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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 4 avril 2024, n° 23/17446

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Oiseaux Migrateurs (SAS)

Défendeur :

Direction Régionale des Finances Publiques d'Île-de-France, Selafa MJA (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mollat

Conseillers :

Mme Pelier-Tetreau, Mme Rohart

Avocats :

Me Baza, Me Marion

T. com. Paris, du 13 oct. 2023, n° 20220…

13 octobre 2023

Exposé des faits et de la procédure

Par jugement en date du 13.10.2023 rendu sur assignation du PRS Parisien 1 en date du 11.01.2022, le tribunal de commerce de Paris a ordonné l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS Les Oiseaux Migrateurs qui exerce une activité de production et de distribution de produits vestimentaires, et d'objets de décoration pour la maison.

La Selafa MJA a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Les Oiseaux Migrateurs a formé appel par déclaration d'appel en date du 27.10.2023.

L'affaire fixée à l'audience du 7.03.2024 a été renvoyée, sur demande de l'appelante, à l'audience du 21.03.2024.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 20.03.2024, la SAS Les Oiseaux Migrateurs demande à la cour de :

- Juger recevable et bien fondée la SAS Les Oiseaux Migrateurs en ses demandes, fins et conclusions,

- Débouter la Direction Régionale des Finances Publiques d'Ile de France et de [Localité 9] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 octobre 2023 en ce qu'il a ordonné l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS Les Oiseaux Migrateurs exerçant sous l'enseigne Maison Château Rouge,

En conséquence,

- Juger que la SAS Les Oiseaux Migrateurs n'est pas en cessation de paiements,

A titre subsidiaire,

Si jamais la Cour d'appel de Paris juge que la société SAS Les Oiseaux Migrateurs est en état de cessation de paiements,

- Réformer le jugement et Ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire sans administrateur judiciaire en lieu et place de la liquidation judiciaire, assortie d'une période d'observation de trois mois.

Par avis signifié le 15.03.2024 le ministère public est d'avis d'infirmer le jugement sous la réserve de la production avant l'audience d'un prévisionnel d'exploitation et de trésorerie, et d'ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire sans administrateur.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 17.01.2024, le PRS Parisien 1 demande à la cour de

Débouter la SAS Les Oiseaux Migrateurs de l'ensemble de ses demandes en l'absence d'un moyen sérieux de contestation de la décision en appel

Confirmer le jugement de liquidation judiciaire du Tribunal de commerce de Paris du 13 octobre 2023 dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

A l'audience le PRS Parisien 1 a indiqué s'en remettre à la décision de la cour au regard des éléments versés aux débats par la société débitrice mais demande la désignation d'un administrateur judiciaire.

Par acte de commissaire de justice en date du 24.11.2023 la déclaration d'appel a été signifiée à la Selafa MJA qui n'a pas constitué avocat.

Celle-ci a adressé à la société débitrice un courrier produit à l'audience aux termes duquel elle indique qu'elle ne constituera pas avocat et s'en remet à la décision de la cour sur l'infirmation.

Par ordonnance en date du 16.01.2024 la suspension de l'exécution provisoire a été ordonnée.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article L.640-1 du code de commerce dispose qu’il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

L'article L.631-1 du code de commerce dispose qu' il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L.631-2 ou L.631-3 qui dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible est en cessation des paiements.

Sur l'état de cessation des paiements

La société expose que la Selafa MJA a reçu le solde disponible du compte bancaire s'élevant à 58.539,72 euros que suite à la réactivation de son numéro de TVA intracommunautaire la Selafa MJA devrait réceptionner un premier versement du contrat Nike de 60.000 euros et un 2ème versement de 50.000 euros, ainsi qu'un virement de QG France de 7000 euros, que par ailleurs l'état des stocks s'établit à 88.400,50 euros, qu'il s'agit de vêtements et d'éléments de décoration qui pourront être rapidement vendus, que son passif s'établit à 201.789,24 euros dont 92.472 euros de dette fiscale, 51.147,24 euros de dette sociale non contestée ( la créance de l'urssaf ayant été déclarée à hauteur de 98.190 euros) et 58.170 euros d'autres dettes.

