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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 4 avril 2024, n° 21/08741

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fitness (SAS)

Défendeur :

Fitnessea Group (SAS), Selarl AJ UP (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gonzalez

Conseillers :

Mme Jullien, Mme Le Gall

Avocats :

Me Charpin, Me Raducault, Me Levasseur

T. com. Lyon, du 10 nov. 2021, n° 2020j4…

10 novembre 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Fitnessea Group est la holding du groupe Fitnessea qui exploite différents clubs de sport sous l'enseigne « L'Appart Fitness ».

Le 15 mars 2015, la SARL Fitness [Localité 6] a signé un contrat de franchise avec la SAS Fitnessea Group lui octroyant une zone d'exclusivité sur [Localité 6] et les communes mitoyennes. Un avenant a été régularisé le 7 octobre 2015 en raison de la substitution de la société Fitnessea Group par sa filiale la société Fitnessea Développement.

Au cours de l'année 2018, la société Fitnessea Group a acquis les clubs de sport et de remise en forme des enseignes Amazonia, Wide Club et Giga Gym. Deux de ces clubs se trouvaient à [Localité 7] et [Localité 8], sur le territoire concédé à la société Fitness [Localité 6] au titre de la franchise. La société Fitness [Localité 6] a considéré que l'opération constituait une atteinte à son droit d'exclusivité. Un second différend est né entre les parties relativement au bail commercial du local exploité par la société Fitness [Localité 6].

Un protocole transactionnel, signé le 9 janvier 2019 entre la société Fitnessea Développement et la société Fitness [Localité 6], a mis fin aux différends entre les parties.

Le même jour, une convention de prestation de services a été signée entre les sociétés Fitnessea Group et Fitness [Localité 6] ayant pour objet l'exploitation et le management par cette dernière des deux clubs nouvellement détenus par la société Fitnessea Group, contre une rémunération de 2.000 euros mensuel avec une prise d'effet au 1er décembre 2018.

Par lettre du 21 février 2020, la société Fitnessea Group a notifié à la société Fitness [Localité 6] une mise en demeure aux termes de laquelle elle lui reprochait plusieurs manquements contractuels, lui indiquant que la résiliation interviendra automatiquement de plein droit huit jours après la mise en demeure. Le contrat a été résilié le 29 février 2020.

Par acte du 17 avril 2020, la société Fitness [Localité 6] a assigné la société Fitnessea Group devant le tribunal de commerce de Lyon en contestation de la rupture de la convention et indemnisation. La société Fitnessea Groupe a fait une demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour concurrence déloyale.

Par jugement contradictoire du 10 novembre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

- débouté la société Fitness [Localité 6] de sa demande tendant à voir condamner la société Fitnessea Group à lui verser la somme de 120.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat, outre intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2020,

- rejeté la demande de la société Fitnessea Group tendant à voir condamner la société Fitness [Localité 6] à lui verser la somme de 28.440 euros au titre de l'inexécution du contrat de prestations de services,

- rejeté la demande de la société Fitnessea Group tendant à voir condamner la société Fitness [Localité 6] à lui verser la somme de 183.000 euros au titre de la réparation du préjudice issu des actes de concurrence déloyale,

- rejeté la demande de la société Fitnessea Group tendant à voir condamner la société Fitness [Localité 6] à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral issu des actes de concurrence déloyale qu'elle aurait commis,

- débouté la société Fitness [Localité 6] de sa demande tendant à voir condamner la société Fitnessea Group à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour demande reconventionnelle manifestement abusive,

- dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande d'exécution provisoire du présent jugement,

- dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens.

La société Fitness [Localité 6] a interjeté appel par acte du 9 décembre 2021.

