Livv
Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 8 septembre 2022, n° 21/04534

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

OPH Perigord Habitat

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

M. Desalbres, Mme Louwerse

Avocats :

Me Parrot, Me Danguy

JEX Périgueux, du 8 juill. 2021, n° 21/0…

8 juillet 2021

FAITS ET PROCÉDURE :

En janvier 2019, Mme [D] [I] [V] s'est vu attribuer un logement par l'établissement public OPH Périgord habitat.

Alléguant son insalubrité, elle a saisi le conciliateur de justice et un accord a été signé le 2 juillet 2020 avec l'établissement public OPH Périgord habitat selon lequel : « Périgord habitat, par la voix de M. [G], s'engage à fournir à Mme [V] dans un délai de trois mois maximum à compter de ce jour l'appartement de même type salubre situé soit au rez-de-chaussée soit au premier étage d'un des bâtiments gérés par cet organisme sur l'agglomération périgourdine. Périgord habitat s'engage aussi à inscrire sur la liste d'attente Mme [V] pour l'obtention d'un garage à proximité du logement qui lui sera attribué ''.

Le 29 septembre 2020, un nouveau logement a été proposé à Mme [V] qui l'a refusé l'estimant encore plus insalubre que le précédent.

Par ordonnance du 13 octobre 2020, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux a homologué ce constat d'accord.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 décembre 2020, Mme [V] a mis en demeure l'OPH Périgord habitat de respecter son engagement en lui fournissant un logement.

Par acte du 3 mai 2021, Mme [V] a assigné l'OPH Périgord Habitat devant le tribunal judiciaire de Bordeaux afin que soit ordonné sous astreinte son relogement conformément à l'accord.

Par jugement du 8 juillet 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Périgueux a :

- déclaré Mme [D] [I] [V] recevable en sa demande,

- débouté Mme [D] [I] [V] de sa demande d'astreinte,

- débouté Mme [D] [I] [V] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné Mme [D] [I] [V] à payer à l'EPIC Périgord Habitat la somme de 500 euros (cinq cents) en application de l'article 700 du code de procédure civile ,

- débouté Mme [D] [I] [V] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- débouté Mme [D] [I] [V] de sa demande fermée au titre de l'article 31 de la loi du 10 juillet 1991,

- condamné Mme [D] [I] [V] aux dépends qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

Mme [V] a relevé appel du jugement le 2 août 2021 en ce qu'il l'a :

- déboutée de sa demande d'astreinte,

- déboutée de sa demande de dommages et intérêts,

- condamnée à payer à l'EPIC Périgord Habitat la somme de 500 euros (cinq cents) en application de l'article 700 du code de procédure civile ,

- déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- déboutée de sa demande fermée au titre de l'article 31 de la loi du 10 juillet 1991,

- condamnée aux dépends

L'affaire relevant de la procédure à bref délai a été fixée en plaidoiries par ordonnance du 23 septembre 2021 à l'audience du 23 juin 2022 .

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 février 2022 , Mme [V] demande à la cour, sur le fondement des articles L.131-1 et suivants et L.121-3 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- confirmer le jugement du juge de l'exécution du 8 juillet 2021 en ce qu'il a déclaré Mme [V] recevable de sa demande,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a :

- déboutée de sa demande d'astreinte,

- déboutée de sa demande de dommages et intérêts,

- condamnée à payer à l'EPIC Périgord Habitat la somme de 500 euros (cinq cents) en application de l'article 700 du code de procédure civile ,

- déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- déboutée de sa demande fermée au titre de l'article 31 de la loi du 10 juillet 1991,

- condamnée aux dépens,

Statuant à nouveau,

- ordonner à l'EPIC Périgord habitat de procéder au relogement de Mme [V] dans un logement salubre comprenant deux chambres, situé au rez-de-chaussée ou au 1er étage d'un immeuble, sis à [Localité 5] ou dans l'agglomération périgourdine et comprenant un garage, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner l'EPIC Périgord habitat à lui régler la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- le condamner à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- le condamner à régler à Me [R] [F] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

