Livv
Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 28 mars 2024, n° 20/01329

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Forfinance (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poupet

Conseillers :

M. Vitse, Mme Miller

Avocats :

Me Laurent, Me Lefevre, Me Le Roy, Me Donat

TJ Lille, du 25 févr. 2020, n° 18/08289

25 février 2020

La Sarl Forfinance est une société de droit français, de type holding, qui détient des participations dans plusieurs sociétés, dont la société espagnole Fornor SL, dont l'objet est commercial, et la société Sarl Forservices, dont l'objet réside dans la prestation de services administratifs, comptables, juridiques et d'assistance.

M. [Y] [K] a occupé diverses fonctions dans le groupe européen Fornord auquel est rattachée la société Forfinances dont, en dernier lieu, celles de directeur commercial de la société Forservices et d'administrateur unique de la filiale espagnole Fornor SL.

Le 21 novembre 2016, M. [E] [I] [G], qui était gérant de la société holding Forfinance, s'est retiré et a confié la gérance à son fils, M. [Z] [I] [G].

Considérant que M. [Y] [K] avait détourné les fonds de la société espagnole Fornor vers sa société Sarl Imm Had, à vocation immobilière, la société Forservices a procédé au licenciement pour faute grave de celui-ci le 27 septembre 2017 et déposé plainte contre lui entre les mains du procureur de la République de Lille.

M. [K] s'est alors prévalu d'une vente notariée de 1400/2000 parts de la société Fornor consentie par la société Forfinance à son profit, conclue le 2 novembre 2017 en vertu d'un mandat notarié donné par M. [E] [I] [G] le 9 septembre 2015, moyennant le paiement d'un prix de 2 464 643,71 euros payable en huit versements annuels de 350 000 euros chacun, la dernière échéance de novembre 2024 étant portée à 364 643,71 euros.

M. [K] a fait virer, à plusieurs reprises, les échéances 2017 et 2018 sur le compte bancaire de la société Forfinance, qui les a systématiquement refusées.

Par acte d'huissier du 22 octobre 2018, la société Forfinance a fait assigner M. [K] devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins d'obtenir l'annulation du mandat du 9 septembre 2015 et de la vente des parts sociales du 2 novembre 2017, outre une indemnisation.

Par jugement du 25 février 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

- dit que la loi applicable au contrat du 9 septembre 2015 était la loi française ;

- déclaré l'action recevable ;

- dit que le juge français pouvait statuer sur la validité du contrat du 9 septembre 2015 ;

- annulé le contrat reçu le 9 septembre 2015 par [C] [N] [A] [P], notaire à [Localité 5], et intitulé 'acte de délégation de pouvoir passé par la société Forfinance SAS en faveur de M.'[Y]-[M] [K]' ;

- annulé, par voie de conséquence :

- le contrat reçu le 26 novembre 2015 par Me [P], intitulé 'Acte d'achat et de vente passé par la société de droit français dénommée Forfinance en faveur de M. [Y]-[M] [K]' ;

- le contrat reçu le 2 novembre 2017 par Me [P], intitulé 'Acte de vente de parts sociales de Fornor, société à responsabilité limitée, consenti par la société française Forfinance en faveur de M. [Y]-[M] [K]' ;

- condamné, en conséquence, la société Forfinance à rembourser à M. [K] la somme de 1 200 euros correspondant au prix de cession du 26 novembre 2015 ;

- dit que M. [K] avait engagé sa responsabilité envers la société Forfinance en exécutant déloyalement le mandat du 9 septembre 2015 à la date du 2 novembre 2017 ;

- condamné M. [K], outre aux dépens, à payer la société Forfinance les sommes suivantes:

- 7 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre dudit article 700.

Par déclaration du 9 mars 2020, M. [K] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 8 novembre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel a déclaré l'appelant irrecevable en sa demande de sursis à statuer, l'a condamné aux entiers dépens de l'incident et l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 2 mars 2023, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état et, y ajoutant, condamné l'appelant, outre aux dépens du déféré, à payer à la société Forfinance la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés et l'a débouté de sa demande sur le fondement dudit article 700.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 7 décembre 2023, M. [K] demande à la cour, au visa de l'article 4 du règlement UE n° 593/2008 du 17 juin 2008, de l'article 1174 ancien du code civil, et de l'article 1596 du même code, d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant de nouveau, de :

1- A titre principal, sur l'acceptation de la cession des parts sociales :

