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Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 2 avril 2024, n° 22/01444

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Graniti Friandre (Sté)

Défendeur :

Graniti Friandre (SAS), Groupe Vinet (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

M. Orsini, Mme Verrier

Avocats :

Me Michot, Me Froidefond, Me Le Lain, Me Loubeyre

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP Poi…

2 mai 2022

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS

Les époux [U] ont confié à la société Groupe Vinet (Vinet) la pose d'un carrelage grès cérame selon devis du 6 septembre 2013 d'un montant de 14 338 euros TTC.

La société Vinet s'est fournie auprès de la société Trouillard qui a établi une facture le 30 septembre 2013.

La société Trouillard a commandé les travaux à la société de droit italien Graniti Fiandre, fabricant du carrelage selon facture du 12 septembre 2013.

Les époux [U] ont constaté en cours de chantier que le carreau était salissant, l'ont signalé au vendeur le 13 novembre 2013.

Ils indiquaient notamment que les carreaux prenaient les taches en profondeur.

Ils ont refusé de régler la facture établie par la société Vinet le 31 mai 2014 pour un montant de 14 740 euros.

La société Vinet a retenu une somme de 7822, 15 euros correspondant à des factures dues à la société Trouillard, factures établies le 31 octobre 2013.

Par acte du 27 novembre 2015, la société Vinet a assigné les époux [U] et la société Trouillard devant le juge des référés aux fins d'expertise judiciaire.

L'expertise était ordonnée le 16 décembre 2015.

Par acte du 11 avril 2016, la société Trouillard a demandé l'extension des opérations d'expertise au fabricant, extension ordonnée le 8 juin 2016.

L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 5 janvier 2018.

Par acte du 2 août 2018, les époux [U] ont assigné la société Vinet devant le tribunal de grande instance de Poitiers aux fins de condamnation à leur payer les sommes de :

-35 816,70 euros HT au titre des travaux de réfection du carrelage,

-10 104,40 euros HT au titre des travaux de peinture des murs,

-10 000 euros au titre du préjudice de jouissance.

Ils ont fondé leurs demandes sur la responsabilité contractuelle de droit commun du vendeur. Ils ont conclu à l'irrecevabilité de la demande en paiement de la facture du 31 mai 2014 formée par la société Vinet.

Par acte du 10 décembre 2018, la société Vinet a assigné la société Trouillard aux fins de garantie sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Par acte du 10 octobre 2019, la société Trouillard a assigné la société Graniti aux fins de garantie sur le même fondement.

Les instances ont été jointes.

La société Vinet a demandé au tribunal de limiter le coût des travaux à la somme de 20 000 euros HT, de faire droit à sa demande reconventionnelle de condamnation des époux [U] au paiement de la facture du 31 mai 2014 avec intérêts.

Elle a conclu à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de paiement formée par la société Trouillard comme prescrite, subsidiairement, au débouté des demandes.

Par conclusions du 26 janvier 2022,elle a formé une demande en garantie contre la société Graniti sur le fondement de la garantie des vices cachés.

La société Trouillard a conclu à l'irrecevabilité de l'action de la société Vinet car prescrite, subsidiairement, au débouté,à la limitation du préjudice, a demandé paiement des factures impayées.

La société Graniti a conclu au débouté, subsidiairement, à la limitation du préjudice au remplacement du carrelage défectueux.

Par jugement du 2 mai 2022 , le tribunal judiciaire de Poitiers a statué comme suit :

-condamne la société GROUPE VINET à payer aux époux [U] la somme de 36 716,25 € HT, assortie du taux de TVA en vigueur au jour du prononcé de la décision,

-condamne la société GROUPE VINET à payer aux époux [U] la somme de 3 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamne in solidum la société TROUILLARD et la société GRANITI FIANDRE à garantir intégralement la société GROUPE VINET des condamnations mises à sa charge et dit que dans les rapports entre elles, ces condamnations seront supportées en totalité par la société GRANITI FIANDRE.

-condamne les époux [U] à payer à la société GROUPE VINET la somme de 14 470 €.

-rejette les autres demandes.

-condamne in solidum la société TROUILLARD et la société GRANITI FIANDRE aux dépens qui comprendront les frais d'expertise et de référé, et dit que dans les rapports entre elles, ils seront supportés en totalité par la société GRANITI FIANDRE.