- le condamner aux entiers dépens en ce compris les frais éventuels d'exécution,

- le débouter de l'intégralité de ses demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 mai 2022 , l'établissement public OPH Périgord habitat demande à la cour de :

A titre principal,

- débouter Mme [V] de son appel et l'y déclarer mal fondée,

- accueillir l'appel incident du concluant,

- réformer le jugement en raison de l'absence d'un titre exécutoire régulier,

- déclarer la demande de condamnation sous astreinte irrecevable en l'absence d'un titre exécutoire régulier,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Mme [V] à régler à Périgord habitat la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et y ajoutant,

- la condamner à lui régler une somme supplémentaire de 2 500 euros sur le même fondement et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile .

A titre subsidiaire,

- débouter Mme [V] de son appel et l'y déclarer mal fondée,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'exécution du 8 juillet 2021,

- y ajoutant, condamner Mme [V] à lui régler une somme supplémentaire de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile .

Par application de l'article 455 du code de procédure civile , il est expressément fait référence aux conclusions susvisées pour un exposé complet des moyens et de l'argumentation développés par chacune des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Sur la recevabilité de la demande de Mme [V].

Le juge de l'exécution a débouté l'OPH Périgord habitat de la fin de non-recevoir soulevée pour défaut de titre exécutoire au motif que le juge de l'exécution n'a pas qualité pour prononcer la nullité d'une décision de justice.

L'OPH Périgord habitat a formé appel incident du jugement sur ce point sollicitant sa réformation et demandant que soit prononcée l'irrecevabilité de la demande de Mme [V] pour défaut de titre exécutoire en faisant valoir que la demande d'homologation de l'accord a été présentée par requête sous forme de lettre simple par Mme [V] de sorte que l'ordonnance d'homologation ne respecte pas les dispositions de l'article 1541 du code de procédure civile , est contraire au principe du contradictoire et est donc nulle et de nul effet, Mme [V] ne possèdant pas de titre exécutoire. Il ajoute que, conformément à l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution est compétent pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires et donc pour statuer sur la nullité de l'ordonnance d'homologation contrairement à ce qu'a jugé le premier juge.

Mme [V] fait valoir pour sa part que qu'aucune fraude aux droit de l l'OPH Périgord habitat ne peut être alléguée, l'OPH Périgord habitat ayant signé l'accord et l'ordonnance d'homologation ne pouvant être annulée en l'absence de texte prévoyant une telle nullité, le juge d'instance lui ayant conféré force exécutoire. Elle observe qu'aucune contestation n'a été élevée contre cette décision de justice et demande la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré sa demande recevable.

En application de l'article L.213-6 alinéa 1 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives au titre exécutoire et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

En l'espèce, l'OPH Périgord habitat conteste le caractère exécutoire du constat d'accord établi entre les parties ce qui ne revient pas à solliciter sa nullité. Il entre au contraire dans les pouvoirs du juge de l'exécution de s'assurer du caractère exécutoire du titre sur lequel sont fondées les poursuites en sorte qu'il y a lieu d'examiner la demande formée à ce titre par l'OPH Périgord habitat laquelle est recevable.

Aux termes de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, constituent un titre exécutoire les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire lorsqu'elles ont force exécutoire ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire.

Le constat d'accord du 2 juillet 2020 a été établi en application de l'article 1540 du code de procédure civile selon lequel en cas de conciliation même partielle, il peut être établi un constat d'accord signé par les parties et le conciliateur de justice.

L'article 1541 du code de procédure civile dispose que la demande tendant à l'homologation de l'accord issu de la conciliation est présentée au juge par requête de l'ensemble des parties à la conciliation ou de l'une d'elles, avec l'accord exprès des autres.