- prendre acte et juger que la société Forfinance a accepté l'opération de cession en acceptant les paiements partiels de 350 000 euros du 17 octobre 2020 et de 350 000 euros du 24 octobre 2022;

- juger que l'acceptation par la société Forfinance de l'opération rend son action judiciaire sans objet ;

en conséquence :

- réformer le jugement dont appel et débouter la société intimée de l'ensemble de ses demandes;

2- A titre subsidiaire, sur l'application de la loi espagnole :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a soumis le litige à la loi française ;

- juger que la loi espagnole s'applique au présent litige ;

- débouter la société Forfinance de l'ensemble de ses demandes fondées sur le droit français ;

3- A titre subsidiaire, sur l'application de la loi française :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a annulé l'acte du 9 septembre 2015 et, par voie de conséquences, les actes de cession de parts sociales des 26 novembre 2015 et 2 novembre 2017;

- débouter la société intimée de l'ensemble de ses demandes ;

4- A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour confirmerait la décision de première instance :

- condamner la société Forfinance à lui rembourser le montant du paiement partiel opéré le 19 octobre 2020 à due concurrence de 350 000 euros et celui de 350 000 euros versé le 24 octobre 2022, soit au total la somme de 700 000 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- juger que la société Forfinance a acquiescé à la cession du 26 novembre 2015, a délivré reçu du prix et l'a enregistré dans ses comptes,

en conséquence :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a annulé l'acte de cession de parts sociales du 26 novembre 2015 ;

- débouter la société Forfinance de l'ensemble de ses demandes ;

5- Sur l'appel incident de la société Forfinance :

- débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes ;

6- En tout état de cause :

- condamner la société intimée à lui verser, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de :

* 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, outre les dépens ;

* 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 14 octobre 2021, la société Forfinance demande à la cour, au visa de l'article 4 du règlement Rome I du 17 juin 2008, des articles 3, 1596 et 1161 du code civil, de l'article L. 223-18 du code de commerce et des articles 907 et 789 du code de procédure civile, de :

- déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formée par M. [Y] [K] postérieurement à la désignation du conseiller de la mise en état,

1- Sur l'appel principal :

- confirmer que la loi applicable au mandat du 9 septembre 2015 est la loi française ;

- confirmer que la procuration du 9 septembre 2015 place les parties dans une obligation soumise à une condition strictement potestative, de sorte que ce mandat est nul, ainsi que les actes pris en son application ;

- confirmer que l'appelant ne pouvait être lui-même adjudicataire de l'objet du mandat qui lui était confié ;

- juger que la procuration a été instrumentalisée de manière frauduleuse par l'appelant ;

A titre subsidiaire :

- juger que la procuration est nulle au regard de la loi espagnole ;

En tout état de cause, et en tant que de besoin, par les motifs retenus par le tribunal et ceux visés dans les présentes écritures :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le mandat du 9 septembre 2015, l'acte de vente du 29 novembre 2015 et celui du 2 novembre 2017 ;

2- Sur l'appel incident :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que l'appelant avait engagé sa responsabilité envers elle en exécutant déloyalement le mandat du 9 septembre 2015 à la date du 2 novembre 2017 ;

- condamné l'appelant à lui verser la somme de 7 500 euros de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau :

- dire que l'appelant a engagé sa responsabilité non seulement en exécutant déloyalement le mandat du 9 septembre 2015, mais aussi par la spoliation du groupe dont il a été le salarié ;

- juger qu'elle a subi un préjudice, tenant notamment, outre à son préjudice réputationnel et de confusion dans l'esprit des clients, au non-versement des dividendes au titre des années 2017, 2018 et 2019 ;

- juger que l'appelant perçoit indûment une rémunération élevée pour une société dont il a spolié l'actionnaire majoritaire ;

- dire qu'il a acquiescé à la réparation de son préjudice en ce qu'il lui a versé spontanément, par virement, la somme de 350 000 euros ;

- subsidiairement, condamner l'appelant à lui payer la somme de 350 000 euros au titre de la réparation de son préjudice ;

En toute hypothèse :

- condamner l'appelant, outre aux dépens, à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 18 décembre 2023.

Pour le détail de l'argumentation des parties, il sera fait référence à leurs dernières écritures précitées par application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera observé que c'est de manière superflue que la société Forfinance demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formée par M. [Y] [K] postérieurement à la désignation du conseiller de la mise en état, dès lors que M. [Y] [K] ne formule plus cette demande, laquelle a été déclarée irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 novembre 2022, confirmée par la cour de céans le 2 mars 2023. Il ne sera donc pas statué sur ce point.