-ordonne l'exécution provisoire

Le premier juge a notamment retenu que :

-sur la demande principale

Les époux [U] fondent leur action sur l'ancien article 1147 du code civil.

Il résulte de la comparaison entre les constatations faites par l'expert judiciaire et les termes des notices émanant du fabricant que le matériau posé n'est pas conforme aux prescriptions contractuelles.

La société Vinet doit réparation du préjudice corrélatif.

Le montant des travaux de remise en état s'élève à 36 716,25 euros HT.

Le préjudice de jouissance n'est pas démontré.

-sur la demande reconventionnelle de la société Vinet

La prescription quinquennale de droit commun s'applique.

L'article 2240 du code civil dispose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

La société Vinet produit une lettre émanant du conseil des époux [U] en date du 17 février 2015 qui indiquait qu'ils n'étaient pas opposés à consigner la somme de 14 740 euros.

La proposition bien qu'acceptée le 20 février n'a pas été suivie d'effet.

L'offre de consignation vaut reconnaissance du principe et du montant de leur dette.

L'assignation en référé à l'initiative de la société Vinet le 27 novembre 2015 s'analyse en une demande avant-dire droit de condamnation à paiement.

La revendication de sa créance est le support nécessaire de la demande d'expertise.

La prescription a été interrompue jusqu'au prononcé de l'ordonnance le 16 décembre 2015.

Elle a été suspendue jusqu'au dépôt du rapport le 5 janvier 2018.

La demande en paiement formée dans les conclusions du 26 août 2019 est recevable.

Les époux [U] seront donc condamnés à la payer.

La demande relative aux intérêts majorés sera rejetée dans la mesure où il n'est pas établi que les pénalités contractuelles aient été portées à la connaissance et acceptées.

La rétention était légitime du fait des non-conformités constatées.

-sur les demandes en garantie formées par la société Vinet

-demande dirigée contre la société Trouillard

Elle est fondée sur l'article 1641 du code civil.

Le délai de deux ans à compter de la découverte du vice a couru à compter du dépôt du rapport d'expertise, le 5 janvier 2018.

La demande est recevable.

L'expert judiciaire a expliqué que le matériau livré ne possédait pas les caractéristiques techniques attendues, qu'il s'agissait d'un vice non visible pour le maître de l'ouvrage, le vendeur le fournisseur, les analyses ayant été effectuées à partir des normes fournies par le fabricant.

La société Trouillard a reconnu les difficultés d'entretien et donc l'existence du vice.

La demande est fondée. La société Trouillard sera condamnée à garantir la société Vinet.

-demande dirigée contre la société Graniti

La facture a été émise le 6 septembre 2013 par la société Graniti (en fait le 12).

Le délai de deux ans a commencé à courir le 5 janvier 2018, date de dépôt du rapport d'expertise.

L'assignation par la société Trouillard a été délivrée le 10 octobre 2019.

L'action est recevable.

En sa qualité de professionnelle, elle est présumée avoir eu connaissance du vice, engage sa responsabilité sans pouvoir prétendre que le carrelage est conforme aux normes en vigueur dès lors qu'il ne correspond pas aux notices qu'elle a élaborées.

L'expert a exclu tout manquement de la part du carreleur.

Les sociétés Trouillard et Graniti devront garantir la société Vinet en totalité.

-sur la demande reconventionnelle de la société Trouillard contre la société Vinet

La prescription est quinquennale en application de l'article L.110-4 du code de commerce.

La société Vinet a bloqué 3 factures en date du 31 octobre 2013 pour un montant de 7822,15 euros, factures établies par la société Trouillard.

La demande reconventionnelle de paiement formée par la société Trouillard est irrecevable .

La créance est prescrite depuis le 31 octobre 2018, la première demande en paiement étant du 13 mai 2019.

LA COUR

Vu l'appel en date du 3 juin 2022 interjeté par la société Graniti

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 5 avril 2023, la société Graniti a présenté les demandes suivantes :

Vu l'article 122 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 1641 et suivants du Code Civil,

-RÉFORMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

-METTRE HORS DE CAUSE la société GRANITI FIANDRE après avoir constaté la forclusion des demandes formulées à son encontre par les époux [U], la société VINET et la société TROUILLARD.

-DÉBOUTER les époux [U], la société VINET et la société TROUILLARD de l'ensemble de leurs demandes.