L'article 1565 alinéa 1 du même code qui figure dans la partie sur les dispositions communes à la médiation, la conciliation conventionnelle et et à la procédure participative, dispose que 'L'accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l'homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée.'

L'article 1566 dispose que 'le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties.

S'il fait droit à la requête, tout intéressé peut en référé au juge qui a rendu la décision.

La décision qui refuse d'homologuer l'accord peut faire l'objet d'un appel. Cet appel est formé par déclaration au greffe de la cour d'appel. Il est jugé selon la procédure gracieuse.'

En l'espèce, Mme [V] produit le constat d'accord passé avec l'OPH Périgord habitat le 2 juillet 2020 devant le conciliateur de justice du tribunal judiciaire de Périgueux en application de l'article 1540 du code de procédure civile , aux termes duquel l'OPH Périgord habitat s'est engagé à lui fournir dans un délai de maximum de trois mois à compter de ce jour un appartement de même type salubre situé soit au rez-de-chaussée soit au premier étage d'un des bâtiments gérés par cet organisme sur l'agglomération périgourdine et à inscrire Mme [V] sur la liste d'attente pour l'obtention d'un garage à proximité du logement qui lui sera attribué.

Cet accord a été homologué par ordonnance du 13 octobre 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Périgueux, l'ordonnance visant la requête en homologation présentée par Mme [V] reçue par lettre simple au greffe le 12 octobre 2020.

La requête en homologation n'est pas conforme aux dispositions de l'article 1541 du code de procédure civile en ce qu'elle n'a pas été présentée au juge par requête de l'ensemble des parties ni par l'une d'elles seulement avec l'accord exprès des autres.

Toutefois, cette irrégularité qui n'a pas été relevée par le juge n'a pas pour effet d'ôter à l'ordonnance son caractère de titre exécutoire étant relevé que la formule exécutoire a été apposée sur cette ordonnance.

Cependant, il n'est pas établi que cette ordonnance a été signifiée à l'OPH Périgord habitat, faute de quoi celle-ci n'a pas force exécutoire, une telle signification étant indispensable dès lors que l'OPH Périgord habitat n'avait pas connaissance de la demande d'homologation de l'accord de conciliation et la mise en demeure adressée à l'OPH Périgord habitat le 31 décembre 2020 ne pouvant être assimilée à un acte de signification. En l'absence d'une telle force d'exécutoire, Mme [V] n'est pas recevable à solliciter qu'une astreinte soit fixée pour obtenir l'exécution de cet accord.

Le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a déclaré Mme [V] recevable en sa demande de fixation d'une astreinte et la demande à ce titre de Mme [V] sera déclarée irrecevable.

Sur la demande de dommages-intérêts.

La demande de dommages-intérêts formée par Mme [V] sur le fondement de l'article L.121-3 du code des procédures civiles d'exécution en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la résistance abusive de l'OPH Périgord habitat qui n'a pas respecté les termes de l'accord en ne lui proposant qu'un seul logement encore plus insalubre que le premier, est recevable s'agissant d'une demande distincte de la demande tendant à obtenir l'exécution forcée de l'accord passé avec l'OPH Périgord habitat. Toutefois, cette demande qui découle de la non-exécution de l'accord dont la force exécutoire n'est pas établie est mal fondée et doit être rejetée, le jugement étant confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande à ce titre.

Sur les mesures accessoires.

Partie perdante, Mme [V] sera condamnée aux dépens d'appel. L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile , le jugement de première instance étant confirmé en ce qu'il condamné Mme [V] à payer à l'OPH Périgord habitat une somme de 500 euros sur ce fondement.

Par ces motifs,

Infime le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable la demande de Mme [D] [I] [V] tendant à voir assortir d'une astreinte l'accord homologué par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Périgueux,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande d'astreinte de Mme [D] [I] [V],

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Dit qu'il n' y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ,

Condamne Mme [D] [I] [V] aux dépens.