Par ailleurs, si M. [K] a formé appel de l'ensemble des dispositions de la décision entreprise, il ne réitère ni dans le dispositif ni dans les motifs de ses conclusions d'appelant la fin de non-recevoir qu'il avait formée en première instance, relative à l'absence dans la cause de M. [E] [W] [G], représentant légal de la société mandante, et du notaire ayant reçu l'acte du 9 septembre 2015, de sorte que par application de l'article 954 du code de procédure civile, le jugement entrepris sera nécessairement confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de la société Forfinance recevable.

De même, M. [K] ne formule aucun moyen à l'encontre de la disposition du jugement entrepris énonçant que le juge français peut statuer sur la validité du contrat du 9 septembre 2015, laquelle sera en conséquence également confirmée.

Sur l''acquiescement' de la société Forfinance

Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

M. [K] demande à titre principal à la cour de réformer le jugement entrepris et débouter la société Forfinance de l'ensemble de ses demandes au motif que l'acquiescement par la société Forfinance au paiement des échéances de 2020 (350 000 euros) et 2022 (350 000 euros) caractérise son acceptation de la cession des parts sociales du 2 novembre 2017 et qu'en conséquence, cette acceptation a rendu son action en nullité de l'acte de cession de parts sociales 'sans objet' dès lors qu'elle ne peut en même temps accepter les paiements et demander en justice la nullité de la vente des parts sociales.

S'il n'invoque aucun fondement juridique au soutien de cette prétention, son argumentaire semble toutefois pouvoir se rattacher à la notion de confirmation des nullités régie par les articles 1181 et suivants du code civil.

En réplique, la société Forfinance fait valoir que le versement de la somme de 350 000 euros directement sur son compte bancaire par M. [K], qui en avait conservé les coordonnées, est intervenu après qu'elle lui eut notifié, le 3 septembre 2020, ses conclusions d'intimée sollicitant la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a annulé la procuration et les cessions litigieuses mais formant appel incident en ce que le jugement entrepris a limité à la somme de 7 500 euros la réparation de son préjudice et demandant la condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 300 000 euros, de sorte que ce versement volontaire s'analyse en réalité en un acquiescement de celui-ci à sa demande de réparation.

Ceci étant exposé, aux termes de l'article 1181 du code civil, la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. Elle peut être couverte par la confirmation.

L'article 1182 précise que la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce ; que cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat'; que la confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat ; que l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation ; (...) ; que la confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.

En l'espèce, M. [Y] [K] justifie, par la production d'un certificat de la Caixa bank et d'un ordre de virement en langue espagnole (pièce 35), avoir procédé au virement de la somme de 350 000 euros le 19 octobre 2020 au profit du compte CIC de la société Forfinance dont le numéro Iban est [XXXXXXXXXX04].

La société Forfinance ne conteste pas avoir bien reçu ce virement dont il convient de relever qu'il n'a nécessité aucun acte positif d'acceptation de sa part, s'agissant d'un virement à partir d'un relevé d'identité bancaire que M. [K] avait manifestement en sa possession.

M. [Y] [K] produit encore un ordre de virement de la somme de 350 000 euros du 24 octobre 2022 émis auprès de la même banque pour le même bénéficiaire (pièce 55), mais il ne produit pas de certificat de sa banque attestant de l'effectivité de ce virement, lequel n'est pas confirmé par la société Forfinance. La preuve de ce paiement n'est donc pas établie.

La circonstance que la société Forfinance ait reçu, en cours de procédure d'appel, un paiement de 350'000 euros de la part de M. [K], n'est pas suffisante pour démontrer qu'elle ait renoncé à se prévaloir de la nullité du mandat et des actes de cessions litigieux alors qu'elle venait de conclure devant la cour à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait prononcé ces nullités et à son infirmation quand au quantum de l'indemnisation de son préjudice dont elle demandait la majoration à hauteur de 300 000 euros.

Il convient de débouter M. [K] de sa demande tendant à voir constater l'acquiescement de la société Forfinance à l'opération de cession de parts sociales.