Par jugement du 25 novembre 2022, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Fitnessea Group. Par courrier du 5 décembre 2022, la société Fitness [Localité 6] a déclaré sa créance.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 12 avril 2023, la société Fitness [Localité 6] demande à la cour de :

- réformer la décision des premiers juges en ce qu'elle l'a débouté de ses demandes,

- juger que la société Fitnessea Group a rompu abusivement le contrat de prestation de service qu'elles ont signé,

- fixer définitivement au passif de la société Fitnessea Group la somme de 120.000,00 euros au titre de dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat outre intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2020,

- fixer définitivement au passif de la société Fitnessea Group la somme de 30.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour demande reconventionnelle manifestement abusive,

- confirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle a débouté la société Fitnessea Group de l'ensemble de ses demandes,

subsidiairement sur ce point,

- déclarer irrecevables les demandes indemnitaires de la société Fitnessea Group et à tout le moins non fondées,

et,

- condamner la société Fitnessea Group à lui payer la somme de 18.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui seront tirés en frais privilégiés sur les comptes de sauvegarde,

- condamner la société Fitnessea Group aux entiers dépens de l'instance, qui seront tirés en frais privilégiés sur les comptes de sauvegarde.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 17 mars 2023 fondées sur les articles 803 et 914 du code de procédure civile, les articles 1103, 1224 et 1225 du code civil et l'article 1240 du code civil, la société Fitnessea Group, intimée et appelante incidente, ainsi que les sociétés AJ Up, en qualité d'administrateur judiciaire de la société Fitnessea Group, et [P], en qualité de mandataire judiciaire de la société Fitnessea Group, intervenantes volontaires, demandent à la cour de :

- recevoir et juger recevables les conclusions et prétentions en interventions volontaires de la Selarl AJ UP, ès-qualités, et de la Selarlu [P], ès-qualités, suite au placement sous sauvegarde judiciaire de la société Fitnessea Group par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 25 novembre 2022,

- juger que la Selarl AJ UP, ès-qualités, et la Selarlu [P], ès-qualités, entendent faire leurs les observations, demandes, prétentions et moyens de défense émis par la société Fitnessea Group dans le cadre de la présente instance en appel,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

rejeté les demandes reconventionnelles d'indemnisation formulées par la société Fitnessea Group au titre de l'inexécution du contrat de prestations de services et des actes de concurrence déloyale,

rejeté la demande relative à l'article 700 du code de procédure civile formulée par la société Fitnessea Group,

statuant à nouveau,

- condamner la société Fitness [Localité 6] à verser la somme de 28.440 euros à la procédure de sauvegarde judiciaire de la société Fitnessea Group au titre de l'inexécution du contrat de prestations de services par la société Fitness [Localité 6],

- juger que la société Fitness [Localité 6] a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Fitnessea Group,

- condamner la société Fitness [Localité 6] à verser la somme de 183.000 euros à la procédure de sauvegarde judiciaire de la société au titre de la réparation du préjudice issu des actes de concurrence déloyale commis par la société Fitness [Localité 6],

- condamner la société Fitness [Localité 6] à verser la somme de 10.000 euros à la procédure de sauvegarde judiciaire de la société Fitnessea Group au titre de la réparation du préjudice moral issu des actes de concurrence déloyale commis par la société Fitness [Localité 6],

en tout état de cause,

- déclarer recevables l'intégralité des demandes de la société Fitnessea Group,

- débouter la société Fitness [Localité 6] de l'intégralité de ses demandes, en raison du fait qu'elle a été défaillante dans l'exécution de des obligations contractuelles souscrites dans le cadre de la convention de prestations de services du 9 janvier 2019,

- débouter la société Fitness [Localité 6] de sa demande de condamnation relative à des dommages-intérêts pour demande reconventionnelle manifestement abusive,

- juger que la société Fitnessea Group a valablement résilié la convention de prestations de services du 9 janvier 2019,

- condamner la société Fitness [Localité 6] à verser à la société Fitnessea Group une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Fitness [Localité 6] à verser à la procédure de sauvegarde judiciaire de la société Fitnessea Group une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Fitness [Localité 6] aux entiers dépens de l'instance.