Elle inclut dans son actif les contrats en cours pour 347.000 euros dans la mesure où ce sont des commandes fermes.

Elle en conclut que son actif est supérieur à son passif.

Le ministère public expose qu'il ressort des déclarations de créances que le passif exigible s'établit à 259.632,18 euros, ce que la société ne conteste pas, et est constitué par une dette fiscale de 92.472 €, une dette URSSAF de 98.190 € et d'autres dettes à hauteur de 58.170 €, que pour établir son actif disponible, seule la trésorerie peut être prise en compte, les revenus qui découleront des contrats avec les marques n'étant pas immédiatement disponibles, que cette trésorerie s'établissait au 28 novembre 2023 à 47.031,66 € et ne permet donc pas de couvrir le passif exigible, que la société se trouve donc en état de cessation des paiements.

Le PRS Parisien 1 expose qu'au 9 décembre 2021, la société restait redevable auprès du Comptable public du PRS PARISIEN 1 d'une créance privilégiée à hauteur de 284.360 €, dont 85 807€ en droits et 195 553€ en pénalité, au titre de l'impôt sur les Sociétés (IS), la taxe sur la valeur ajoutée pour la période de juin 2017 à juin 2019 et des amendes pour distribution occultes sur les exercices 2018 et 2019, que cette créance fiscale a été authentifiée par avis de mise en recouvrement notifié du 13 août 2021, que les mesures de recouvrement n'ont pas permis de mettre en évidence un actif disponible, que c'est dans ce cadre qu'elle a fait assigner la société devant le tribunal pour ouverture d'une procédure collective.

Elle expose que dans le cadre de la liquidation judiciaire, après avoir procédé à la remise des pénalités devant de droit être remises, le comptable public a déclaré sa créance au passif de la société SAS Les Oiseaux Migrateurs pour un montant total de 98 272€ dont 84 455 en droits et 8017 en pénalités, qu'une déclaration de créance complémentaire à titre privilégiée, mais provisionnelle, a été effectuée le 18 décembre 2023 pour un montant total de 1.027.500€ concernant la TVA 2023, l'IS 2020 à 2023 et une amende fiscale pour la période 2020 à 2023, concernant une procédure administrative d'établissement de l'impôt en cours.

S'agissant de l'état de cessation des paiements le PRS Parisien 1 fait état de ses créances mis en recouvrement le 4.09.2021 et déclarées à la liquidation judiciaire pour 98 272€ et du fait qu'il n'existe pas d'actif sinon un solde bancaire de 47.031,66 euros au 28.11.2033, les contrats dont il est fait état ne constituant pas un actif disponible, et que ce solde ne permet pas de faire face au passif d'un montan de 259.632,18 euros arrêté au 31.10.2023.

Sur ce

Il ressort des éléments produits aux débats que le passif exigible de la société LOM non contestée par elle, s'établit à 201.789,24 euros dont 92.472 euros de dette fiscale, 51.147,24 euros de dette sociale non contestée (la créance de l'urssaf ayant été déclarée à hauteur de 98.190 euros) et 58.170 euros d'autres dettes.

L'actif disponible correspond au solde du compte bancaire qui est de 58.539,72 euros.

Contrairement à ce que soutient la société débitrice les paiements en exécution du contrat conclu avec Nike et QG France n'ont pas été reçus par le liquidateur judiciaire au jour de l'audience devant la cour et ne peuvent donc être inclus dans l'actif disponible.

Par ailleurs le stock de vêtements et d'éléments de décoration ne constitue pas un actif disponible puisque nécessitant d'être vendu avant que la société puisse avoir la disposition du prix de vente perçu.

Enfin les sommes qui sont attendues en exécution des autres contrats conclus ne constituent pas des actifs actuellement disponibles.