Sur la loi applicable au contrat du 9 septembre 2015

Il résulte de l'article 4 du règlement n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) que :

' 1. À défaut de choix exercé conformément à l'article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit :

a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ;

b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ; (souligné par la cour)

c) le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'immeuble ;

d) nonobstant le point c), le bail d'immeuble conclu en vue de l'usage personnel temporaire pour une période maximale de six mois consécutifs est régi par la loi du pays dans lequel le propriétaire a sa résidence habituelle, à condition que le locataire soit une personne physique et qu'il ait sa résidence habituelle dans ce même pays ;

e) le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle ;

f) le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle ;

g) le contrat de vente de biens aux enchères est régi par la loi du pays où la vente aux enchères a lieu, si ce lieu peut être déterminé ;

h) le contrat conclu au sein d'un système multilatéral qui assure ou facilite la rencontre de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers pour des instruments financiers, au sens de l'article 4, paragraphe 1, point 17), de la directive 2004/39/CE, selon des règles non discrétionnaires et qui est régi par la loi d'un seul pays, est régi par cette loi.

2. Lorsque le contrat n'est pas couvert par le paragraphe 1 ou que les éléments du contrat sont couverts par plusieurs des points a) à h) du paragraphe 1, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle.

3. Lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique.

4. Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.'

En l'espèce, c'est exactement que les premiers juges, après avoir relevé que le contrat de mandat notarié du 9 septembre 2015 accordé par M. [E] [G] à M. [K], bien que rédigé en langue espagnole, reçu par un notaire espagnol et faisant plusieurs références à la loi espagnole, n'incluait aucun choix de loi exprès ou implicite, l'a examiné au regard du §1 du texte précité et, constatant qu'il s'agissait d'une procuration conférant à M. [K] tous pouvoirs pour agir au nom et pour le compte de la société Forfinance, société de droit français domiciliée en France ([Localité 3]), afin qu'elle lui cède les parts sociales qu'elle détenait dans la société espagnole Fornor, qu'il en reçoive le prix et accomplisse toutes formalités y afférentes, a conclu que ce contrat de mandat, de nature synallagmatique puisqu'il n'était pas contesté que M. [K] l'avait accepté et s'en était prévalu, prévoyait une prestation de services commandant l'application de la loi du pays dans lequel le prestataire, M. [K], avait sa résidence principale, à savoir la France.

La cour y ajoute qu'à supposer que, comme l'affirme la société Forfinance, le contrat de mandat ne soit pas un contrat de prestation de services, il se trouverait alors régi par le §2 du texte susvisé, lequel désigne la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique, à savoir M. [K], a sa résidence habituelle.

Or les éléments versés aux débats (contrat de travail, bulletins de salaire, siège social de sa société Imm Had, requête devant le conseil de prud'hommes, constat d'huissier du 11 décembre 2017, passeport délivré le 15 octobre 2014, factures de frais professionnels) sont suffisants pour établir que la résidence habituelle de M. [K] se situait en France au moment des actes litigieux, nonobstant le fait que le mandat notarié du 9 septembre 2015 et les actes de cession notariés des 26 novembre 2015 et 2 novembre 2017 indiquent, 'aux fins de notification', une adresse espagnole le concernant.

C'est encore de manière fondée que les premiers juges ont estimé, au regard du §3 de ce texte, que si le contrat litigieux présentait tout à la fois des liens avec la loi française et la loi espagnole, la circonstance que la société espagnole Fornor soit une filiale de la société française Forfinance impliquait que les ordres ou décisions venaient de France, seule leur exécution devant avoir lieu en Espagne, de sorte que c'est avec la France que le contrat avait les liens les plus étroits, quand bien même M. [E] [I] [G], agissant ès qualités de représentant légal de Forfinance, s'est déplacé en Espagne pour signer cet acte chez un notaire espagnol, la cour précisant que les mentions relatives à la loi espagnole dans l'acte litigieux concernent les démarches administratives à effectuer pour passer l'acte (obtention d'un numéro d'identité des étrangers) et l'intégration des données de l'acte aux fichiers informatisés de l'étude notariale, et non le droit applicable à l'engagement des parties.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a retenu que la loi française était applicable au mandat du 9 septembre 2015.

Sur la validité du mandat du 9 septembre 2015

Aux termes de l'article 1174 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2006-131 du 10 février 2016, toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige.

Ce texte est d'ordre public.

L'article 1170 du même code précise que la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher.

En l'espèce, le mandat accordé par la société Forfinance à M. [K] le 9 septembre 2015 présente un caractère synallagmatique, quand bien même il n'est signé que de M. [E] [I]'[G] en sa qualité de représentant légal de la société, dès lors que M. [K] s'en est prévalu et en a fait exécution, en qualité de mandataire de la société Forfinance, pour acquérir des parts sociales de la société Fornor SL.