Subsidiairement,

-LIMITER la responsabilité de la Société GRANITI FIANDRE au remplacement du matériau jugé défectueux.

En tout état de cause,

-CONDAMNER la société GROUPE VINET à relever indemne et garantir la société GRANITI FIANDRE de l'ensemble des condamnations principales, accessoires, frais irrépétibles et dépens.

-CONDAMNER solidairement les sociétés TROUILLARD, GROUPE VINET et les époux [U] au paiement d'une indemnité de 5.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les mêmes aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société Graniti soutient en substance que :

-L'action des époux [U] est forclose.

Ils ont découvert le vice en septembre 2013, n'ont rien fait jusqu'à l'assignation au fond du 2 août 2018. C'est la société Vinet qui a les a assignés devant le juge des référés.

-L'action en garantie de la société Vinet est également forclose.

Elle a demandé sa garantie le 26 janvier 2022 plus de deux années après la découverte du vice.

Elle avait découvert le vice au plus tard le 27 novembre 2015, date de l'assignation devant le juge des référés.

-L'action en garantie de la société Trouillard à son encontre est également forclose.

Elle n'a agi contre elle que le 10 octobre 2019, aurait dû agir avant le 21 novembre 2017.

-au fond

Elle constate l'absence de désordres depuis 9 ans.

Une tache laissée par un verre de vin ne suffit pas à caractériser le vice .

La preuve du désordre n'est pas rapportée.

L'expert indique que les défauts ne sont pas visibles, sont visibles seulement dans des conditions exceptionnelles.

Les extraits du catalogue produit ne concernent pas le carrelage litigieux.

Il n'est pas démontré que ces documents aient été portés à la connaissance des acquéreurs.

Il en est fait une lecture sélective.

Les carreaux sont conformes aux normes sur la résistance aux taches.

-Subsidiairement, les conditions générales de vente sont opposables à toutes les parties s'agissant d'une chaîne de contrats translative de propriété.

L'article 9 des conditions précitées dispose que la pose du matériau entraîne la déchéance de toute action pour vices apparents ou cachés impliquant la renonciation implicite à la garantie visée à l'article 1490 du code civil italien. Le tribunal a implicitement rejeté cette demande. -Dans tous les cas, la garantie se limite au remplacement du matériau jugé défectueux et exclut toute autre obligation.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 16 janvier 2023 , les époux [U] ont présenté les demandes suivantes :

Vu l'appel interjeté par la société GRANITI FIANDRE,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS en date du 2 mai 2022, définitif entre les époux [U] et la SAS GROUPE VINET,

-Débouter purement et simplement la société GRANITI FIANDRE de l'ensemble de ses conclusions, fins et prétentions comme non fondées et en tous cas injustifiées,

-Confirmer le jugement en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

-Condamner la société GRANITI FIANDRE à payer à Mme [L] [U] et à M. [T] [U] la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure d'appel outre les entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, les époux [U] soutiennent en substance que:

-Leur action a toujours été fondée sur l'ancien article 1147 du code civil.

-La décision a été exécutée.

-La situation était très stressante pour Mme [U] qui craignait en cuisinant de multiplier les taches sans pouvoir en venir à bout.

-Un usage particulièrement précautionneux était requis.

-Cette gêne au quotidien a duré des années.

-L'expert retient que le carrelage est difficile à entretenir. Les taches de vin ne peuvent être enlevées.

Les tests ont montré une sensibilité importante aux acides, une dégradation de la surface polie.

-Ils avaient choisi un carrelage simple d'entretien.

Selon la documentation, les matériaux de marque Graniti Fiandre ne craignent aucune sorte de taches et sont simples à entretenir.

Un nettoyage simple et rapide avec des produits de nettoyage courants devait suffire.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 13 novembre 2023, la société Trouillard a présenté les demandes suivantes:

Vu les articles 1641 et suivants du code civil, le rapport d'expertise judiciaire,

A titre principal et incident,

-Infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de POITIERS le 2 mai 2022 de la façon suivante :

-DECLARER IRRECEVABLE le recours de la société Groupe VINET contre la société TROUILLARD en raison de la prescription de son action

-CONDAMNER la société VINET à payer à la société TROUILLARD une somme de 7.822,15 euros au titre des trois factures impayées.

