CA Douai, ch. 2 sect. 2, 28 mars 2024, n° 22/05476
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SMCI (Sasu)
Défendeur :
Assa Abloy Entrance Systems France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbot
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Soreau
Avocats :
Me Camus-Demailly, Me Delevacque, Me Verhaest
EXPOSE DES FAITS
La société Structure Métal Concept Industrie (la société SMCI) a pour activité l'installation de structures métalliques, chaudronnées et de tuyauterie.
La société Assa Abloy Entrance Systems France (la société Assa Abloy) est une entreprise qui réalise des travaux de menuiserie métallique et serrurerie
Selon devis accepté le 27 juillet 2017, la société SMCI a confié à la société Assa Abloy la fourniture et la pose d'une grille métallique, pour la somme 5 700 euros TTC.
Un acompte de 1 710 euros a été versé le 15 août 2017 et la société Assa Abloy est intervenue le 21 septembre 2017.
N'ayant pas obtenu le règlement complet de sa prestation, la société Assa Abloy a sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce d'Arras une ordonnance d'injonction de payer le 29 novembre 2019, enjoignant à la société SMCI de lui verser, à titre principal, la somme de 3 990 euros en paiement du solde du prix du marché.
Cette ordonnance a été signifiée le 22 janvier 2020 à la société SMCI qui en a formé opposition le 21 février 2020.
La société SMCI n'ayant pas consigné dans le délai légal, la société Assa Abloy l'a assignée par acte du 17 septembre 2020 devant le tribunal de commerce en paiement du solde du marché de travaux.
Par jugement du 5 octobre 2022 le tribunal de commerce d'Arras a :
débouté la société SMCI de l'ensemble de ses demandes ;
débouté les parties de leurs autres demandes ;
condamné la société SMCI à verser à la société Assa Abloy la somme de 3990 euros au titre du solde de sa facture datée du 21.09.2017, augmentée des intérêts contractuels calculés jusqu'à la date de la décision et d'une indemnité forfaitaire de 80 euros ;
condamné la société SMCI à payer à la société Assa Abloy, la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société SMCI aux entiers frais et dépens, en ce compris ceux inhérents à la procédure d' injonction de payer ;
Par déclaration du 29 novembre 2022, la société SMCI a interjeté appel du jugement sur tous les chefs la condamnant.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par ses conclusions notifiées le 27 février 2023, la société SMCI demande à la cour d'appel, au visa des articles 1103 et suivants,1231-1 et suivants, et 1219 du code civil :
d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras le 5 octobre 2022 en ce qu'il a jugé que la demande formulée par la société Assa Abloy est recevable
et de
débouter la société Assa Abloy de toutes ses demandes
juger qu'elle, société SMCI, est parfaitement recevable et fondée à opposer l'exception d'inexécution et l'exception de compensation
condamner la société Assa Abloy à lui payer la somme de 1 956 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la réalisation et la pose du système de capotage
condamner la société Assa Abloy Entrance Systems France au paiement d'une somme de 15 000 euros à titre de l'indemnisation du préjudice d'exploitation subi
juger que la prestation de la société Assa Abloy n'a pas été entièrement réalisée et que le montant de la facture doit être réduit de la somme de 1 956 euros au titre de la pose du capot de protection
ordonner la compensation des sommes dues entre les parties
condamner la société Assa Abloy à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
condamner la société Assa Abloy aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 avril 2023, la société Assa Abloy demande à la cour, au visa des articles 1101, 1103, 1104, 1113, 1114, 1118, 1119, 1121,1219,1220,1228 et 1353 du code civil, de :
- confirmer intégralement le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras le 5 octobre 2022
- débouter la société SMCI de l'intégralité de ses prétentions
- rejeter l'exception d'inexécution à paiement de la société SMCI à l'encontre de la société Assa Abloy
- rejeter et débouter les prétentions de demandes de compensation de la société SMCI et la condamner à lui payer les sommes suivantes :
- 990 euros au titre du solde de la facture du 21 septembre 2017 augmentée des intérêts contractuels depuis la mise en demeure de paiement
- 80 euros d'indemnité forfaitaire en application de l'article L.441-10 du code de commerce
- 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance
- 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel
- condamner la société SMCI à lui payer les entiers frais et dépens de première instance, ainsi que ceux inhérents à la procédure d'injonction de payer, et les dépens d'appel
La société SMCI fait valoir que la société Assa Abloy devait installer un capot d'enroulage de sécurité lors de la pose du rideau métallique dont elle était en charge, sans qu'il soit besoin de le préciser et ce, d'autant plus que la prestation se faisait pour un établissement scolaire.
Elle estime que la société Assa Abloy avait parfaitement conscience de cette obligation et a même tenté d'y remédier par la pose, après coup, d'un capot qui s'est révélé sous- dimensionné.
Contrainte de prendre à sa charge la réalisation de ce capot pour la somme de 1 956 euros TTC, elle demande que cette somme soit soustraite du solde de la facture dont elle est encore redevable, s'estimant bien fondée, en vertu du principe de l'exception d'inexécution, à refuser de solder le marché de la société Assa Abloy.
Elle ajoute que les doléances du lycée où étaient exécutés les travaux, à la suite de ces difficultés, ont conduit à la rupture de ses relations commerciales avec la société GMA, son apporteur d'affaires, qui, dans une lettre du 15 janvier 2019, a clairement motivé la fin de sa collaboration par les incidents survenus sur ce chantier.
