridiques liés aux formalités de changement de siège ;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a condamné la SCI Pardes patrimoine à verser à la SARL Cremy Moda la somme de 144.244,86 € correspondant au trop versé au titre de l'indemnité d'occupation ;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a débouté la SCI Pardes patrimoine de ses demandes au titre de la remise en l'état primitif des locaux ;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a condamné la SCI Pardes patrimoine à payer à la SARL Cremy Moda la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ;

Statuant à nouveau

A titre principal,

- fixer le montant de l'indemnité d'éviction en principal à la somme de 20.155 €, et à titre subsidiaire à la somme de 109.430 € ;

- juger qu'aucun trouble commercial ne peut être invoqué par la SARL Cremy Moda et donc être susceptible d'une quelconque indemnisation, cette dernière ayant cessé toute activité ;

- juger qu'aucun frais juridique lié aux formalités de changement social de la SARL Cremy Moda du fait de sa cessation d'activités ;

- constater que la SARL Cremy Moda est prescrite du chef de ses demandes formulées au titre de l'indemnité d'occupation ;

- débouter la SARL Cremy Moda de ses demandes formulées au titre de l'indemnité d'occupation ;

- condamner la SARL Cremy Moda au paiement des travaux de remise en état de la mezzanine et de l'escalier s'élevant à la somme de 56.388 € ;

En conséquence et à titre reconventionnel,

- condamner la SARL Cremy Moda au remboursement à la SCI Pardes Patrimoine des sommes indûment perçues en exécution du jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 10 novembre 2021 tant au titre de l'indemnité d'éviction qu'au titre de l'indemnité d'occupation ;

- condamner la SARL Cremy Moda à payer à la SCI Pardes Patrimoine la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL Cremy Moda aux entiers dépens.

Vu les conclusions déposées le 10 mai 2022, par lesquelles la SARL Cremy Moda, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

- la juger recevable et bien fondée en ses conclusions et ses demandes ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 10 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la SCI Pardes Patrimoine à verser à la SARL Cremy Moda la somme de 140.244,86 € correspondant au trop versé au titre de l'indemnité d'occupation ;

Subsidiairement,

- l'infirmer et fixer cette condamnation à la somme de 354.084,86 € si la demande de paiement d'une indemnité d'occupation était prescrite ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant des indemnités accessoires dues par la SCI Pardes Patrimoine à la SARL Cremy Moda à :

* 7.146 € pour le trouble commercial,

* 3.000€ pour les frais juridiques liés aux formalités de changement de siège social,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI Pardes Patrimoine à payer à la SARL Cremy Moda la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ceux compris les frais de l'expertise judiciaire ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Pardes Patrimoine de ses demandes au titre de la remise en état primitif des locaux ;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a :

* condamné la SCI Pardes Patrimoine à verser à la SARL Cremy Moda la somme de 188.926 € au titre de l'indemnité d'éviction se décomposant comme suit :

- 178.780 € au titre de l'indemnité principale,

- 10.146 € au titre des indemnités accessoires :

- 7.146 € au titre du trouble commercial,

- 3.000 € au titre des frais juridiques liés aux formalités de changement de siège social,

* condamné la SCI Pardes Patrimoine à verser à la SARL Cremy Moda la somme de 2.189,83 € correspondant à la différence entre le dépôt de garantie conservé par la SCI Pardes patrimoine et les sommes dues par le preneur au titre des réparations locatives ;

Statuant à nouveau ou y ajoutant :

- fixer le montant de l'indemnité principale due par la SCI Pardes Patrimoine à la SARL Cremy Moda en réparation de la perte de son fonds de commerce à la somme de 374.085,40 € ;

- condamner en conséquence la SCI Pardes Patrimoine à payer à la SARL Cremy Moda la somme de 374.085,40 € ;

- fixer le montant des indemnités accessoires dues par la SCI Pardes Patrimoine à la SARL Cremy Moda à :

- 7.146 € pour le trouble commercial,

- 3.000 € pour les frais juridiques liés aux formalités de changement de siège social,

- outre les indemnités de licenciement, à payer sur justificatifs,

- 56.388 € pour les travaux de remise en l'état primitif que la SARL Cremy Moda serait condamnée à payer à la SCI Pardes Patrimoine, et ordonner leur compensation avec toute condamnation de la concluante à ce titre ;

- condamner en conséquence la SCI Pardes Patrimoine à payer à la SARL Cremy Moda la somme totale de 10.146 €, sauf à parfaire en fonction des coûts de licenciement qui seraient justifiés par la SARL Cremy Moda ;

- condamner la SCI Pardes Patrimoine à payer à la SARL Cremy Moda la somme de 18.441,92 €, au titre de la restitution du dépôt de garantie ;

- débouter la SCI Pardes Patrimoine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SCI Pardes Patrimoine à payer à la SARL Cremy Moda une indemnité de 18.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la SCI Pardes Patrimoine aux entiers dépens d'appel.