En tout état de cause,

-REJETER toute demande de condamnation à l'encontre de la société TROUILLARD, non responsable du vice du produit

-CONDAMNER la société GRANITI FIANDRE à garantir et relever indemne la société TROUILLARD de toute condamnation prononcée à son encontre, en principal, intérêts et frais

-CONDAMNER la ou les parties succombantes au paiement de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-CONDAMNER ces mêmes parties aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société Trouillard soutient en substance que :

-L'action en garantie de la société Vinet dirigée à son encontre est forclose.

-La société Vinet a été assignée le 7 novembre 2015 à l'initiative des acquéreurs.

Elle avait connaissance du vice à cette date.

Le point de départ du délai est le 16 décembre 2015,date de l'ordonnance du juge des référés. -Elle a été assignée le 10 décembre 2018.

-L'expert la met hors de cause, retient la responsabilité du fabricant, a dit que les carreaux ne possédaient pas les caractéristiques attendues. Il s'agit d'un vice du matériau non visible par les maîtres de l'ouvrage, l'entreprise ou encore le fournisseur.

-Subsidiairement, elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Graniti à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

-La demande reconventionnelle en paiement des factures établies par la société Trouillard le 31 octobre 2013 est fondée. L'exception d'inexécution était injustifiée.

Elle a dû attendre le dépôt du rapport d'expertise.

Le point de départ du délai de prescription est la date de dépôt du rapport, le 8 janvier 2018.

La demande de paiement a été formée par conclusions du 9 mai 2019 contre la société Vinet. Elle est recevable et fondée.

L'exception de compensation est perpétuelle.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 9 novembre 2023, la société Groupe Vinet a présenté les demandes suivantes:

Vu la Cour statuant sur l'appel formé par la société GRANITI FIANDRE le 3 juin 2022 à l'encontre d'un jugement rendu par le Tribunal judiciaire de POITIERS le 2 mai 2022 enregistré sous le n° de rôle : 22/01444

-Confirmer le jugement rendu le 2 mai 2022 en toutes ses dispositions.

-Débouter la société GRANITI FIANDRE de son appel et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

-Débouter la société TROUILLARD de son appel incident et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

-Condamner in solidum la société TROUILLARD et la société GRANITI FIANDRE à payer à la société GROUPE VINET une somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance de l'instance d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la société Vinet soutient en substance que :

-L'expert n'a pas critiqué la pose.

Les carreaux ne possèdent pas les caractéristiques techniques attendues.

Il s'agit d'un vice du matériau non visible par les maîtres de l'ouvrage, l'entreprise ou le fournisseur.

-Le délai biennal est un délai de prescription susceptible de suspension.

-La découverte du vice doit être fixée à la date du dépôt du rapport d'expertise, le 5 janvier 2018.

Le vice doit avoir été découvert dans toute son ampleur et ses conséquences.

-Le bref délai dont dispose le vendeur pour exercer son action récursoire en garantie à l'encontre du fournisseur court à compter de la date de l'assignation au fond du vendeur par l'acquéreur.

-Le vice intrinsèque du matériau engage la responsabilité du fabricant.

-Les carreaux avaient été choisis pour leur qualité esthétique, leur facilité d'entretien.

La fiche technique les présente comme résistants aux taches.

Le sapiteur a confirmé qu'ils présentaient une sensibilité importante aux acides, une dégradation de la surface polie.

Les taches ne peuvent disparaître avec un produit courant.

La notice remise indique que tous les matériaux Fiandre sont faciles à nettoyer et à entretenir.

-Le vendeur professionnel et le fabricant sont présumés connaître les vices de la chose.

C'est une présomption irréfragable.

Elle n'a commis ni faute d'exécution, ni défaut de conseil.

-Sa demande de garantie n'est pas prescrite.

Elle disposait d'un délai de 5 années à compter de l'assignation au fond de l'acquéreur final.

Elle a formé sa demande en garantie contre la société Trouillard le 10 décembre 2018, contre la société Graniti par conclusions du 26 janvier 2022.

-La première demande de paiement des factures de la société Trouillard est du 13 mai 2019.

-La société Trouillard ne démontre pas que la prescription a été interrompue.

-Les factures émises étaient payables comptant, exigibles. Elle devait agir en paiement avant le 31 octobre 2018.

Ces 3 factures n'ont aucun lien avec le sinistre [U].

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 novembre 2023.

Motivation

SUR CE

-sur l'objet de l'appel

Les époux [U] et le vendeur-carreleur (société Vinet) demandent la confirmation du jugement.