La procédure a initialement été clôturée par ordonnance du 6 juillet 2022. Par jugement du 25 novembre 2022, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Fitnessea Group et désigné la Selarl AJ Up en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarlu [P] en qualité de mandataire judiciaire. Par ordonnance du 17 mars 2023, la présidente chargée de la mise en état de la 3ème chambre A de la cour d'appel de Lyon a révoqué l'ordonnance de clôture du 6 juillet 2022. La procédure a été clôturée par ordonnance du 26 septembre 2023, les débats étant fixés à l'audience du 8 février 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation du contrat de prestation de services et les dommages-intérêts,

La société Fitness [Localité 6] fait valoir que :

- l'article 13 du contrat, qui prévoit la résiliation du contrat , doit être annulé en ses deux premiers alinéas qui ne sont pas conformes à l'article 1225 du code civil et sont ambigus ; il convient que la cour apprécie les reproches qui lui sont faits, pour une résolution judiciaire du contrat ;

- la société Fitnessea Group a manqué à ses obligations et ses problèmes financiers sont seuls à l'origine de la résiliation abusive ; les reproches invoqués par la société Fitnessea Group ne sont pas fondés et totalement mineurs ; la non atteinte des objectifs est due à des manquements de la société Fitnessea Group qui n'a pas réalisé les investissements convenus, les chiffres prévisionnels ont été modifiés et les chiffres réels démontrent que les objectifs ont été remplis ;

- elle est fondée à réclamer le paiement des sommes dues par la société Fitnessea Group en application de la convention litigieuse, soit la somme 55.200 euros, outre un indemnisation pour perte de chance de voir le contrat reconduit, de 64.800 euros.

La société Fitnessea Group réplique que :

- la clause de résiliation est claire et précise, dépourvue de toute ambiguïté ; la cour ne pourra donc que constater l'existence des manquements sans pouvoir en apprécier la gravité ; elle-même a parfaitement mis en œuvre cette clause de résiliation, de sorte que le contrat est résolu au 29 février 2020 ;

- elle rapporte la preuve de la matérialité des manquements, ce qui suffit à constater la mise en œuvre de la clause de résiliation ;

- la résiliation étant régulière, aucun dédommagement ne saurait être alloué à la société Fitness [Localité 6] qui n'a, de surcroît, pas perdu de chance de reconduction de la convention.

Sur ce,

Selon les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles doivent être exécutées de bonne foi ; elles ne peuvent être modifiées ou révoquées que du consentement mutuel des parties ou pour les causes que la loi autorise.

Et selon l'article 1212 du même code, lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme.

Toutefois, il est constant que la gravité du comportement d'une partie peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle.

En l'espèce, le contrat de prestations de services signé par les parties le 9 janvier 2019 prenait effet le 1er décembre 2018 et était conclu pour une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction pour la même durée, sauf dénonciation par l'une des parties par lettre recommandée trois mois avant son terme.

L'article 13 du contrat, relatif à la résiliation, prévoit :

« Le contrat pourra être résilié sans préavis par l'une ou l'autre des parties en cas d'inexécution par l'autre partie de l'une quelconque de ses obligations.

La résiliation interviendra automatiquement de plein droit huit (8) jours après une mise en demeure adressée à la partie défaillante par lettre recommandée avec accusé de réception indiquant l'intention de faire jouer la présente clause et restée sans effet.

Le contrat pourra également être résilié sans délai à l'initiative du bénéficiaire en cas de réalisation d'un EBITDA inférieur à 85 % des objectifs figurant en annexe 1, à la condition que les objectifs aient été validés par le Prestataire et la direction, et que les charges d'investissement décidées en commun aient pu être réalisées. »

Les deux premiers alinéas de cette clause comportent une double contradiction : d'une part, en ce qu'ils prévoient une résiliation sans préavis puis sous un délai de huit jours, d'autre part, en ce que la résiliation serait automatique par l'envoi de la mise en demeure, laquelle devrait néanmoins avoir été 'sans effet'. Or, cette dernière formulation implique que le débiteur des obligations pourrait empêcher la résiliation en exécutant, dans le délai imparti, les obligations visées dans la mise en demeure, alors que la même clause prévoit une résiliation 'automatique et de plein droit'.

Au vu de ces contradictions, les deux premiers alinéas de la clause ne peuvent recevoir application. Il convient donc d'examiner si les manquements invoqués par la société Fitnessea Group dans sa lettre recommandée du 21 février 2020 adressée à la société Fitness [Localité 6], autres que le manquement relevant de l'alinéa 3 de l'article 13 du contrat précité, présentent une gravité justifiant la résiliation.