SUR CE,

1) Sur l'indemnité d'éviction

Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, il est alors tenu, sauf exceptions prévues aux article L. 145-17 et suivants, de verser au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

En 1'espèce, la SCI Pardes Patrimoine a délivré le 28 juin 2013 à la SARL Cremy Moda un refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction à effet au 31 décembre 2013. Ce refus de renouvellement a mis fin, à compter du 31 décembre 2013 minuit, au bail liant les parties et ouvert droit, pour le preneur, au maintien dans les lieux et l'oblige au paiement d'une indemnité d'éviction.

a) Sur l'indemnité principale

L'indemnité d'éviction a pour objet de compenser le préjudice qui résulte pour le locataire de la perte de son droit au bail. Si le fonds n'est pas transférable, l'indemnité principale correspond à la valeur du fonds, est dite de remplacement et comprend la valeur marchande du fonds, déterminée selon les usages de la profession, la valeur plancher étant le droit au bail. Si le fonds est transférable, l'indemnité principale correspond à la valeur du droit au bail, élément incorporel majeur du fonds de commerce.

Il est par ailleurs usuel de mesurer les conséquence de l'éviction sur l'activité exercée afin de déterminer si cette dernière peut être déplacée sans perte importante de clientèle auquel cas l'indemnité d'éviction prend le caractère d'une indemnité de transfert ou si l'éviction entraînera la perte du fonds, ce qui confère alors à l'indemnité d'éviction une valeur de remplacement.

Il est admis que l'indemnité d'éviction s'évalue à la date la plus proche de l'éviction et que la valeur du fonds de commerce est au moins égale à celle du droit au bail qui s'y trouve incluse.

- Sur la nature de l'indemnité d'éviction

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a estimé que l'indemnité principale d'éviction due à la SARL Cremy Moda devait être égale à la valeur du droit au bail, après avoir considéré que cette indemnité était une indemnité de déplacement, dans la mesure où si la SARL Cremy Moda n'a pas transféré son activité dans d'autres locaux, c'est par une exacte appréciation des faits que l'expert a relevé l'important parc en matière de locaux d'activités dans un secteur très proche des locaux loués, avec des caractéristiques proches pour des surfaces similaires, de sorte que le fonds de commerce pouvait dès lors être transféré sans perte notable de clientèle.

La SCI Pardes Patrimoine sollicite la confirmation du jugement querellé de ce chef, en arguant que l'indemnité doit être calculée au regard du transfert du fonds dès lors que l'absence de parking dans les locations proposées n'est pas un élément discriminant eu égard à l'absence originelle de parking dans les locaux loués et que l'intimée n'aurait jamais démontré, ni au cours de l'expertise, ni dans ses écritures, que la clientèle de passage aurait été favorable à son activité, si bien qu'elle ne démontrerait pas en quoi son installation dans une autre rue du secteur aurait entraîné une quelconque perte de clientèle.

La SARL Cremy Moda conteste quant à elle cette analyse du premier juge en arguant qu'il n'existe aucun local comparable à ceux libérés en termes de visibilité et d'accessibilité de sorte qu'elle n'aurait pas pu déménager et se réinstaller dans d'autres locaux après la libération des locaux litigieux.

Au cas d'espèce, dans le cadre de son rapport déposé le 23 juillet 2020, l'expert a estimé que compte-tenu du nombre considérable de commerces de même nature (grossiste de textile, chaussures et accessoires de mode) dans un rayon de 500 m autour des locaux litigieux, il lui apparaissait tout à fait envisageable pour la société locataire de retrouver des locaux à proximité, d'autant que la bailleresse indiquait lors de la visite la présence de baux à céder dans le secteur.

Si l'expert a par erreur indiqué dans son rapport que la SARL Cremy Moda avait transféré son activité dans d'autres locaux, ce qu'a, à juste titre, retenu le premier juge, il n'en demeure pas moins que l'absence de transfert effectif de l'activité n'empêche pas de s'interroger sur la nature transférable du fonds de commerce.

Or, l'expert a relevé dans son rapport que la [Adresse 6] dispose d'une très bonne commercialité pour les grossistes de prêt à porter et accessoires de mode, et attire une importante clientèle de détaillants très attachée à cet emplacement à proximité immédiate du CIFA Fashion Business Center et non loin de l'avenue Victor Hugo et du nouveau Fashion Center.

Si la SARL Cremy Moda conteste qu'un local comparable à celui libéré en termes de visibilité et d'accessibilité ait pu exister, force est cependant de constater, à la lecture de trois autres rapports d'expertise judiciaire versés aux débats par la SCI Pardes Patrimoine, dans le cadre de litiges l'opposant à trois autres locataires exerçant également une activité de grossistes, ainsi qu'à la lecture de deux annonces de location remontant à fin 2017, que l'importance du nombre de références identiques ou similaires dans le secteur à une période contemporaine du rapport d'expertise judiciaire litigieux se trouve confirmée.

Si la SARL Cremy Moda soutient que ces références ne seraient pas comparables, en terme de visibilité et d'accessibilité notamment en l'absence de parking, la cour observe que les références visées dans les expertises judiciaires et les annonces produites concernent des locaux permettant l'activité de grossiste, dans le secteur à proximité immédiate des locaux dont la SARL Cremy Moda était évincée, et qu'en tout état de cause, le bail ne visait dans son assiette aucun stationnement, de sorte que la SARL Cremy Moda ne saurait venir s'en prévaloir pour contester le caractère transférable de son fonds de commerce.