Il en résulte que l'état de cessation des paiements est établi.

Sur la possibilité d'un redressement

La société LOM demande l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire en faisant valoir qu'un plan de redressement est envisageable au regard de la signature des contrats avec Hermes, Nike, QG France, Monoprix et

Lacoste ainsi que les possibilités de développement de la société qui sont de nature à améliorer la situation financière de la société et de lui permettre de mettre en place des échéanciers de paiement et de régler ses dettes.

Elle expose que ses difficultés financières sont dues essentiellement aux suites d'un contrôle fiscal au cours duquel elle a été assistée par son expert-comptable, que cependant force est de constater que l'expert-comptable est à l'origine des irrégularités reprochées à la société s'agissant des déclarations et facturation de TVA des opérations intracommunautaires.

Elle soutient en conséquence que les éléments rapportés : l'existence des contrats en cours, la trésorerie disponible et l'état des stocks, mais également la reprise de la comptabilité et de la gestion de la société par les dirigeants de LOM prouve que l'activité peut être poursuivie.

Le ministère public expose que les comptes produits par la société font état de résultats d'exploitation déficitaire en 2019 et 2021 mais bénéficiaires en 2020 et 2022, qu'aucun document comptable n'a été produit pour 2023, que la société produit un contrat de partenariat avec NIKE le 12 décembre 2023 pour une durée de 1 ans visant à promouvoir de manière collaborative l'entreprenariat africain dans le cadre d'une campagne pour la marque Jordan et ce pour un montant de 160.000 €, que par ailleurs la société semble en négociation pour un partenariat avec Hermès et travaille sur une gamme de produits avec Lacoste, qu'au regard de ses éléments et sous réserve de la production avant l'audience d'un prévisionnel d'exploitation et de trésorerie, il apparait que le redressement de l'entreprise ne serait pas manifestement impossible.

Le PRS Parisien 1 soutient dans ses conclusions que les éléments présentés par la SAS Les Oiseaux Migrateurs sont insuffisants pour justifier la possibilité d'un redressement :

- les résultats ont été déficitaires en 2019 et 2021,

- les comptes de la société affichent une perte de chiffre d'affaires de plus de 150.000 euros en 2022 par rapport à 2021 et de plus de 223.147 euros par rapport à l'année 2020,

- que les créances les plus anciennes concernent la TVA et l'IS depuis juin 2017,

- que la société ne reverse pas la TVA et qu'il s'agit d'une manière de procéder récurrente et installée,

- qu'aucun prévisionnel d'exploitation n'a été communiqué.

S'agissant des contrats Nike, Hermes et Lacoste il est réservé sur leur concrétisation.

Il conclut en indiquant que les difficultés sont anciennes et récurrentes.

A l'audience de plaidoirie le PRS Parisien 1 s'en remet sur la possibilité d'un plan de redressement.

Sur ce

Les éléments produits aux débats par la société LOM s'agissant des contrats conclus avec Nike et Hermès démontrent que l'activité de la société se développe lui permettant d'accroitre son chiffre d'affaires et de pouvoir envisager de présenter un plan de redressement.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement ayant ouvert une liquidation judiciaire et d'ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

L'affaire est dès lors renvoyée devant le tribunal de commerce pour désignation des organes de la procédure.

Il ne convient pas à ce stade de la procédure de désigner un administrateur judiciaire comme la demande le PRS Parisien

1, cette désignation n'apparaissant pas opportune au regard de l'activité et du chiffre d'affaires de la société.

Les dépens de l'instance seront passés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris le 13.10.2023,

Et statuant à nouveau,

Ordonne l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Les Oiseaux Migrateurs,

Renvoie le dossier devant le tribunal de commerce de Paris pour désignation des organes de la procédure et organisation de la suite de la procédure,

Dit n'y avoir lieu à désignation d'un administrateur judiciaire,

Dit que les dépens passeront en frais privilégiés de liquidation judiciaire.