Dans sa lettre de résiliation en date du 21 février 2020, la société Fitnessea Group a fait valoir les manquement suivants pour fonder sa décision :

« non-respect de la bonne application des protocoles et processus mis en place par la Direction (annexes 2 et 3),

manque de formation des collaborateurs (annexe 2),

non-respect de l'application des politiques commerciale et sportive du groupe (annexe 3),

mauvaise supervision du recrutement des collaborateurs (annexe 4),

manque de reporting de la performance réalisée par rapport aux objectifs fixés (annexe 5),

non-respect de l'atteinte des objectifs en termes de chiffre d'affaires (annexe 6) »

Au vu des annexes mentionnées, les trois premiers griefs portent sur une difficulté de planning mal renseigné par les équipes. Or, il résulte des échanges d'e-mails produits aux débats que M. [W], de la société Fitnessea Group, validait les plannings et indiquait, dans un courriel du 7 décembre 2019, que des problèmes dans les formulaires généraient beaucoup d'incohérences dans les plannings. Il n'apparaît donc pas que ces griefs soient totalement imputables à la société Fitness Villefrance. De plus, les erreurs reproduites dans l'annexe 3 de la lettre de résiliation portent toutes sur le mois de décembre 2019, sans établir que ces difficultés auraient été récurrentes sur une plus longue période, de sorte que gravité d'un éventuel manquement de la société Fitness [Localité 6] n'est pas établie.

Les trois premiers griefs n'apparaissent donc pas suffisants pour justifier la résiliation du contrat.

S'agissant du quatrième grief relatif à l'absence de supervision du recrutement d'un collaborateur, il s'agit en réalité d'un stagiaire en observation, M. [N]. Or, il résulte des e-mails produits aux débats par la société Fitness [Localité 6], que M. [H] était dans l'attente de la convention de stage devant lui être fournie par l'établissement scolaire du stagiaire, qu'il a transmis ce document à M. [W] dès qu'il en a été en possession le 1er octobre 2019, et que le 14 octobre suivant, il relançait M. [W] en ces termes : 'Bonjour [K], j'ai en urgence maintenant besoin des retours de conventions des stagiaires envoyées' parmi lesquelles figurait celle de M. [N]. Selon l'e-mail du 25 septembre 2019, M. [H] précisait qu'il s'agissait d'un stage uniquement le mercredi après-midi, non rémunéré et non indemnisé. Au vu de ces éléments, le grief invoqué par la société Fitnessea Group dans la lettre de résiliation reprochant à la société Fitness [Localité 6] d'avoir "fait travailler" M. [N] sans attendre la validation du service RH ou du directeur régional M. [W] n'apparaît pas suffisant pour justifier la résiliation de la convention de prestations de services.

Quant au cinquième grief, tiré du manque de reporting de la performance réalisée, il est fondé sur un unique e-mail en date du 4 novembre 2019 aux termes duquel M. [W] reproche à M. [H] ses messages alarmistes et lui demande de l''appeler tous les jours au début de la journée pour échanger. Il ne résulte donc pas de cet e-mail que M. [H] aurait manqué à une obligation de reporting de la performance réalisée par rapport aux objectifs fixés, ce qui ne lui était d'ailleurs pas demandé dans ce message, et il n'est pas justifié que M. [H] ne se serait pas exécuté à la suite de demande d'appel quotidien de M. [W]. Ce grief n'apparaît donc pas davantage fonder la résiliation.

Enfin, s'agissant du dernier grief invoqué dans la lettre de résiliation, relatif au non-respect de l'atteinte des objectifs en termes de chiffre d'affaires, ce grief relève du troisième alinéa de l'article 13 du contrat de prestations de services, lequel permet au bénéficiaire de résilier le contrat sans délai.