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que le fonds de commerce était transférable et a donc jugé que l'indemnité d'éviction correspondait à une indemnité de transfert, égale à la valeur du droit au bail. Le jugement sera confirmé en ce sens.

- Sur le montant de l'indemnité d'éviction principale due à la SARL Cremy Moda

La valeur du droit au bail se calcule par la différence entre la valeur locative de marché et le loyer théorique du bail s'il avait été renouvelé, cette différence étant elle-même affectée d'un coefficient multiplicateur au regard de l'intérêt de la situation des locaux pour l'activité exercée.

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a fixé l'indemnité d'éviction principale à la somme de 178.780 €, ce que contestent les deux parties, la SCI Pardes Patrimoine sollicitant sa fixation à la somme de 20.155 € à titre principal et 109.430 € à titre subsidiaire, tandis que la SARL Cremy Moda demande sa fixation à la somme de 374.085,40 €.

La lecture croisée des dernières écritures des parties laisse apparaître qu'en cause d'appel, elles s'opposent quant à la valeur locative à retenir, la surface à retenir, les abattements liés à la taxe foncière et le coefficient de situation à appliquer.

Sur la valeur locative unitaire à retenir

Le premier juge a fixé la valeur locative de marché à 75.180 € et la valeur locative de renouvellement à 39.424 €, après avoir considéré que :

- l'expert a déterminé la valeur du droit au bail par capitalisation de la différence entre la valeur locative de marché et le loyer si le bail avait été renouvelée et a considéré que la valeur locative de marché en septembre 2017 était de 800 €/m² (soit 72.000 €) et que la valeur locative en renouvellement au 1er janvier 2014 de 560 €/m² (soit 49.500 €),

- le bailleur ne discute pas l'évaluation de l'expert au titre du droit au bail,

- le bailleur étant libre de fixer le loyer et les conditions du bail commercial qu'il propose à la location, il n'y a pas lieu, s'agissant du calcul de la valeur de marché, qui concerne des locations nouvelles, de déduire la taxe foncière, de sorte que la valeur de la taxe foncière que l'expert a déduit pour une somme de 3.174 € devra donc être réintroduite dans la valeur de marché qui sera fixée à la somme de 75.180 €.

La SCI Pardes Patrimoine conteste la valeur locative retenue par l'expert en arguant que s'il n'a, à juste titre, pas retenu la méthode de l'EBE dans la mesure où les derniers chiffres d'affaires produits par le locataire faisaient ressortir un EBE négatif, ce qui faisait obstacle à la prise en compte de la méthode de l'EBE, les termes de comparaison sur le secteur laissent apparaître une valeur locative de marché de 610 €/m² et non 800 €/m².

La SARL Cremy Moda fait valoir que dans l'hypothèse où, par impossible, la Cour retiendrait que le fonds de commerce de la concluante aurait pu être transféré au 31 décembre 2017, l'indemnité principale revenant au preneur évincé devrait correspondre à la valeur du droit au bail.

Or, les prix unitaires retenus par l'expert judiciaire n'appelleraient pas de critique selon elle, à l'exception de l'abattement correspondant au montant de la taxe foncière qui ne pourrait pas être pratiqué dans le cadre de l'évaluation d'une valeur de marché au sens de la jurisprudence et de l'article R. 145-8 du code de commerce.

Au cas d'espèce, il résulte des développements précédents que les griefs élevés s'agissant de l'absence de prise en compte de la méthode de l'EBE sont inopérants, dès lors que la cour estime que l'indemnité d'éviction est une indemnité de transfert, équivalente à la valeur du droit au bail.

Par ailleurs, si la SCI Pardes Patrimoine conteste la valeur locative de marché retenue par l'expert à hauteur de 800 €/m², la lecture des références fournies par ce dernier, à l'exclusion des références résultant de la conclusion de baux par la SCI Pardes Patrimoine avec d'autres sociétés dans le même immeuble que le local litigieux, laisse apparaître une valeur locative comprise entre 369 €/m² et 857 €/m², rendant cohérente la préconisation de l'expert judiciaire de voir fixer cette valeur à 800 €/m², tout en tenant compte de la bonne situation du local au c'ur du secteur réputé pour son abondance de grossistes à proximité de grands centres spécialisés dans le gros et le demi-gros textile, de l'état d'usage des locaux, de la distribution en longueur et sur trois niveaux, et de la destination particulièrement large du bail qui justifie l'application d'une majoration usuelle dans cette hypothèse de 5 %, au demeurant non contestées par les parties.

En conséquence, le premier juge sera confirmé en ce qu'il a fixé la valeur locative de marché en septembre 2017 à 800 €/m² et lui a appliqué une majoration pour destination tous commerces, et en ce qu'il a fixé la valeur locative en renouvellement au 1er janvier 2014 à 560 €, non contestée par les parties.