Ils ne contestent pas le chiffrage du préjudice, ni le bien-fondé du paiement de la facture établie le 30 septembre 2013.

La société Graniti demande l'infirmation du jugement qui l'a condamnée à garantir les sociétés Vinet et Trouillard.

Elle soutient que les actions exercées à son encontre sont forcloses.

Subsidiairement, elle conteste tout vice caché, se prévaut de ses conditions générales de vente pour exclure, à défaut, limiter sa garantie.

Contrairement à ce que laisse penser le dispositif des conclusions de la société Graniti, les époux [U] n'ont jamais formé de demande à son encontre.

Leurs demandes n'ont été dirigées qu'à l'encontre de la société Vinet.

La société Trouillard soutient que l'action en garantie du vendeur à son encontre est prescrite, qu'en revanche sa demande en paiement des factures impayées par la société Vinet n'est pas prescrite.

-sur la condamnation des sociétés Trouillard et Graniti

Le tribunal a condamné les sociétés Trouillard et Graniti à garantir le vendeur et a dit que dans leurs rapports réciproques les condamnations seront supportées en totalité par le fabricant.

-sur la recevabilité des demandes

La société Graniti, condamnée à garantir le vendeur soutient que l'action des époux [U] contre leur vendeur est prescrite.

Les époux [U] rappellent à juste titre qu'ils ont agi contre leur vendeur sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

La prescription est la prescription quinquennale de droit commun.

Le point de départ du délai est la facture établie par le vendeur le 31 mai 2014.

Les époux [U] ont assigné leur vendeur au fond le 2 août 2018.

Leur action était donc recevable.

-sur les recours en garantie

Les actions en garantie du vendeur contre le fournisseur, du fournisseur contre le fabricant sont fondées exclusivement sur la garantie des vices cachés.

a)sur le recours en garantie du vendeur contre le fournisseur

Il est de droit constant que l'acquéreur qui exerce une action récursoire doit agir dans les deux ans de l'assignation principale délivrée à son encontre.

La prescription quinquennale du code de commerce enfermant l'exercice de cette action à compter de la vente est suspendue jusqu'à ce que sa responsabilité a été recherchée.

Contrairement à ce que soutient la société Trouillard, le point de départ du délai de l'action en garantie exercée par la société Vinet, vendeur, n'est ni la date de l'assignation en référé à l'initiative du vendeur, ni la date de l'ordonnance du juge des référés mais la date de l'assignation au fond du vendeur par les acquéreurs.

En l'espèce, la société Vinet a été assignée au fond par les époux [U] le 2 août 2018.

Elle a assigné la société Trouillard, fournisseur, le 10 décembre 2018 dans le délai de deux années qui a couru à compter du 2 août 2018. L'action est donc recevable.

b) sur le recours en garantie du fournisseur contre le fabricant

L'action en garantie à l'encontre du fabricant court à compter de la date de l'assignation au fond du fournisseur par le vendeur.

Le délai de l'action récursoire au regard du fondement juridique des demandes n'est pas de cinq années mais de deux années.

La société Trouillard a assigné la société Graniti le 10 octobre 2019 dans le délai de deux années qui a couru à compter de sa mise en cause le 10 décembre 2018.

L'action est donc recevable.

c) sur le recours en garantie du vendeur contre le fabricant

La société Vinet a formé une demande de garantie contre la société Graniti par conclusions du 26 janvier 2022 .

L'action en garantie de la société Vinet contre la société Graniti devait être exercée avant le 2 août 2020. Elle est irrecevable pour avoir été formée plus de deux années après son assignation par les maîtres de l'ouvrage le 2 août 2018.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

-sur le fond

-sur le vice caché

Les actions du vendeur contre le fournisseur, du fournisseur contre le fabricant sont fondées sur la garantie des vices cachés.

La société Graniti estime que les conditions de la garantie ne sont pas réunies.

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

Il ressort des productions les éléments suivants :

L'expert [F] a rappelé que le carreau choisi est un carreau vitrifié, poli, de 1er choix, qu'il a été nettoyé, qu'un traitement bouche-pores a été appliqué.

L'expert a fait réaliser des tests qui démontrent que des taches sont difficiles à éliminer (huile d'olive notamment ). Il a également constaté la présence de tâches indélébiles (de vin).