Il confère à M. [K] un 'pouvoir vaste et suffisant (...) pour qu'au nom de la société Forfinance et en dépit de l'opposition d'intérêts relative à sa double ou multiple-représentation ou à la forme juridique du délit d'initié, il puisse' procéder à 'la vente, à ce même mandataire, aux prix, accords et conditions librement stipulés, de parts sociales de la société Fornor Sarl, de nationalité espagnole (...). Le règlement sera comptant ou effectué en versements différés, ayant été convenu que la somme ou une partie de celle-ci sera réglée en versements différés et que tout type de garanties réelles ou personnelles pourront être annulées au moment opportun.'

Il s'agit donc d'un mandat de vente permettant tout à la fois au mandataire, M. [K], de vendre au nom de la société mandante les parts détenues par celle-ci dans la société Fornor, et d'acquérir, en son nom personnel, lesdites parts à un prix et des conditions librement stipulés, entièrement en son pouvoir.

Or, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré, d'une part, que toutes les conditions de la vente prévue dans ce mandat étaient purement potestatives puisqu'il n'est indiqué ni la date d'exécution, ni la période au cours de laquelle la vente pourrait avoir lieu, ni le prix, ni la manière de déterminer le prix, ni les modalités de paiement du prix, le tout étant laissé à la libre appréciation de M. [K] et, d'autre part, que ce mandat s'inscrivait en infraction avec l'article 1596 du code civil qui interdit au mandataire de se rendre, directement ou indirectement par personne interposée, adjudicataire du bien qu'il est chargé de vendre, à peine de nullité.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le mandat du 9 septembre 2015.

Sur la validité de la cession de parts du 26 novembre 2015

L'article 1338 du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2006-131 du 10 février 2016, dispose que l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée ; qu'à défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée ; que la confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

La nullité du mandat du 9 septembre 2015 étant d'ordre public, elle doit entraîner, par voie de conséquence, la nullité corrélative de l'acte notarié de cession par la société Forfinance, représentée par M. [K] en vertu du mandat annulé, de 200 parts de la société Fornor, à lui-même, sans qu'ait pu valablement intervenir une confirmation de l'acte par voie d'acquiescement, la connaissance du vice par la société Forfinance et son intention de le réparer n'étant pas démontrées. A cet égard, M. [E] [I] [G] atteste d'ailleurs (pièce 31 intimée) n'avoir jamais eu l'intention de céder toute la société Fornor SL à M. [K] en 2015 et n'avoir voulu lui vendre que 10 % de parts sociales cette société à leur valeur nominale, mais n'avoir pas été informé de la réalisation des formalités de cette vente, ajoutant qu'il ne comprend pas l'espagnol, raison pour laquelle il avait confié l'administration unique de Fornor SL à l'intéressé.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a annulé la cession de parts du 26 novembre 2015.

Sur la validité de la cession de parts du 2 novembre 2017

C'est par ailleurs à juste titre que les premiers juges ont annulé la cession, par la société Forfinance représentée par M. [K] en vertu du mandat annulé, de 1 400 parts de la société Fornor (et non Forfinance comme indiqué par erreur dans la décision) à lui-même le 2 novembre 2017, soit plus de deux ans après le mandat annulé, étant ajouté qu'aucun acquiescement à cette vente n'a pu intervenir de la part de la société Forfinance qui a constamment rejeté les virements effectués par M. [K] à l'exception établie d'un virement de 350 000 euros, alors que la présente procédure était en cours et qu'elle continuait de se prévaloir de la nullité des cessions intervenues.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a annulé la vente et, en conséquence de cette annulation, il convient de condamner la société Forfinance à restituer à M. [K] la somme de 350 000 euros versée en paiement du prix en cours de procédure.

Sur la responsabilité de M. [K]

La société Forfinance sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a dit que M. [K] avait engagé sa responsabilité envers la SARL Forfinance en exécutant déloyalement le mandat du 9 septembre 2015 à la date du 2 novembre 2017 et en ce qu'elle l'a condamné à lui payer une somme limitée à 7 500 euros en réparation de son préjudice. Elle fait valoir que celui-ci a également engagé sa responsabilité en spoliant le groupe dont il avait été salarié, le privant de dividendes pour les années 2017, 2018, et 2019, en lui occasionnant un préjudice 'réputationnel' à l'égard de ses clients et en percevant une rémunération élevée pour une société dont il avait spolié l'actionnaire majoritaire.