En revanche, les parties s'opposent sur la déduction de l'impôt foncier à hauteur de 3.174 €, préconisée par l'expert judiciaire mais non retenue par le premier juge.

C'est toutefois à bon droit que le premier juge a ainsi statué, la taxe foncière n'ayant pas à rentrer dans le cadre de l'évaluation d'une valeur de marché au sens de l'article R. 145-8 du code de commerce.

Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

Sur la surface pondérée à retenir

Aux termes de l'article R. 145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a retenu une surface pondérée de 89,50 m²P pour la valeur locative de marché et de 70,40 m² pour le calcul de la valeur de renouvellement, après avoir refusé d'y intégrer la surface des deux mezzanines créés par la SARL Cremy Moda sans l'autorisation préalable du bailleur, après avoir relevé que ce dernier n'en avait pas assumé la charge, de sorte qu'elles ne pouvaient être prises en compte au visa de l'article R. 145-8 du code de commerce pour l'évaluation de la valeur locative du bail.

La SCI Pardes Patrimoine conteste ce chef du jugement attaqué en faisant valoir pour l'essentiel que la création des mezzanines, au cours du bail expiré, constituerait un motif de déplafonnement lors de ce renouvellement, de sorte qu'elles doivent être prises en considération dans le cadre de l'estimation de la valeur locative en renouvellement, ce qui justifierait de retenir une surface de 89,50 m².

La SARL Cremy Moda soutient quant à elle que l'expert judiciaire n'aurait pas dû prendre en compte les surfaces correspondant aux mezzanines sans que le bailleur y ait participé, de sorte que la surface à retenir est celle de 70,40 m²P, correspondant à la seule surface du rez-de-chaussée.

Au cas d'espèce, il résulte de la lecture du bail litigieux qu'était prévue une clause d'accession en fin de bail au bénéfice de la SCI Pardes Patrimoine pour toutes les « constructions, installations, tous aménagement et généralement toutes améliorations et tous embellissements réalisés par le preneur », le bailleur pouvant toujours exiger la remise des lieux, en tout ou partie, dans leur état primitif et aux frais exclusifs du preneur.

Il n'est par ailleurs pas contesté que la SCI Pardes Patrimoine n'a pas participé à la réalisation des deux mezzanines litigieuses.

En conséquence, le premier juge ne peut qu'être approuvé d'avoir retenu une surface pondérée de 70,40 m² P pour la valeur locative de renouvellement, excluant la prise en compte des deux mezzanines construites par la SARL Cremy Moda en cours de bail, sans participation du bailleur.

Les parties ne contestant par ailleurs pas la surface de 89,50 m² retenue par le premier juge pour la fixation de la valeur locative de marché, le jugement sera par conséquent confirmé de ces chefs.

- Sur le coefficient de situation à appliquer

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a retenu un coefficient de situation de 5 tel que préconisé par l'expert judiciaire, après avoir relevé que :

- il résulte du rapport d'expertise que les locaux sont situés dans un secteur de très bonne commercialité pour les grossistes de prêt-à-porter et accessoires de mode qui attire une importante clientèle de détaillants très attachée à cet emplacement, à proximité immédiate du CIFA Fashion Business Center, et non loin de l'avenue Victor Hugo et du nouveau FASHION CENTER,

- si l'expertise a permis de relever la bonne situation des locaux, il ne peut être appliqué, comme le sollicite la SARL CREMY MODA, un coefficient de 8 réservé aux locaux à très haute valeur commerciale ou comme l'indique l'expert pour les très bonnes situations ([Adresse 7]), ce qui n'est pas le cas des locaux de l'espèce,

- le fait que les locaux disposent d'un parking à proximité dont il n'est par ailleurs pas démontré la rareté, ne suffit pas à caractériser une très bonne situation réservée aux locaux situés à des adresses plus prestigieuses, de sorte que c'est par une juste appréciation des éléments de situation des locaux et au regard de l'importante rotation des fonds que l'expert a fixé le coefficient à 5.

La SCI Pardes Patrimoine ne conteste pas le coefficient 5 de situation appliqué par le premier juge, tandis que la SARL Cremy Moda sollicite l'infirmation du jugement de ce chef, l'estimant faible compte tenu de l'emplacement des locaux, lequel justifierait un coefficient de 8.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué, après avoir à juste titre relevé que si la situation du local litigieux est bonne, elle ne saurait toutefois justifier l'application du coefficient de 8, coefficient parmi les plus élevés, qui doit être réservé à des locaux à très haute valeur commerciale, pour des emplacements prestigieux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En l'état de la bonne situation du local, le coefficient retenu par le premier juge sera confirmé.

En conséquence, en l'état de l'ensemble de ces développements, l'indemnité d'éviction principale s'élève à 178.780 € s'établissant comme suit :

- valeur de marché : 75.180 €

- valeur locative de renouvellement (70,40 x 560) : 39.424 €

, soit une différence de : 35.756 € x 5 = 178.780 €.