En effet, aux termes de cet alinéa : « Le contrat pourra également être résilié sans délai à l'initiative du bénéficiaire en cas de réalisation d'un EBITDA inférieur à 85 % des objectifs figurant en annexe 1, à la condition que les objectifs aient été validés par le Prestataire et la direction, et que les charges d'investissement décidées en commun aient pu être réalisées. »

Si la convention produite par les parties ne comporte pas d'annexe 1, il résulte néanmoins des e-mails échangés avant la signature de la convention, entre M. [H], représentant la société Fitness [Localité 6], et M. [O], pour la société Fitnessea Group, que les parties étaient d'accord sur les business plans des clubs de [Localité 8] et d'[Localité 7]. Il était ainsi prévu un EBITDA de 171.000 euros pour le club de [Localité 8] et de 174.000 euros pour le club d'[Localité 7], au titre de l'année 2019.

Ces mêmes tableaux mentionnent un Capex d'intégration pour chacun des deux clubs. Pour [Localité 8], il est mentionné 3.000 euros chaque mois de juin à novembre 2018, puis 8.000 euros chaque mois de janvier à juin 2019, soit un total sur ces deux exercices de 66.000 euros. Pour [Localité 7], il est mentionné 5.000 euros chaque mois de juin à novembre 2018, puis 17.000 euros de janvier à juin 2019, soit un total sur ces deux exercices de 132.000 euros.

Dans son message du 5 décembre 2018, M. [H] indiquait à M. [O] : « j'ai repris l'ensemble de vos chiffres. Ils sont intégrés », et en déduisait que :

- les chiffres sont ambitieux mais atteignables.

- les abos family seront un plus indéniable.

- l'adaptation en "Appart" (CAPEX d'intégration) permettra ce développement avec les budgets alloués dans vos prévisionnels.

En réponse, M. [O] indiquait que les projections de chiffre d'affaires lui convenaient et ne faisait aucune remarque sur le surplus.

Dès lors, il doit en être déduit un accord des parties sur les éléments des tableaux, tant au titre des EBITDA que des montants d'investissement 'CAPEX d'intégration.

Or, il apparaît, au vu des éléments produits par la société Fitnessea Group, que les objectifs n'ont pas été atteints par la société Fitness [Localité 6] pour les clubs de [Localité 8] et [Localité 7], et ont été inférieurs à 85 % de ceux validés par les parties.

Toutefois, la société Fitnessea Group ne démontre nullement avoir procédé aux investissements prévus. Le grand livre des comptes qu'elle produit à cette fin n'établit aucunement qu'elle a procédé aux investissements prévus, pour les montants mentionnés.

En conséquence, il s'avère que le dernier grief invoqué au soutien de la résiliation ne peut être valablement retenu, dès lors que l'absence de réalisation des objectifs ne saurait être reprochée à la partie qui n'a pas été mise en mesure d'y parvenir, en raison du manquement même de celui qui l'invoque.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la résiliation du contrat de prestations de services par la société Fitnessea Group n'apparaît pas valablement fondée et il convient donc d'examiner la demande d'indemnisation formée par la société Fitness [Localité 6]. Le jugement doit ainsi être infirmé de ce chef.

Le contrat, prenant effet au 1er décembre 2018, était prévu pour une durée de trois ans, renouvelable tacitement aux mêmes conditions et pour la même durée, sauf dénonciation par l'une des parties, par lettre recommandée avec avis de réception, trois mois avant son terme.

S'agissant des conditions financières, il était prévu une rémunération fixe de 2.000 euros HT par mois au titre des prestations réalisées, ainsi qu'une 'rémunération variable mensuelle de 200 euros HT en cas d'atteinte des objectifs de chiffre d'affaires figurant en annexe 1 et de 200 euros HT en cas d'atteinte des objectifs d'EBITDA figurant en annexe 1'.

Le contrat a été rompu à effet au 29 février 2020, de sorte qu'il restait vingt-et-un mois avant son échéance au 30 novembre 2021. Il convient donc de condamner la société Fitnessea Group à payer à la société Fitness [Localité 6] la somme de 42.000 euros HT représentant les vingt-et-une mensualité de la rémunération fixe de 2.000 euros HT prévue au contrat, restant à échoir. En revanche, il ne sera pas fait droit à la demande de la société Fitness [Localité 6] formée au titre de la rémunération variable de 400 euros HT par mois, dès lors qu'il n'est pas établi que celle-ci aurait atteint les objectifs prévus pour l'application de cette rémunération complémentaire.