Il indique que l'acétone est nécessaire pour nettoyer les tâches d'huile d'olive alors que la notice d'entretien présente les nettoyants ordinaires comme adaptés.

Il précise que les défauts ne sont pas visibles, l'aspect final s'évaluant à hauteur d'homme et à une distance de 2 m selon le principe de la norme NF EN 154 avec un éclairage non rasant.

Les tests réalisés par le sapiteur démontrent une sensibilité importante aux acides et aux bases, une dégradation de la surface polie, une sensibilité à certaines taches.

L'expert estime que ces tests contredisent la fiche technique qui fait état d'une 'résistance aux taches' (classe 2) et d'une résitance à l'attaque chimique des détergents domestiques (classe UA).

Il conclut que les carreaux sont difficiles à entretenir.

La notice d'entretien conseille d'utiliser des nettoyants ordinaires ou en cas de saleté tenace des nettoyants alcalins.

Elle ne qualifie pas le carreau de facile d'entretien mais indique 'que la surface est pratiquement imperméable cela signifie que la saleté ne peut pas pénétrer mais doit seulement être retirée de la surface du matériau.'

La société Trouillard reproche aux carreaux de ne pas correspondre aux caractéristiques attendues.

La société Vinet leur reproche de ne pas être résistants aux tâches, de ne pas être facile d'entretien.

Il est de droit établi que seuls les défauts qui ne constituent pas une violation des spécifications contractuelles relèvent de la garantie des vices cachés.

Le vendeur et le fournisseur démontrent tout au plus une non-conformité du carrelage au regard de la notice d'entretien et de la fiche technique établies par le fabricant, ces documents laissant penser que le carrelage est peu salissant et facile d'entretien.

Ils n'établissent d'aucune façon l'existence d'un vice caché du carrelage.

Les sociétés Vinet et Trouillard seront donc déboutées de leurs recours respectifs en garantie.

-sur les factures de la société Trouillard non réglées par la société Vinet

Les factures ont été établies par la société Trouillard le 31 octobre 2013.

Il est constant que la prescription est quinquennale, qu'elle court à compter de l'émission des factures.

La société Trouillard soutient que la prescription a été interrompue du fait de l'expertise ordonnée, que le point de départ est le dépôt du rapport d'expertise judiciaire.

Il résulte des productions que l'expertise a été ordonnée à la demande de la société Vinet et non de la société Trouillard, que la société Trouillard a seulement demandé l'extension des opérations d'expertise au fabricant.

Elle n'a pas demandé l'extension des opérations d'expertise aux comptes entre les sociétés Trouillard et Vinet.

La demande reconventionnelle en paiement des factures a été formée par conclusions du 13 mai 2019. Elle est donc prescrite.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

-sur les autres demandes

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à la charge de la société Vinet.

Il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties, exception faite des époux [U] qui ont été intimés par la société Graniti, les frais irrépétibles exposés en appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

Dans les limites de l'appel interjeté

-confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

-condamné in solidum la société TROUILLARD et la société GRANITI FIANDRE à garantir intégralement la société GROUPE VINET des condamnations mises à sa charge et dit que dans les rapports entre elles, ces condamnations seront supportées en totalité par la société GRANITI FIANDRE.

-condamné in solidum la société TROUILLARD et la société GRANITI FIANDRE aux dépens qui comprendront les frais d'expertise et de référé, et dit que dans les rapports entre elles, ils seront supportés en totalité par la société GRANITI FIANDRE.

Statuant de nouveau sur les points infirmés :

-dit irrecevable le recours en garantie formé par la société Groupe Vinet contre la société Graniti Fiandre

-déboute la société Groupe Vinet de son recours en garantie dirigé contre la société Trouillard fondée sur la garantie des vices cachés

-déboute la société Trouillard de sa demande en garantie dirigée contre la société Graniti Fiandre fondé sur la garantie des vices cachés

Y ajoutant :

-déboute les parties de leurs autres demandes

-condamne la société Groupe Vinet aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais de référé et d'expertise judiciaire

-condamne la société Graniti Fiandre à payer aux époux [U] une indemnité de procédure de 2000 euros

-laisse à la charge de la société GRANITI FIANDRE, SAS TROUILLARD et SAS GROUPE VINET les frais irrépétibles exposés par elle en appel

- Met à la charge de la société GRANITI FIANDRE les frais irrépétibles exposés par les époux [U].