Le jugement l'ayant fixée à ce montant sera par conséquent confirmé.

b) Sur l'indemnité liée à un trouble commercial

Cette indemnité compense la perte de temps générée par l'éviction, soit le moindre investissement dans le commerce et le temps de la recherche d'un nouvel emplacement. Elle correspond généralement à trois mois d'EBE moyen.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a fixé l'indemnité accessoire pour trouble commercial au profit de la SARL Cremy Moda à la somme de 7.146 €, après avoir relevé que les parties s'accordaient sur ce montant.

La SCI Pardes Patrimoine sollicite l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, en faisant valoir pour l'essentiel qu'aucun trouble commercial ne serait caractérisé dès lors que la SARL Cremy Moda aurait fait le choix délibéré d'arrêter toute activité, tel qu'il en ressort du procès-verbal de recherche infructueuse du 02 février 2023.

La SARL Cremy Moda revendique quant à elle un trouble commercial évalué par l'expert à 7.146 €.

Au cas d'espèce, si le premier juge relève l'existence d'un accord des parties sur l'existence d'un trouble commercial indemnisable à hauteur de 7.146 € conformément aux préconisations de l'expert judiciaire, cet accord ne ressort nullement de la lecture du dispositif des demandes des parties tel que rappelé par le premier juge.

A l'inverse, il résulte de la lecture du rapport d'expertise que la SCI Pardes Patrimoine a contesté dès les opérations d'expertise ce chef d'indemnisation.

S'il résulte des pièces versées aux débats que la SARL Cremy Moda a cessé toute activité depuis le 31 mars 2018, elle n'en a pas moins subi entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017 un trouble commercial, lié à la perte de son droit au bail, qui l'a conduite implicitement mais nécessairement à un moindre investissement dans son commerce et à réduire ses stocks.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a fixé une indemnité d'éviction accessoire tirée de l'existence d'un trouble commercial à hauteur de 7.146 €.

c) Sur l'indemnité liée aux frais juridiques liés aux formalités de changement de siège social

L'indemnité pour frais administratifs a pour objet d'indemniser le preneur des frais exposés pour les besoins de sa radiation et pour la résiliation de ses différents contrats.

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a fixé une indemnité pour frais juridiques liés aux formalités de changement de siège social à 3.000 €, conformément aux préconisations de l'expert judiciaire, après avoir relevé l'accord des parties sur ce montant.

La SCI Pardes Patrimoine sollicite l'infirmation du jugement querellé de ce chef, en excipant de l'absence de justification de cette indemnisation dès lors que la SARL Cremy Moda n'exerce plus d'activité.

La SARL Cremy Moda, laquelle sollicite l'infirmation du jugement attaqué de ce chef, excipe quant à elle la charge de frais juridiques liés aux formalités de changement de siège social, évalués forfaitairement par l'expert à 3.000 €.

Au cas d'espèce, si le premier juge relève l'existence d'un accord des parties sur l'existence de frais juridiques indemnisables à hauteur de 3.000 € conformément aux préconisations de l'expert judiciaire, cet accord ne ressort nullement de la lecture du dispositif des demandes des parties tel que rappelé par le premier juge.

Or, il résulte des pièces versées aux débats que la SARL Cremy Moda a cessé toute activité depuis le 31 mars 2018 de sorte qu'elle ne saurait sérieusement réclamer l'indemnisation d'un préjudice tiré de frais juridiques.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a fixé une indemnité d'éviction accessoire tirée de frais juridiques à hauteur de 3.000 €.

d) Sur les frais de licenciement

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a débouté la SARL Cremy Moda de sa demande de ce chef, après avoir considéré que l'article L. 145-29 du code de commerce ne prévoit nullement de tels frais alors que la SARL Cremy Moda ne verse aux débats aucun justificatif après avoir pourtant cessé toute activité depuis le 31 mars 2018.

La SARL Cremy Moda sollicite l'infirmation du jugement de ce chef, en faisant valoir pour l'essentiel que les indemnités de licenciement sont dues sur justificatifs, la SCI Pardes Patrimoine arguant à l'inverse que les frais de licenciement ne seraient pas compris dans l'article L. 145-29 du code de commerce.

Au cas d'espèce, si la SARL Cremy Moda maintient sa demande de prise en charge des frais de licenciements sur justificatifs, force est de constater, à l'instar du premier juge, qu'en cause d'appel, soit plus de six ans après la cessation de son activité, elle ne justifie par aucune pièce des licenciements invoqués, de sorte que le premier juge sera approuvé d'avoir rejeté cette demande.

2) Sur l'indemnité d'occupation

Il résulte de l'article L. 145-28 et R. 145-7 du code de commerce que le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, qui est égale à la valeur locative compte tenu de tous éléments d'appréciation, notamment les prix couramment pratiqués dans le voisinage concernent des locaux équivalents.

- Sur la prescription de la demande en remboursement d'un trop versé au titre de l'indemnité d'occupation

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a déclaré la demande en remboursement d'un trop versé au titre de l'indemnité d'occupation formulée par la SARL Cremy Moda recevable après avoir considéré que :

- cette action s'analyse en une action en répétition de l'indu soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil qui court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer,

- la SARL Cremy Moda n'a pu connaître son droit à répétition qu'au jour où elle a eu connaissance de la valeur de l'indemnité d'occupation due pour les locaux loués, soit au jour où l'expert a déposé son rapport le 23 juillet 2020, de sorte qu'en formant sa demande en répétition au terme de ses conclusions notifiées le 13 novembre 2020, sa demande était ainsi parfaitement recevable.