Elle explique que, selon les attestations comptables produites, la société GMA lui permettait de facturer environ 50 000 euros annuels sur des chantiers de ce type, ce qui l'autorise à réclamer la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts, au titre de son préjudice commercial ;
Elle fonde sa demande sur les articles 1103 et suivants du code civil, 1231-1 et suivants, 1219 du code civil ;
La société Assa Abloy réplique, en s'appuyant sur les articles 1101, 1103, 1104 et 1353 du code civil :
- qu'elle a été sollicitée pour la fourniture et la pose d'une grille métallique motorisée ; que selon un courriel du 18 juillet 2017 il a été convenu que l'ossature demeurerait à la charge de la SMCI ; que la commande a été confirmée par la société SMCI le 21 juillet 2017 ;
- que le rideau métallique a été posé comme convenu et fonctionne correctement, comme visualisé sur photos ; que la prestation a donc été réalisée conformément au devis et le montant facturé à l'identique du devis ;
- que la fourniture d'un capotage ne figurait pas dans les demandes initiales ;
- qu'en tant que professionnel agissant dans son domaine de compétence, il appartenait à la société SMCI de bien préciser la pose de ce capotage dans son devis ;
- que c'est à titre commercial qu'elle est intervenue le 30 janvier 2018 pour poser un capotage, afin de dénouer amiablement le litige et d'être réglée.
Elle estime par ailleurs que la SMCI n'apporte aucun élément sur la nature et l'étendue de sa relation contractuelle avec la société GMA, ni sur la perte de confiance de cette dernière à son égard ; qu'elle n'établit pas le lien de causalité entre la prétendue faute commise par la société Assa Abloy et le préjudice dont elle se prévaut ; qu'en particulier, il ne peut être fait un lien entre une perte de facturation annoncée de 50 000 euros annuels et un préjudice commercial d'exploitation de 15 000 euros, sans aucune analyse comptable ou expertale ;
Motivation
MOTIVATION
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1104 alinéa 1 du même code précise que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Par ailleurs, comme en dispose l'article 1353 alinéa 1 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ;
En l'espèce la société SMCI refuse de régler le solde de la facture présentée par Assa Abloy, soit 1956 euros TTC, correspondant au coût des travaux de réalisation du capotage de sécurité du rideau métallique.
Il lui appartient de rapporter la preuve des faits qu'elle invoque à titre d'exception d'inexécution, à savoir que la réalisation du capotage de sécurité incombait à la société Assa Abloy.
Le devis signé par la société SMCI le 13 juillet 2017 proposait la fourniture, le port et la mise en place d'une grille métallique pour la somme de 4 750 euros HT.
Il ne fait aucune mention de la pose d'un capotage de sécurité.
La société SMCI, qui a elle-même pour activité la pose de structures métalliques, ne verse par ailleurs aucun élément, ni ne fait état d'aucune norme professionnelle ou réglementation, qui permettrait d'établir que la pose de ce capotage est un élément indissociable de la fourniture de la grille.
Elle ne produit pas non plus le contrat conclu avec le maître de l'ouvrage pour lequel elle a sous-traité, propre à établir les prestations réellement attendues par celui-ci.
La case « sécurité » prévue au devis n'est pas cochée, comme elle aurait dû l'être si des instructions en ce sens avaient été données par la société SMCI.
Ainsi, la société SMCI, ne démontre pas que la société Assa Abloy aurait eu la charge de réaliser ce capotage qu'elle pouvait aussi avoir pris à son compte, s'étant réservé l'ossature de l'installation.
Par ailleurs, le fait que la société Assa Abloy ait, par la suite, tenté d'intervenir pour la pose de ce capotage n'emporte pas reconnaissance de sa part de l'obligation d'exécuter cette tâche, et ce d'autant moins que cette pose pouvait, comme elle l'explique, accélérer son paiement, qu'elle avait réclamé en vain, comme cela ressort des courriels du 28 et 30 août, 3 et 12 septembre, 3 octobre 2018. Aucun autre élément ne vient accréditer cette reconnaissance.
La société SMCI ne démontre donc pas que la pose d'un capotage de sécurité incombait à la société Assa Abloy et que son coût devrait en être déduit de la facture finale.
Au surplus, elle communique un « état financier suite intervention de la société Assa Abloy » non daté, d'un montant de 1630 euros HT, mais ne produit aucune pièce comptable pour justifier de la réalité des frais engagés à ce titre.
Enfin, faute de démontrer que Assa Abloy avait pour mission de réaliser le capotage du rideau métallique, sa demande d'indemnisation d'un préjudice découlant de cette absence de capotage ne saurait prospérer.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont condamné la société SMCI à payer à la société Assa Abloy la somme de 3 990 euros au titre du solde de la facture, avec intérêts contractuels et une indemnité de procédure de 80 euros
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, y compris celles portant sur l'indemnité procédurale et les dépens, qui comprennent les frais inhérents à la procédure d'injonction de paiement.
Sur les demandes accessoires :
La société SMCI, qui succombe, assumera les entiers dépens d'appel, sera déboutée de sa demande d'indemnité procédurale et sera condamnée à verser à la société Assa Abloy une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société SMCI aux entiers dépens d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SMCI et la condamne à verser à la société Assa Abloy Entrance Systems France la somme de 2 500 euros.