M. [K] estime quant à lui que le principe de réparation intégrale interdit toute indemnisation forfaitaire du préjudice comme l'ont fait les premiers juges, et que la société Forfinance, qui ne précise pas le fondement juridique de sa demande, n'établit pas la preuve d'un lien de causalité entre une faute qu'il aurait commise et le préjudice qu'elle allègue, outre qu'elle est irrecevable, pour défaut de qualité à agir, à invoquer à un préjudice résultant d'une prétendue concurrence déloyale alors qu'elle n'est qu'une société holding sans caractère opérationnel.

Ceci étant exposé, il doit être observé que, pas plus qu'en première instance, la société Forfinance ne précise le fondement juridique de sa demande, laquelle s'articule, d'une part autour des notions de détournement de clientèle, de concurrence déloyale et de manoeuvres frauduleuses et, d'autre part, autour de la notion de détournement de mandat.

S'agissant des premières, la demande repose implicitement sur l'article 1383 devenu 1240 du code civil, en vertu duquel tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il appartient donc à la société Forfinance de rapporter la preuve d'une faute, de son préjudice et du lien de causalité entre la faute et le préjudice.

La société Forfinance, qui est une simple société holding sans mission opérationnelle, se plaint du détournement déloyal, par M. [K], d'un client (Centrakor) de la société belge Import distribution appartenant au même groupe qu'elle mais qu'elle ne prétend pas représenter dans le cadre de la présente procédure.

Or ce détournement, à le supposer établi, n'est au surplus pas de nature à lui avoir occasionné un dommage personnel, de sorte qu'elle n'a pas qualité pour en réclamer réparation.

C'est donc à juste titre que les premiers juges n'ont pas retenu la responsabilité de M. [K] sur ce fondement.

S'agissant de la notion de détournement de mandat invoquée en second lieu, il convient de lui appliquer les règles de la responsabilité contractuelle.

En vertu de l'article 1134 du code civil dans son ancienne rédaction applicable au contrat de mandat litigieux, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, s'il est exact que le mandat du 9 septembre 2015 ne comportait aucune limitation de durée et n'avait été, à la date du 2 novembre 2017, ni révoqué ni été annulé par une juridiction, de sorte qu'il était susceptible d'être exécuté, son utilisation pour l'acquisition de la totalité des parts sociales de la société Fornor SL, à peine plus d'un mois après le licenciement de M. [K] de la société Forservices pour faute grave, était déloyale dès lors que, quel que soit par ailleurs le bien-fondé de ce licenciement, M. [K] ne pouvait ignorer, d'une part qu'il lui était reproché d'avoir organisé le transfert de 763 000 euros de fonds appartenant à la société Fornor vers sa société Imm Had qu'il détenait à 90 % et, d'autre part, que M. [Z] [I] [G], nouveau représentant légal de la société Forfinance, n'avait pas l'intention de lui céder les parts de la société Fornor SL, en dépit du mandat encore existant.

Il est en outre établi que la cession de la totalité des titres de la société Fornor SL ayant fait perdre à la société Forservices sa qualité d'associée, elle a perdu la faculté d'exiger, en cette qualité, le remboursement de l'avance en compte courant faite par la société Fornor SL à la société Imm Had et de voter, pour les exercices postérieurs à cette cession, la distribution de dividendes.

Le préjudice de la société Forservices résultant de l'exécution déloyale du mandat par M. [K] est donc établi dans son principe.

Cependant, alors que les premiers juges ont limité la réparation de celui-ci à 7 500 euros en l'absence de production d'éléments chiffrés justifiant sa demande de réparation à hauteur de 300'000 euros, la société Forservices ne démontre pas que la société Fornor SL aurait été en mesure de distribuer des dividendes à hauteur de 150 000 euros par an, ainsi qu'elle le prétend, la seule production des comptes annuels 2018 de cette société en langue espagnole n'étant pas de nature à éclairer la cour sur ce point.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qui concerne la réparation du préjudice subi par la société Forservices.

Sur les autres demandes

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et frais irrépétibles.

M. [Y] [K], qui succombe en son appel, sera tenu aux entiers dépens de celui-ci et condamné à payer à la société Forservices la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera par ailleurs débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la décision entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la société Forfinance à rembourser à M. [Y] [K] la somme de 350 000 euros versée en paiement partiel de la cession de parts sociales du 2 novembre 2017 et toute autre somme qu'elle aurait perçue à ce titre ;

Condamne M. [Y] [K] aux entiers dépens d'appel ;

Le condamne à payer à la Sarl Forfinance la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Le déboute de sa demande à ce titre.