La SCI Pardes Patrimoine, laquelle conteste ce chef du jugement, fait valoir pour l'essentiel qu'aucune indemnité d'occupation n'était demandée à l'expert judiciaire de sorte qu'il aurait dépassé les limites de sa mission alors que les demandes contenues dans l'assignation du 10 avril 2014 par la SARL Cremy Moda, ayant donné lieu à l'expertise judiciaire, n'étaient à aucun moment liées à la détermination, la fixation ou même le remboursement d'une indemnité d'occupation, mais seulement et exclusivement à la fixation de l'indemnité d'éviction, de sorte que le juge ne peut statuer ultra petita au sens de l'article 5 du code de procédure civile.

Elle ajoute que la demande de remboursement du locataire ne s'analyserait pas en une simple demande de droit commun de remboursement d'une somme indue mais en une demande remboursement d'une somme versée au titre de l'indemnité d'occupation spécifique au statut des baux commerciaux, en cas de refus du bailleur de renouvellement avec offre de paiement d'indemnité d'éviction, dès lors soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce, « le spécial l'emportant sur le général ». Or, la demande de la SARL Cremy Moda relative à la demande de trop-perçu de l'indemnité d'occupation serait prescrite faute d'avoir été formulée dans le délai de deux ans au sens de l'article L. 145-60 du code de commerce, le point de départ commençant à courir le 1er janvier 2014, le lendemain de la date d'expiration du bail.

La SARL Cremy Moda sollicite la confirmation du jugement querellé de ce chef, en arguant que la SCI Pardes Patrimoine ferait preuve de mauvaise foi en soulevant la prescription de sa demande, alors même qu'elle avait sollicité dans ses propres conclusions l'évaluation de l'indemnité d'occupation et n'aurait jamais émis la moindre réserve à ce titre au cours des opérations d'expertise qui ont porté tant sur l'indemnité d'éviction que l'indemnité d'occupation.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué, après avoir justement analysé l'action de la SARL Cremy Moda en une action en répétition de l'indû, dès lors soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil, et constaté que le point de départ de son action en répétition de l'indû ne pouvait qu'être le jour où elle a eu connaissance de la valeur de l'indemnité d'occupation due pour les locaux loués, soit au jour du dépôt du rapport de l'expert, le 23 juillet 2020, de sorte qu'en formant cette demande par conclusions notifiées le 13 novembre 2020, la SARL Cremy Moda a agi dans le délai de prescription.

Si la SCI Pardes Patrimoine conteste la régularité du rapport d'expertise, qui se serait prononcé sur un point dont l'expert n'était pas saisi, et qu'il est constant que l'ordonnance désignant l'expert le 04 mars 2015 a limité sa mission à l'évaluation de l'indemnité d'éviction, la cour relève néanmoins que cette argumentation de la SCI Pardes Patrimoine, nouvelle en cause d'appel, n'a à aucun moment été soulevée au cours des opérations d'expertise, dans le cadre desquelles les parties ont pu discuter de la valorisation de l'indemnité d'occupation due par la SARL Cremy Moda.

Dès lors, le jugement sera confirmé de ce chef.

- Sur le montant du trop versé au titre de l'indemnité d'occupation

Il résulte de l'article L. 145-28 et R. 145-7 du code de commerce que le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, qui est égale à la valeur locative compte tenu de tous éléments d'appréciation, notamment les prix couramment pratiqués dans le voisinage concernent des locaux équivalents. En outre il résulte de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. En outre, il convient de déduire du montant de la condamnation au paiement de l'indemnité d'occupation judiciairement fixé la somme des loyers effectivement versés par le preneur au titre du loyer.

Par l'effet du congé, le bail commercial liant les parties a pris fin le 31 décembre 2013 et le preneur a quitté les lieux le 31 décembre 2017.

L'expert judiciaire a estimé la valeur locative au sens des textes susvisés à 560 € du m²P pour les locaux commerciaux par an. Il s'en infère une indemnité d'occupation brute annuelle de 49.500 € pour laquelle il a proposé un abattement de 10 % pour précarité du fait que depuis le 31 décembre 2013, la locataire n'a plus de bail, le premier juge ayant entériné cette évaluation.

La SCI Pardes Patrimoine ne conteste pas l'évaluation ainsi retenue par le premier juge, pas plus que la SARL Cremy Moda.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation due par la SARL Cremy Moda à compter du 1er janvier 2014 jusqu'au 31 décembre 2017 à la somme annuelle de 44.550 €.

La SCI Pardes Patrimoine ne conteste pas que la SARL Cremy Moda a réglé, sur cette période, une somme annuelle de 73.767,68 € HT/HC, soit 295.070,72 € du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017, alors que n'était due sur cette période qu'une somme de 178.200 €, induisant ainsi un trop perçu pour la SCI Pardes Patrimoine d'un montant de 116.870,72 € HT, soit 140.244,86 € TTC.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a condamné la SCI Pardes Patrimoine à rembourser à la SARL Cremy Moda la somme de 140.244,86 € TTC au titre d'un trop perçu d'indemnité d'occupation.