S'agissant de la perte de chance de voir le contrat reconduit, il résulte des nombreux échanges d'e-mails produits aux débats que les relations entre les parties au contrat s'étaient détériorées, amenant la société Fitnessea Group à résilier le contrat. Bien qu'il soit retenu que la résiliation n'est pas valablement fondée au regard des motifs invoqués, cette résiliation démontre néanmoins que le contrat n'aurait pas été renouvelé à son échéance, de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir un préjudice tiré d'une perte de chance de voir le contrat reconduit. Le surplus de la demande en paiement formée par la société Fitness [Localité 6] sera donc rejeté.

Sur la restitution des sommes versées au titre du contrat et la concurrence déloyale

La société Fitnessea Group fait valoir que :

- elle est bien fondée à réclamer la restitution d'une partie des sommes versées à la société Fitness [Localité 6] en raison de la mauvaise exécution, par cette dernière, de ses obligations ; en application des articles 1217 et 1223 du code civil, et compte tenu du fait que la société Fitness [Localité 6] n'a réalisé que 25 % de ses prestations, elle-même est fondée à réclamer la somme de 28.440 euros TTC ;

- une clause de non-concurrence est prévue au contrat de franchise, laquelle oblige tant la société Fitness [Localité 6] que son dirigeant M. [H], alors que ce dernier est coach sportif en son nom personnel et détourne ainsi la clientèle de la société Fitnessea Group ; les actes de concurrence déloyale de la société Fitness [Localité 6] lui causent un préjudice justifiant sa demande de dommages-intérêts de 193.000 euros.

La société Fitness [Localité 6] réplique que :

- la restitution de 75 % des sommes versées est en contradiction avec une demande de résolution du contrat et en tout état de cause, la résiliation est intervenue pour des causes étrangères à l'exécution de la prestation par elle-même ; cette demande n'est pas fondée ;

- les actes de concurrence déloyale allégués ne sont pas établis ; subsidiairement, les demandes formées à ce titre sont irrecevables en ce que le préjudice invoqué relèverait d'une perte de chiffre d'affaires sur les clubs d'[Localité 7] et [Localité 8], alors que ceux-ci sont des structures juridiques distinctes de la société Fitnessea Group qui ne peut se prévaloir d'une perte de chiffre d'affaires qui concernerait d'autres sociétés.

Sur ce,

S'agissant de la demande de remboursement formée par la société Fitnessea Group, celle-ci ne démontre pas que la société Fitness [Localité 6] n'aurait réalisé que 25 % des prestations attendues.

Au contraire, il ressort des nombreuses pièces versées aux débats que M. [H] s'est sérieusement investi dans la gestion des clubs dont il avait la charge, étant rappelé que la société Fitnessea Group ne justifie pas avoir réalisé les investissements prévus pour les clubs d'[Localité 7] et [Localité 8] et qu'il ne peut donc être imputé à la seule société Fitness [Localité 6] les performances inférieures aux prévisions qualifiées d'ambitieuses lors de l'élaboration du contrat de prestations de services. En outre, au vu du suivi de chiffre d'affaires sur trois ans concernant les clubs d'[Localité 7] et [Localité 8] (pièce n° 20 Fitnessea Group), il s'avère que ces chiffres d'affaires réels sont au maximum inférieurs de 10 % aux chiffres prévisionnels.

Le manquement allégué par la société Fitnessea Group à l'égard de la société Fitness [Localité 6] n'est donc pas caractérisé et il convient ainsi de confirmer le jugement en ce qu'il rejette cette demande.

Quant à la concurrence déloyale, la société Fitnessea Group invoque la clause de non-concurrence figurant au contrat de franchise, laquelle dispose que « pendant la durée du contrat, le franchisé et [B] [H], son dirigeant qui intervient au contrat en son nom personnel, s'engagent à ne pas exploiter, directement ou indirectement une activité concurrente à celle objet du contrat sur le territoire ».