3) Sur la remise en état des lieux

Il résulte des articles 1731, 1732 et 1755 code civil que le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute, que s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire mais que toutefois, aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.

En outre, le bail prévoit en son l'article II que le locataire doit prendre les lieux dans l'état où ils se trouvent, les rendre en bon état de toutes réparations locatives et les maintenir en bon état d'entretien.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a débouté la SCI Pardes Patrimoine de sa demande d'indemnisation à hauteur de 56.388 € TTC pour la dépose de deux mezzanines, la suppression des poteaux et la mise en déchetterie, après avoir considéré que :

- Conformément aux stipulations contractuelles de l'article 14 paragraphe 7.2 alinéa 7 du bail, la SCI Pardes Patrimoine est fondée à solliciter la remise dans leur état primitif des locaux,

- Or, il résulte du rapport d'expertise, et comme l'indiquent les parties, que deux mezzanines sont présentes dans les locaux, celles-ci ayant été posées par la SARL Cremy Moda en cours de bail et étant toujours présentes lors de la remise des clés par la société preneuse,

- L'inexécution par la SARL Cremy Moda de son obligation de remise des lieux dans leur état primitif constitue une faute contractuelle qui doit être sanctionnée par des dommages et intérêts réparant le préjudice effectivement subi par la SCI Pardes Patrimoine,

- Si la SCI Pardes Patrimoine produit un devis non daté de la société S.T.B. pour la dépose des deux mezzanines, la suppression des poteaux et la mise en déchetterie de l'ensemble pour un montant total de 56.388 € TTC, non discuté par la SARL Cremy Moda, il résulte toutefois des débats que les locaux qui ont immédiatement été reloués par la SCI Pardes Patrimoine disposent toujours des deux mezzanines, de sorte que la bailleresse échoue à démontrer un quelconque préjudice.

La SCI Pardes Patrimoine sollicite l'infirmation du jugement de ce chef et la condamnation de la SARL Cremy Moda à lui verser une somme de 56.388 € au titre des travaux de remise en état de la mezzanine et de l'escalier en faisant valoir en substance qu'au sens de l'article 14, paragraphe 7.2, alinéa 7 du bail, la présence de deux mezzanines n'est pas rapportée à l'entrée dans les lieux et que le préjudice de la concluante est caractérisé dès lors que le jugement lui-même a reconnu l'existence d'un préjudice justifiant le paiement de dommages et intérêts ; qu'au sens de la jurisprudence, l'indemnisation n'est pas subordonnée à l'exécution par le bailleur des réparations locatives non réalisées par le locataire.

La SARL Cremy Moda s'oppose à cette demande et sollicite la condamnation de la SCI Pardes Patrimoine à lui verser le montant qu'elle réclame à ce titre en arguant principalement que la société appelante ne rapporterait pas la preuve des conditions de l'octroi de dommages et intérêts au titre des travaux de remise en état primitif ou d'une quelconque faute de la part de la concluante au titre des réparations locatives dans la mesure où les prétendues dégradations relevées lors de l'état des lieux de restitution des locaux s'expliqueraient aisément par la durée d'occupation des locaux par la concluante et l'usure normale des locaux loués dont la société locataire ne peut être tenue pour responsable au sens de l'article 1755 du code civil.

Au cas d'espèce, il résulte de l'article 4 du bail commercial consenti par la SCI Pardes Patrimoine à la société Gadgets 21, aux droits de laquelle vient désormais la SARL Cremy Moda, qu' « un état des lieux sera établi contradictoirement par les parties lors de l'entrée en jouissance du preneur, et qu'au cas où pour une raison quelconque, cet état des lieux ne serait pas dressé et notamment si le preneur, dûment appelé, faisait défaut, les locaux seront considérés comme ayant été loués en parfait état ».

Il est par ailleurs constant qu'aucune partie ne produit un quelconque état des lieux d'entrée lors de l'entrée en jouissance de la SARL Cremy Moda le 08 avril 2008, et que, contrairement aux affirmations du premier juge, il ne résulte nullement du rapport d'expertise que la SARL Cremy Moda aurait installé lesdites mezzanines en cours de bail.

Dès lors, la SCI Pardes Patrimoine ne rapporte pas la preuve que les deux mezzanines, dont il sollicite la dépose aux frais de la SARL Cremy Moda, aient été installées par cette dernière au cours du bail, alors même que les locaux ont connu une succession d'occupants depuis 2004.

En conséquence, la SCI Pardes Patrimoine étant défaillante dans la preuve de l'imputabilité de l'installation de ces aménagements à la SARL Cremy Moda, sera déboutée de sa demande de remise à l'état primitif des lieux et de condamnation de la SARL Cremy Moda à lui verser 56.388 € à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera par conséquent confirmé, mais par substitution de motifs.

4) Sur les réparations locatives et la restitution du dépôt de garantie

La preneuse sollicite la restitution du montant de son dépôt de garantie s'élevant à 18.441,92 €.

Toutefois, il résulte des pièces versées aux débats qu'en dépit des stipulations contractuelles, aucun état des lieux d'entrée n'a été réalisé lors de l'entrée dans les lieux de la SARL Cremy Moda, de sorte que cette dernière est présumée les avoir reçus en bon état de réparations locatives et les rendre tels quels sauf preuve contraire.

Or, il résulte du procès-verbal de constat dressé par huissier le 02 janvier 2018 en présence de la bailleresse et la preneuse, qu'ont été relevés notamment :

- s'agissant du rez-de-chaussée,

* l'état vieillissant du carrelage, la fissuration des carreaux au niveau du tapis d'accueil et en partie centrale, et en partie manquants, des lignées de perforations non rebouchées sur les parois murales, de nombreuses traces de salissures,

* dans le couloir de circulation, des perforations non rebouchées et des fissurations au niveau de l'implantation de l'escalier menant à l'escalier supérieur, de nombreuses traces de salissures, des résidus d'adhésif, la présence de tête de vis en partie basse, des perforations non rebouchées, plusieurs fissurations,

* dans le bureau, l'éclatement de la peinture à plusieurs endroits, des traces de coulures et de projections, des têtes de vis et des perforations non rebouchées, plusieurs fissurations,

- s'agissant du premier étage,

* dans la partie escalier, des projections et têtes de vis sur toute la surface, une fissuration,

* dans la pièce principale, des traces de poinçonnements, de résidus d'adhésifs et le décollement du linoléum par endroit certains étant manquants par endroits, des résidus d'adhésif, des fissurations et des irrégularités de façade et des trous de cheville,

* dans le bureau, des traces de projections et de coulures sur l'intégralité de la surface, des fissurations, des traces de cheville,

* dans les toilettes, l'absence de linoléum par endroit, des fissurations, des traces de coulures, l'encrassement des sanitaires et l'absence d'abattant dans les wc,

- au deuxième étage,

* dans l'escalier, des traces de chocs importants, des têtes de vis et des fissurations,

* dans la pièce principale, des traces de reprises sur l'intégralité des surfaces, des fissurations, des traces de résidus d'adhésifs, la présence d'équerres métalliques en attente, des perforations non rebouchées.

La totalité des locaux est par ailleurs décrite par l'huissier à l'état vieillissant et présentant de nombreuses traces de salissures.

S'il convient de tenir compte de la durée d'exploitation des locaux, occupés sans discontinuer depuis 2004 par différents occupants, et donc de la détérioration induite par leur usage normal et la vétusté en découlant, la lecture du constat d'huissier lors de la restitution des lieux par la SARL Cremy Moda laisse cependant apparaître qu'une très grande part des dégradations constatées ne relèvent pas de la vétusté mais d'un manque d'entretien et des détériorations liées à l'usage par la SARL Cremy Moda du local (salissures, tâches, carreaux ou linoléum manquants, chocs, perforations non rebouchées...).

Le premier juge doit donc être approuvé d'avoir condamné la SARL Cremy Moda à verser à la SCI Pardes Patrimoine la somme de 16.252,09 € au titre des dites réparations, représentant 70 % du devis produit par la SCI Pardes Patrimoine pour un montant total de 23.217,28 € TTC, dès lors que cette proportion correspond, à la lecture du constat d'huissier, à la part des dégradations liées à son manquement à l'entretien du local loué.

Le jugement étant confirmé de ce chef, et la preneuse restant ainsi condamnée au paiement envers la bailleresse d'une somme de 16.252,09 €, il y a lieu de condamner la SCI Pardes Patrimoine à restituer à la SARL Cremy Moda la somme de 2.189,83 € restant due à ce titre, après compensation avec le dépôt de garantie.

Le jugement sera confirmé également de ce chef.

Enfin, si la SCI Pardes Patrimoine sollicite la condamnation de la SARL Cremy Moda à lui rembourser les sommes indûment perçues en exécution du jugement entrepris, ce dernier étant confirmé en l'ensemble de ces dispositions à l'exclusion des frais juridiques, la SCI Pardes Patrimoine sera par conséquent déboutée de ce chef de demande.

5) Sur les demandes accessoires

Il n'apparaît pas inéquitable de condamner la SCI Pardes Patrimoine à verser à la SARL Cremy Moda la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel et de la débouter de ce chef de demande, les dispositions du jugement entrepris sur ce point étant confirmées pour la première instance.

Succombant en son appel, la SCI Pardes Patrimoine sera également condamnée aux dépens d'appel. Les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 10 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny sous le n° RG 14/04724 sur l'indemnité d'éviction accessoire tirée de frais juridiques ;

Statuant à nouveau,

Déboute la SARL Cremy Moda de sa demande au titre d'une indemnité d'éviction accessoire pour les frais juridiques liées aux formalités de changement de siège social ;

Confirme la décision en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Déboute la SCI Pardes Patrimoine de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Pardes Patrimoine à verser à la SARL Cremy Moda la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SCI Pardes Patrimoine aux dépens d'appel ;

Dit que les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.