Toutefois, la concurrence déloyale invoquée ne saurait être fondée sur une violation de cette clause dès lors que le contrat de franchise a précisément pour objet de permettre à la société Fitness [Localité 6] d'exercer l'activité de club de remise en forme sous la marque 'L'Appart Fitness', comme les autres clubs exerçant sous la même marque, qu'il s'agisse de filiales ou de franchisés. De plus, aux termes de l'avenant au contrat de franchise, signé le 7 octobre 2015, la société Fitnessea Group n'est plus le franchiseur en ce qu'elle s'est substitué sa filiale, la société Fitnessea Développement, laquelle n'est pas partie à la procédure. Enfin, la société Fitness [Localité 6] est titulaire d'un contrat de prestations de services lui permettant précisément d'exploiter les clubs de [Localité 8] et [Localité 7].

Or, ce contrat de prestations de services signé entre les sociétés Fitnessea Group et Fitness [Localité 6] contient également une clause de non-concurrence, laquelle dispose :

« Sauf en ce qui concerne le club exploité à ce jour par le prestataire, le prestataire et son dirigeant s'interdisent expressément, pendant toute la durée du contrat et durant une période de douze (12) mois à compter de son terme effectif, quelle qu'en soit la cause à l'exception de la rupture du contrat à l'initiative du bénéficiaire, de s'intéresser directement ou indirectement à des activités concurrentes de celles du bénéficiaire ou de fournir des services similaires aux services fournis au bénéficiaire au titre du contrat à une entreprise concurrente du bénéficiaire ou de porter atteinte à ses intérêts.

(...)

Cette interdiction ne concerne pas par exception l'activité libérale de coach sportif de monsieur [H] qu'il pratique depuis 10 ans et que la société Fitnessea connaît. »

Il résulte donc clairement de cette clause que l'activité exploitée par la société Fitness [Localité 6], ainsi que l'activité libérale de coach sportif exercée par M. [H], sont expressément exclues de l'obligation de non-concurrence. 

En conséquence, la société Fitnessea Group ne peut valablement invoquer une concurrence déloyale de la part de la société Fitness [Localité 6] à l'égard des deux clubs dans lesquels cette dernière intervient en vertu du contrat de prestations de services, ni de la part de M. [H] qui, de surcroît, n'est pas partie à la procédure.

De plus, il convient de relever qu'aux termes du contrat de prestations de services, les clubs d'[Localité 7] et [Localité 8] sont exploités par les sociétés W. Club [Localité 7] et AZA [Localité 6] qui sont des structures juridiques distinctes de la société Fitnessea Group, comme le fait observer la société Fitness [Localité 6] qui soulève, à titre subsidiaire, l'irrecevabilité des demandes formées au titre de la concurrence déloyale.

Pour le surplus, au vu des éléments produits aux débats, il convient d'adopter les motifs du jugement par lesquels les premiers juges ont retenu qu'il n'était rapporté la démonstration d'aucun acte de concurrence déloyale commis par la société Fitness [Localité 6] à l'égard de la société Fitnessea Group.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il rejette les demandes de dommages-intérêts formées par la société Fitnessea Group au titre de la concurrence déloyale, soit la somme de 183.000 euros au titre des pertes subies et la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral.

Sur les dommages-intérêts pour demande reconventionnelle abusive,

La société Fitness [Localité 6] forme une demande contre la société Fitnessea Group, de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour demande reconventionnelle manifestement abusive.

Toutefois, elle ne développe aucun moyen au soutien de cette prétention. Bien que non fondées, les demandes reconventionnelles formées par la société Fitnessea Group ne relèvent pas de l'exercice abusif du droit d'agir, et aucun préjudice résultant de la présentation de ces demandes reconventionnelles n'est démontré.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il rejette cette demande de la société Fitness [Localité 6].

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

la société Fitnessea Group succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Fitnessea Group sera condamnée à payer à la société Fitness [Localité 6] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il déboute la société Fitness [Localité 6] de sa demande de dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat de prestations de services ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Fitnessea Group à payer à la société Fitness [Localité 6] la somme de quarante-deux mille euros (42.000 euros) HT outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision, en réparation de la résiliation du contrat de prestations de services ;

Rejette le surplus des demandes en paiement formées par la société Fitness [Localité 6] à ce titre ;

Condamne la société Fitnessea Group aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne la société Fitnessea Group à payer à la société Fitness [Localité 6] la somme de deux mille euros (2.000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.